La loi sur l’entrave (article 431-1 du code pénal) a été
modifiée par le sénat et va retourner au parlement. Une fois
validée, les conséquences juridiques seront énormes pour beaucoup
d’activistes, que ceux-ci agissent légalement ou pas.
En fait, c’est même une véritable révolution juridique qui va
se dérouler. Grosso modo, toute la scène allant de L214 aux
antispécistes va se faire littéralement broyer par la machine
répressive.
Faudra-t-il alors considérer que ces gens ont été les idiots
utiles de l’exploitation animale ou bien auront fait avancer les
choses tout de même, il sera toujours possible d’en discuter.
En attendant, la nouvelle loi sur l’entrave aura des
conséquences littéralement immenses et le seul équivalent strict
qu’on puisse trouver est la loi dite AETA aux États-Unis, qui
considère comme terroriste toute entrave de l’activité d’une
entreprise liée aux animaux.
Et avec avec ce passage au sénat on apprend que des alliances au
plus haut niveau se font entre le président, les chasseurs, la
FNSEA, la gendarmerie… Voilà ce qui devrait être la grande
cible !
Il y a deux aspects aussi importants l’un que l’autre avec
cette novelle loi. Le premier, c’est que cela a un impact immédiat
sur des actions menées directement contre les ennemis des animaux.
Le second, c’est que cette loi aura à moyen terme un impact
immense sur les actions menées indirectement contre les ennemis des
animaux. Et cette notion d’indirectement est tellement malléable
qu’il sera possible, rien qu’avec cette loi, d’interdire
n’importe quelle structure pro-animaux de manière très facile.
Allons droit au but. La nouvelle loi sur l’entrave implique la
chose suivante :
- un an de prison et 15 000 euros d’amendes pour une entrave aux activités professionnelles (dans le commerce, l’artisanat, l’agriculture) ;
- 6 mois de prison et 5 000 euros d’amende pour une entrave aux activités relevant du sport ou des loisirs.
Par entrave, on parle ici notamment de menaces, d’obstruction ou
d’intrusion. Au départ la loi devait préciser « par tous
moyens » mais elle a été resserrée pour ne pas que le juge
se retrouve à devoir lui-même préciser le mode opératoire, ce qui
est délicat dans une procédure et risquait d’enrayer la machine.
Maintenant regardons concrètement ce que cela implique. Un ami
des animaux voit des chasseurs commencer à se mettre en joue et se
met spontanément à applaudir pour faire du bruit et avertir les
animaux. C’est une entrave.
Un activiste de l’ALF détruit un de ces fameux miradors en
forêt. Il est pris sur le fait par les gendarmes. Il est condamné
pour dégradations, mais également pour entrave.
Une association tout à fait classique de la protection animale
mène une campagne contre un magasin de sport vendant des fusils de
chasse. Elle est condamnée pour entrave.
Un couple est en forêt, ils ne démarrent pas assez vite leur
voiture et bloque ainsi le passage de la chasse à courre. C’est
une entrave.
Des militants associatifs place des caméras dans un abattoir pour
filmer les conditions de ce qui s’y déroule. C’est une entrave.
Mais attention, cela pourra être encore pire. Car la loi n’existe
jamais qu’a posteriori. Elle existe aussi a priori. Il sera
possible, à terme c’est inévitable, d’attaquer en justice des
gens en les accusant de vouloir commettre une entrave.
Cette dimension de l’intentionnalité, d’autant plus flou que
la notion d’entrave peut être facilement élargi, pose un
véritable défi. Ce défi n’est pas abstrait. Il se fonde sur
l’exploitation animale comme réalité économique, aux
ramifications politiques. C’est cela la réalité et non pas un
pseudo « spécisme » qui est un simple fantasme pseudo
philosophique.
La nouvelle loi est donc un équivalent français de l’Animal
Enterprise Terrorism Act (AETA) passé en 2006 dans la loi
américaine. L’AETA considère que relève du terrorisme toute
action de perturbation ou d’atteinte à l’activité d’une
entreprise liée aux animaux de quelque manière que ce soit.
En raison des actions d’envergure de l’ALF, de l’ARM ou de
l’ELF comme cela était alors le cas aux États-Unis, l’industrie
(allant des fermes-usines aux tests sur les animaux) a demandé à
l’État de serrer la vis.
Bien entendu, cela n’atteint pas ceux qui agissent depuis la
clandestinité. Mais cela a permis d’écraser les actions à
mi-chemin de la légalité et de l’illégalité, comme filmer
clandestinement les conditions dans les fermes-usines, téléphoner
en masse pour protester, etc. Il s’agissait d’assécher le
terrain, de briser la campagne SHAC, etc. Cela a marché.
