Le catastrophique projet Hidroaysén en Patagonie a été avalisé ce lundi par l’Etat chilien, et a provoqué une énorme vague de contestation, dont une manifestation très brutalement réprimée par la police. On peut voir une vidéo ici.
Ce projet est une véritable agression contre l’une des dernières zones libres de notre planète. La « commission d’évaluation environnementale » a autorisé le projet de construction de cinq barrages hydro-électriques dans deux vallées sauvages de la région d’Aisen (Aysen), sur les fleuves Baker et Pascua.
Le projet qui est de 2,2 milliards d’euros, débutera théoriquement en 2014 et devra inonder 5900 hectares, et construire 2000 km de lignes, câbles, pylônes, qui passeront notamment par des zones forestières protégées et des forêts primaires.
C’est le développement du nord du pays qui est visé, afin de fournir 2750 mégawatts d’électricité, surtout à la capitale du pays, Santiago. Le projet a été déposé il y a trois ans, sous le nom de projet HidroAysen, auquel a répondu le consortium chileno-espagnol Endesa-Colbu.
Un sondage en avril avait donné comme résultat 61% des Chiliens opposés à ces barrages d’Aisen. Le président Sebastian Pinera, lui, prône le nucléaire, le charbon et l’hydro-électrique. Mais le mouvement se développe pour contrer le projet.
Voici un document chilien à ce sujet, et nous en reparlerons bien entendu.
La Patagonie chilienne sans barrage
L’avenir de la Patagonie chilienne est sombre. Un projet de barrage, Hidroaysén, menace dramatiquement ses rivières. Une vaste campagne nationale, relayée au niveau international empêchera que se commette cette agression contre la nature.
Claudia Santibáñez T et Juan Pablo Orrego Silva
Alors même que la réflexion écologique s’impose comme une garantie pour le futur de la planète, on a du mal à comprendre que 50 % des espaces de la Patagonie chilienne, leurs richesses naturelles, protégées de surcroît par différentes dispositions légales, soient livrées aux appétits dévastateurs du capital international.
Déjà, dans les années passées, la région avait souffert d’un brutal développement favorisant l’élevage intensif qui avait dégradé les ressources naturelles. De gigantesques incendies allumés afin de libérer d’immenses terrains pour y implanter l’agriculture ont meurtri ses paysages.
Aujourd’hui, des multinationales lorgnent vers les eaux de la Patagonie chilienne qui constitue la deuxième réserve d’eau douce du monde, avec ses magnifiques rivières, lacs, et gigantesques glaciers.
Ce n’est évidemment pas la beauté et la richesse de cet environnement singulier qui retiennent l’attention de ces entreprises, mais le potentiel énergétique de ce capital aquifère. Les plus remarquables rivières sont menacées par de mégas projets hydro-électriques.
Le plus redoutable, Hidroaysén, est lancé par les multinationales, Endesa-España et Colbún-Chile qui envisagent de construire cinq barrages sur deux des rivières essentielles de Patagonie : Baker, la rivière à plus fort débit du Chili, avec une extension de 182 km, un débit moyen de 870 m3/s et un bassin hydrographique de 26 487 km2; Pascua, troisième rivière par son débit au Chili, longue de 73 km, avec un débit de 700 m3/s pour un bassin de 14 525 km2.
Aysen, situé au cœur de la Patagonie chilienne (XI région), à l’extrémité australe de l’Amérique du Sud, fait partie des quinze régions administratives du Chili. Au nord se trouve la Xème région des Lacs, au sud la XIIème région de Magallanes, à l’est l’Argentine, à l’ouest l’Océan Pacifique.
Dans cette zone riche en biodiversité, se trouvent des écosystèmes uniques au monde, une flore et une faune endémiques remarquables dont l’existence tient à des conditions de pureté particulièrement rares et jusqu’ici préservées. Les nombreux visiteurs tombent sous le charme de ces fabuleux paysages.
