L’ambiance est morne et parfois elle est même humainement très glauque. La foi du converti, les illusions de succès rapide, l’engouement important mais souvent passager, l’occupation du terrain médiatique… tout cela a tourné la tête de beaucoup de monde agissant sur le terrain de la cause animale, et les lendemains sont affreux.
Affreux, car on s’aperçoit que rien n’a été construit, qu’aucune culture n’a été développée, que somme toute les gens s’en foutent autant qu’avant. Ok, il y a des vegans. Cela s’arrête là. La mode est passée et l’intégration des protestataires a été impeccable au moyen de produits dans les supermarchés et de restaurants.
Pour les plus revendicatifs, il y a éventuellement quelques happenings-témoignages dans une ambiance « noir c’est noir » ou bien, pour les plus agités, quelques sabotages à mener. Cela en reste là. Sans lendemain.
C’est la fin de toute une vague qui a prétendu être ce qu’elle n’a jamais été : une révolution. C’était une prise de conscience, avec retard : le véganisme date des années 1990, tout de même ! Mais les gens le découvrant en France dans les années 2010 ont imaginé tout savoir, tout comprendre, tout mieux faire. C’est très français, finalement.
Ils ont vendu du rêve, aspirant de nombreuses forces captées par le rêve de réussir rapidement et sans trop d’effort. Las, c’est la fin des illusions. Aux prétentions de victoire succède la triste déchéance : les rêves sont vendus à la découpe.
269 Libération animale a par exemple utilisé énormément de ressources humaines, en arguant que la « désobéissance civile » serait la voie royale pour faire tomber le « spécisme ». Stratégie suicidaire pour qui connaît l’histoire de la libération animale… Mais de très nombreuses personnes sont tombées dans le panneau.
Il y a donc eu des premières actions, profitant des réseaux sociaux et des médias pour asseoir un certain prestige. Nombre d’activistes se sont précipités pour cette lutte clef en main, avec également une pression psychologique allant jusqu’au fanatisme. On parle tout de même ici de 350 personnes qui, en 2017, se font marquer au fer rouge le nombre 269 sur leur peau…
269 Libération animale a donc bloqué de nombreux abattoirs en France, sauvant même des animaux. Sauf qu’à un moment, évidemment, cela ne marche plus : quand on agit légalement, à ciel ouvert et même en prenant des précautions, à un moment l’État siffle la fin de la récréation.
269 Libération animale a donc pris les noms des participants aux blocages, afin de parer à des procès des seuls responsables de l’association… Puis, comme cela ne marchait plus, a élargi le périmètre, profitant de son aura. Il y a eu les mêmes actions en Espagne, en Italie, en Suisse, en Belgique.
Puis, bien entendu, la fenêtre de tir s’est fermée. La petite opinion publique activiste consommatrice s’est lassée de l’absence de proposition concrète et s’est détournée, laissant 269 Libération animale passer de la désobéissance civile à la gestion d’un sanctuaire d’ « individus » animaux sauvés, tout en cherchant à parer aux coûts et surtout aux dettes des multiples procès leur tombant dessus pour les actions.
Finies, les grandes ambitions de renverser pas moins que l’industrie spéciste. Des énergies énormes ont été siphonnées pour ça.
Il en va de même pour le Parti animaliste. Officiellement, les ambitions restent importantes.
Et le Parti animaliste maintient, en apparence, sa ligne initiale de « ni droite ni gauche ».
Ce n’est qu’apparence, car en réalité, le Parti animaliste s’est alliée à Europe Ecologie Les Verts à Paris, Grenoble et Montpellier (dans cette dernière ville EELV vient tout juste de finalement ôter son soutien à la liste unitaire de la tête de liste). C’est donc plutôt un « et gauche et droite » en version centriste et cela va toujours plus se renforcer comme tendance, de par la nature du Parti animaliste.
Sa démarche est en effet purement une fin en soi et à proprement parler ignoble. Sur son Facebook, le Parti animaliste racole à fond sur le malheur des animaux, pour faire pleurer Madeleine. C’est systématique et cela s’appuie sur n’importe quel fait divers horrible dont parlent les médias. Puis dit : voter pour nous on va améliorer les choses. Et comment ? En accompagnant on ne sait trop quoi.
Tout en ayant une prétention énorme. Hélène Thouy, co-fondatrice et co-présidente du Parti animaliste, ose dire la chose suivante dans une interview à Libération :
« Notre objectif initial était de sortir la cause animale du flou dans lequel elle était et du désintérêt dont elle faisait l’objet. De ce point de vue-là, c’est plutôt une avancée. »
L’approche est typique du Parti animaliste, qui vise à phagocyter ou à s’approprier ce qui existe. C’est systématique. Le Facebook parle par exemple parfois de la chasse à courre, mais omet bien entendu de parler de l’association d’AVA, pourtant plaque tournante de l’opposition à cette pratique odieuse, alors qu’en plus il y a des gens du Parti animaliste qui y participent.
