L’Organisation météorologique mondiale sur les gaz à effet de serre en 2012

La bataille pour la planète est en cours, et chaque jour l’écocide profite de la passivité, de la méconnaissance et de l’incompréhension. Le réchauffement climatique est une réalité, qui à un moment ou un autre s’emballera, forçant l’humanité à reconsidérer sa position. Il dépend de nous que cela soit dans le bon sens, et que la prise de conscience transformant la réalité vienne le plus tôt possible!

Nouveaux records pour les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère

Genève, le 6 novembre 2013 – La teneur de l’atmosphère en gaz à effet de serre a atteint un niveau inégalé en 2012, poursuivant et accélérant une progression qui alimente le changement climatique et façonnera l’avenir de notre planète pendant des milliers d’années.

Le Bulletin de l’Organisation météorologique mondiale sur les gaz à effet de serre révèle que le forçage radiatif de l’atmosphère par les gaz à effet de serre, qui induit un réchauffement du système climatique, s’est accru de 32 % entre 1990 et 2012 à cause du dioxyde de carbone et d’autres gaz persistants qui retiennent la chaleur, tels le méthane et le protoxyde d’azote.

Le dioxyde de carbone (CO2), dû principalement aux émissions liées aux combustibles fossiles, est responsable de 80 % de cette progression. Selon le Bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre, la hausse de CO2 survenue entre 2011 et 2012 est supérieure au taux moyen d’accroissement des dix dernières années.

Depuis le début de l’ère industrielle, en 1750, la concentration moyenne de CO2 dans l’atmosphère du globe a augmenté de 41 %, celle du méthane de 160 % et celle du protoxyde d’azote de 20 %.

Les processus qui se déroulent dans l’atmosphère ne sont qu’un aspect des changements en cours. La moitié environ du CO2 rejeté par les activités humaines demeure dans l’atmosphère, le reste est absorbé par la biosphère et par les océans.

«Les observations provenant du vaste réseau de la Veille de l’atmosphère globale de l’OMM montrent une fois encore que les gaz d’origine anthropique qui retiennent la chaleur ont perturbé l’équilibre naturel de l’atmosphère terrestre et contribuent largement au changement climatique», a déclaré le Secrétaire général de l’OMM, Michel Jarraud.

«Dans son cinquième Rapport d’évaluation paru récemment, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne que les concentrations atmosphériques de dioxyde de carbone, de méthane et de protoxyde d’azote ont atteint des niveaux sans précédent depuis au moins 800 000 ans», a-t-il rappelé.

M. Jarraud a poursuivi: «C’est pour cela que notre climat change, que les conditions météorologiques sont plus extrêmes, que les inlandsis et les glaciers fondent et que le niveau de la mer s’élève.

«Selon le GIEC, si nous poursuivons dans la même voie, la température moyenne du globe à la fin du siècle pourrait excéder de 4,6 degrés ce qu’elle était avant l’ère industrielle – et même plus dans certaines régions. Les conséquences seraient catastrophiques.

«Il faut réduire de manière sensible et prolongée les émissions de gaz à effet de serre pour limiter le changement climatique. Nous devons agir aujourd’hui pour ne pas mettre en péril l’avenir de nos enfants, de nos petits-enfants et de bien d’autres générations encore. Le temps joue contre nous.»

Le Bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre rend compte des concentrations – et non des émissions – de ces gaz dans l’atmosphère. Par émissions, on entend les quantités de gaz qui pénètrent dans l’atmosphère et, par concentrations, celles qui y restent à la faveur des interactions complexes qui se produisent entre l’atmosphère, la biosphère et les océans.

Dioxyde de carbone (CO2)

Le dioxyde de carbone est le principal gaz à effet de serre rejeté par les activités humaines, telles la combustion de matières fossiles ou le déboisement.

D’après le Bulletin de l’OMM sur les gaz à effet de serre, la quantité de CO2 présent dans l’atmosphère du globe a atteint 393,1 parties par million en 2012, ce qui correspond à 141 % du niveau préindustriel (278 parties par million).

Entre 2011 et 2012, la teneur de l’atmosphère en CO2 a augmenté de 2,2 parties par million, une hausse supérieure à la moyenne des dix dernières années (2,02 parties par million), ce qui dénote une accélération de la tendance.

Pendant l’année 2012, les concentrations mensuelles relevées par plusieurs stations de la Veille de l’atmosphère globale dans l’Arctique ont franchi le seuil symbolique de 400 parties par million.

En 2013, les données horaires et quotidiennes ont excédé cette valeur ailleurs dans le monde, notamment à Mauna Loa, Hawaii, la plus ancienne station de mesure continue des paramètres de l’atmosphère, couramment considérée comme un site de référence au sein de la Veille de l’atmosphère globale. Les concentrations de CO2 fluctuent d’une saison et d’une région à l’autre.

Si le rythme actuel se maintient, la teneur annuelle moyenne en CO2 à l’échelle du globe devrait dépasser le seuil de 400 parties par million en 2015 ou 2016.

Parce qu’il demeure dans l’atmosphère pendant des centaines voire des milliers d’années, le dioxyde de carbone déterminera la moyenne mondiale du réchauffement en surface d’ici à la fin du XXIe siècle et au-delà. La plupart des aspects du changement climatique persisteront pendant des siècles, même si les émissions de CO2 cessaient sur-le-champ.

Méthane (CH4)

Le méthane est le deuxième gaz à effet de serre persistant par son abondance. Environ 40 % des rejets de CH4 dans l’atmosphère sont d’origine naturelle (zones humides, termites, etc.) et 60 % d’origine humaine (élevage de bétail, riziculture, exploitation des combustibles fossiles, décharges, combustion de biomasse, etc.).

Le CH4 atmosphérique a atteint un nouveau pic en 2012 – 1819 parties par milliard environ, soit 260 % du niveau préindustriel – en raison de l’accroissement des émissions anthropiques.

Après une période de stabilisation, la teneur de l’atmosphère en méthane augmente de nouveau depuis 2007. Le Bulletin précise, dans une partie consacrée au méthane, qu’il n’y a pas à ce jour d’augmentation mesurable des concentrations de CH4 dans l’Arctique sous l’effet de la fonte du pergélisol et des hydrates.

L’accroissement des teneurs moyennes en CH4 dans le monde est plutôt associé à une hausse des émissions aux latitudes tropicales et moyennes de l’hémisphère Nord. Une meilleure couverture et des observations plus fines que celle s dont on dispose actuellement permettraient de dire si cette progression est due à des facteurs humains ou naturels.

Protoxyde d’azote (N2O)

Les émissions de protoxyde d’azote dans l’atmosphère sont d’origine naturelle (environ 60 %) et humaine (environ 40 %), puisqu’elles proviennent notamment des océans, des sols, de la combustion de biomasse, des engrais et de divers processus industriels. La concentration atmosphérique de N2O a atteint quelque 325,1 parties par milliard en 2012, ce qui représente 0,9 partie par milliard de plus que l’année précédente et 120 % du niveau préindustriel.