L’esprit de la loi française est similaire, même si la
situation n’a rien à voir. Après avoir laissé parler les
associations pro-institutionnels (comme L241) et laissé faire les
associations de désobéissance civile (comme « 269 »),
on met les points sur les i en sifflant la fin de la récréation.
En les remerciant au passage pour leur naïveté et leur refus
d’élever le niveau de conscience, en jouant purement sur les
émotions, ce qui a amené l’implication de beaucoup de gens mais
sans aucun socle ni aucune perspective, ni même une culture réelle.
Au-delà du passage à une nouvelle étape pour l’État, il
s’agit aussi de réduire les actions commises à des anecdotes
violentes sans contenu. C’est une vaste mise à jour et les
partisans des animaux, s’imaginant faire face au « spécisme »,
anti-politiques dans leur attitude, ne comprennent malheureusement
rien à tout cela.
Le députe Guillaume Chevrollier (Les Républicains), grand
défenseur de la modification, a donc clairement visé les
« nombreuses actions d’intimidation, de menaces et de
violences commises par des groupes d’activistes contre les
éleveurs, agriculteurs, chasseurs, commerçants de bouche ».
Le site chassons.com présenta la chose exactement comme
cela, en précisant d’ailleurs qu’une vaste pression a eu lieu
pour faire passer la loi.
Délit d’entrave rurale: un premier pas franchi avec
succès au Sénat
La Fédération nationale des Chasseurs, qui plaide
depuis longtemps pour l’instauration d’un délit d’entrave aux
activités rurales, qu’elles soient à caractère économique ou de
loisir, se réjouit du vote à une large majorité qui a eu lieu au
Sénat mardi dernier, lors de la première lecture de la proposition
de loi déposée par Jean-Noël Cardoux (Sénateur du
Loiret) et un certain nombre de ses collègues Les Républicains. Le
vote de ce texte était particulièrement mal engagé avec l’échec
du passage en Commission des lois du Sénat quelques jours
auparavant.
Il a fallu la mobilisation appuyée de tous les réseaux
cynégétiques et agricoles auprès des sénateurs pour tirer le
signal d’alarme et faire prendre conscience de l’effet négatif
du rejet d’un tel texte, très attendu dans nos campagnes.
La FNC tient à saluer le pragmatisme du président de la
Commission des lois, Philippe Bas (Sénateur de la Manche), et du
rapporteur François Bonhomme (Sénateur du Tarn-et-Garonne), qui ont
conduit à corriger la proposition de loi pour éviter qu’elle soit
anti constitutionnelle et qu’elle puisse être votée.
Ce texte, une fois qu’il sera voté à l’Assemblée
Nationale permettra de réprimer toutes les entraves à l’exercice
des libertés dès lors que celles-ci sont autorisées par la loi. Il
introduit dans la loi des sanctions beaucoup plus fortes contre tous
les actes d’obstructions et d’intrusion, même s’il n’y a pas
eu de dégradations.
Il permettra de sanctionner efficacement les entraves à
l’exercice d’une activité économique, artisanale ou agricole
ainsi que les actes d’obstruction ayant pour effet d’empêcher le
bon déroulement d’activités sportives et de loisirs exercées
dans un cadre légal.
Ce texte va donc concerner la chasse, mais aussi toutes
les activités agricoles qui subissent des actions d’obstruction,
d’entrave, de menace ou de violence initiées par des groupes
d’activistes anti-chasse, animalistes, végans et autres.
La FNC a toujours souhaité que les peines
infligées contre les extrémistes de la cause animale soient
beaucoup plus dissuasives que la simple contravention de cinquième
classe de 1500 euros maximum, ce qui était le cas pour l’entrave à
la chasse.
Maintenant, il est essentiel que la FNC et les
organisations agricoles se coordonnent et se mobilisent ensemble
auprès des députés de la majorité comme de l’opposition pour
que le texte voté au Sénat soit inscrit au plus vite à l’Assemblée
nationale, avec le soutien du gouvernement, conformément aux
engagements pris par Emmanuelle Wargon et Marc
Fesneau lors du vote de la loi biodiversité.
Tout cela est bien écrit, chaque mot est soupesé et chaque
paragraphe est littéralement une thèse politique, formulé
pédagogiquement. C’est du haut niveau, zéro amateurisme.
