L’Office français de la biodiversité, en réalité l’Office français du paysage

Le premier janvier 2020, il y a eu la fusion de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, pour former l’Office français de la biodiversité. Emmanuel Macron a tenu le 13 février 2020 un discours d’une heure pour en présenter les contours, comme aboutissement d’un « Conseil de défense écologique » s’étant réuni trois fois depuis mai 2019.

Le logo de l’Office français de la biodiversité,
aux couleurs écologistes classiques, mais un peu étrange car logiquement le bleu de l’eau – et non du ciel – est placé sous le vert de la terre

Emmanuel Macron n’a toutefois pas tenu qu’un seul discours le 13 février 2020. Il en a fait un autre « sur la biodiversité et la protection du Mont Blanc », qui a duré une petite demi-heure.

Regardons d’abord ce qu’a dit Emmanuel Macron « à l’occasion du lancement de l’Office français de la biodiversité ». Ou regardons plutôt ce qu’il n’y a pas. Il y a en effet quelque chose de tout à fait significatif. Le mot animal, au singulier ou au pluriel, ne revient qu’une seule fois, alors que le mot « espèce » revient 12 fois.

On dira, c’est logique puisqu’on parle de « biodiversité » et pas des animaux ; Emmanuel Macron n’est pas en faveur du véganisme et de l’amour des animaux. Il veut préserver les espèces comme on protège un coffre-fort. C’est vrai.

Toutefois, on trouve le réchauffement climatique tout autant mentionné que les espèces. C’est même son axe central. Toute l’orientation de son discours va dans le sens du « soutenable ». Et lorsqu’il parle réellement, au sens strict, de la question de la biodiversité en soi, c’est pour parler d’un :

« objectif de protection de 30 % de la surface de la planète et donc d’avoir des aires protégées – qui sont des aires de liberté, si je puis dire, du vivant »

Il faut voir que cela implique que 70 % de la planète ne sera pas protégée ! Emmanuel Macron raconte d’ailleurs que la fibre c’est super pour…

« recréer de l’activité économique, industrielle, du travail au plus près de l’endroit où on habite »

L’écologie, c’est somme toute souhaitable, mais dans la mesure du possible, et simplement pour un développement soutenable. Emmanuel Macron a d’ailleurs parlé du prix du « porc », des éleveurs qui sont merveilleux car ils travaillent H24 en présence des animaux et pour le bien de ces derniers, du manque d’organisation de la « filière bovine », etc.

Quel rapport avec la biodiversité, mystère ! À moins de saisir que par biodiversité, il entend la diversité des ressources naturelles. Et c’est très précisément le cas. Il reprend d’ailleurs la théorie du 70 %-30 % pour l’appliquer à la France. Cela donne la chose suivante :

« A horizon 2022, 4 nouveaux parcs naturels régionaux — Mont Ventoux, Doux Horloger, Baie de Somme- Picardie maritime et Corbières Fenouillèdes — seront mis en place et 20 réserves naturelles nationales.

La Polynésie a créé une aire marine gérée de 5 millions de kilomètres carrés, Tainui Atea, qui pourrait à terme, si la Polynésie le souhaite et ça fait partie des échanges que j’aurai en avril prochain sur place, devenir elle aussi une aire protégée.

Tout cela, c’est le chemin que nous allons parcourir dans les deux années à venir pour tenir l’objectif que nous nous sommes donnés à nous-mêmes : protéger 30 % du territoire national, terrestre et maritime, dont un tiers à un niveau élevé de protection d’ici la fin du quinquennat. »

Tout cela sonne très bien. Encore faut-il s’entendre sur ce qu’on entend par parc naturel. Car, dit comme cela, on s’imagine un lieu où la Nature existe en-dehors de l’humanité. Sauf que ce n’est pas le cas du tout ! Ainsi, la commune de Saint-Quentin-en-Tourmont est certainement très sympathique. Mais elle fait partie du parc naturel de la Baie de Somme- Picardie maritime, comme 133 autres ! Le parc naturel du Mont Ventoux concerne pareillement 39 communes, etc.

Et, s’adressant aux responsables de l’Office français de la biodiversité, Emmanuel Macron a dit la chose suivante :

« Vous êtes une police rurale de la nature, de la chasse, de la pêche, une police de tous les usages de la nature. (…)

Nous devons tout remettre à plat. A terme, vous aurez ces fameux 30 % du territoire à protéger, 10 % sous protection forte. C’est dire l’importance de votre rôle à cet égard, non seulement pour préserver la biodiversité, mais pour préserver les paysages de France, cette qualité de vie qui fait le rayonnement de notre pays. (…)

Vive la nature, vive la République et vive la France ! »

On a ici la clef pour tout comprendre, avec le mot « paysage ». Les Français rejetant la Nature, ils ne peuvent concevoir « l’environnement » que par l’intermédiaire du concept de « paysage ». C’est ici la prédominance de la conception cartésienne, de la prétention au « libre-arbitre » au-delà de la Nature, bref c’est l’anthropocentrisme sur toute la ligne.

Pas la Nature, mais « l’environnement » par l’intermédiaire du concept de « paysage »

Dans le second discours, moins destiné à des « professionnels » et ayant comme prétexte le Mont Blanc, Emmanuel Macron dit d’ailleurs que :

« Le constat est évidemment celui d’un fort déclin de la biodiversité, mais rattrapable si un sursaut immédiat et une action dans la durée sont conduites. »

Tout est dit. Car bien sûr que c’est « rattrapable », mais par la Nature elle-même, pas en forçant par en haut, en s’imaginant tout contrôler. Il faut que l’humanité anéantisse ses prétentions et même littéralement son ego, pour céder la place à Gaïa comme système.

Il en est bien entendu hors de question pour la quasi totalité des gens… Alors qu’en même temps, cette nécessité est perçue comme la seule réelle option à l’arrière-plan. Les gens nient la Nature, mais ne peuvent pas ne pas savoir que le retrait de l’humanité par rapport à elle est inévitable.

Rien qu’avec le Mont Blanc, d’ailleurs, on le voit bien. Emmanuel Macron peut-il stopper le réchauffement climatique ? Non. L’autre grand thème local, dont il a été obligé de parler en passant, est celui de la Vallée de l’Arve, un bastion mondial de la pollution. Peut-il la supprimer ? Non. Il peut simplement faire en sorte de mettre à l’écart les camions les plus polluants.

Mais cela ne changera rien, car c’est à l’échelle mondiale que cela se joue, et avec tout ou rien. L’humanité doit cesser entièrement son anthropocentrisme, elle doit cesser de croire qu’elle est comme « maître et possesseur » de la Nature alors qu’elle n’est qu’une composante… Qui doit être à son service.

Le seul avenir de l’humanité, c’est dans sa soumission à Gaïa et son identification à son utilité pour elle.

Pas de compromis dans la défense de notre mère la Terre !