À un horizon de 100 ans, l’impact du protoxyde d’azote sur le climat est 298 fois plus grand que celui du dioxyde de carbone, à émissions égales. Ce gaz joue aussi un rôle important dans la destruction de la couche d’ozone stratosphérique qui nous protège des rayons ultraviolets nocifs émis par le soleil.

Autres gaz à effet de serre

Le forçage radiatif total induit par l’ensemble des gaz à effet de serre persistants correspondait en 2012 à une concentration de 475,6 parties par million en équivalent CO2, contre 473,0 parties par million en 2011. Parmi les autres gaz à effet de serre persistants figurent les chlorofluorocarbures (CFC) destructeurs d’ozone, ainsi que les hydrochlorofluorocarbures (HCFC) et les hydrofluorocarbures (HFC) qui augmentent à un rythme assez rapide.

Un « gobelin » renversé dans le désert de l’Utah

La vague de protestation suite à un événement qui s’est déroulé aux États-Unis, dans l’État de l’Utah, est à nos yeux tout à fait légitime, mais en France la plupart des gens resteront profondément sceptiques.

Dans notre pays, en effet, n’est considéré comme beau ce qui a été façonné par la main des humains, ce qui signifie que quelque chose de naturel, comme une montagne ou une cascade, ne peut pas être beau.

Bien sûr beaucoup de gens diront que c’est beau quand même, mais cela reste un sentiment ; sur le plan culturel, sur le plan intellectuel, il y a une hégémonie totale pour « séparer » « nature et culture. » C’est ainsi le point de vue de l’absolue totalité des professeurs de philosophie en terminale.

Or, aux États-Unis, la Nature est reconnue comme ayant une valeur en soi, comme pouvant donc former des choses qui soient belles. C’est le cas de nombreuses formations rocheuses, dont en l’occurrence les « gobelins » du parc national Goblin Valley State Park.

On trouve là-bas des milliers de ce qui est appelé « Hoodoo » en anglais et des « cheminées de fée » ou encore des « demoiselles coiffées » en français ; ces formations ont 160 millions d’années et la roche en haut de la formation a protégé la roche plus friable, en-dessous, de l’érosion.

On peut visiter le parc, mais également dormir dans des yourtes installées là-bas.

Ce qui s’est passé, c’est qu’un chef boy scout a cassé un de ces gobelins, sous prétexte de protéger les jeunes d’une éventuelle chute du rocher. Sur la vidéo, on le voit cependant content et moqueur, saluant l’autre et rire, etc.

On entend également « Nous avons modifié la vallée des gobelins, une nouvelle vallée est née. »

4 jours après la vidéo mis en ligne, cela ne rigole plus : il y a eu 4 millions de vues, il a reçu des centaines de menaces de mort et il va vraisemblablement y avoir des poursuites par l’État, avec jusqu’à 15 ans de prison au bout.

Les Boy Scouts of America (2,6 millions de jeunes et 1,1 million d’adultes) se sont déjà désolidarisés de lui, au nom du principe de « ne pas laisser de traces » lors des activités menées dans la Nature.

Pour les gens en France, biberonnés à Descartes, cela semblera incompréhensible, ou exagéré, irrationnel, etc. Les arguments sont traditionnels dans notre pays : c’est allemand / américain / anglo-saxon, c’est de la folie, n’importe quoi, etc.

L’idéologie selon laquelle il faudrait « être comme maître et possesseur de la nature » se pose comme « rationnel », à l’opposé d’une humanité qui se « perdrait » en reconnaissant la nature.

Faux athées et catholiques sont ici unis face à l’ennemi « naturaliste. »

Il est pourtant évident que la rationalité, la dignité, l’intelligence sont du côté de ceux et celles n’appréciant pas que des humains égocentriques, anthropocentriques, débarquent et détruisent une roche vieille de 160 millions d’années.

Ce n’est que de la roche peut-être, mais cela montre que ces gens s’affirment comme coupés de la réalité de la planète, de son histoire. Et c’est là qu’est le fond du problème.

D’ailleurs, ces formations rocheuses, qu’on ne les aime ou pas, sont le fruit d’une évolution au sein de notre planète, tout comme nous. Bien sûr la vie compte plus, de par la sensibilité, mais cette roche a évolué elle-aussi, d’ailleurs on l’apprécie, de par ses formes.

On ne reste pas insensible. Autant donc attribuer une valeur à cela !

Il existe une série de « points de non-retour », ou points de rupture

« A côté de ces impacts attendus et pour la plupart modélisés du changement climatique, il existe la possibilité que certaines modifications du climat entraînent des perturbations majeures, brutales et irréversibles à la surface de la Terre.

En d’autres termes, nous savons qu’il existe une série de « points de non-retour », ou points de rupture, au-delà desquels le climat bascule vers un état qui entraînerait des changements abrupts et irréversibles sur les écosystèmes.

Le problème, c’est que nous ne savons pas exactement où se situent ces points de rupture, et certains scientifiques éminents, comme James Hansen, affirment même que nous les avons sans doute déjà dépassés.

Alors que nous pouvons prévoir et anticiper les impacts progressifs du changement climatique, ces transformations brutales auraient des conséquences catastrophiques et largement imprévisibles.

Les principaux points de rupture identifiés sont très divers.

Le plus connu et le plus redouté d’entre eux est la fonte de la calotte glaciaire du Groenland. A partir du moment où la fonte de cette masse glaciaire commencera, elle sera largement irréversible (…).

Ces points de rupture toucheraient également les forêts : la forêt boréale, ou taïga, pourrait ainsi disparaître, de même que l’Amazonie pourrait irréversiblement dépérir, avec les conséquences catastrophiques que l’on imagine, notamment en termes de biodiversité.

Les courants marins pourraient aussi être perturbés si la température de l’eau augmente, ou si les quantités d’eau douce qui s’y déversent sont modifiées.

Ainsi, la circulation thermohaline de l’Atlantique, dont dépend le Gulf Stream, pourrait être perturbée, de même que le courant El Nino.

Enfin, les précipitations pourraient devenir imprévisibles en divers endroits du monde : la mousson indienne estivale pourrait ainsi devenir chaotique, tandis que la mousson d’Afrique occidentale pourrait s’arrêter, ouvrant la voie à un assèchement du Sahara, ou au contraire, selon un scénario opposé, à de plus importantes précipitations qui signifieraient la fin du désert et le retour de la végétation. » (François Gemenne, Géopolitique du changement climatique)

Un million de rats exterminés sur l’île de Géorgie du Sud

C’est un projet mégalomane et criminel, et pourtant il est facile de voir que l’intention est louable. Difficile de dire si c’est un drame ou une tragédie, mais en tout cas cela montre que tout cela est fou.

Vient, en effet, de se terminer la seconde phase d’un projet sur plusieurs années, visant à sauver la majorité des espèces présentes sur l’île de South Georgia, en français Géorgie du Sud.

