Les pompiers et les « animaux dangereux »

Des informations ont été diffusées dans différents médias sur les interventions des sapeurs pompiers à Paris pour ce qui concerne les « animaux dangereux. » Dans une société qui déraille et où la fuite en avant est une valeur importante, il n’est guère étonnant de constater que les choses vont de mal en pis.

Il existe donc un « groupe cynotechnique des pompiers de Paris », composé de 16 personnes, réalisant 850 interventions par an. Un chiffre très important en fait, vus les animaux concernés: des singes, des boas, des dragons de Komodo…

Des animaux parfois regroupés sous le terme erroné de « nouveaux animaux de compagnie » (NAC), car tous ne sont pas des prétendus « animaux de compagnie. » Tel est le cas par exemple d’un crocodile du Nil, trouvé dans une cage d’escalier à Pantin, en banlieue parisienne.

Ce qui est intéressant, c’est que personne ne pose la question de savoir comment ce crocodile, qui faisait alors 15cm (et deux mètres désormais), a pu arriver là?

Et comment un boa d’1m50 peut-il se retrouver autour des canalisations de toilettes, en passant par le vide-ordures du voisin?

De la même manière, lorsqu’un cirque a « perdu » un dragon de Komodo, qui fait tout de même pratiquement deux mètres, quelles ont été les conséquences?

En fait, la société s’y désintéresse tellement, qu’il y a désormais dix fois plus d’intervention qu’il y a dix ans.

Au point que les pompiers expliquent, candidement, que les égouts sont peuplés d’animaux tels des serpents, ou que des singes magots sont placés dans des caves pour barrer l’accès aux planques de drogues. Il y a aussi les léopards amenés dans les grands hôtels par des richissimes touristes venant du Golfe.

On nage ici en plein délire, et dans plusieurs décennies, les gens se demanderont comment à notre époque la société pouvait être autant libérale et folle.

Et il y a lieu ici de se poser la question du rôle des pompiers, qui constatent, sans plus.

Leur position est en effet de parer à l’urgence humaine; par exemple dans les Yvelines, il y a donc ces interventions pour les « NAC », à quoi s’ajoute la « faune sauvage », formant en gros 25% d’interventions concernant les animaux, le reste concernant les chiens et les chevaux en liberté.

Mais ce ne sont pas les animaux qui les intéressent, mais les humains mis en danger, ou en possible danger. Si on ajoute à cela que dans certaines zones, comme Paris ou Marseille, les pompiers sont des militaires, cela en rajoute au problème.

Ce qui fait qu’il y a des revendications très claires qui devraient exister ici:

1. Les informations concernant les interventions impliquant des animaux devrait être rendues publiques quotidiennement.

2. Les départements devraient disposer de refuges pour recueillir tous les animaux impliqués, ce qui implique que c’est à l’État de payer ces refuges, et non plus des bénévoles ou des magasins (à Paris les reptiles sont amenés par les sapeurs pompiers dans un grand magasin spécialisé).

3. Le sauvetage de l’animal doit être considéré comme relevant de la mission; aucun autre animal ne doit être utilisé dans l’opération (couramment des souris pour attraper les serpents).

4. Des unités doivent être spécialisées pour des situations de la vie quotidienne: en France, en 2013, appeler les pompiers pour un chat coincé quelque part, sur un arbre par exemple, n’amène la plupart du temps à rien, de par la dimension non humaine du secours.

C’est aberrant, et le pire est que cela a un soutien social-darwiniste d’une partie importante de la population, avec des réactions du type « Et s’il y a le feu ailleurs? », « le chat sait descendre tout seul », etc..

Et ne parlons pas de la situation des oiseaux, notamment des pigeons: c’est dramatique!

Cette question des pompiers est donc importante: il faut mettre un terme à l’utilisation barbare des animaux « exotiques » (y compris pour le loisir!), et l’existence des animaux dans les endroits où vivent les humains implique une responsabilité humaine par rapport aux animaux!

Comment les chasseurs visent la jeunesse

Voici un très intéressant, mais aussi très racoleur article sur la chasse, publié dans le Figaro.

Contrairement en effet aux affirmations et aux prétentions des réformistes dans la cause animale, depuis quelques années la chasse est en pleine croissance, et la chasse à courre n’a par ailleurs jamais eu autant de succès…

Ici, Le Figaro explique comment la chasse a soldé ses permis voire le matériel, afin de recruter auprès des jeunes…

Les jeunes de plus en plus tentés par la chasse

Alors que s’ouvre la saison cynégétique, les fédérations multiplient les incitations financières à destination des plus de 16 ans.
La truffe au vent, le fusil cassé sur l’avant-bras, à l’heure où blanchit la campagne, on a lâché les chiens dimanche pour la journée d’ouverture de la chasse au petit gibier (lièvre, perdrix, faisan, canard…) dans la moitié sud de l’Hexagone – la saison de chasse débute le 15 septembre dans le nord. La France compte 1,3 million de chasseurs, ce qui en fait le premier pays cynégétique d’Europe devant l’Espagne et l’Italie.

L’extension des villes, la cherté de la pratique, et parfois le regard des autres, ont pourtant entraîné une baisse significative de la pratique de ce loisir puisque la chasse comptait encore deux millions d’adeptes il y a trente ans dans l’Hexagone.

Afin d’enrayer cette hémorragie, certaines fédérations départementales ont lancé des promotions incitatives pour encourager les jeunes à la pratique de la chasse, qui en France est autorisée dès l’âge de 16 ans. Depuis 2009, la fédération départementale des chasseurs du Gard a mis en place un permis à 1 euro pour les jeunes en âge d’obtenir cette autorisation.

