Si nous parlons beaucoup du capitalisme ces derniers temps, et de la nécessité d’être d’une fermeté complète, c’est également en raison du contexte.
Le Monde fait par exemple l’éloge d’une personne végane de 21 ans, profil parfait de la bourgeoise tentant de sauver le monde à coups de bonnes intentions et s’imaginant très radical, alors que le discours derrière est à vomir (« Les animaux ne peuvent ni parler ni se révolter »).
Il faut, en effet, être schizophrène pour se dire en faveur des animaux, se dire végane et oser répondre cela :
Selon toi, il ne faudrait plus du tout exploiter les animaux ?
Dans mon monde idéal, oui. Même si on le fait avec douceur et avec respect, exploiter les animaux implique que nous, êtres humains, nous considérons comme étant supérieurs à eux. C’est vrai, on est un animal particulier, plus intelligent et plus fort que d’autres. Mais c’est justement parce qu’on est plus intelligents et plus forts qu’on devrait avoir plus d’humilité et intégrer les animaux dans notre écosystème, et les protéger plutôt que les utiliser.
Cela dit, je suis réaliste, et je suis consciente que ce monde n’existe pas. C’est pour ça que le combat que je mène aujourd’hui vise avant tout l’élevage industriel.
Je ne suis pas fondamentalement contre les petites fermes indépendantes, dans lesquels les fermiers ont un réel contact avec les animaux, y font attention et les soignent.
Même si en fin de compte ils les emmènent à l’abattoir, il y a un donnant-donnant, un échange de services rendus. Dans le monde réel, c’est ça qu’on peut espérer.
Quelle honte! Quelle infâmie! La libération animale, réduite au nom du « réalisme » bourgeois en une apologie du « donnant-donnant »!
C’est odieux, cela réclame une révolte rien qu’à la lecture, cela exige un écoeurement, cela demande une affirmation simple et claire: non, la libération animale ne se négocie pas!
S’il y en a d’ailleurs qui ne comprennent pas pourquoi nous tirons à boulets verts contre la lutte à Notre-Dame-des-Landes, là cela saute aux yeux. Il y a en ce moment un insupportable discours mettant en avant non pas le peuple, de manière démocratique, mais des individus qui « changeraient » les choses.
Et par ici quelques individus vivant en communauté et vivraient différemment, et par là des carriéristes associatifs qui auraient un style de vie « nouveau »…
De la blague, oui, tout cela c’est du petit-bourgeois et du hipster, et c’est poubelle, version non recyclable!
La personne végane interviewée a d’ailleurs sur le site du Monde toute une panoplie de photographies, notamment celle-ci très parlant dans l’absence complète de respect pour les ours, et montrant le niveau infantile de cette mentalité « fun » et hipster.
Nous masquons le visage, parce qu’à LTD, nous mettons en avant la cause, jamais les individus, et encore moins les humains de toutes manières alors que nous voulons que les animaux soit au centre des préoccupations…
Par contre, évidemment sur Le Monde c’est différent, et naturellement elle est extrêmement valorisée comme ayant participé à une grande association, comme faisant du lobbying, elle-même expliquant, dans un grand discours plus bourgeois tu meurs :
Comment se retrouve-t-on à Bangkok, au cœur d’une réunion internationale sur les espèces menacées, quand on est étudiante à Sciences Po Lille ?
Dans le cadre de mon stage à l’étranger, qui est obligatoire en troisième année, je travaille depuis sept mois à Washington pour Humane society international. C’est une grosse organisation, qui emploie plusieurs centaines de personnes rien qu’aux Etats-Unis et qui se préoccupe de toutes les causes : expérimentation animale, élevage industriel, etc. J’ai été affectée au département faune sauvage. C’est pourquoi je suis venue, avec d’autres membres de l’association, suivre la CoP [Conférence des Parties] de la CITES à Bangkok.