Les dernières lignes forment également une allusion à une
lettre envoyée par deux membres du gouvernement au rapporteur du
projet de loi portant création de l’Office français de la
biodiversité avant la réunion de la commission mixte paritaire le
25 juin 2019.
Il s’agit précisément d’Emmanuelle Wargon, secrétaire
d’État auprès de la ministre de la transition écologique et
solidaire, et de Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le
Parlement.
On lit notamment dans la lettre la chose suivante :
« Le Gouvernement reconnaît que certaines formes
d’actions militantes contreviennent au libre exercice d’activités
autorisées par la loi et que ce sujet mérite d’être examiné par
le Parlement. »
Voici également ce que dit François Bonhomme, rapporteur
(Les Républicains) de la commission des lois constitutionnelles, de
législation, du suffrage universel, du règlement et
d’administration générale, lors du débat au sénat au sujet de
la loi :
Ce texte vise à apporter une
réponse plus ferme et plus efficace à deux types d’infractions
qui ont eu tendance à se multiplier ces dernières années et qui, à
certains égards, relèvent d’un phénomène de société :
premièrement, les violences, les menaces et les dégradations
dirigées contre des boucheries, des abattoirs ou des élevages, en
général au nom d’une conception très singulière et exclusive de
la cause animale ; deuxièmement, les entraves à la chasse, qui
se produisent régulièrement dans nos forêts domaniales.
Ces actions sont le fait de groupes
ou d’individus radicaux issus en général de mouvements
animalistes, antispécistes ou véganes, apparus voilà une trentaine
d’années, mais dont certains modes d’action ont pris une forme
violente plus récemment.
Au cours de la seule année 2018,
la Confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie,
traiteurs a ainsi recensé une cinquantaine d’attaques, sous des
formes diverses et variées : vitrines brisées, murs tagués,
faux sang répandu dans les boutiques, bouchers ou clients menacés
ou insultés.
Certains événements, comme des
attaques contre les agriculteurs, ont pu prendre un tour plus
dramatique. Je pense en particulier à l’incendie de bâtiments
d’élevage, il y a encore dix jours, dans l’Orne, où un jeune
exploitant agricole a vu, en pleine nuit, ses trois bâtiments
d’élevage détruits par le feu. Cet incendie criminel a été
particulièrement traumatisant, ses auteurs ayant également peint
sur les bâtiments des inscriptions comme « assassin » ou
« camp de la mort ».
Je pense aussi à l’incendie
volontaire, voilà un an, d’un l’abattoir dans le département de
l’Ain : s’il n’a heureusement pas fait de victimes, cet
incendie criminel a mis au chômage technique près de quatre-vingts
salariés.
Des entreprises et des permanences
de chasseurs ont également été saccagées et des interventions
dangereuses pour les cavaliers ayant pour but de perturber des
activités cynégétiques se sont produites dans les forêts de
Chambord et de Compiègne en particulier.
Au demeurant, est-il nécessaire de
réaffirmer ici que la chasse, acquis historique s’il en est, reste
un loisir apprécié du plus grand nombre, avec près de 1 million
de pratiquants et détenteurs de permis de chasse de notre pays ?
(…)
Je rappelle également que, face à la multiplication de
ces incidents, le ministre de l’intérieur a demandé aux préfets
de région de prendre contact avec les représentants des professions
concernées pour des échanges réguliers et pour leur fournir une
protection si nécessaire.
Concernant ce dernier point, on a apprend également, de la part
de Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de
l’intérieur :
Soyez assurés que Christophe Castaner et moi-même
sommes pleinement mobilisés sur le sujet. D’ailleurs, la
convention signée entre la gendarmerie et la FNSEA continue à se
déployer, et la gendarmerie nationale a créé une cellule
spécialement consacrée à ce phénomène, afin d’améliorer son
action et de mieux travailler en coordination avec les services de
renseignement, qui se mobilisent de plus en plus sur ces thématiques.
Il dit également :
Je le répète, mesdames, messieurs les sénateurs, je
partage l’objectif qui est le vôtre de contrer ce type d’entrave.
J’ai rappelé, dans mon propos liminaire, l’action des services
de gendarmerie et de police, mais aussi celle de la justice et des
services de renseignement, qui ont été orientés sur ces objectifs,
ce qui est nouveau.
Les choses sont claires, il s’agit ici d’une alliance au plus
haut niveau et il s’agit d’écraser par compression ce qui tente
une rébellion, mais est incapable de se lever à un véritable
niveau sérieux, qu’on peut appeler politique.