«Nous faisions face à un vrai problème, explique Marc Valat, directeur de la fédération des chasseurs du Gard. Sur 19.400 chasseurs dans le département, seuls 57 étaient âgés de 16 ans.
Sensibiliser un jeune à l’âge de 16 ans, c’est plus simple qu’après. Dix-huit ans, c’est davantage le temps des sorties, et il est plus difficile de se lever tôt le dimanche matin pour aller chasser quand on est sorti la veille…»

Aujourd’hui, avec le permis à 1 euro -au lieu de 170 euros- et des promotions négociées auprès d’armureries, la fédération gardoise, une des trois plus importantes fédérations françaises en termes de chasse au sanglier avec plus de 21 500 prélèvements par an, a réussi à quasiment doubler le nombre de pratiquants en quatre ans. 105 adolescents ont été admis au permis de chasse l’an dernier.

Le résultat peut sembler modeste mais il est notable pour ce département qui avait perdu quelque 800 chasseurs en quatre ans.
L’idée doit être bonne puisqu’elle est copiée depuis cette année par la fédération des chasseurs du Vaucluse qui propose le permis à 1 euro aux ­16-18 ans.
Autre promotion, dans la Creuse, c’est une réduction de 50% qui est faite en faveur des étudiants. Plus fort encore, en Haute-Vienne: l’examen au permis de chasse est depuis cette année offert à ceux qui le passent pour la première fois.

«La chasse est un loisir coûteux, convient Marc Valat. Il faut compter 500 € pour une arme d’occasion, 80 à 100 € de munitions par an, le permis annuel, plus l’adhésion à une association de chasse… Une saison peut vite revenir cher, c’est pourquoi ce genre de coups de pouce, profitant aux chasses populaires et aux plus jeunes sont importants et rencontrent un succès certain.»

Au niveau national, ses efforts cumulés par les fédérations départementales s’avèrent… payants. Les effectifs des chasseurs sont en passe de rajeunir.
La fédération nationale de chasse indique ainsi que «les inscriptions des 16-25 ans représentent 26% des primo-inscriptions alors que cette tranche d’âge représente plutôt 20% des chasseurs.»

Quand on lit cela, il est facile de voir pourquoi la chasse est soutenue. Ce qui est visé ici, c’est en effet la jeunesse, mais il y a également les classes populaires en arrière-plan. L’idéologie de la chasse étant fondamentalement macho, conservatrice, individualiste, etc., il n’est pas étonnant que tout ce qui est réactionnaire la soutienne…
Ne pas voir cela serait absurde; la chasse n’est pas un « loisir spéciste », mais une pratique criminelle récente historiquement, désormais portée à bout de bras par les notables locaux. C’est un outil très utile pour les conservateurs…

A propos du rapport entre les chiens et les humains

En parlant des animaux de compagnie, le philosophe américain Gary Francione considère qu’ils ne sont pas naturels, et que donc, ils ne devraient pas exister. Nous avions déjà abordé cette question (Francione et la vision des « animaux de compagnie » dans une nature « statique »)

Regardons de manière plus spécifique la question des chiens. En effet, les chiens ne sont pas liés aux humains depuis la grande période de domestication, marquée également par l’agriculture. Les chiens sont liés aux humains depuis que ceux-ci existent sous notre forme passée la plus proche, il y a plus de 10 000 ans.

Les chiens, ce sont les loups qui profitaient des restes de la chasse menée par les humains, et il y a eu symbiose…

Voici ce que nous raconte Jean-Denis Vigne, archéologue et biologiste, dans son petit ouvrage « Les débuts de l’élevage », en 2004.

« La présence des chiens domestiqués est attestée à partir de 18 000 à 12 000 avant J.-C. Cette période correspond aux cultures de la fin du Paléolithique supérieure, principalement la culture magdalénienne en Europe occidentale – la culture des derniers grands chasseurs des temps glaciaires – et la culture natoufienne au Proche-Orient (…).

La domestication du chien n’a pas été le premier événement d’une longue série comme on se plaît souvent à le dire. Les groupes humains qui ont domestiqué le chien n’ont pas forcément évolué vers la pratique de l’élevage des bovins, porcins, ovins ou caprins et, pour ceux qui l’ont fait, les deux événements, distants de plusieurs millénaires, apparaissent finalement déconnectés l’un de l’autre.

Le chien fut, durant plus de cent siècles, le compagnon des derniers chasseurs des temps glaciaires, les Magdaléniens ou les Natoufiens, et de leurs descendants du début de l’Holocène, les Mésolithiques, sans qu’aucune de ces cultures ne songe, apparemment, à domestiquer d’autres animaux.

Bien des groupes modernes de chasseurs-cueilleurs (en Australie ou en Nouvelle-Guinée, par exemple) possèdent encore des chiens sans pratiquer l’élevage alimentaire.

Cela que la domestication du chien est d’une autre nature que celle des animaux de rapport: dans ces temps anciens, elle est associée à la chasse et au mode de vie des chasseurs, non à l’élevage.

En outre, lorsque bien plus tard, est né l’élevage des animaux
à viande et à lait, le chien a conservé cette vocation majeure d’animal associé à la chasse et à la défense; ce n’est en effet que beaucoup plus tardivement, aux temps historiques, que la conduite des troupeaux lui a été confiée. »

Quand on lit cela, il y a une conclusion très simple: les chiens vivent désormais avec les humains. Les humains doivent donc les assumer, d’ailleurs ce qu’il faudrait, c’est une étude pour voir à quel moment il y a une rupture dans la coopération, à quel moment les chiens ont été dévalué pour l’humanité par rapport à avant: sans doute au moment de la domestication, puis lorsque le chien a été moins vital pour la survie.

Il faudrait également voir dans quelle mesure les chiens ont été victimes par la suite de l’égocentrisme consommateur (les fameuses semi-vérités du « chien sa memère », le coup du chien « ressemblant » à son propriétaire, etc.).

Il y a ici un grand horizon de réflexion pour le véganisme !

