Des paysans de la zone de Fukushima en France

La situation à Fukushima a empiré ces derniers jours (rappelons que depuis le 31 mars, soit un mois et demi, nous informons quotidiennement sur catastrophe-de-fukushima.fr). Le cœur fondu du réacteur n°1 a percé la cuve de plusieurs trous.

Mais ce n’est pas tout: l’État japonais a décidé de rendre public son abandon total des animaux « de ferme » abandonnés dans la zone. Le porte-parole du gouvernement, Yukio Edano, a annoncé:

« Nous avons décidé de demander à la préfecture de Fukushima d’abattre le bétail à l’intérieur de la zone des 20 kilomètres, avec l’accord des propriétaires (…). Nous présentons nos excuses pour les souffrances infligées aux personnes qui ont élevé ces animaux. »

Pas un mot de compassion pour les animaux (ce sont au moins 10 000 vaches qui sont mortes de soif et de faim dans leur enclos), tout pour les profiteurs de l’exploitation animale…

De manière intéressante justement, deux paysans japonais, qui viennent de la zone sinistrée, seront en France pour parler de leur situation:

– le lundi 16 mai 17:00 à Paris à l’issue d’un colloque à la MSH, 190 avenue de France Paris 13ème.
– le mardi 17 mai 18:00 à Rennes à la Maison de quartier de la Poterie dite Maison de la Ronceray, arrêt de bus Ronceray lignes 2 ou 34 (ou Bignon/CRAM pour la ligne 7). Voir la carte sur OpenStreetMap.
– le jeudi 19 mai 20:30 à Ploudaniel à l’occasion d’une conférence sur le Japon (pas du tout végane en l’occurence) en avant première du Forum de Ploudaniel à l’espace Brocéliande.

Voici une présentation de cette initiative de rencontre, forcément intéressante, même si les limites sautent aux yeux: l’agriculture est considérée comme existant « à côté » du nucléaire, comme étant à part. Mais dans une société, tout est lié, rien n’existe de manière indépendante. Exploitation animale et destruction de la planète vont ensemble, c’est la même logique, la même culture.

La domestication des animaux et la destruction des zones naturelles pour l’obtention de matières premières est un seul et même mouvement… Si donc il faut comprendre le drame des paysans au Japon, cela ne veut pas dire pour autant qu’il faille accepter l’exploitation animale dans le cas des fermes, bien au contraire!

C’est même là un devoir pour qu’une perspective réelle soit ouverte face au nucléaire et le monde où il prolifère!

Comment vivre après Fukushima : témoignage de deux paysans japonais sinistrés.

L’accident de la centrale de Fukushima nous a dévoilé les risques encourus par une société moderne de consommation excessive. La quête incessante d’un plus grand bien être matériel ne pouvait qu’aboutir, tôt ou tard, à un tel accomplissement tragique.

Le Japon poursuivait la croissance économique tout comme les Etats-Unis et la France, mais un pays qui a connu les conséquences de l’explosion des bombes atomiques à Hiroshima et à Nagasaki aurait dû percevoir suffisamment les dangers et ne pas s’adonner à cultiver l’énergie nucléaire pour nourrir sa productivité industrielle.

Le peuple jouissait et jouit quotidiennement du confort offert par l’électricité. Qui pensait, en en bénéficiant, à son origine nucléaire et aux centrales construites à l’abri de nos regards ? Depuis le traité de San Francisco en 1952, le Japon avait classé dans un coin de sa mémoire les leçons de l’histoire pour se lancer dans la croissance sans limite grâce à « l’utilisation à des fins pacifiques de l’énergie atomique ».

Or, la catastrophe du 11 mars nous a brusquement réveillés. Le peuple s’est enfin rendu compte de la folie d’avoir construit 54 centrales sur le sol d’un pays si souvent secoué par des séismes. Les vieux réacteurs de Fukushima ont explosé l’un après l’autre faute de vigilance. Fukushima n’est pas une catastrophe naturelle mais une catastrophe humaine.

L’accident nous a mis devant le fait qu’une catastrophe nucléaire pouvait anéantir du jour au lendemain tout ce qui nous était cher. Depuis Fukushima, le peuple Japonais est en deuil, replié sur lui-même. L’inquiétude le ronge avec un profond regret pour son impuissance face à une catastrophe nucléaire si désastreuse.