Cette île, qui a une superficie de 3 755 km2 , avec un officier de marine et quelques chercheurs comme seule présence humaine, se situe à pratiquement 1390 km des Malouines, et tout comme ces îles elle appartient à la Grande-Bretagne mais est revendiquée par l’Argentine.

Cette fois, c’est à un million de rats que la Grande-Bretagne a déclaré la guerre. Elle a distribué 200 tonnes de pellets empoisonnés sur 580 km² pendant 600 heures, avec 1000 vols.

Le but est d’exterminer les rats, qui vivent sur les côtes de l’île, avec notamment onze sommets de plus de 2 000 mètres ; les glaciers empêchent encore les rongeurs d’aller sur le reste de l’île.

Les pellets ont été jetés par hélicoptères.

On l’aura compris, les humains jouent ici aux apprentis sorciers. La logique expliquée est que ce sont les humains qui ont amené les rongeurs, et que leur tâche est donc de les supprimer, afin de « rétablir » l’équilibre naturel sur une île où vivent entre autres 400 000 manchots royaux, et en tout plus de 30 millions d’oiseaux.

Voici l’argumentaire du projet, qui connaîtra une troisième et dernière phase en 2015 :

« La souffrance endurée par tout animal est profondément regrettable, mais à moins que les rongeurs ne soient retirés de Géorgie du Sud, chaque année, des milliers voire des millions de jeunes oiseaux seront dévoré vivants par les rats.

La mort d’un rat va maintenant empêcher le meurtre de nombreux oisillons au fil du temps, et probablement sauver un oiseau, le pipit antarctique, de l’extinction.

Dans l’ensemble, la plupart des gens seraient d’accord pour dire que l’éradication des rongeurs de la Géorgie du Sud est justifiable, voire nécessaire. »

Tout cela est bien beau sur le papier, mais en pratique un million de rongeurs, principalement des rats, vont mourir en raison d’un anti-coagulant, leur amenant des lésions internes, en plus de les rendre photophobiques, pour les faire mourir dans leurs tanières, pour qu’ils ne soient pas eux-même mangés par la suite par des oiseaux.

A cette souffrance s’ajoute la prise de risque ouverte concernant les labbes antarctiques, largement susceptibles de manger les pellets et de mourir. Leur extinction est ouvertement prise en compte ; les chercheurs tablent sur le fait que les jeunes ne sont pas sur l’île à ce moment précis.

Les chercheurs estiment par contre « inévitable » la mort de l’ensemble des rennes, qui sont sur l’île depuis 100 ans.

Ce n’est pas tout : les rats ne sont pas les seuls rongeurs, il y a des souris. La « victoire » sur les rats pourrait amener le « triomphe » des souris.

Enfin, les humains prétendent avoir l’expérience de 1182 exterminations réussies d’animaux sur 762 îles.

Cela est absurde et faux. Faux, car les humains n’ont certainement pas compris le niveau de complexité de Gaïa. Les humains peuvent prétendre « gérer », en fait ils ne gèrent rien du tout, comme le prouve le réchauffement climatique et la destruction de la Nature.

S’imaginer qu’une « extermination » puisse réussir, c’est avoir de la Nature une vision totalement mécaniste. On en est ici encore à Descartes et son monde comme une horloge!

Ainsi, prétendre simplement faire un « retour » en arrière n’a pas de sens, alors que la situation a déjà changé. De plus, il fallait mettre le paquet pour trouver une autre solution qu’une extermination massive digne des nazis.

C’est terrible : non seulement Dieu n’existe pas, mais en plus des religions, il faut que la planète endure des humains se prenant pour « Dieu » !

Remarques autour de Pee & Poo

Voici un petit exemple à la fois humoristique et philosophique, montrant à quel point la question de Gaïa est si importante. Si la théorie de Gaïa est juste, alors cela veut dire que tout est lié ; il n’existe pas de choses séparées des autres.

Tout, d’une manière ou d’une autre, est lié au reste. Quelqu’un qui jette un mégot de cigarette pollue terriblement, en ayant fumé la cigarette il a abîmé son corps, et la production de la cigarette elle-même a exigé des transformations sur la planète.

Ainsi, on ne pourra jamais prendre conscience de la réalité du réchauffement climatique sans reconnaître Gaïa ; si on ne reconnaît pas que tout est lié, alors les phénomènes semblent coupés les uns des autres.

Voici donc un exemple à la fois humoristique et dégoûtant. Il s’agit de « pee & poo », soit « pipi & caca », une ligne de sous-vêtements pour bébés venant de Suède, dont les mascottes ont une sorte de petit succès.

Absolument dégoûtant, penseront la plupart des personnes voyant cela. Comment peut-on faire un truc aussi absurde ? Notons que le délire est poussé jusqu’à faire des e-cards très originales.

Quel rapport avec Gaïa, demandera-t-on avec justesse ? Eh bien, c’est très facile. Le fait d’uriner et de déféquer est quelque chose de parfaitement naturel, ici nous ne disons pas grand chose de bien original.

Mais maintenant regardons les villes. Promenez-vous dans une ville, achetez un jus de fruit au supermarché, baladez-vous. Que se passera-t-il ? L’envie d’uriner arrive. Et là se pose la question : comment faire ?

C’est un exemple excellent – même si fort bizarre en apparence – de comment concevoir Gaïa permet de mettre en perspective. Ce qui choque quand on voit « pee & poo », c’est qu’on y voit la saleté, et c’est tout à fait normal.

Seulement, « pee & poo » sont également naturels. Et les villes ont tellement affirmé le rejet du naturel qu’il n’y a même pas de toilettes ! Les toilettes, on va les trouver dans les cafés, mais alors il faut consommer, et donc de nouveau avoir envie d’aller aux toilettes (sans compter la crasse des locaux le plus souvent).

Comme bien sûr nous vivons dans une société où les femmes sont mises de côté par rapport aux hommes dans bien des domaines, la question des toilettes est encore plus rejetée, les hommes se débrouillant pour uriner de-ci de-là.

Et avec la crise, on voit la terrible situation des SDF. Qui, quand il voit une personne SDF, se dit : comment cette personne fait-elle pour uriner et déféquer ?

Et pourtant il faut se la poser, car c’est la dignité de la personne SDF qui est en jeu, puisqu’elle est tellement « inexistante » dans l’imaginaire social qu’elle en devient une abstraction, une abstraction dénaturée, n’ayant plus besoin de toilettes !

De tels exemples, on en a facilement une infinité. Ce qui fait, on le concédera, déjà pas mal juste en partant de « pee & poo », qui ne sont ici rien qu’un prétexte à parler de cette chose simple et compliquée, statique et en mouvement : la Nature, en qui nous nous trouvons.

Pour finir, voici un exemple parlant de ce raisonnement, et nous reparlerons de cette question chimique.