Hervé Kempf: du grand bourgeois au petit-bourgeois

Le Monde n’a rien d’un journal contestataire: c’est un quotidien fondé après 1945 et lié au milieu catholique de gauche, tout comme Télérama qui fait partie d’ailleurs du même groupe.

L’esprit dominant est une certaine critique de gauche, toujours lié aux milieux catholiques français et à la culture de Sciences-Po Paris, le Parti Socialiste, etc. Cela n’a rien de nouveau, cela fait 60 ans que c’est comme cela.

Le journaliste Hervé Kempf y a travaillé pendant quinze années, il a été bien content d’avoir le prestige du titre de « journaliste au Monde » et de pouvoir en même temps écrire des chroniques sur l’écologie. Cela associait crédibilité et critique « intelligente. »

Et comme ce prestige lui donnait une certaine aura et une certaine crédibilité, cela a pu entre autres aboutir au grand succès de son livre « Comment les riches détruisent la planète », célébré notamment par le vénézuélien Hugo Chavez, les décroissants, les restes des alter-mondialistes, etc.

Tout cela profitait au Monde et inversement; on a là le même esprit, et d’ailleurs Hervé Kempf a su se montrer prudent, puisqu’il dénonce non pas les bourgeois ou le capitalisme, ce qui n’aurait pas eu sa place dans le Monde, mais « l’oligarchie. »

Qu’est-ce que c’est, mystère, d’où l’utilité pratique du concept. Et comme en plus Hervé Kempf ne prône pas la libération animale ni le véganisme, et qu’il ne dit pas que la Nature a une valeur en soi, tout cela était rassurant pour les responsables du Monde…

Mais donc Hervé Kempf a quitté le Monde il y a quelques jours, avec perte et fracas en apparence, en réalité de manière négociée, parce qu’on est là dans un milieu très propre, très comme il faut.

Il y a lieu de démasquer l’entreprise qui a lieu ici. En apparence, Hervé Kempf prétend que le Monde ne s’occupe assez d’écologie, qu’il a été victime de pressions de la part du journal sur la question de Notre Dame des Landes.

Nous avions parlé de la lutte à Notre Dame des Landes et à un moment nous avons dit: « nous arrêtons d’en parler, c’est désormais un projet réactionnaire visant à retourner en arrière, c’est une conception de petit producteur, de petit capitaliste. »

Et bien Hervé Kempf a vu la même chose, il a vu le même tournant; lui par contre trouve cela très bien, et c’est pourquoi il en a fait la clef de sa rupture avec le Monde. Il a vu un boulevard pour sa carrière.

Il explique dans un article, bien entendu sur son site qu’il vante désormais comme étant « le site de l’écologie »: http://www.reporterre.net

« Ce 2 septembre, quinze ans et un jour après y être entré, je quitte Le Monde : en ce lundi, le dernier lien juridique entre ce journal et moi est défait, par le « solde de tout compte ».

Que je quitte volontairement un titre prestigieux étonnera peut-être. Mais certes moins que la raison qui m’y pousse : la censure mise en œuvre par sa direction, qui m’a empêché de poursuivre dans ce journal enquêtes et reportages sur le dossier de Notre Dame des Landes (…).

Je me lance dans l’aventure du site Reporterre, parce que plus que jamais, une information indépendante est nécessaire pour rendre compte du phénomène le plus crucial de l’époque, la crise écologique (…).

Nous manquons de lieux où s’expose nettement cette problématique, où se présentent les informations et les reportages qui l’expriment, où l’on lise les débats et réflexions vigoureuses qu’appellent les nouvelles questions qui se posent, où les mouvements sociaux et les luttes « d’en bas » soient racontés, où les mille alternatives et solutions nouvelles que créent autant de citoyens qui savent que, oui, « un autre monde est possible » seront décrites, comme ailleurs, on relate les aventures des entreprises du CAC 40.

Eh bien, nous allons développer ce lieu nécessaire, ce « quotidien de l’écologie ». C’est Reporterre.

Faiblesse de nos moyens face aux millions des oligarques qui contrôlent les médias. Nous ne sommes rien, ils sont tout. Mais nous avons ce que l’argent ne peut pas acheter : la conviction, l’enthousiasme, la liberté. »

Conviction, conviction, conviction de quoi, conviction de rien du tout, oui! Que s’est-il passé? En fait, le Monde n’a pas laissé Hervé Kempf relater ce qui se passe à Notre Dame des Landes ces derniers mois en tant que journaliste du Monde, mais seulement pour son propre site.

Hervé Kempf étant « engagé », cela ne collait pas à l’image sacro-sainte du Monde comme étant neutre, sérieux, etc dans ses enquêtes journalistiques. Mais Kempf retourne cela en disant qu’il y avait des pressions de la part des promoteurs de l’aéroport.

Kempf reproche également la chose suivante, ce qui montre qu’il se moque du monde, car qui sont justement les lecteurs et lectrices du Monde si ce n’est la bourgeoisie rive gauche?

« En mars, une nouvelle directrice du Monde fut désignée par les actionnaires. Une de ses premières réformes fut de rétrograder le service Planète, pourtant bien peu remuant, en un pôle subordonné au service International. Le journal lançait une formule marquée par un cahier consacré à l’Economie et aux entreprises, signe de la ligne nouvelle, qui visait la clientèle des « responsables » et CSP +++. »

Tout le monde sait bien que le Monde n’a pas un lectorat populaire, mais composé culturellement de bourgeois de gauche, de bobos, etc. Cela a toujours été un journal conservateur de gauche, de gens en cravates, d’étudiants de Sciences-Po.

Naturellement, le Monde se présentait comme non pas un journal pour les « bourgeois de gauche », mais pour les « intellectuels. » Personne n’est dupe pour autant.

La rupture de Hervé Kempf joue pourtant là-dessus, en faisant semblant de voir un abandon par le Monde de ses positions « intelligentes. » Il a vu la possibilité de jouer le José Bové du Monde.