L’insupportable Esther Benbassa (EELV), le prototype de la
personne prônant la décadence des mœurs, l’a tout à fait
compris et elle reproche leur stupidité à ceux qui font la loi.
Elle sait que cette compression va polariser et que par conséquent
un saut qualitatif va se dérouler.
C’est à cela qu’on voit le rôle de gens comme elle :
celui de dernier rempart du système. Voici son intervention lors des
débats, qui d’ailleurs suscite des réactions pittoresques valant
franchement le détour qu’on s’y attarde.
M. le président. La parole est à Mme Esther
Benbassa.
Mme Esther Benbassa. Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « blocus,
interruptions de représentation, invasions de terrains, huées… » :
tels sont les exemples cités dans l’exposé des motifs du texte
soumis à notre examen.
À en croire l’argumentaire de la droite sénatoriale,
ces éléments de contestation, aujourd’hui parfaitement légaux,
devraient être réprimés sous prétexte que « contrevenir à
la loi, ce n’est pas nécessairement faire ce qu’elle interdit ;
c’est aussi empêcher ce qu’elle autorise ». En somme, ces
moyens d’action seraient davantage « l’expression de
convictions que de droits ».
Ne nous leurrons pas : il est proposé ici de brider
toutes les pratiques venant témoigner du moindre soupçon de
défiance à l’égard de l’ordre établi.
M. François Bonhomme, rapporteur. De
l’ordre bourgeois, tant que vous y êtes ! (Sourires sur
les travées du groupe Les Républicains.)
Mme Esther Benbassa. Déjà, au mois de
novembre 2018, le groupe CRCE avait demandé par voie de
communiqué de presse le retrait de ce texte de l’ordre du jour.
Après la loi gouvernementale répressive venue encadrer
le droit à manifester au mois d’avril dernier, c’est cette fois
la majorité sénatoriale qui s’attaque à nos libertés
fondamentales, par un texte choquant tant sur le fond que sur la
forme.
Sur la forme, en nous soumettant cette proposition de
loi, Les Républicains se prêtent à un exercice juridique
particulièrement curieux. Tout d’abord, ce texte est
anticonstitutionnel et sera sans aucun doute retoqué par le Conseil
des sages s’il est adopté. Ensuite, il vient dénaturer
l’article 431-1 du code pénal, qui sanctionne les entraves à
la liberté d’expression. Ce dispositif va donc à contresens du
droit positif.
Mes chers collègues, la philosophie liberticide et
antidémocratique de ce texte est profondément inquiétante. Nous ne
pouvons tolérer les entraves aux mobilisations citoyennes, dont la
tradition s’inscrit dans l’histoire de la France et constitue son
ADN.
M. Jean Bizet. Et qui fait le mal français !
Mme Esther Benbassa. Pensez aux suffragettes,
par exemple.
Comment oublier que nous devons la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen aux révoltes du peuple français
contre ses élites ? Comment oublier que les congés payés ont
été obtenus par les piquets de grève de 1936 ? (Exclamations
sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. Laurent Duplomb. Cela n’a rien à voir !
Mme Esther Benbassa. Comment oublier le courage
et la persévérance de ces milliers d’étudiants qui ont fait
plier le gouvernement Villepin sur le CPE, le contrat première
embauche, en 2006 ?
Des écologistes aux étudiants de Nuit debout, en
passant par les « gilets jaunes », nombreux sont les
exemples de revendications citoyennes ayant nourri la culture
politique de notre pays.
M. Jean Bizet. En somme, vive l’anarchie !
Mme Esther Benbassa. Protester, manifester,
faire entendre sa voix et ses convictions est une coutume bien
française à laquelle nous ne sommes pas près de renoncer.
M. Laurent Duplomb. Hélas !
Mme Esther Benbassa. Vous cherchez aujourd’hui
à rendre inconciliables certains droits : le droit de grève et
le droit de travailler, le blocus devant un supermarché et le droit
de consommer, le droit de manifester des lycéens et leur droit
d’étudier, le droit de défendre les animaux et le droit de
pratiquer la chasse à courre.
M. Jean Bizet. Ah !
Mme Esther Benbassa. Par votre vision
manichéenne du monde, vous scindez la Nation en deux, avec, d’un
côté, ceux qui se complaisent dans l’ordre établi, et, de
l’autre, ceux qui militent pacifiquement pour le changement.
La plupart des mouvements citoyens ne sont pas mus par la
haine, la violence et le rejet de l’autre. Beaucoup usent des
moyens d’action collective pour exprimer leur envie d’entrer dans
une ère nouvelle, plus sociale et égalitaire, plus respirable et
durable.