Au cours de ces cinq dernières années, leur chiffre a doublé (+ 40 % d’étrangers) et le tourisme représente une des plus importantes sources de développement régional. Aysén est perçu par ses habitants comme une Réserve de Vie en voie de devenir « Patrimoine de l’Humanité ».
Le projet Hidroaysén
En 2006 Endesa-España et Colbún-Chile fondent la société « Hidroaysén ». Leur objectif est de cosntruire des méga centrales hydro-électriques dans les rivières Baker et Pascua. Vers juillet 2007 le Ministre chilien des Travaux Publics, Eduardo Bitrán, indique publiquement à Hidroaysén que le projet ne sera pas acceptable s’il inonde plus de 6 000 hectares.
En août de la même année, les entreprises lancent officiellement la dernière version de leur projet en ramenant la surface d’inondation de 9 510 à 5 910 hectares, mais en étendant de quatre à cinq le nombre des mégas centrales hydro-électriques, avec une capacité installée de 2 750 MW.
Un autre terrible impact environnemental qu’entraînerait ce projet est la ligne à haute tension transportant l’énergie depuis Aysen jusqu’à Santiago, pour approvisionner la grande industrie aux alentours de la capitale et l’industrie minière au nord. Insensé !
Le réseau de lignes à haute tension serait le plus long du monde : 2 300 km et traverserait huit régions, il nécessiterait quelque 6 000 tours de 50 à 70 mètres de haut et une zone de servitude de 70 mètres de large ( 15 700 hectares d’intervention). Cette seconde œuvre pharaonique du projet Hidroaysén affecterait des milliers de propriétés, douze zones sauvages protégées, et dégraderait des millions d’hectares de paysages uniques.
Dans ce conflit environnemental, il ne faut pas oublier ce qui concerne les droits d’exploitation de l’eau. Le pouvoir que détient Endesa-España sur les rivières et les vallées du Chili est le résultat de privatisations injustifiées décidées par les fonctionnaires du régime militaire. En 1989, furent privatisés le secteur électrique chilien et la plupart des droits sur l’eau, le droit d’occupation des bassins hydrographiques fut concédé aux entreprises privées. En 1997, une autre obscure opération a permis que les mêmes ex-fonctionnaires du gouvernement militaire vendent le secteur électrique chilien à Endesa-España en transférant, sans contrepartie, les droits de l’eau du Chili. Aussi, et cela ressemble à de la science-fiction, cette entreprise est propriétaire d’environ 80 % des droits de l’eau du pays, et de 96 % de ceux de la région d’Aysen, région la plus riche du Chili, et parmi les plus riches du monde en ressources hydriques.
Citoyens en Action :
Ce qui est paradoxal, c’est que le Chili est l’un des pays du monde doté d’un énorme potentiel en énergies renouvelables non conventionnelles (ERNC). Le désert d’Atacama, situé au nord du pays, remplit toutes les conditions pour la fourniture d’énergie solaire. La capacité éolienne et géothermique se prolonge pratiquement tout le long du territoire, sans oublier le potentiel d’énergie marémotrice sur ses longues côtes, et les petites centrales hydro-électriques dans le centre sud. Plus paradoxal encore, de tout le territoire chilien, la Patagonie est la région la plus riche en potentiel éolien, en marémotrice et en petites centrales hydrauliques.
Depuis 2006 citoyens et membres d’organisations se sont unis pour développer la campagne la plus mémorable du Chili.
Il est vital de s’informer afin d’agir en tant que citoyens responsables. Il faut à toute force éviter que voient le jour des projets poursuivant le seul profit au détriment de la vie, des écosystèmes du Chili et du monde. Nous espérons, nous croyons que plus tard nous pourrons dire fièrement aux jeunes générations, que nous nous sommes battus et avons gagné la bataille pour que l’Aysen soit une Réserve de Vie, Patrimoine de l’Humanité, et le cœur d’une Patagonie Chilienne sans Barrage