Hervé Kempf veut rassembler les gens pour qui l’écologie, ce n’est pas la défense de la Nature, etc., mais un moyen de pression en faveur des petits capitalistes face à « l’oligarchie. » Et il a géré savamment ce virage, justement au moyen de Notre Dame des Landes, parce qu’il a vu comme nous que c’est une question clef.

Depuis le tournant d’il y a quelques mois à Notre Dame des Landes, avec la médiatisation massive, Notre Dame des Landes symbolise le projet de la décroissance, des petits producteurs, etc.

Même des gens qui n’en ont rien à faire de la Nature se présentent comme « écologiste radical » (alors qu’il n’y a strictement rien derrière). Avec Notre Dame des Landes, être écolo c’est être contre les grands projets, les grands capitalistes, les « grands. » 
Le Monde peut adhérer dans l’esprit, mais ne peut pas être un outil politique sur ce point, de par sa dimension formelle de grand quotidien national, neutre, objectif, etc, etc.

Hervé Kempf se place savamment ici, puisqu’il sera « politiquement » reconnu au moyen d’une fausse rupture, et la rédaction du Monde n’est d’ailleurs nullement dupe de ce virage « promotionnel », tellement la rupture de Kempf relève du cinéma.

Si Hervé Kempf avait vraiment été un écologiste activiste, il n’aurait pas écrit pendant quinze ans pour un quotidien totalement imbriqué dans les institutions. De par la dimension de la destruction, il aurait dû être en conflit avec Le Monde depuis bien plus longtemps que cela !

Il a beau jeu de dire aujourd’hui que l’écologie est la question principale: n’a-t-il pas été lui-même l’alibi du Monde à prétendre de soucier d’écologie? Il était évident que Le Monde ne s’intéresse pas à l’écologie, et pourtant Hervé Kempf y était resté. Car son écologie c’est une sorte d’altermondialisme de petit producteurs, du style Notre Dame des Landes, rien à voir avec la dimension nécessaire: la libération animale, la reconnaissance de la Nature comme ayant une valeur en soi, la reconnaissance de notre planète comme système global abritant la vie.

« Paris Vegan Day » 2013

La prochaine « Paris Vegan Day » aura lieu le 12 octobre 2013. Un bonne occasion de se demander : avions-nous raison de considérer que ce projet relève du « bourgeois bohème », avec une démarche anti-militante et ultra-individualiste ?

A vrai dire, les faits parlent d’eux-mêmes, et finalement le « Paris Vegan Day » aura d’une certaine manière autant été une démarche pernicieuse qu’un reflet des attentes de la scène végane française, avec son repli individualiste sur soi-même, sur l’alimentation, sur le style.

Les animaux, en tant qu’être sensibles, ont littéralement disparu ; il ne reste que leurs fantômes, sous la forme d’êtres assassinés, comme images de mort. La reconnaissance positive des animaux a disparu, au profit d’exigences purement anthropocentrées.

Les végans par et pour eux-mêmes : voilà la démarche. Il est vrai que la situation est très difficile en France. Mais la capitulation devant le végétarisme et les bobos est inacceptable.

Ce n’est pas l’opinion majoritaire, et il n’est donc pas étonnant donc que le « Paris Vegan Day » ait comme mot d’ordre « Cook for life ! », « la cuisine pour la vie ! »

Le lieu choisi est terrible, également, de notre point de vue : « Les Docks – Cité de la Mode et du Design », l’endroit parisien ultra branché du moment, que le « Paris Vegan Day » présente de la manière suivante :

« Le bâtiment abrite l’Institut français de la Mode, des boutiques branchées et des show-rooms de créateurs. »

Effectivement, cela donne des t-shirts moches et décadents à des prix « branchés », mais aussi en fait des restos et cafés ultra branchés. L’endroit est « total hype », pas vraiment le signe à donner pour un véganisme populaire…

Mais comme dit plus haut, ce n’est pas la question ; la démarche est tournée vers les vegans, pour les vegans, pour leur « faciliter » la vie en donnant naissance à une « scène » branchée.

D’où les 10 euros d’entrée, d’où des cours de cuisine payant, même si ce n’est que de quelques euros. On est ici en circuit fermé, en « club. »

Seulement, cela a un prix : il a été nécessaire de s’appuyer également sur des « végétariens » et le végétarisme. Aymeric Caron sera ainsi au « Paris Vegan Day » pour nous parler de son livre « No steack », mais y aura-t-il des végans pour lui demander pourquoi il n’est pas végan ?

Pareillement, un blog du Paris Vegan Day nous raconte que :

Que de bonnes nouvelles aujourd’hui !
Mély Chaudron Pastel, naturopathe et blogueuse culinaire, sera également au Paris Vegan Day ! Elle nous parlera de naturopathie lors d’une conférence, et donnera des cours de cuisine.

Mély expliquera-t-elle comment faire son « Cottage cheese fait maison » ?

Et plus globalement, est-il juste que des non vegans apprenne à cuisiner à des vegans ? Est-ce moralement acceptable ? Est-ce une culture sur une bonne base ?

Parce que c’est bien beau de lire sur facebook un « Très bonne nouvelle : le Gentle Gourmet Café est partenaire officiel du Paris Vegan Day 2013 ! », alors qu’en réalité il s’agit des mêmes gens que le « Paris Vegan Day »…

Si vraiment on veut du végan, alors il faut chercher le végan, et donc le promouvoir en tant que tel, pas chercher des végétariens et bricoler une sorte de « truc » où tout est masqué par la nourriture.

Mais ici il faut savoir ce qu’on veut : des initiatives pour les vegans ou pour la libération animale, chose nullement contradictoire, mais s’il n’y a plus de critères moraux et culturels, alors il n’y a plus rien.