En allant sur wikipedia à « urine », on apprendra que :

Le composant principal de l’urine est, bien sûr, l’eau, mais le principal déchet qu’elle contient est l’urée.

Qu’est-ce que l’urée ? A la page wikipedia « urée », on a :

L’urée naturelle est découverte en 1773 par Hilaire Rouelle.

Formée dans le foie lors du cycle de l’urée, à partir de l’ammoniac qui provient de la dégradation terminale de trois acides aminés : l’arginine, la citrulline et l’ornithine, l’urée naturelle est éliminée par l’urine.

Et là, on voit à quoi peut servir l’urée, toujours sur la page wikipédia :

Engrais

La plus importante utilisation actuelle se fait sous la forme d’engrais azotés.

L’urée est hydrolysé en ammoniac et en dioxyde de carbone dans le sol (…).

Alimentation animale

L’urée (qualité alimentaire) est employée dans l’alimentation des ruminants (à l’exclusion des autres animaux). En effet, les micro-organismes présents dans le rumen sont capables d’utiliser cette source d’azote pour synthétiser des acides aminés utilisables par le ruminant (…).

Matières plastiques

L’urée est utilisée en chimie industrielle pour la synthèse de plastiques thermodurcissables, les « résines urée-formol » (urée formaldéhyde, sigle UF).

Additif alimentaire

L’urée est utilisée dans l’alimentation comme additif alimentaire comme agent améliorant (Numéro ). Son usage est limité car elle possède une saveur amère.

Eh oui, l’urine n’est pas un pur « déchet », sa composition chimique a joué un rôle dans la planète, forcément, puisque tout est lié. Et ses propriétés sont même utilisés de manière industrielle.

Nous en reparlerons, mais c’est un exemple, facile et surprenant, de comment en Gaïa tout est lié ! Aussi absurde que cela en ait l’air, parler d’uriner et de déféquer, cela concerne Gaïa…

Qu’est-ce que Gaïa ?

La plupart d’entre nous sentons que la Terre est plus qu’une simple sphère rocheuse entourée d’une mince couche d’air et recouverte d’océans et de vie.

Nous éprouvons à son endroit un sentiment d’appartenance semblable à celui que nous inspire notre maison. Dans le même esprit, les anciens Grecs donnèrent à la Terre le nom de Gaïa ou le diminutif Ge.

À cette époque, la science et la théologie ne faisaient qu’un. Et la science, bien que moins précise qu’aujourd’hui, avait une âme. Avec le temps cette chaude relation s’éteignit peu à peu pour être remplacée par la froideur du savoir universitaire.

Les sciences de la vie, n’ayant désormais aucun regard pour la vie, en vinrent à se contenter de classifier les éléments non vivants, allant même jusqu’à pratiquer la vivisection. Gaïa perdit son aura théologique pour n’être plus que la racine des mots géographie et géologie.

Mais il y a enfin des signes de changement. La science redevient holistique, redécouvre son âme et la théologie, portée par le mouvement oecuménique, commence à comprendre que le destin de Gaïa n’est pas de se fragmenter pour correspondre aux disciplines universitaires et que Gaïa est bien plus qu’un simple préfixe.

Cette nouvelle façon de voir est le résultat de la conquête de l’espace et de la redécouverte de la terre qu’elle rendit possible. La vision de cette splendide sphère bleue tachetée de blanc nous a tous exaltés ; qu’importe qu’elle soit devenue un cliché !

Elle a même dessillé les yeux de notre esprit, comme un voyage au loin élargit les perspectives de notre amour pour ceux qui sont restés à la maison.

Le premier impact de ces voyages fut le sentiment d’émerveillement qu’éprouvèrent les astronautes et dont nous eûmes notre part grâce à la médiation de la télévision.

Au même moment, une autre médiation, plus objective, celle des instruments scientifiques, permit d’observer la Terre du dehors.

Ces appareils étaient certes indifférents aux émotions humaines, nous leur devons néanmoins l’information grâce à laquelle la Terre nous est apparue comme une étrange et magnifique anomalie.

Ils ont démontré que notre planète contient les mêmes éléments que Mars et Vénus dans des proportions similaires, mais ils nous ont aussi révélé que ces planètes soeurs sont nues et arides… et aussi différentes de la terre qu’un merle d’un caillou.

Nous voyons maintenant que l’air, l’océan et le sol sont bien plus qu’un simple environnement indépendant des organismes vivants : ils font eux-mêmes partie de la vie. L’air est à la vie ce que la fourrure est au chat ou ce que le nid est à l’oiseau.

Ni l’air, ni la fourrure, ni le nid ne sont en eux-mêmes vivants, ils sont toutefois produits par des organismes vivants qui se protègent ainsi contre un monde qui, autrement, leur serait hostile. Pour toute vie sur Terre, l’air est une protection contre les froids abîmes de l’espace et ses redoutables radiations.

L’interaction sur Terre entre la vie, l’air, la mer et les minéraux n’a rien d’étonnant. Il a toutefois fallu un regard extérieur pour entrevoir la possibilité que cette interaction puisse être le fait d’un seul système vivant gigantesque ayant la capacité de maintenir la Terre dans l’état le plus favorable à la vie qu’elle héberge.

Une entité comprenant une planète entière avec une puissante capacité de réguler le climat mérite un nom qui soit digne d’elle. C’est l’écrivain William Golding qui suggéra le nom de Gaïa.

Nous avons accepté sa proposition avec enthousiasme et Gaïa est aussi le nom de l’hypothèse scientifique selon laquelle le climat et la composition de la Terre doivent toujours demeurer près du point optimum pour les êtres vivants qui l’habitent.

Les preuves à l’appui de l’hypothèse Gaïa sont aujourd’hui nombreuses, c’est là toutefois, comme il arrive souvent en science, une chose moins importante que l’usage que l’on peut faire de ladite hypothèse, comme d’un miroir permettant de voir le monde différemment et de faire surgir de nouvelles questions quant à la nature de la Terre.

Si nous sommes tous des créatures faisant partie de Gaïa, grandes ou petites, depuis la bactérie jusqu’à la baleine, nous sommes alors tous potentiellement importants pour son bien-être. Nous sentions bien que la destruction d’une série d’espèces est une chose mauvaise, maintenant nous savons pourquoi.

Il ne nous est plus permis de réagir par un simple regret à la disparition d’une grande baleine, d’un papillon bleu, voire d’un virus comme celui de la variole.

En éliminant l’une de ces créatures, c’est peut-être une partie de nous-mêmes que nous détruisons, car nous faisons nous aussi partie de Gaïa.

Il y a autant de raisons de se réjouir que de s’inquiéter à la vue des conséquences de notre participation à ce grand patrimoine commun des êtres vivants. Ne sommes-nous pas les sens et le système nerveux de Gaïa?

Elle a vu pour la première fois son vrai visage à travers nos yeux et elle est devenue consciente d’elle-même dans et par nos esprits. Elle est notre premier lieu d’appartenance.

