La conception dénaturée de l’animal-machine

Voici un extrait du livre de Charles Patterson, Un éternel Treblinka.

La question abordée est très importante pour nous en France: c’est celle de l’animal-machine. Cette conception dénaturée au possible vient surtout de Descartes, et elle est extrêmement présente dans la pensée des gens en France.

Par conséquent, si on ne la renverse pas, alors on ne peut pas faire triompher la libération animale… Mais cela veut dire forcément alors qu’on doit assumer la libération de la Terre, parce que considérer l’animal comme une machine est précisément une conception dénaturée…

Impossible de faire avancer le véganisme en France sans voir cela: la France anti-écologiste et la France anti-vegan, c’est une seule et même France, c’est celle de Descartes…

Au début de l’ère moderne, l’idée de l’homme au sommet de la création était le point de vue dominant. « L’homme, si nous cherchons les causes finales, peut être considéré comme le centre du monde, attendu que si l’homme était retiré du monde, le reste semblerait à l’abandon, sans but ni projet » écrivait Francis Bacon (1561-1629).

Dans cette vision humano-centrique, les animaux étaient faits pour l’homme, chacun créé spécifiquement pour servir un but humain. Les singes et les perroquets étaient « destinés à faire rire les hommes » alors que les oiseaux chanteurs étaient créés « exprès pour divertir et charmer l’humanité. »

La tentative la plus téméraire pour élargir le fossé entre humains et animaux fut une doctrine mise en avant à l’origine en 1554 par un médecin espagnol, mais formulée indépendamment et rendue célèbre à partir de 1630 par le philosophe et homme de science français René Descartes.

Cette doctrine, développée et élaborée davantage par ses successeurs, déclarait que les animaux n’étaient que de purs et simples machines ou automates, pareils à des horloges, capables d’avoir un comportement complexe, mais totalement incapables de parler, de raisonner ou même, selon certaines interprétations, d’avoir des sensations.

Les successeurs de Descartes soutenaient que les animaux n’éprouvaient pas de douleur et que leurs cris, leurs hurlements, leurs contorsions n’étaient que des réflexes externes, sans lien avec une sensation interne.

Élargir à ce point le fossé entre l’homme et l’animal fournissait de loin la meilleure rationalisation jamais entendue en faveur de l’exploitation humaine des animaux.

Non seulement le cartésianisme absolvait Dieu de l’accusation de l’accusation de causer injustement de la douleur à des animaux innocents en autorisant les hommes à les maltraiter, mais il justifiait aussi l’ascendant des hommes sur eux et les libérait, comme dit Descartes, « de tout soupçon de crime, si souvent qu’ils mangeassent de la viande ou tuassent des animaux. »