Comment es-tu entrée dans l’action pour la protection animale ?
(Elle réfléchit quelques instants.) Ah oui ! Je me rappelle : j’ai lu le livre de Jonathan Safran Foer, Faut-il manger les animaux ? Il venait juste d’être traduit en français, cela devait être début 2011. Comme je suis végétarienne depuis l’âge de 10 ans, j’étais déjà sensibilisé à la cause animale. Mais ce livre m’a vraiment ouvert les yeux sur l’industrie de la viande et l’élevage industriel, sur la souffrance qu’on inflige aux animaux.
L’auteur parlait de l’association PETA : je suis entrée en contact avec eux, et j’ai commencé à faire des actions. À Paris d’abord, puis à Lille.
Au moment de choisir mon stage pour Sciences Po, j’avais déjà fait beaucoup de manifestations pour la protection animale. Contre le foie gras, contre la fourrure, contre la corrida… J’aime bien ce genre de happening, c’est très sanglant, très théâtral, mais l’efficacité reste limitée : si on est vingt avec nos panneaux et qu’on n’a pas les médias, ça ne va pas bien loin ! C’est pour ça que j’ai voulu faire mon stage dans une ONG travaillant pour la cause animale. Je voulais apprendre à faire du lobbying, et voir si cela pouvait être efficace.
Et qu’en penses-tu aujourd’hui ?
A Humane Society International, j’ai eu pour tâche de mettre en place la coalition des ONG qui se sont mobilisées pour l’ours polaire. Au niveau politique, cela m’a permis de voir tout le processus qu’implique le lobbying.
J’ai contacté toutes les ONG de France, j’ai fait en sorte qu’elles soutiennent la proposition des Etats-Unis pour que l’ours polaire soit inscrit à l’annexe I de la CITES et que son commerce international soit interdit.
On a envoyé plusieurs lettres à la ministre de l’écologie, Delphine Batho. J’ai appris à communiquer, à faire le lien entre les différentes ONG qui ne sont pas toujours d’accord entre elles… Et puis finalement, on a appris que la France ne soutiendrait pas la proposition, et que l’Union européenne ne le ferait pas non plus.
Le résultat du vote a été très dur pour moi. J’avais travaillé sur ce dossier pendant cinq ou six mois, j’avais vraiment de l’espoir et on s’est pris une bonne raclée. C’est là que j’ai compris que le lobbying, c’était plus difficile que ce que je pensais.
Cela ne t’a pas découragée ?
Pas du tout. Avec ce stage, j’ai l’impression de faire quelque chose. A Sciences-Po, j’étais toujours un peu frustrée par le fait que c’était très théorique. On est jeunes, on est étudiants, mais on devrait aussi être actifs. J’ai toujours l’impression qu’on profite beaucoup, mais qu’au final on ne donne pas grand’ chose. Ce stage se termine bientôt, mais il m’a vraiment comblée : tous les jours, je pouvais faire quelque chose de concret.
(…)
Que vas-tu faire une fois ton stage terminé ?
L’année prochaine je retourne à Lille, où je suis à nouveau étudiante.
Cela va me faire bizarre, d’être seulement étudiante… Mais j’ai pris des contacts pendant mon séjour à Bangkok, j’ai rencontré des gens qui font du lobbying auprès du Parlement européen. C’est vraiment ça qui m’intéresse : pouvoir avoir un peu d’influence sur les dirigeants, les parlementaires, les eurodéputés… C’est à travers la législation et la politique qu’on peut faire bouger les choses, mais aujourd’hui, il n’y a pas beaucoup de politiciens qui s’intéressent à la protection animale. C’est pour ça qu’il faut des lobbyistes pour faire ce travail.
La société a toujours été bâtie sur une exploitation. Il y a eu le racisme, le sexisme, le ségrégationnisme. Mais le problème avec les animaux, c’est qu’ils ne peuvent pas parler, ni se révolter.