Fukushima a enlevé le droit de vivre, le droit de vivre des habitants des alentours ainsi que celui de tous les vivants sur la terre. L’erreur du Japon est universelle. L’énergie atomique n’est pas compatible avec notre vie humaine. Aucun pays, aucune vie sur la planète n’est à l’abri des menaces que fait peser sur chacune la manipulation humaine de la radioactivité.

Le drame du Japon l’a emmené dans une impasse. Deux mois après le début de la catastrophe, des milliers de personnes sont encore dans des centres de refuge. Ils ne savent pas où aller ni comment vivre à l’avenir.

Pire est la situation objective de ceux qui sont restés dans leurs villages hautement radioactifs. Pire encore la situation des paysans qui travaillent dans les champs contaminés. Bien extrêmement pire la situation de jeunes écoliers, collégiens dont les établissements se trouvent dans la zone hautement radioactive.

Le gouvernement laisse les habitants de Fukushima dans leurs souffrances pour éviter que l’ampleur du désastre soit révélée et prenne une envergure incontrôlable. Les informations complètes sur les taux de radioactivité des zones touchées n’ont pas été publiées jusqu’à ces derniers jours et la firme Tepco exerce encore son emprise sur bien des pouvoirs et des médias dont la survie dépend de l’énergie nucléaire.

Écoutons les témoignages de Toshihide KAMEDA et de Shinpei MURAKAMI. Ce sont tous les deux des fermiers installés sur des terres qui sont dans une zone déclarée zone d’évacuation. Ils ont décidé de venir en France à l’initiative de Hiroko AMEMIYA qui leur a proposé de rencontrer des agriculteurs en particulier en Bretagne où elle travaillait et a lancé un appel en Mars.

Le projet prévoit la création de nouvelles communautés d’échanges aussi bien au Japon dans les régions non sinistrées qu’en Bretagne. Les paysans qui doivent se délocaliser pourront ainsi reconstruire leur vie entourés de fermiers et de citoyens sans frontières. Ces communautés ou ces fermes d’échange promouvront une agriculture saine et des relations humaines qui sont au cœur du système Teikei et qui ont été développées dans les AMAP.

Toshihide KAMEDA et de Shinpei MURAKAMI ont dû quitter leurs fermes à cause des centrales de Fukushima. Ce sont des personnes clés qui peuvent convaincre les autres paysans de Fukushima de quitter leur territoire et venir se joindre au projet de construire ensemble, par leur action et par des coopérations de nouvelles communautés. Le projet de Hiroko a rencontré au démarrage cette difficulté pour les paysans sinistrés de prendre conscience des caractéristiques de la radioactivité subie sans signe apparent et sans douleur ressentie.

Ils savent qu’ils risquent leur vie et celle de leur famille pour les années qui viennent mais il y a un blocage psychologique et émotif qui empêche d’écouter la voix de la raison. Un projet d’une ferme d’échanges a donc un rôle plus psychologique que seulement celui d’un lieu d’accueil des paysans sinistrés.

C’est une ouverture qui permet de s’arracher au quotidien et c’est une sensation d’appel d’amitié de voir qu’un soutien puisse venir de façon solidaire. C’est urgent avant que le blocage ne pousse certains au suicide ce que certains paysans ont déjà commis.

Les paysans sans terre ne peuvent pas survivre mais en cultivant de la terre contaminée que peuvent-ils en tirer ? Pourvu que d’autres terres soient accueillantes, au Japon et ailleurs, en particulier pour les paysans sinistrés de Fukushima.

Toshihide KAMEDA, 63 ans, père de trois enfants, était installé à Minami Soma et a du quitter sa ferme: il est depuis 2004 président de la confédération des paysans de Fukushima (Nôminren, affiliée à Via campesina) qu’il a cofondé il y a 20 ans. La famille de sa petite sœur a été sinistrée par le tsunami. Avec eux, ils sont onze qui doivent reconstruire leur vie dans un nouveau lieu.

Shinpei MURAKAMI, 52 ans, père de trois enfants, était installé à Iitaté depuis 9 ans. Iitaté est connu pour ses initiatives écologiques. Il a déjà évacué avec sa famille dans le « sud » du Japon grâce à la coopérative Ainô, (dont il avait été l’élève du Lycée agricole) il est un pratiquant de la méthode de d’agriculture naturelle et l’a diffusée pendant plusieurs années en Thaïlande où il était coopérant.