Le point sur la situation à Fukushima

Hier, nous parlions de Pripiat et Tchernobyl, villes désertées par les humains. Mais il ne faut pas pour autant penser que la contamination n’est pas clairsemée. Voici par exemple la contamination en césium 137 de la zone autour de Tchernobyl.

Au sud, on trouve l’Ukraine, à l’Est la Russie et au Nord la Biélorussie (le Bélarus).

Voici maintenant une carte plus large, montrant les zones « impactées. »

Maintenant, la même chose au niveau mondial.

Si l’on revient au Japon, on peut voir que les containers maritimes évitent désormais les ports de Tokyo, Yokohama et Nagoya, par peur de voir les navires être irradiés et bons pour la casse.

Si on regarde le césium 137, on peut voir que le Professeur Hiroaki Koide de l’Université de Kyoto constate une chose simple : lors de Tchernobyl, une contamination de 550 000 Bq/m2 amenait l’évacuation de la population.

Or, Iitate qui est un village à 40 kilomètres de Fukushima connaît des chiffres effarants pour le césium 137 : 3 260 000 Bq/m2 !

La solution préconisée est l’instauration de zones non habitables administrées par l’État. Ce qui signifie ni plus ni moins l’état d’urgence.

Et malheureusement, au rythme où vont les choses, il y a une possibilité très nette que la situation de catastrophe pousse à des mesures extrêmes de la part de l’État japonais, qui pour l’instant calme le jeu autant que possible, en mentant à la population quant à la gravité.

Les médias ici ont eu beau jeu d’expliquer que les gens au Japon restaient stoïques, alors qu’en vérité on leur mentait sur toute la ligne, et que justement cela commence à ne plus prendre !

Car les chiffres parlent de plus en plus d’eux mêmes. On a détecté la présence d’iode 131 dans 13 préfectures sur 47, ainsi que du césium 137 dans 6 préfectures.

Et on est tellement dans une situation hallucinante qu’on a pu assister à une scène hallucinante : les responsables de Tepco ont expliqué qu’ils s’étaient « trompés » et que les fuites d’eau radioactives (dont nous avons parlé il y a deux jours) n’étaient pas un million de fois plus radioactif que la normale mais seulement 100 000 fois.

Doit-on penser que les ingénieurs mentent ici pour calmer le jeu, ou bien se sont vraiment trompés ? Dans les deux cas, c’est aussi fou que les personnes travaillant à la centrale se retrouvant à patauger dans cette eau avec des bottes en plastique !

Le résultat a d’ailleurs été au moins trois personnes irradiées, dont deux grièvement, avec au niveau des pieds une dose entre 2 à 6 sieverts (le niveau d’1 sievert est déjà preuve de grande irradiation, le niveau de 6 sievert est totalement mortel). Officiellement ils sont censés sortir de l’hôpital déjà aujourd’hui…

Et l’explication de Tepco est incroyable également : l’entreprise a expliqué que les personnes mesurant la radioactivité n’ont en fait pas pu mener de seconde mesure jusqu’au bout car… ils ont dû partir au plus vite !

Et Tepco n’a initialement pas donner de nouveaux chiffres, ce n’est qu’après qu’il a été expliqué qu’il y avait eu un décalage dans les chiffres !

Mais il ne faut pas s’étonner de cela ; on ne saura jamais la vérité précisément ici, sauf en cas de catastrophe généralisée. Il est ainsi incroyable qu’on apprenne maintenant, et encore en cherchant bien, qu’il y aurait, comme l’affirme Minoru Ogoda de l’Agence de la sureté nucléaire et industrielle japonaise (NISA) cent tonnes d’eau radioactive dans chacun des réacteurs !

Et même, depuis samedi, c’est cette eau qui est « prioritaire » pour Tepco qui espère arriver à la pomper.

Mais alors pourquoi expliquer de l’autre côté qu’on ne saurait pas d’où vient cette eau contaminée ? Qu’elle ne viendrait pas forcément d’une rupture dans un réacteur ou plusieurs réacteurs ?

D’ailleurs, Dominique Leglu directrice de la rédaction de Sciences & Avenir a rendu public un document d’Areva Allemagne concernant la situation à Fukushima.

Elle y constate que les problèmes ne concernent pas en priorité un réacteur, mais carrément deux :

Dimanche 27 mars. 22h20. Mais que se passe-t-il dans le réacteur n°2 ? Nous avons pu nous procurer le détail de l’analyse faite par le Dr Matthias Braun, spécialiste de chez Areva Allemagne, dont l’inquiétude se concentre sur le réacteur n°2, dont nous reproduisons ici certaines planches (voir les schémas ci-dessous).

Rappelons qu’ici, en France, les craintes de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire français (1) se sont plutôt focalisées sur le réacteur n°3 (contenant du MOX, fourni par Areva). Notre constat : cela fait donc désormais deux réacteurs sur trois en perdition à la centrale de Fukushima, qui sont incriminés pour avoir laissé s’échapper des produits de fission dans l’environnement (produits très dangereux venant s’ajouter à tous ceux déjà mentionnés depuis plusieurs jours, à savoir les produits volatils comme Iode et Césium et aussi gaz rares).

Il demeure stupéfiant que l’agence de sûreté japonaise ne publie aucune précision du même genre. Est-elle complètement dépassée ? Les analyses des experts étrangers sont-elles vraiment prises en compte ?

A ce stade de la catastrophe, cette situation semble sans précédent. Qui en réfère à l’autorité internationale AIEA (agence internationale pour l’énergie atomique) pour sa gouverne ?

1) Une petite évaluation simple avec le débit d’eau de mer injectée depuis le début de la catastrophe et la quantité de sel contenue dans chaque litre d’eau de mer montre que « plusieurs centaines de tonnes de sel » ont été déversées dans la centrale de Fukushima. Du sel qui a pu cristalliser ou qui pourrait rester sous forme de saumure dans l’eau qu’on continue à déverser…

Parlons justement de l’océan. Car ce qui est toujours « oublié » c’est que l’océan sert de dépotoir à l’eau utilisée pour le refroidissement des réacteurs…

Hier dimanche, la radioactivité dans l’océan non loin de Fukushima était passé à 1850 fois la dose normale, contre 1250 fois samedi!

Detlef Schulz-Bull, de l’institut d’étude de la Baltique, considère que les radiations seront présentes sur des milliers de kilomètres carrés.

Rappelons ici que la Baltique est une zone particulièrement irradiée (voir notre article au sujet duNuclear Baltic Sea Info Tour 2010).

Depuis Tchernobyl (mais également avec les centrales suédoise et finlandaise) la contamination est mesurable au fond de la Baltique, à une profondeur de 10-20 centimètres… Dans l’Atlantique, on peut également encore mesurer la radioactivité depuis les tests des bombes atomiques…

Ce qui n’empêche pas toutefois Hidehiko Nishiyama de l’Agence de la sureté nucléaire et industrielle japonaise (NISA) d’expliquer que la contamination va vite se dissiper et que de toutes manières il n’y a pas de pêche dans cette zone là!

On reconnaît bien là l’esprit destructeur qui assassine notre planète et tous les êtres vivants!