La terre est plus qu’une simple maison, elle est un système vivant dont nous faisons partie. (Qu’est-ce que Gaïa ?, James Lovelock)

 

« Gaïa fait référence à la somme de tous les organismes vivants »

« Gaïa, le terme grec ancien pour la planète Terre, de nouveau employé comme nom d’une théorie de la planète vivante, est représentée sur l’image 8.1 [datant de 1969] et définie ici.

Le terme « biote » se réfère à toute la flore (les plantes), la faune (les animaux) et le microbiote (les fungi [les champignons], les protistes et les bactéries), c’est-à-dire qu’il est équivalent à la somme totale de toute la biomasse sur la planète.

Le biote est peut-être mieux compris comme la matière vivante aujourd’hui.

Le biote commence et termine intégré dans la biosphère – les environ 33 kilomètres depuis le fond des abysses océaniques jusqu’au sommet de la troposphère, où existe la vie.

Soit plus de trente millions de types d’organismes, d’espèces et de souches bactériennes, descendant d’ancêtres communs.

Tous interagissent. Tous produisent et retirent des gaz, des ions, des métaux et des composés organiques.

Le métabolisme, la croissance, et les interactions de ces myriades d’êtres, en particulier dans les solutions aqueuses, conduisent à la modulation de bien davantage que la température, le caractère alcalin et la composition atmosphérique de la surface de la Terre.

Clairement, alors, Gaïa fait référence à la somme de tous les organismes vivants, plutôt qu’à un seul organisme intégré dans son environnement à la surface de la Terre et choisi de manière arbitraire [qui serait l’être humain].

La vision gaïenne de la vie inclut également l’environnement de toutes ces autres formes de vie.

Gaïa – au total – est le sélecteur naturel de tout organisme, y compris de l’organisme qui serait choisi de manière arbitraire [par l’humanité, de manière anthropocentriste].

Gaïa, en général, est ce qui empêche les populations d’un tel organisme d’atteindre leurs potentiels biotiques. Comme toutes les populations, depuis la bactérie de l’anthrax dans un poumon jusqu’aux rats de New York dans des caves, la croissance par reproduction qui amène à toujours davantage de croissance par reproduction continue encore et encore jusqu’à ce qu’elle soit stoppée – par la sélection naturelle.

Le fait que Gaïa nous sélectionne naturellement nous aide à comprendre comment la Terre est un système vivant intégré. » (Lynn Margulis et Dorion Sagan, Acquiring genomes, a theory of the origin of species, 2002)

Nous procéderions comme les plantes…

Nous avions très brièvement parlé de l’utopie de ne plus manger de végétaux. Si les végans se moquent avec raison de la propagande anti-animaux sur le « cri de la carotte », il n’en est pas moins vrai que les végétaux ont des ressentis également, même si moins « développés. »

Inévitablement la question des végétaux se posera, mais après celle des animaux, bien entendu.

Dans le passage suivant, Lovelock décrit l’utopie de se passer des végétaux, un peu comme dans la série « Star Trek » où on commande à l’ordinateur le plat que l’on veut et qui se fait synthétiser.

L’humanité fait face à Gaïa un peu comme si celle-ci s’était divisée, l’humanité étant en quelque sorte son enfant.

« Je crois qu’il est possible – sans mutiler Gaïa – de nourrir les huit milliards d’habutants que comptera bientôt la planète. Pour cela, nous devons nous dissocier du métabolisme de la Terre.

Lorsque la fusion [nucléaire, comme le fait le soleil, pour l’instant on utilise la fission nucléaire], peut-être disposerons-nous de toute l’énergie dont nous avons besoin ; cependant, nous n’en continuerons pas moins à occuper une surface beaucoup trop grande avec nos pratiques agricoles et à constituer une menace pour les écosystèmes océaniques.

Ne serait-pas possible de synthétiser la nourriture nécessaire à la population du globe et de renoncer par là même à l’agriculture ? La consommation alimentaire mondiale actuelle représente quelques sept cent millions de tonnes de carbone, soit une fraction minime de l’utilisation actuelle de carbone sous forme de combustible.

Les substances chimiques indispensables à la synthèse des aliments seraient extraites directement de l’air ou, plus facilement encore, des composants carbonés fournis par les effluents des centrales électriques.

L’azote et le soufre pourraient aussi provenir de ces effluents, et nous n’aurions besoin en outre que d’eau et d’éléments à l’état de trace.

Nous procéderions comme les plantes, mais en remplaçant la lumière solaire par la fusion.

Nous ne synthétiserions pas les substances complexes que nous mangeons habituellement (brocolis, olives, pommes, steaks, hamburgers, pizzas…). De nouvelles usines alimentaires de grandes dimensions produiraient plutôt des sucres et des acides aminés simples, lesquels constitueraient la base de cultures tissulaires (de viandes et de légumes) ou d’aliments artificiels fabriqués à partir de tous les organismes pouvant être mangés sans danger.

Les techniques utilisées ne seraient guère différentes de celle employées à présent pour brasser la bière ou produire des antibiotiques.

Appliquer ces procédés sur une échelle suffisante pour nourrir tout le monde permettrait à de restituer à Gaïa les terres agricoles afin qu’elles remplissent à nouveau leur fonction véritable : la régulation du climat et de la chimie de la Terre.

La surpêche actuelle qui menace la faune océanique cesserait du même coup. » (James Lovelock, La revanche de Gaïa)

La théorie Gaïa du professeur Lovelock : la Terre se régule elle-même

Le quotidien irlandais le Irish times parle régulièrement de Lovelock, et voici un article qui avait été traduit en français. Il présente de manière assez claire la conception de notre planète comme « Gaïa », comme écosystème où tout est en interaction.

La théorie Gaïa du professeur Lovelock : la Terre se régule elle-même

Pour de nombreux défenseurs de l’environnement, le scientifique britannique James Lovelock est un des « papes de l’écologie ». Pour une bonne partie de ses collègues, son « hypothèse Gaïa » qui décrit la Terre comme un organisme vivant manque de rigueur scientifique. Portrait d’un homme discret et controversé qui, par ses idées, a contribué à faire de la défense de l’environnement l’une des grandes priorités de cette fin de XXème siècle.

Le Pr. James Lovelock peut se mettre vraiment en colère quand il entend parler d’une « Terre fragile » à la télévision. Ce cliché « Vert » lui rappelle beaucoup la façon dont les hommes de l’époque victorienne parlaient de la fragilité féminine, légitimant ainsi leur sentiment de supériorité et leur possessivité.

« La Terre Mère est forte, explique le Pr. Lovelock, et peut prendre soin d’elle-même : c’est l’humanité future, en tant qu’espèce résidente, qui pourrait bien devenir « fragile ».

Paradoxalement, la démarche même de se préoccuper de la Terre doit sans doute plus à cet homme qu’à quiconque.