Le baron d’Holbach et la Nature

Le baron d’Holbach, mort juste avant l’avènement de la révolution française, est un penseur incontournable de la philosophie des Lumières, même s’il n’est pas aussi connu que Roussau, Voltaire ou Diderot.

Ses dîners étaient très connus et y venaient de nombreuses figures intellectuelles ; lui-même représentait le courant le plus athée des Lumières.

Son Système de la nature est ainsi condamné par le gouvernement qui le défère au parlement, ce dernier condamnant le livre, le 18 août 1770, à être brûlé. D’autres ouvrages de Holbach subiront le même sort.

Le crime de Holbach ? Il était impardonnable pour les religeiux : il disait qu’il n’y a pas de Dieu et que l’être humain est naturel…

Voici des extraits du premier chapitre du Système de la nature, intitulé De la nature.

« Les hommes se tromperont toujours quand ils abandonneront l’expérience pour des systèmes enfantés par l’imagination.

L’homme est l’ouvrage de la nature, il existe dans la nature, il est soumis à ses lois, il ne peut s’en affranchir, il ne peut même par la pensée en sortir ; c’est en vain que son esprit veut s’élancer au delà des bornes du monde visible, il est toujours forcé d’y rentrer.

Pour un être formé par la nature et circonscrit par elle, il n’existe rien au-delà du grand tout dont il fait partie, et dont il éprouve les influences ; les êtres que l’on suppose au dessus de la nature ou distingués d’elle-même seront toujours des chimères, dont il ne nous sera jamais possible de nous former des idées véritables, non plus que du lieu qu’elles occupent et de leur façon d’agir.

Il n’est et il ne peut rien y avoir hors de l’enceinte qui renferme tous les êtres.

Que l’homme cesse donc de chercher hors du monde qu’il habite des êtres qui lui procurent un bonheur que la nature lui refuse : qu’il étudie cette nature, qu’il apprenne ses lois, qu’il contemple son énergie et la façon immuable dont elle agit ; qu’il applique ses découvertes à sa propre félicité, et qu’il se soumette en silence à des lois auxquelles rien ne peut le soustraire ; qu’il consente à ignorer les causes entourées pour lui d’un voile impénétrable ; qu’il subisse sans murmurer les arrêts d’une force universelle qui ne peut revenir sur ses pas, ou qui jamais ne peut s’écarter des règles que son essence lui impose.

On a visiblement abusé de la distinction que l’on a faite si souvent de l’homme physique et de l’homme moral. L’homme est un être purement physique ; l’homme moral n’est que cet être physique considéré sous un certain point de vue, c’est-à-dire, relativement à quelques-unes de ses façons d’agir, dues à son organisation particulière.

Mais cette organisation n’est-elle pas l’ouvrage de la nature ? Les mouvements ou façons d’agir dont elle est susceptible ne sont-ils pas physiques ?

Ses actions visibles ainsi que les mouvements invisibles excités dans son intérieur, qui viennent de sa volonté ou de sa pensée, sont également des effets naturels, des suites nécessaires de son mécanisme propre, et des impulsions qu’il reçoit des êtres dont il est entouré.

Tout ce que l’esprit humain a successivement inventé pour changer ou perfectionner sa façon d’être et pour la rendre plus heureuse, ne fut jamais qu’une conséquence nécessaire de l’essence propre de l’homme et de celle des êtres qui agissent sur lui.

Toutes nos institutions, nos réflexions, nos connaissances n’ont pour objet que de nous procurer un bonheur vers lequel notre propre nature nous force de tendre sans cesse.

Tout ce que nous faisons ou pensons, tout ce que nous sommes et ce que nous serons n’est jamais qu’une suite de ce que la nature universelle nous a faits.

Toutes nos idées, nos volontés, nos actions sont des effets nécessaires de l’essence et des qualités que cette nature a mises en nous, et des circonstances par lesquelles elle nous oblige de passer et d’être modifiés. »

Enfin, à la fin du chapitre, le baron d’Holbach fait une petite précision qui est assez intéressante, par rapport aux gens prétendant que le fait que nous parlions de Gaïa serait « religieux. » En réalité, c’est le contraire de la religion que de parler de la Nature, mais encore faut-il la reconnaître…

« N B. Après avoir fixé le sens que l’on doit attacher au mot nature, je crois devoir avertir le lecteur, une fois pour toutes, que lorsque dans le cours de cet ouvrage, je dis que la nature produit un effet, je ne prétends point personnifier cette nature, qui est un être abstrait ; mais j’entends que l’effet dont je parle est le résultat nécessaire des propriétés de quelqu’un des êtres qui composent le grand ensemble que nous voyons.

Ainsi quand je dis la nature veut que l’homme travaille à son bonheur, c’est pour éviter les circonlocutions et les redites, et j’entends par-là qu’il est de l’essence d’un être qui sent, qui pense, qui veut, qui agit, de travailler à son bonheur.

Enfin j’appelle naturel ce qui est conforme à l’essence des choses ou aux lois que la nature prescrit à tous les êtres qu’elle renferme, dans les ordres différents que ces êtres occupent, et dans les différentes circonstances par lesquelles ils sont obligés de passer.

Ainsi la santé est naturelle à l’homme dans un certain état ; la maladie est un état naturel pour lui dans d’autres circonstances, la mort est un état naturel du corps privé de quelques-unes des choses nécessaires au maintien, à l’existence de l’animal etc.

Par essence, j’entends ce qui constitue un être ce qu’il est, la somme de ses propriétés ou des qualités d’après lesquelles il existe et agit comme il fait.