C’est que le Parti animaliste s’imagine la Cause elle-même. Comme le montre cette image infâme où on fait un cadeau aux animaux… en donnant de l’argent au Parti animaliste. Ben voyons.
Entendons-nous bien : il ne s’agit pas d’une critique gratuite. Il s’agit de dénoncer le mensonge. Le Parti animaliste vend du rêve, alors que ses fondements sont un vague réformisme, d’où la soumission à Europe Ecologie Les Verts, dont il va servir d’appendice « animaliste ».
Prenons l’expérimentation animale. Le Parti animaliste ne l’attaque pas, mais prône l’accompagnement vers sa disparition :
« Le Parti animaliste souhaite que les moyens matériels et humains soient mis en place au plus vite pour que la recherche expérimentale sur animaux évolue vers des méthodes modernes. »
Prenons également ce qui est dit dans « La honte de la mise à mort par claquage des porcelets chétifs », une tribune dans Libération de Yaël Angel, docteur en droit, documentation technique du Parti animaliste (donc, pas n’importe qui au Parti animaliste).
Cela date de fin décembre 2019. On y lit :
« L’alternative réside dans de meilleures conditions d’élevage, répondant aux impératifs biologiques des animaux. Les truies de l’élevage intensif sont issues de croisements destinés à faire naître plus de porcelets à chaque portée. La succession des portées et les conditions d’élevage misérables épuisent les truies, ce qui aboutit à une forte proportion de porcelets chétifs. Les éleveurs doivent offrir aux truies une vie saine : moins d’inséminations, un espace en plein air où elles pourront fouiner le sol, faire un nid pour leurs petits, et ainsi donner naissance à des porcelets d’un poids «normal». »
C’est dit noir sur blanc : il faut « de meilleures conditions d’élevage ». Voilà l’accompagnement proposé par le Parti animaliste. Et la mise à la disposition d’EELV fait que cela ira toujours plus dans cette direction.
Le vrai but, conscient ou inconscient, des dirigeants du Parti animaliste, ce sont des strapontins ministériels d’un gouvernement centriste.
Il faut bien comprendre que la question n’est pas de discuter de la sincérité, mais de l’impact d’une action. Beaucoup de gens veulent bien faire pour les animaux… Cela tourne parfois en catastrophe, parce qu’il n’y aucune analyse de fond et une précipitation telle que cela tombe dans la corruption sans même le remarquer.
C’est vraiment flagrant pour Aymeric Caron, dont nul ne peut remettre en cause la sincérité. Seulement voilà, lui aussi s’est imaginé que rien n’existait avant son propre véganisme. Il a été médiatiquement mis en avant, puis est passé à la trappe.
Il a vendu du rêve… puis plus rien. Le parti qu’il a fondé, le REV – Révolution Écologique pour le Vivant, s’est ainsi également mis sur orbite, non pas d’EELV comme le Parti animaliste, mais de La France insoumise, pour la liste « Décidons Paris ».
Terrible capitulation pour un mouvement prétendant tout révolutionner, mais qui n’a pas été en mesure de se présenter aux européennes de mai 2019, le Parti animaliste y faisant par contre 2,2 %. Il a donc fallu, pour exister au moins quelque part électoralement – car là on parle d’élections – se fondre dans le moule.
Logiquement, la tête de liste de « Décidons Paris » dans le 14e arrondissement sera la vice-présidente de REV – Révolution Écologique pour le Vivant, Lamya Essemlali (également présidente de Sea Shepherd France et de Rewild, qui lutte contre le trafic d’animaux).
Tout ça pour ça ? C’est une plaisanterie. La cause animale comme appendice électorale de partis n’ayant rien à faire des animaux ? C’est une mauvaise blague. Surtout que derrière, Marine Le Pen s’empressera de faire de la démagogie au sujet des animaux, et que donc rien ne servira à rien, car cela sera simplement de la poudre aux yeux pour que les gens voulant y croire y trouvent leur compte.
Mais que faire, alors ? Quelle est la solution ?
La solution est très simple. Défendre les animaux exige qu’on sache les aimer. Il faut donc mettre en valeur la Nature, la vie animale. Il faut l’étudier (sans déranger!), en parler, la célébrer. Et le premier pas, inévitable, celui qui décide de tout, c’est de soutenir les refuges. Mobiliser pour les refuges est la condition obligatoire de tout travail vegan.
Non pas pour s’en vanter – au contraire, il ne faut pas tout mélanger, cela doit rester un travail à mener à côté, un soutien concret, mais anonyme. C’est un devoir moral, un devoir affectif envers ceux qu’on aime et qui méritent notre dévotion, et aussi une éducation.
De cette dévotion et de cette éducation, on tire une culture, et là on trouve les voies pour agir, mobiliser, coordonner, lutter, diffuser l’utopie nécessaire.
Il y a trois critères pour déterminer si cela va dans le bon sens : le naturalisme, les refuges, la dévotion. S’il n’y a pas cela… alors les animaux sont un thème récupéré à des fins misanthropes, nihilistes, électoralistes, ou autre.