Les revendications écologistes et féministes sont ces
dernières années intrinsèquement liées à la désobéissance
civile : faucheurs d’OGM, les ZAD de Notre-Dame-des-Landes et
de Bure, les animalistes, les décrocheurs du portrait du président
Macron, les grévistes pour le climat, les militantes protestant
contre les féminicides…
Ce que vous souhaitez, somme toute, c’est une
uniformisation de la société. Vous désirez une France où chacun
pense de la même manière et, de préférence, comme vous.
Au risque de vous décevoir, tant qu’une opposition
parlementaire comme la nôtre existera, tant qu’une jeunesse sera
prête à se lever pour ses idées, tant qu’une gauche sociale et
écologique s’exprimera dans ce pays, vous ne parviendrez
probablement pas à vos fins et vos tentatives de nous museler seront
vaines.
M. François Bonhomme, rapporteur. Nous
voilà rassurés ! (Sourires sur les travées du
groupe Les Républicains.)
M. Jean Bizet. C’est surréaliste !
Mme Esther Benbassa. Mes chers collègues, ce
texte a été rejeté en commission. Nous espérons donc qu’une
majorité agira de la même manière en séance. (M. le
rapporteur s’exclame.)
Par ailleurs, monsieur Bonhomme, merci de me laisser
parler ! Pour ma part, je ne vous ai pas interrompu. C’est une
entrave à ma liberté d’expression ! (Sourires.)
Esther Benbassa a la trouille : tout son fond de commerce
anarchiste va tomber à l’eau, tout cela parce que les
réactionnaires vont provoquer, par leur refus de lâcher du lest, un
saut dans la conscience et dans l’organisation de la libération
animale.
La sénatrice Cécile Cukierman pense de même. Elle est du PCF,
dans sa version 2019 plus que 1919, pour résumer au mieux ses larmes
devant le risque d’une vraie contestation à l’avenir…
Mme Cécile Cukierman. Sans surprise, ma collègue Esther
Benbassa l’a dit en discussion générale, nous ne voterons pas cet
amendement et, de fait, cette proposition de loi.
Certes, la majorité sénatoriale a justifié un
recentrage de ce texte, mais nous savons tous que seuls les écrits
restent. Or la proposition de loi, telle qu’elle est rédigée,
permet d’autres interprétations que les seuls faits que vous
entendez, dans vos interventions, vouloir réprimer. (…)
Oui, notre société est de plus en plus violente.
Malheureusement, monsieur le secrétaire d’État, même si votre
gouvernement n’est pas le seul responsable, le sentiment de ne pas
être entendus collectivement pousse de plus en plus de nos
concitoyens à commettre des actes violents, en tout cas
sensationnels, et à les partager massivement sur les réseaux
sociaux, ce qui nous pose de nouveaux soucis.
S’engager et défendre une cause, ce n’est pas non
plus : « Je te tiens, tu me tiens, par la barbichette… ».
Heureusement que certains se sont introduits dans des usines pour
organiser des bals sans rien détruire pour obtenir les congés payés
dans notre pays ! (Protestations sur des travées des groupes Les
Républicains et UC.)
M. Jean Bizet. Ça suffit avec les congés payés !
Mme Cécile Cukierman. Heureusement que des agriculteurs
s’introduisent parfois dans des supermarchés pour dénoncer des
accords comme le CETA, sans forcément dégrader le supermarché en
question.
M. Jean Bizet. Ils ne cassent rien !
Mme Cécile Cukierman. Il existe des rapports de force.
C’est pourquoi nous ne voterons pas ce texte tel qu’il est
rédigé, car il va sanctionner tout le monde. Nous avons été
amenés les uns et les autres à condamner des actes de violence,
mais nous ne partageons pas les moyens choisis pour porter ce message
politique.
Je fais partie de ceux qui ont condamné l’incendie de
l’abattoir de l’Ain,…
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.
Mme Cécile Cukierman. … les exactions contre le siège
de la fédération des chasseurs de l’Ardèche cet été, etc. Ne
mélangeons pas les débats et évitons d’interdire demain la
possibilité de toute expression dans notre pays !
Pour résumer : une partie des dominants pense qu’il faut
écraser toute idée, une autre partie qu’il faut laisser parler
autant que possible les idées n’amenant à rien car ou bien
réformiste sur mille ans ou bien totalement velléitaire.
C’est dire si la loi sur l’entrave, dans sa version modifiée,
révèle un véritable problème de fond, celui de la question
animale. Et ce n’est qu’un début.