Quand on dit qu’il est de l’essence de la pierre de tomber, c’est comme si l’on disait que sa chute est un effet nécessaire de son poids, de sa densité, de la liaison de ses parties, des éléments dont elle est composée. En un mot l’essence d’un être est sa nature individuelle et particulière. »

« Auschwitz commence lorsque quelqu’un regarde un abattoir et se dit : ce ne sont que des animaux »

Il existe un souci lors de la mise en avant de citations par certaines personnes, dans le cadre de la défense des animaux. Ces citations sont reprises le plus souvent de manière tronquée, hors contexte, et la preuve de cela est que leurs auteurs ne sont pas vegans, voire même pas végétariens en fait.

Une citation couramment employée est celle-ci : « Auschwitz commence lorsque quelqu’un regarde un abattoir et se dit : ce ne sont que des animaux », attribuée au philosophe allemand Adorno.

On peut bien entendu considérer qu’il faille puiser dans Adorno (ce que fait l’association Dämmerung en Allemagne), ou bien que cette citation est juste. Cependant, Adorno n’a pas écrit cela, ou s’il l’a écrit, ce n’est pas du tout dans le sens que l’on donne à cette citation.

La citation – si elle en est une – ne peut vouloir dire, conformément à la philosophie d’Adorno, seulement que les populations victimes de génocides ont été « animalisées » dans l’imaginaire des pogromistes.

Il ne s’agit nullement d’une affirmation comme quoi la société industrielle s’appuierait sur des massacres permanents d’animaux, massacres « dévalorisés » et devenus banals uniquement parce que les animaux ont été définis comme sans valeur.

Adorno ne défend pas les animaux, il pense défende les humains en affirmant qu’ils ne sont pas des animaux mais qu’ils sont dévalorisés, de manière fantasmagorique, par les nazis.

Voici l’extrait de l’ouvrage d’Adorno, intitulé Minima moralia, où il explique cela :

« Les humains te regardent – L’indignation que suscitent les cruautés commises diminue à mesure que les victimes cessent de ressembler aux lecteurs normaux, qu’elles sont plus brunes, « plus sales », plus proches des « Dagos » .

Voilà qui éclaire autant sur les atrocités que sur les spectateurs. Peut être la schématisation sociale de la perception est elle ainsi faite chez les antisémites qu’ils ne voient plus du tout les Juifs comme des hommes.

L’assertion courante selon laquelle les Sauvages, les Noirs, les Japonais ressemblent à des animaux, par exemple à des singes, est la clé même des pogromes. Leur éventualité est chose décidée au moment où le regard d’un animal blessé à mort rencontre un homme.

L’obstination avec laquelle celui ci repousse ce regard –  « ce n’est qu’un animal » – réapparaît irrésistiblement dans les cruautés commises sur des hommes dont les auteurs doivent constamment se confirmer que « ce n’est qu’un animal », car même devant un animal ils ne pouvaient le croire entièrement.

Dans la société répressive la notion d’homme est elle même une parodie de la ressemblance de celui ci avec Dieu.

Le propre du mécanisme de la « projection pathique » est de déterminer les hommes détenant la puissance à ne percevoir l’humain que dans le reflet de leur propre image, au lieu de refléter eux-mêmes l’humain comme une différence.

C’est alors que le meurtre apparaît comme une tentative constamment répétée, dans une folie croissante pour déguiser en raison la folie d’une perception aussi erronée : celui qu’on n’a pas perçu comme un être humain et qui pourtant est un homme, est transformé en chose afin qu’aucun de ses mouvements ne mette en cause le regard du maniaque. »

Adorno n’a ainsi jamais été un partisan des animaux, il ne considère pas que le massacre des animaux revient à Auschwitz.

Par ailleurs, cette assimilation est, à tort ou à raison, totalement combattue en Allemagne dans le mouvement progressiste pour les animaux (en raison de la banalisation du génocide nazi qui en découlerait).

La « citation », qui n’en est sans doute pas une, a en tout cas eu un certain succès sur le net, et elle provient de textes de Charles Patterson, l’auteur de Un Eternel Treblinka, qui a donné cette phrase comme étant d’Adorno.

La confusion vient du fait qu’Adorno critique société industrielle comme totalitaire, et on ferait de lui alors une sorte de super progressiste contre les effets négatifs de la société industrielle (c’est ce qu’on appelle la « théorie critique », et que l’association dämmerung fait en Allemagne, reprenant Adorno dans une perspective végane).

Mais est-il juste de prôner le véganisme en s’appuyant sur quelqu’un de non vegan ? Non, bien entendu, et encore moins en s’appuyant sur une « citation », le plus souvent réductrice et toujours trompeuse si en plus cela n’a rien à voir avec la pensée de l’auteur.

Est-ce que la libération animale est utopique ?

Voici un texte sur la libération animale, écrit par le groupe argentin Accion Vegan, et proposé en français par GaRennes.

La Libération Animale n’est pas quelque chose d’imaginaire ou impossible. La Libération Animale est un fait, une réalité que nous vivons tous les jours.

Chaque fois que nous persuadons une femme de ne pas acheter un manteau de peau, chaque laboratoire que nous avons empêché de construire, chaque fois que nous convainquons une personne à ce qu’elle devienne véganE, chaque fois que nous libérons un animal tombé dans un piège, etc.

Nous accomplissons la Libération Animale, faisant de la Libération Animale quelque-chose de tangible, réel.

Arriver à un monde totalement libre de domination n’est pas non plus impossible, ce n’est pas une utopie, mais pas non plus quelque-chose de facile à atteindre, les choses ne tombent pas du ciel.

De toute façon «ce n’est pas quelque-chose qui doit nous préoccuper », dans le sens que nous ayons à penser continuellement aux individuEs qui restent enchainéEs, emprisonnéEs et en cage, et nous

martyriser pour cela. Il ne s’agit pas d’être toujours triste en pensant à tout ce que nous pourrions faire, mais de penser à tout ce que nous pouvons faire pour ces individuEs qui nécessitent notre aide et le faire. Nous devons être conscients que si réellement nous le voulons, si chacun de nous se lève du canapé et fait tout son possible pour réussir que le plus grand nombre d’individus soient libres, les choses changeront.