Voilà vingt et un ans, il traçait pour la première fois les grandes lignes de son « hypothèse Gaia ». Selon cette hypothèse, la Terre est un organisme vivant qui régule sa propre atmosphère et son système écologique. Cette notion est aujourd’hui irrévocablement liée à ces photographies splendides prises de l’espace de notre planète couronnée de nuages.

Le nom de Gaïa, la déesse grecque de la Terre, lui va à merveille. C’est son voisin dans la campagne de Cornouailles, feu William Golding, qui, avec le sens du symbole propre au romancier, baptisa ainsi le super organisme du professeur.

Pour les écologistes du monde entier, cette métaphore est parfaite. Elle exprime l’unité de la Terre dans sa complexité, là où la science la traite en objet isolé et se limite à l’étude stricte de chacun de ses éléments. Certains Verts vont même plus loin et voient dans « Gaïa » un organisme réellement vivant, doué de conscience et même doté d’un dessein et d’une intelligence globale.

Pour le chimiste Philip Ball, rédacteur en chef de la revue scientifique Nature, l’hypothèse Gaïa est « l’une des idées les plus poétiques de la pensée scientifique récente ». Mais les scientifiques exigent des théories qui puissent être vérifiées et toute la poésie de l’hypothèse Gaïa ne leur est d’aucun secours pour cela. En 1988, un professeur de l’université du Sussex la dénonçait, comme de nombreux biologistes, comme « stupide et dangereuse, génératrice d’un mythe pseudo-scientifique » .

Lovelock lui-même désespère de certaines attitudes non scientifiques, voire de la vénération religieuse à la Terre qu’affichent certains adeptes de ses idées. « Gaia, en tant que nom ou symbole, est allée bien au-delà de mes intentions », a-t-il écrit récemment. « Je la regarde s’enfler rapidement, se remplir principalement d’immondices, comme une benne vide laissée dans une rue londonienne ».

De la planète rouge à la planète bleue

Sa grande découverte se situe au milieu des années 60. Il travaillait alors en Californie pour la NASA, l’Agence spatiale américaine, qui recherchait des signes de vie sur Mars. En comparant l’atmosphère de cette planète à celle de la Terre, il réalisa que notre atmosphère ne pouvait être expliquée par les lois physiques et chimiques normales.

Son mélange de gaz – oxygène, azote, méthane, gaz carbonique – lui parut profondément bizarre. Pour lui, sa stabilité ne pouvait être maintenue sans l’existence d’un. système de contrôle actif englobant tous les organismes à la surface de la Terre.

A partir de cette « illumination », il développa son modèle de la Terre en tant qu’entité vivante en évolution. La surface de notre planète est elle-même un élément de la vie et non un simple environnement où la vie dit s’adapter. L’atmosphère – ou ce qui, en elle, fabrique le temps qu’il fait – est un système circulatoire produit et entretenu par la vie.

Gaïa devient ainsi un écosystème géant dont la stabilité est maintenue par des cycles et des réactions chimiques impliquant les organismes vivants. Les forêts tropicales créent ainsi des nuages pour refroidir l’atmosphère et les algues marines aident à la régulation du cycle du carbone.

Lui et ses collègues « géophysiologistes » ne représentent encore qu’un courant très minoritaire de la science.

Un autre courant, toujours minoritaire mais plus étoffé, accepte l’idée que les organismes vivants agissent sur la composition de l’air, des océans et des roches terrestres, mais rejette l’opinion selon laquelle la Terre pourrait être en autorégulation pour le bien de la vie. La vie et l’environnement ne lui semblent que vaguement associés l’un à l’autre . Lovelock considère que la majorité des scientifiques continuent à agir comme si la Terre était un habitat de rocaille morte auquel « un résidu de vie jeune et ténu  » a dû s’adapter.

La Terre vivante est-elle savante?

En décrivant Gaïa comme un organisme vivant, il ne parle pas d’intelligence ou de conscience. Mais les scientifiques se demandent ce qu’il veut dire exactement quand il déclare que la Terre est « vivante ». Un collègue de Lovelock, le biologiste Lynn Margulis de Boston, accepte en Gaïa l’idée de « cognition » : un système sensoriel construit à partir de toutes les interactions sensorielles des organismes individuels de la Terre. Mais pour la plupart des scientifiques, la difficulté est de vérifier l’hypothèse Gaïa.

Seule cette vérification permettrait à leurs yeux, de transformer l’hypothèse en une proposition « scientifique ». Or l’idée d’un système qui assure la stabilité de toute la planète semble, presque par définition, se situer au-delà de toute expérimentation.

S’il pouvait être prouvé que les organismes participent effectivement à la stabilisation des conditions de leur propre survie, ce serait une preuve de poids en faveur de l’hypothèse Gaïa.

Lovelock suggère par exemple que, dans un monde qui se réchauffe, les algues des océans émettraient davantage de gaz sulfureux afin de favoriser la production de nuages pour refroidir la Terre. D’intenses recherches sont actuellement poursuivies sur les interactions entre les océans et le climat. Lorsqu’il évoque la solidité de la Terre, Lovelock fait référence aux chocs massifs et répétés qu’elle a subis de l’espace et auxquels elle a survécu. Comparativement, la destruction de la nature par l’humanité lui semble représenter un « dérangement mineur ».

Même les trous dans la couche d’ozone ne le préoccuperaient guère si les cancers de la peau en étaient l’unique conséquence. Dans sa vision planétaire, tout fauteurs de trouble que nous soyons, nous ne représentons qu’une des espèces du monde vivant. Si nous n’apprenons pas à nous comporter écologiquement, il suggère que les autres espèces pourraient, inconsciemment et automatiquement, modifier le climat de la Terre de telle sorte que l’Homo sapiens y deviendrait importun ou ne pourrait pas y survivre.

L’Homo-écolo « primitif »

Lovelock n’a jamais joué le rôle de gourou que de nombreux Verts étaient prêts à lui faire endosser. Il en a au contraire dit assez pour se les mettre à dos.

Parmi eux, il égratigne les « primitifs », à son avis incapables d’évoluer, qui jugent toute industrie intrinsèquement nuisible, polluante et spéculatrice .

« L’industrie nucléaire, écrit-il, est trop souvent considérée comme de nature diabolique par excellence. Ce déluge de propagande écologiste ne prend pas en compte cette évidence : si nous renoncions à notre civilisation industrielle, bien peu parmi nous survivraient ».

Il estime que les attitudes anti-industrielles sont allées à l’encontre des changements dont nous avons besoin. Il plaide en faveur de la nouvelle profession de « médecin planétaire » qui permettrait d’agir « empiriquement, en mécanicien » contre la pollution atmosphérique. Mais il a peu de temps à consacrer aux discours à la mode sur la nécessité de prendre en charge « l’intendance » de la Terre.

Il serait seulement prêt à accepter une mission pour l’humanité en tant que « délégué du personnel » de Gaïa. Il représenterait alors les autres formes de vie de la planète et se ferait le porte-parole des champignons et de l’humus aussi bien que « des nouveaux riches de notre planète, poissons, oiseaux et autres animaux ».

