La question des animaux de compagnie a toujours été très complexe pour le véganisme. Il va de soi que lorsqu’on est vegan par amour des animaux, l’adoption est une norme et l’animal est considéré comme faisant partie de la famille. C’est un être cher avec qui on partage sa vie et qu’on ne veut pas perdre. Il y a un lien, réel, concret, sensible, bref c’est une famille.
Du côté de ceux pour qui les animaux ne sont qu’un prétexte à la misanthropie, le pessimisme, etc., les animaux de compagnie ne sont que des individus devant vivre leur vie. L’animal devient un objet à repousser, tel un reflet inversé de la consommation massive de ceux qu’on appelle les « animaux de compagnie ».
Pour autant, on ne peut pas voir autrement que de manière très critique l’appel à une Journée mondiale de la lutte contre l’abandon, ce 29 juin. C’est la première initiative du genre, lancée par solidarite-refuges.com et animaux-online.com.
Solidarite-refuges.com est un site utile de mise en contact des refuges avec les personnes désireuses de les soutenir, mais c’est une initiative qui a un arrière-plan commercial. Elle est portée par l’entreprise Buena Media Plus, « spécialisée dans l’édition plurimédia de contenus relatifs à l’animal de compagnie ».
Ce n’est pas le pire des capitalismes, dans la mesure où le thème est vital et où tout est utile, mais ce n’est donc pas une initiative démocratique, par en bas. Ce n’est pas une initiative des refuges ou des grandes associations. C’est une initiative portée par une entreprise.
Et donc forcément cela déforme les choses dans le sens du capitalisme. Car la question animale est en effet un marché, si on rejette le véganisme et qu’on fait des animaux des marchandises.
Nous-mêmes à LTD recevons très régulièrement de beaux graphiques d’explications utiles pour aider les animaux, produits par diverses entreprises, notamment d’assurances pour animaux. Très gentiment, il est proposé que ces graphiques soient publiés… Une manière de pénétrer indirectement le milieu, en se la jouant utile, mais avec des arrières-pensées pragmatiques.
Il va de soi que de telles méthodes sont inacceptables. Elles sont manipulatoires, dans le sens où c’est la négation de la démocratie. Et elles sont un obstacle tant à la mobilisation la plus large qu’au développement de la libération animale.
Regardons maintenant le second signataire de l’appel, Animaux-online.com, qui consiste en le site de la rédaction du magazine 30 millions d’amis. Là encore, business is business, car le site appartient… à Buena Media Plus. Le magazine appartient en effet lui-même à Buena Media Plus !
Mentionnons au passage d’autres sites possédés par l’entreprise : Photos-Animaux.com, Eleveurs-Online.com, Cynofeli.com, Annonces-Animalieres.com, Furty.com, Tribus-Animaux.com. On l’aura compris, l’entreprise se veut le média dominant dans la question animale.
Et pour maintenir sa domination, on a donc une composante de Buena Media Plus et une autre composante de Buena Media Plus qui organisent une Journée mondiale de la lutte contre l’abandon… C’est inacceptable. Comment des associations très importantes – pas la peine de les citer, il ne s’agit pas de les critiquer en soi – peuvent-elles accepter cela ?
Il y a, bien entendu, la question des moyens. Les vegans ne mettant pas les pieds dans les refuges, à part des petites exceptions près, quand ils ne cherchent pas à faire les leurs en mode « sanctuaire pour individuEs » (comme 269, ce qui implique le rejet des autres refuges), il ne reste que des gens engagés avec un grand courage, une abnégation incroyable. Et comme il n’y a aucun moyen, on prend ce qu’on a…
Si l’on ajoute à cela un puissant isolement social dans une société indifférente aux animaux et un taux d’apolitisme quasi maximum (lié clairement à la prédominance quasi totale de femmes sensibles et courageuses mais sans réflexion sur la Cité), forcément…
Pour bien saisir cet arrière-plan, voici les propositions faites par les deux sites de Buena Media Plus. Ce n’est pas absurde, il y a un véritable effort de synthèse des revendications des associations et des refuges. Avec évidemment, des limites patentes, comme la protection des éleveurs et de leurs droits légaux sur les animaux, pour la reproduction…
Mais outre, donc, que cela n’a rien à voir avec le véganisme, le problème de fond est surtout que ce n’est pas le fruit d’un travail à la base.
C’est une action menée par en haut. Cela renforce l’absence de réflexion à la base, cela donne l’impression qu’il y a une réflexion, cela empêche de faire progresser le vivier des gens aimant les animaux, de les amener à s’organiser de manière meilleure, à saisir la question de la libération animale.
13 propositions pour lutter contre l’abandon des animaux de compagnie
A l’occasion de la première Journée mondiale contre l’abandon des animaux de compagnie, Solidarite-refuges.com et animaux-online.com proposent 13 mesures pour lutter contre ce fléau qui, chaque année, envoie derrière des grilles de refuges ou à la mort des milliers de chats et de chiens.
- Que la lutte contre l’abandon des animaux de compagnie devienne une cause nationale
- Qu’un recensement national et centralisé soit réalisé auprès de tous les refuges, fourrières et associations qui recueillent des animaux perdus et/ou abandonnés
- Que l’animal de compagnie soit considéré dans le droit comme une personnalité juridique non humaine.
- Que les commerces et organismes de vente d’animaux de compagnie soient contraints d’informer leurs acheteurs des risques encourus en cas d’abandon ou de maltraitance de leur animal.
- Que les contrôles soient renforcés pour les sites d’annonces de ventes et de dons d’animaux de compagnie (réseaux sociaux compris)
- Que les programmes scolaires de primaire sensibilisent les enfants à l’animal et à l’empathie envers les animaux
- Que des contrôles d’identification soient assurés et le manquement à cette obligation sanctionné afin de lutter contre les trafics et les abandons sauvages.
- Qu’un vaste plan de stérilisation des chats errants soit engagé au niveau national
- Que la stérilisation des animaux non destinés à la reproduction soit obligatoire.
- Que les villes soient dans l’obligation de soutenir par des subventions les associations qui recueillent les animaux abandonnés issus des fourrières (qui elles, sont rémunérées).
- Que les villes répondent toutes à l’obligation de fourrière (article L. 211-24 du code rural et de la pêche maritime). Aujourd’hui 1 commune sur 4 n’y répond pas.
- Que les Ehpad et autres établissements chargés de l’accueil des personnes âgées et dépendantes favorisent le maintien du lien avec l’animal en acceptant le résident et son animal.
- Que les villes développent des structures d’accueil temporaire des animaux de compagnie des personnes fragilisées hospitalisées (haltes canine et féline), en lien direct avec les services d’urgence (pompiers, Samu, etc).
Tout cela n’a rien d’étonnant dans la situation présente, où toute aide est bonne à prendre. Mais se mettre à la remorque d’une entreprise pour une telle initiative, c’est vraiment capituler sur toute la ligne quant à la possibilité d’une perspective concrète. C’est offrir à Buena Media Plus toutes les clefs : les données, la direction à suivre, la manière de voir les choses, de les exprimer, etc.
Même en admettant qu’on a besoin d’aide, là c’est véritablement un suicide sur le plan de l’autonomie des idées et de la structuration, sans parler de la question démocratique.