Elles changeront pour chacun de ces visons qui n’ont pas été utilisés pour le manteau de cette femme. Elle changeront pour les milliers d’animaux qui n’ont pas senti le bistouri dans leurs corps grâce à ce que s’arrête le projet de créer un nouveau laboratoire.

Elles changeront pour les 87 animaux que chaque année auraient consommé cette personne si on ne l’avait pas convaincu de devenir veganE. Elles changeront pour ce lièvre qui était tombé dans un piège et qui, grâce à toi, a retrouvé sa liberté.

Mais il faut bien faire les choses. Prenez au sérieux ce que nous voulons faire pour les animaux, parce que c’est quelque chose d’important.

Chaque chose, chacune des choses que nous faisons est importante pour arrêter avec l’exploitation, et nous devons les prendre au sérieux et mettre tous nos efforts en elles. On doit arrêter de faire des conférences mal préparées, de ne pas savoir répondre aux questions des auditeurs.

On doit arrêter de planifier des réunions et ne pas les avoir préparées. On doit arrêter d’avoir un projet et que, dans le cas où nous le terminons, nous avons mis trois ans ce que nous aurions pu faire en une semaine.

Ces conduites parlent très peu en notre faveur. Elles montrent que la Libération Animale ne nous intéresse pas réellement, que nous ne la portons pas en nous, dans ce cas, mieux vaut ne faire que de faire quelque chose parce que nous nous sentirions forcés.

Ou aussi ils peuvent dire que malgré que nous sentions en nous la Libération Animale, les activités que nous menons à terme ne nous semblent pas importantes, et cela est ce qui est vraiment préoccupant.

Nous devons croire en ce que nous faisons et nous rendre compte de tout ce que nous réussissons quand réellement nous nous efforçons, quand nous donnons tout. Tout ce que nous faisons a ses répercussions.

Chaque chose que nous faisons et que nous faisons bien , chaque animal qui s’est libéré de ses bourreaux grâce à nous est infiniment important. Chacun de ces animaux n’est pas seulement une victoire, ce n’est pas seulement un pas en avant vers la Libération Animale mais c’est la Libération Animale en elle-même.

Cela est la véritable essence de la Libération Animale: Assez de rester assis dans le canapé pleurant pour les animaux que nous pouvons aider!

Comme cela a été dit avant, ce n’est pas l’heure de pleurer, ce n’est pas l’heure de philosopher, les animaux sont là-bas en cage et ont besoins de notre aide.

C’est l’heure de sortir son cul du canapé.

Est venue l’heure de la Libération Animale.

« Mais essayer de prouver l’existence de la nature, ce serait par trop ridicule »

Il n’est pas de philosophe qui n’ait parlé de la Nature, à part bien entendu ceux qui ont choisi la voie de la spiritualité. Même un philosophe comme Aristote, qui parle de la « métaphysique » (ce qui est au-delà de la physique), relie directement cela à la question de la Nature.

Comment le monde existe-t-il ? C’est la grande question, et si l’on ne résume pas tout à Dieu, alors il faut forcément se demander ce qu’est la Nature. Comment existe-t-elle? C’est la base de la science.

Voici le point de vue d’Aristote dans la Physique. Ce n’est pas vraiment lisible bien sûr, mais il y a un intérêt: bien voir qu’il n’est pas de philosophe scientifique qui n’ait pas reconnu la réalité naturelle, la réalité de la Nature. « Mais essayer de prouver l’existence de la nature, ce serait par trop ridicule »…

§ 1. Parmi les êtres que nous voyons, les uns existent par le seul fait de la nature ; et les autres sont produits par des causes différentes.

§ 2. Ainsi, c’est la nature qui fait les animaux et les parties dont ils sont composés ;c’est elle qui fait les plantes et les corps simples, tels que la terre, le feu, l’air et l’eau ; car nous disons de tous ces êtres et de tous ceux du même genre qu’ils existent naturellement.

§ 3. Tous les êtres que nous venons de nommer présentent évidemment, par rapport aux êtres qui ne sont pas des produits de la nature, une grande différence ; les êtres naturels portent tous en eux-mêmes un principe de mouvement ou de repos ; soit que pour les uns ce mouvement se produise dans l’espace ; soit que pour d’autres ce soit un mouvement de développement et de destruction ; soit que pour d’autres encore, ce soit un mouvement de simple modification dans les qualités.

Au contraire, un lit, un vêtement, ou tel autre objet analogue n’ont en eux-mêmes, en tant qu’on les rapporte à chaque catégorie de mouvement, et en tant qu’ils sont les produits de l’art, aucune tendance spéciale à changer. Ils n’ont cette tendance qu’en tant qu’ils sont indirectement et accidentellement ou de pierre ou de terre, ou un composé de ces deux éléments.

§ 4. La nature doit donc être considérée comme un principe et une cause de mouvement et de repos, pour l’être où ce principe est primitivement et en soi, et non pas par simple accident.

§ 5. Voici ce que j’entends quand je dis que ce n’est pas par simple accident. Ainsi, il peut très bien se faire que quelqu’un qui est médecin se rende à lui-même la santé; cependant ce n’est pas en tant qu’il est guéri qu’il possède la science de la médecine ; et c’est un pur accident que le même individu soit tout ensemble et médecin et guéri. Aussi est-il possible que ces deux choses soient parfois séparées l’une de l’autre.

§ 6. Il en est de même pour tous les êtres que l’art peut faire. Il n’est pas un seul d’entre eux qui ait en soi le principe qui le fait ce qu’il est. Mais, pour les uns, ce principe est dans d’autres êtres, et il est extérieur, par exemple, une maison, et tout ce que pratique la main de l’homme. Pour les autres, ils ont bien en eux ce principe ; mais ils ne l’ont pas par leur essence, et ce sent tous ceux qui ne deviennent qu’accidentellement les causes de leur propre mouvement.

