Le véganisme invisible et trompeur de Greta Thunberg

Pippi Långstrump (« Pippi longues chaussettes ») est une figure de roman très connu en Scandinavie et dans les pays germaniques. On la connaît en français sous le nom de Fifi Brindacier. A la base il s’agit de romans écrit par la Suédoise Astrid Lindgren, mais il y a une série télévisée et un dessin animé.

L’idée derrière Fifi Brindacier est très simple : le personnage a une mentalité à part et remet les adultes en cause.

Quand on connaît Fifi Brindacier, on comprend Greta Thunberg comme figure suédoise d’exportation. Et c’est assumé, puisque de temps en temps, on retrouve un petit drapeau suédois, comme lors de sa traversée de l’Atlantique.

Voici par exemple Greta Thunberg fière d’être la femme de l’année pour l’Expressen… qui est, avec l’Aftonbladet, un de ces horribles tabloïds comme on sait en faire dans le Nord de l’Europe. Un cauchemar beauf typique d’une société aseptisée pratiquant un nationalisme « light ».

Tout cela a son importance pour aborder une question fondamentale : le véganisme de Greta Thunberg. Imaginons en effet que vous pourriez vous adresser à des millions de personnes, des dizaines, des centaines de millions de personnes. Mettriez-vous en avant le véganisme ?

Il va de soi que si on considère le véganisme comme universel, alors évidemment la réponse est oui. D’ailleurs, même si on ne l’est pas, la question se pose inéluctablement, obligatoirement. Qui nie l’actualité du véganisme sort du 21e siècle.

Et pourtant, Greta Thunberg ne parle jamais du véganisme. Elle aurait pourtant l’occasion de le faire. Elle ne le fait cependant jamais. Elle ne parle pas non plus des animaux, jamais. Pourtant, on sait qu’elle est vegan, alors comment expliquer cela ?

En fait, l’enfer est dans les détails et on saisit tout à ce moment-là. Si l’on prend les images mises en avant sur les comptes Facebook, Instagram, Twitter de Greta Thunberg, on a surtout deux types de choses : soit Greta Thunberg elle-même, soit une foule rassemblée.

En de très rares occasions, pratiquement des anecdotes, il y a des allusions au véganisme. Attention, ces allusions ne sont visibles que par les vegans. Jamais Greta Thunberg ne parle d’elle-même du véganisme, ni d’ailleurs n’en parle tout court. Si on lui demande si elle est vegan elle dit oui, pour des raisons éthiques, écologiques, etc. Mais elle ne précise jamais ce que cela veut dire, ne parle jamais du contenu de son véganisme et elle ne parle jamais des animaux.

Prenons ainsi Greta Thunberg dans un train avec son lunch. Elle ne dit pas que son lunch est vegan. Elle ne le précise pas – l’équipe filtrant ses messages fait exprès de ne pas le préciser. Pourquoi ? Parce que cela serait « diviseur ».

Mais il y a une allusion. L’œil curieux du vegan – surtout nordique, on est au début de sa carrière – verra forcément le « vegansk salat » à gauche au premier plan.

Created with GIMP

Sur cette photographie, Greta Thunberg refait une pancarte. En hashtag on a #rescuedog. Il ne sera vu que par les vegans, qui apprécieront… alors que cela ne veut rien dire en soi. Mais c’est un « signe ».

En cherchant bien on peut trouver une référence – une seule – à quelque chose d’ouvertement lié au véganisme. Greta Thunberg visite ainsi un sanctuaire aux États-Unis, le Happily Ever Esther Farm Sanctuary. On a des hashtags engageant, une expression de contentement… mais strictement aucune référence au véganisme dans le texte. Là encore, on se contente de « signes »… destinés à ceux qui les verront.

Ici, Greta Thunberg visite le Centre d’Interprétation des Mammifères Marins, où l’on peut admirer les baleines du Saint-Laurent. Il y a un remerciement, mais sinon strictement rien, aucun engagement. Il n’y a même pas un semblant d’appel à protéger les animaux, l’océan, etc.

On l’aura compris, le véganisme mis en avant par Greta Thunberg est réduit à quelque chose d’individuel. Faut-il y voir quelque chose de mal ? Oui, car c’est une stratégie marketing, comme le montre l’image suivante.

Le coup du t-shirt « Sea Shepherd » discrètement mis en avant, mais juste suffisamment pour être reconnu des seuls connaisseurs, est flagrant. C’est bien une démarche calculée.

Ce que cela signifie, c’est que la manière qu’a Greta Thunberg – comme figure médiatique, produit marketing d’une équipe organisée, etc. – de mettre en avant la lutte pour la planète, implique le rejet du véganisme à une sorte d’arrière-plan individuel plus que secondaire.

Maintenant on peut faire comme « Extinction Rébellion » et considérer que c’est juste. Greta Thunberg a comme figure écologique donné un grand coup de pouce aux débuts de ce mouvement.

Si toutefois on considère le véganisme comme incontournable, alors c’est très mauvais. Car non seulement Greta Thunberg ne parle pas du véganisme, mais surtout elle prétend qu’on peut changer les choses sans le devenir.

On se retrouve ici dans la même situation qu’avec Sea Shepherd, puisqu’on trouvera beaucoup de sympathisants à cette association, la soutenant totalement… mais ne voyant même pas le rapport direct avec le véganisme. Pour eux ce sont deux choses séparées.

Qu’on ne puisse pas reprocher directement aux gens ayant défilé à l’occasion de la grève du 5 décembre 2019 de ne pas être vegan… soit, le rapport direct n’est pas évident pour qui n’a pas réfléchi à quel point tout est lié.

Mais qu’on parle de la planète et qu’on mette à l’écart le véganisme… tout en sachant ce que c’est, voire en l’étant, comme Greta Thunberg… ce n’est pas une erreur, c’est une faute, et même une attaque contre le véganisme.

Si on ajoute à cela les allusions au véganisme, savamment dosées dans un esprit marketing, là on est carrément dans l’inacceptable.

Il n’est pas difficile de deviner ici qu’on a un esprit, très « suédois », de refus de diviser, de heurter, un côté très prix Nobel. Ce n’est pas avec cela qu’on change le monde.

Encore moins quand on pense que la scène vegan straight edge suédoise du début des années 1990 était massive et que toute la jeunesse suédoise savait de quoi il en retournait.

Tous ces gens qui découvrent le véganisme et la défense de la planète en s’imaginant qu’il n’y avait rien avant eux desservent la cause. Ils s’imaginent en phase, être les premiers alors qu’ils sont en retard – tout comme l’écrasante majorité de l’humanité.