On les exploite dans tous les domaines, mais tout le monde préfère l’ignorer. C’est ancré dans les mœurs. C’est pour ça que j’ai envie de travailler pour cette cause qui me passionne, en militante. Ou plutôt en activiste, c’est ce mot-là que je préfère.
L’activisme sponsorisé par des grandes associations elles-mêmes sponsorisées par le capitalisme… Ce n’est pas de la naïveté, non, c’est de l’hypocrisie carriériste, sur le dos des animaux. C’est avec ce genre de bourgeois que les gens du peuple ne prennent pas au sérieux la cause animale.
Il n’y a pas assez de mots assez durs qui doivent être trouvés pour ces gens niant le travail démocratique auprès du « peuple » et valorisant un parcours individuel sponsorisé et sans perspectives, car tout à fait conformiste et totalement acceptable par l’exploitation animale.
D’ailleurs, il est révélateur que cette personne dise :
« La société a toujours été bâtie sur une exploitation. Il y a eu le racisme, le sexisme, le ségrégationnisme. Mais le problème avec les animaux, c’est qu’ils ne peuvent pas parler, ni se révolter. »
Apparemment, on apprend pas à Sciences-Po que l’exploitation, c’est celle du travail, et donc des travailleurs… Le mot capitalisme est ici savamment évacué.
Mais surtout, et là regardons les choses en face, tout simplement, comment peut-on dire :
« Mais le problème avec les animaux, c’est qu’ils ne peuvent pas parler, ni se révolter. »
C’est tout simplement aberrant ! N’importe qui connaissant les animaux sait très bien qu’ils se révoltent lorsqu’on les opprime !
On a là une personne qui entend sauver la faune sauvage, et ne sait même pas reconnaître pourquoi le hamster mord les barreaux de sa cage, pourquoi un cochon d’Inde peut se mettre à « chanter », pourquoi un cochon emprisonné peut s’auto-mutiler, pourquoi un tigre peut attaquer son dresseur…
Quant au fait que les animaux ne parleraient pas, on est là au niveau absolument zéro de la connaissance des animaux. Là on touche le fond, on est avec Descartes et Malebranche, dans l’idéologie de l’animal-robot.
Et même, en allant plus loin et en raisonnant simplement dans un rapport direct humain – animal: cette personne n’a donc jamais vu un animal appeler au secours, elle n’a jamais vu un animal au regard ô combien expressif dans sa demande d’aide? Elle n’a jamais vu un animal batailler pour sa vie, se révolter?
Comment est-ce possible? Nous disons: non, ce n’est pas possible, quand on aime les animaux, on ne peut pas dire que les animaux ne parlent pas, qu’ils ne se révoltent pas! Le prétendre, c’est mentir, c’est anthropocentriste, ce n’est pas du véganisme!
Il n’y a pas à tolérer cela, et profitons-en pour rappeler des vérités élémentaires :
– pas de place pour les carriéristes et les personnes se rémunérant sur le dos de la cause animale, et cela est valable également pour les personnes, aussi justes qu’elles aient été au départ, qui ont été corrompues !
– boycott des médias dominants, car ceux-ci ne recherchent que le superficiel, le sensationnel, réutilisant toujours tout dans leur propre sens et celui de l’idéologie dominante !
– valorisation du travail patient au sein des gens, du lent travail de conscientisation, d’explication idéologique et culturelle de la libération animale (et de la libération de la Terre) !
– aucune illusion sur les élus, les institutions, etc., qui sont inévitablement liés d’une manière ou d’une autre à l’exploitation animale !
– aucun compromis avec notre morale, c’est-à-dire avec la vie et la dignité des animaux !
Et enfin : non à la petite exploitation, au petit commerce ! Non, il n’y a pas de fermes « sympathiques », non il n’y a pas de fermiers ayant un « réel contact avec les animaux », non il n’y a pas de système « donnant-donnant » d’acceptable !