Michael Viney, Irish Times (Irlande)

Le système Terre et l’autorégulation

« Jusqu’à une époque récente, nous admettions que l’évolution des êtres vivants s’opérait conformément à la vision darwinienne, alors que celle du monde physique des roches, de l’air et de l’océan obéissait à la géologie des manuels scolaires.

Dans la théorie Gaïa, on estime que ces deux évolutions, jugées auparavant séparées, sont les fruits d’une seule et même histoire de la Terre, où la vie et son milieu physique évoluent comme une entité unique.

J’aime à dire que ce sont les niches écologiques qui évoluent, et les organismes vivants qui négocient leur occupation (…).

Ainsi, ce qui déconcerte le plus dans la théorie gaïenne, c’est l’autorégulation. Pour commencer, j’ai été stupéfait par l’aptitude du système Terre à ne pas s’écarter de la température et de la composition chimique favorable à la vie, et ce depuis plus de deux milliards d’années, soit un quart de la période qui a suivi la naissance de l’univers (…).

Les modèles simples de Gaïa se caractérisent par leur stabilité et leur résistance aux perturbations, mais uniquement si la vie présente sur cette planète modélisée dépasse une masse critique. Les modèles trouvent en général leur équilibre lorsque 70 % à 80 % de la surface planétaire est habitée, le reste était supposé occupé par des déserts et des océans stériles ou peu peuplées.

Si une catastrophe détruisait plus de 70 % ou 90 % de la population, la température et la composition chimique cesseraient d’être régulés, et le système modélisé dériverait rapidement vers l’état d’équilibre d’une planète morte (…).

L’apparition de l’oxygène a été un événement aussi important dans l’histoire de Gaïa que la puberté l’est dans la vie humaine. Elle a entraîné l’apparition de cellules vivantes plus complexes, les eucaryotes, puis de ces énormes assemblages de cellules que sont les plantes et les animaux.

Entre autres choses, ce gaz a permis à la Terre de conserver ses océans en empêchant la fuite de l’hydrogène dans l’espace. Après l’apparition de l’oxygène, l’évolution de la vie sur Terre a traversé une sorte d’âge obscur de plus d’un milliard d’années, dont il reste peu ou pas de traces historiques (…).

Puisque le soleil devient plus chaud, la chaleur reçue actuellement par la Terre est plus intense qu’elle ne l’était au commencement de la vie, il y a plus de trois milliards d’années.

Pourtant, dans la plupart des manuels scolaires et des émissions télévisées, on répète que notre planète se situe exactement à bonne distance du soleil et que c’est la raison pour laquelle la vie est possible sur Terre.

Cette affirmation, antérieure à la théorie Gaïa, est erronée : la chaleur émise par le soleil n’a été idéale qu’au cours d’une brève période de l’histoire de la Terre, voilà quelques deux milliards d’années.

Avant, elle ne suffisait pas à rendre la température agréable, et passé cette période, elle est devenue peu à peu trop élevée. A très long terme, le réchauffement solaire posera un problème bien plus épineux pour la vie que l’actuel réchauffement dû aux activités anthropiques.

Dans un milliard d’années environ, et bien avant que le soleil ne meure, la chaleur reçue par la Terre sera supérieure de deux kilowatts par mètre carré ; cela dépasse ce que Gaïa, telle que nous la connaissons, peut supporter, et elle mourra d’un excès de chaleur.

Gaïa régule sa température à un niveau proche de l’optimum pour la plupart des formes de vie qu’elle abrite. Mais comme beaucoup de systèmes régulés en fonction d’un but à atteindre, elle tend à le dépasser et à aller dans le sens opposé à la contrainte qui déclenche sa réaction.

Si la chaleur solaire est trop faible, la Terre a tendance à être plus chaude que l’idéal ; si le soleil es trop chaud, comme aujourd’hui, elle tend à être trop fraîche.

C’est la raison pour laquelle la plupart des situations climatiques que nous vivons relèvent plutôt d’une ère glaciaire. La succession récente de glaciations – période que les géologues appellent le pléistocène – témoigne, je crois, d’un ultime effort du système Terre pour répondre aux besoins de vie actuelles (…).

Avant de conclure, il est bon de rappeler que Gaïa est vieille et n’en a plus pour longtemps. Le soleil ne tardera pas à devenir trop chaud pour les animaux, les plantes et de nombreuses formes de vie microbiennes.

Il paraît improbable que des bactéries tolérant la chaleur – des thermophiles vivant dans les oasis d’un monde devenu désertique – soient suffisamment abondantes pour former la masse vivante nécessaire au fonctionnement de Gaïa.

Il semble également improbable que la Terre que nous connaissons puisse durer ne serait-ce qu’une fraction des milliards d’années écoulées depuis son apparition. Les dégâts provoqués par l’impact d’un planétésimal [un corps céleste – ndlr], voire par une future civilisation industrielle, pourraient entraîner Gaïa d’abord vers un état plus chaud et temporairement stable, puis vers la panne totale. » (James Lovelock, La revanche de Gaïa)

« Nous ne nous en sortirons qu’en reconnaissant la nature véritable de la Terre, le plus grand être vivant du système solaire… »

« Je qualifie Gaïa de système physiologique car elle semble destinée à réguler le climat et la chimie de la Terre de façon optimale et propice à la vie. De tels objectifs évoluent avec l’environnement et s’adaptent aux différentes formes de vie.

Nous devons envisager Gaïa comme un système global composé de parties animées et inanimées.

Le foisonnement des organismes vivants que permet la lumière solaire renforce Gaïa, mais cette énergie sauvage et chaotique est bridée par les contraintes (physiques et chimiques) qui façonnent cette entité (Gaïa) en quête d’un équilibre profitable à la vie.

La reconnaissance de ces contraintes pesant sur le développement de la vie me paraît essentielle à la compréhension intuitive de Gaïa. Elles affectent non seulement les organismes ou la biosphère, mais aussi le milieu physique et chimique.

S’il est évident que celui-ci peut se révéler trop chaud ou trop froid pour les êtres vivants les plus courants, d’aucuns trouveront moins évident que l’océan devienne un désert lorsque sa température de surface dépasse une douzaine de degrés.

En effet, il se forme alors, au contact de l’air, une couche stable d’eau chaude qui ne se mélange pas avec les eaux plus fraîches des profondeurs, riches en nutriments.

Cette propriété purement physique de l’eau de mer prive d’éléments nutritifs la vie présente dans la couche chaude éclairée par le soleil, qui ne tarde pas à se dépeupler. C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles Gaïa semble s’évertuer à maintenir la Terre fraîche.

Vous remarquerez que je continue à utiliser la métaphore de la « Terre vivante » ; n’allez pas croire pour autant que j’imagine Gaïa douée de sensations ou que je la conçoive vivante comme un animal ou une bactérie.

