Le thon rouge disparaîtra-t-il en 2022?

Hier à Paris se sont terminés dix jours de négociation – à huis-clos – des représentants des 48 Etats pratiquant la pêche du thon rouge et regroupés au sein de la Commission internationale pour la Conservation des thonidés de l’Atlantique.

Il s’agissait de décider du nombre de tonnes de « cadavres » de thons rouge; cette année le chiffre « autorisé » était de 13.500 tonnes, l’année prochaine il sera de… 12.900 tonnes. Soit pratiquement aucune différence, alors que les réformistes écologistes demandaient un abaissement de moitié au minimum!

Nous publions justement ici la position de Greenpeace, qui est obligée de reconnaître la faillite de sa politique, dont le fond est pourtant simplement de dire: « Lorsqu’il n’y aura plus de thons à pêcher, il n’y aura plus de pêcheurs. » On pourrait dire de même du WWF, qui avait les mêmes exigences, afin de défendre les « stocks » de l’avenir…

Tout cela est bien naïf, quand on constate les intérêts en jeu. Il faut savoir en effet que si le Comité français national des pêches est satisfait de ces négociations (la raison l’aurait emporté!), la France pratique allégrement le dépassement de ses quotas autorisés (théoriquement la France serait dans l’obligation d’abaisser de 1500 tonnes son quota des deux prochaines années).

Et il y a en fait un gigantesque marché noir du thon, un marché de plusieurs centaines millions d’euros chaque année (on peut consulter ici une présentation en anglais de ce marché noir).

C’est cela qui fait que la commissaire européenne à la Pêche Maria Damanaki, qui exigeait un abaissement à 6.000 tonnes, a rectifié le tir pour se montrer bien plus en accord avec les décisions prises…

Résultat, au nom de l’exploitation animale sans limites (et par définition il ne saurait y avoir de « limites »), le thon rouge a de grandes « chances » de disparaître à l’horizon 2022…

Iccat : échec sur toute la ligne (Greenpeace)

La réunion de l’Iccat à Paris vient de s’achever et le quota de pêche au thon rouge alloué pour l’année prochaine est de 12 900 tonnes. Un résultat déplorable dans la mesure où ce chiffre ne laisse qu’environ 30 % de chance au stock de se reconstituer d’ici à 2020, alors que la communauté internationale s’est engagée à ce que tous les stocks de poissons soient exploités de façon durable à cette date, lors de la Convention internationale sur la biodiversité de Nagoya.

C’est un signal extrêmement négatif que l’Iccat vient d’envoyer. Une nouvelle fois, les délégations ne se sont pas préoccupées d’assurer la sauvegarde d’une espèce emblématique et menacée. En adoptant un quota de pêche pour 2011 pratiquement égal à celui de cette année, l’Iccat démontre que seul prime l’intérêt économique à court terme de la pêche industrielle.
Ce cas très concret du thon rouge montre que les engagements internationaux, tels celui de Nagoya ou la directive européenne sur la stratégie marine, ne sont pas appliqués.

Bruno Le Maire et les pêcheurs français sortent perdants

Depuis le début des négociations, la France, par la voix de son ministre de l’Agriculture et de la Pêche, Bruno Le Maire, a défendu une position maximaliste sur le quota global de pêche au thon rouge. Elle a entraîné avec elle toute l’Union européenne. La France espérait ainsi se voir accorder un délai pour le paiement de sa dette : 1 500 tonnes de poisson à retirer de son quota en 2011 et 2012. Ce remboursement fait suite au dépassement de quota de plus de 100 % dont se sont rendus coupables les thoniers français en 2007.

Cette demande française a été rejetée. Cela signifie que sur les 2 500 tonnes de quota français pour 2011, les thoniers ne seront autorisés à pêcher « qu’environ » 1 000 tonnes de poisson.

Greenpeace estime que ces 1 000 tonnes devraient être allouées en priorité aux pêcheurs artisanaux, et non aux thoniers senneurs, la pêche industrielle étant seule responsable des dépassements de quotas en 2007.

Avec cette stratégie perdante dans laquelle s’est enfermé Bruno Le Maire, non seulement la France trahit l’engagement pris à Nagoya, et ne laisse ainsi qu’une très faible probabilité au stock de se reconstituer d’ici à 2020. Mais les pêcheurs, à qui le ministre « voulait penser en priorité » ne sont pas satisfaits !

Si la France avait dès le départ défendue une baisse du quota et une fermeture de la pêche à la senne, tous les pays pêcheurs aurait été dans la même situation, la ressource aurait été préservée et un conflit avec la Commission européenne évité. Aujourd’hui les pêcheurs français sont les seuls à rester à quai et l’espèce est toujours en mauvaise posture.

Les négociations sur la pêche au thon rouge se sont réduites à des discussions de marchands de tapis autour de chiffres et de calculs de probabilité. Il n’a jamais été question de protection d’une espèce.