Depuis plusieurs années, il y a des gens qui disent que la
convergences des luttes est la clef pour que le véganisme se
développe. Il est vrai que ces gens-là ont en fait pratiquement
disparu et justement ce n’est pas pour rien, alors il faut bien le
constater.
Au sens strict, le moment où cette tendance a commencé à
exister, c’est avec la formation du Nouveau Parti
Anticapitaliste, en 2009. Pendant toute l’année 2008 il y a eu
des comités pour débattre des idées de la future organisation.
Comme le véganisme avait commencé à s’élancer en France depuis
quelques années, il y a eu des gens disant qu’il y avait un espace
pour diffuser des idées, que forcément des gens voulant fonder un
« NPA » allait s’y intéresser.
Cela n’a pas du tout marché, mais l’idée est restée et à
partir de ce moment-là, il y a eu des gens pour chercher une
convergence des luttes. Cela se déclinait de manière très
différente, cela allait d’un drapeau en manifestation à des
tentatives plus structurées de faire passer le message. Le pic fut
d’abord Nuit Debout à Paris, puis la fondation du mouvement de La
France Insoumise, Jean-Luc Mélechon jouant même le jeu
symboliquement pour ratisser le plus largement possible.
Puis la tendance a décliné, se résumant à un slogan écrit sur
un mur pendant une manifestation, ou bien le port d’un drapeau.
Enfin, malgré l’opposition prolongée à la réforme des
retraites, ou à cause de celle-ci, il n’y a plus rien eu.
La photographie suivante, heureusement assez obscure pour ne pas avoir à la flouter, est représentative de la fin de cette idée. Car celui qui a mis en ligne cette image, avec ce commentaire horrible, c’est Laurent Brun, secrétaire Général de la Fédération CGT des Cheminots.
C’est quelqu’un qui prône la lutte, jusqu’au bout. Il est
engagé depuis deux mois lorsqu’il poste cette image et ce
commentaire. Il n’est pas isolé, il n’est pas à l’écart de
la lutte des idées. Il exprime sa culture de manière tout à fait
consciente.
L’erreur de fond, dans cette idée de « convergence des
luttes » favorable au véganisme qui a de toute façon échouée,
c’est de penser deux choses. La première, c’est qu’il y aurait
un spécisme équivalent du racisme, du sexisme, de plein
d’oppressions « systémiques ». Il y aurait des
dominations flottant au-dessus de nos têtes à déconstruire.
Quelqu’un qui se « déconstruit » basculerait alors
logiquement dans l’antispécisme, dans la panoplie « anti ».
Sur le papier, c’est cohérent, sauf que la société humaine
s’est construite sur le tas et pas par en haut avec des gens se
disent : tiens, si on y opprimait les animaux ? Comme si
les conquistadors s’étaient posés la question de massacrer les
gens dans le continent « découvert ».
La seconde erreur est liée à la première. C’est qu’être
vegan, c’est déjà une rupture. Mais le rester, c’est encore
plus une rupture. Tout cela exige une certaine discipline
personnelle. Or, le principe de la convergence des luttes, tout comme
d’ailleurs de l’anarchisme, c’est que personne n’est
responsable de rien. C’est on se lance, on discute, on agit, on
discute, bref on s’engage et puis on voit.
Qu’une lutte fasse qu’on ait une conscience sociale plus
élevée, soit. Mais le véganisme n’est pas une idée, c’est une
éthique. Quelqu’un qui devient vegan sans aimer les animaux ne le
restera pas. Ce qui fait qu’on devient vegan, qu’on le reste,
c’est qu’on relève de toute une culture. Une orientation
purement intellectuelle vers le véganisme est fictive, elle ne tient
pas, au premier vrai choc, elle s’effondre.
C’est ce terrain friable qui fait que les gens qui ont essayé la « convergence des luttes » n’ont abouti à rien, aucun bilan n’en est ressorti, rien n’en a été tiré. Il doit bien y avoir des rencontres entre les luttes justes. Mais ce ne sont pas que des idées… ce sont des choses portées par des gens, très concrètement. C’est ainsi par la culture que tout se transmet.