Je pense qu’il est grand temps d’élargir la notion quelque peu dogmatique et limitée de la vie considérée comme organisme reproductible et déterminée par la sélection naturelle (…).

La métaphore est importante pour appréhender la mauvaise passe dans laquelle nous nous trouvons : nous ne nous en sortirons qu’en reconnaissant la nature véritable de la Terre, le plus grand être vivant du système solaire, irréductible à un objet inanimé, encore moins à un « vaisseau spatial. »

Tant que nous ne l’aurons pas ressenti en notre âme et conscience, nous n’éprouverons pas d’instinct ce que nous vivons sur une planète vivante, capable de réagir aux changements en les éliminant ou en neutralisant leurs auteurs.

Tant que le caractère vivant de la Terre – sa régulation du climat et de la chimie – nous échappera, nous n’aurons pas la volonté de réformer notre mode de vie, ni ne comprendrons que nous avons fait d’elle notre pure ennemie. » (James Lovelock, La revanche de Gaïa)

Le documentaire « Chasing ice »

Chasing Ice est un documentaire qui est sorti en novembre 2012 et qui a été très remarqué au Festival du film indépendant de Sundance, aux Etats-Unis, qui vient de se terminer.

Le film fait partie des tentatives d’aider à la compréhension de ce que subit notre planète. Son principe est simple : 25 caméras pointées sur 18 grands glaciers, en Alaska, dans le Montana, au Brésil, au Groenland, en Islande, dans l’Himalaya… ont filmé leur évolution pendant 356 jours, avec une image prise chaque demi-heure.

Le film a été réalisé par Jeff Orlowski qui suit James Balog, photographe du National Geographic, pendant 74 minutes où les prises de vue à intervalles montrent l’impact du réchauffement climatique. James Balog a créé une organisation dédiée à cette cause des glaciers : earthvisiontrust.org.

Pour comprendre le ton du film, il y a une scène où Balog tient dans sa main une carte mémoire et explique : « Dessus il y a le souvenir d’un paysage. Un paysage, qui a désormais disparu et qui ne reviendra jamais dans l’histoire de la civilisation. »

L’allusion bien entendu est que le « paysage » en question peut revenir, si la civilisation s’effondre. Le rythme du réchauffement est impressionnant.

Balog n’a pas hésité à attendre plusieurs semaines pour être en mesure de filmer le détachement d’un bloc de glace titanesque de 7,4 kilomètres cube sur le glacier Ilulissat. Il raconte : « C’est comme si Manhattan s’était brisé sous nos yeux. Cette agonie s’est éternisée 75 longues minutes dans un gémissement plaintif. Elle ne fait pas que montrer la réalité du changement climatique : elle fournit la preuve en image de son accélération. »

La preuve, malheureusement il en faut encore, surtout en France, où le « climato-scepticisme » est très fort.

Rappelons également qu’avec la fonte de la banquise en été, l’énergie solaire pénètre dans l’océan et renforce le réchauffement, notamment des parties continentales, faisant fondre le permafrost, qui abrite des milliards de tonnes de gaz carbonique et de méthane…

D’ici 2100, 436 milliards de tonnes de carbone vont sans doute être libérées, soit le double de l’émission annuelle actuelle de dioxyde de carbone sur notre planète…

Pendant ce temps-là, les capitalistes se frottent les mains à l’idée de pouvoir profiter de 13 % des réserves mondiales de pétrole et de 30 % de celles de gaz, alors qu’il est déjà prévu que 20 % du trafic maritime international passera par l’arctique !

Nous ne savons pas si Chasing ice sortira en France. De manière anecdotique, le film est en compétition pour… l’Oscar de la meilleure chanson originale en 2013, avec Before My Time, interprétée par Scarlett Johansson.

Tout cela ne peut rappeler qu’une chose : le changement est inéluctable. Aucune vie humaine n’est possible sans une vie harmonieuse en Gaïa.

Goethe, Automne

En cet automne, voici un poème de Goethe, datant de 1775, et s’intitulant justement Automne.

Vert qui est dense, toi feuillage

Sur des vignes dans les vallons,

Ici en hauteur depuis ma fenêtre

jaillissez en poussée,

baies jumelles, et mûrissez

plus rapidement et brillez davantage pleinement.

 

Vous couve, de la Mère Soleil,

le regard de la séparation, de bruissements vous entourent

du ciel aimable,

l’abondance fruitée.

Vous rafraîchit, de la Lune,

l’amical souffle magique.

 

Et vous êtes embués, ah,

de ces yeux,

de l’éternel amour ranimant,

De pleines larmes s’élançant.

Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière…

L’automne

Salut ! bois couronnés d’un reste de verdure !
Feuillages jaunissants sur les gazons épars !
Salut, derniers beaux jours ! Le deuil de la nature
Convient à la douleur et plaît à mes regards !

Je suis d’un pas rêveur le sentier solitaire,
J’aime à revoir encor, pour la dernière fois,
Ce soleil pâlissant, dont la faible lumière
Perce à peine à mes pieds l’obscurité des bois !

Oui, dans ces jours d’automne où la nature expire,
A ses regards voilés, je trouve plus d’attraits,
C’est l’adieu d’un ami, c’est le dernier sourire
Des lèvres que la mort va fermer pour jamais !

Ainsi, prêt à quitter l’horizon de la vie,
Pleurant de mes longs jours l’espoir évanoui,
Je me retourne encore, et d’un regard d’envie
Je contemple ses biens dont je n’ai pas joui !

Terre, soleil, vallons, belle et douce nature,
Je vous dois une larme aux bords de mon tombeau ;
L’air est si parfumé ! la lumière est si pure !
Aux regards d’un mourant le soleil est si beau !

Je voudrais maintenant vider jusqu’à la lie
Ce calice mêlé de nectar et de fiel !
Au fond de cette coupe où je buvais la vie,
Peut-être restait-il une goutte de miel ?

Peut-être l’avenir me gardait-il encore
Un retour de bonheur dont l’espoir est perdu ?
Peut-être dans la foule, une âme que j’ignore
Aurait compris mon âme, et m’aurait répondu ? …

La fleur tombe en livrant ses parfums au zéphire ;
A la vie, au soleil, ce sont là ses adieux ;
Moi, je meurs; et mon âme, au moment qu’elle expire,
S’exhale comme un son triste et mélodieux.

Alphonse de Lamartine, Méditations poétiques

Radical mycology

Pour les personnes parlant l’anglais, il y a un zine très intéressant sur les champignons. Il est fort logique quand on est pour la libération animale et la libération de la Terre qu’on s’intéresse au fabuleux monde des fungi, et il est fort logique qu’aux Etats-Unis des activistes se saisissent de cette question. Sans les fungi, il n’y a pas de vie sur la planète, leur rôle dans Gaïa est toujours sous-estimé et incompris. Très certainement, quand une nouvelle vision du monde triomphera, c’est un véritable univers qu’on découvrira!