§ 7. La nature est donc ce que nous venons de dire.

§ 8. Les êtres sont naturels et ont une nature, quand ils ont le principe qui vient d’être défini ; et ils sont tous de la substance : car la nature est toujours un sujet, et elle est toujours dans un sujet.

§ 9. Tous ces êtres existent selon la nature, ainsi que toutes les qualités qui leur sont essentielles ; comme, par exemple, la qualité inhérente au feu de monter toujours en haut ; car cette qualité n’est pas précisément une nature, et n’a pas de nature à elle ; seulement elle est dans la nature et selon la nature du feu.

§ 10. Ainsi, nous avons expliqué ce que c’est que la nature d’une chose, et ce qu’on entend par être de nature et selon la nature.

§ 11. Mais essayer de prouver l’existence de la nature, ce serait par trop ridicule ; car il saute aux yeux qu’il y a une foule d’êtres du genre de ceux que nous venons de décrire.

Or, prétendre démontrer des choses d’une complète évidence au troyen de choses obscures, c’est le fait d’un esprit qui est incapable de discerner ce qui est ou n’est pas notoire de soi.

C’est là, du reste une erreur très concevable, et il n’est pas malaisé de s’en rendre compte. Que quelqu’un qui serait aveugle de naissance s’avise de parler des couleurs, il pourra bien sans doute prononcer les mots ; mais nécessairement il n’aura pas la moindre idée des choses que ces mots représentent.

§ 12. De même, il y a des gens qui s’imaginent que la nature et l’essence des choses que nous voyons dans la nature, consiste dans l’élément qui est primitivement dans chacune de ces choses, sans avoir par soi-même aucune forme précise. Ainsi, pour ces gens-là, la nature d’un lit, c’est le bois dont il est fait ; la nature d’une statue, c’est l’airain qui la compose.

§ 13. La preuve de ceci, au dire d’Antiphon, c’est que si on enfouissait un lit dans la terre, et que la pourriture eût assez de force pour en faire encore sortir un rejeton, ce n’est pas un lit qui serait reproduit mais du bois, parce que, disait-il, l’un n’est qu’accidentel, à savoir une certaine disposition matérielle qui est conforme aux règles de l’art, tandis que l’autre est la substance vraie qui demeure, tout en étant continuellement modifiée par les changements.

Et Antiphon ajoutait que, chacune des choses que nous voyons soutenant avec une autre chose un rapport tout à fait identique, par exemple, le rapport que l’airain et l’or soutiennent à l’égard de l’eau, ou bien les os et les bois à l’égard de la terre, et de même pour tout autre objet, on peut dire que c’est là la nature et la substance de ces choses.

§ 14. Voilà comment certains philosophes ont cru que la nature des choses, c’est la terre, d’autres que c’est le feu, d’autres que c’est l’air, d’autres que ce sont quelques-uns de ces éléments, et d’autres enfin que ce sont tous les éléments réunis, Car l’élément dont chacun de ces philosophes admettait la réalité, soit qu’il n’en prît qu’un seul, soit qu’il en prît plusieurs, devenait entre leurs mains, principe unique ou principes multiples, la substance tout entière des êtres ; et tout le reste alors n’était plus que les affections, les qualités et les dispositions de cette substance (…).

§ 20. A un autre point de vue, un homme vient d’un homme ; mais un lit ne vient pas d’un lit. Aussi, les philosophes dont on vient de parler disent-ils que la nature du lit n’est pas sa configuration, mais le bois dont il est formé, attendu que s’il venait à germer encore, il en proviendrait non pas un lit, mais du bois. Si donc la configuration du lit est de l’art précisément, la forme est la nature des êtres, puisque l’homme naît de l’homme.

§ 21. Quant à la nature qu’on entend au sens de génération, on devrait dire d’elle bien plutôt que c’est un acheminement vers la nature ; car il n’en est pas ici comme de la médication que fait un médecin, laquelle est non pas un acheminement à la médecine, mais à la santé, puisque la guérison que le médecin opère doit nécessairement venir de la médecine et ne tend pas à la médecine.

Or, la nature n’est pas dans ce rapport avec la nature. L’être que la nature produit va de quelque chose à quelque chose, ou se développe naturellement pour aller à quelque chose. A quoi va-t-il par ce mouvement naturel ? Ce n’est pas apparemment à ce dont il vient ; mais c’est à ce qu’il doit être. Donc la nature, c’est la forme.

Action de l’ALF à Paris

Voici un communiqué de l’ALF pour une action en France, à Paris; le communiqué est, comme toujours, diffusé par Bite back!

Deux poissons rouges étaient maintenus dans un bocal d’eau sale dans une école d’art parisienne.

Le bocal était utilisé comme un élément de décor dans une pièce de théâtre étudiante. Le reste du temps il était dans un espace commun de l’école.

Les poissons rouges sont des cousins des carpes, et deviennent aussi grands.

Ils sont censés vivre autour de 25 ans quand ils ont l’espace et l’oxygène nécessaire, et pourtant ils sont probablement l’animal « de compagnie » le plus torturé, parce qu’ils sont résistants et capables de survivre parfois plusieurs années dans d’horribles conditions.

Comme il était facile de « voler » le bocal et de trouver un bon endroit pour vivre à ces poissons, c’est devenu notre devoir de nous en charger.

Ils vivent maintenant dans un grand bassin de jardin avec d’autres poissons rouges.

À chaque occasion que nous aurons, nous referons la même chose.

Nous vous encourageons à faire de même, et aussi à envisager de « voler » et libérer les animaux marins vivants sur les marchés (homards, crabes etc).

C’est aussi indispensable d’informer les gens à propos des poissons rouges, ils ont une mémoire, ils ressentent la douleur, ils ont un besoin absolu d’espace, et d’autres poissons avec lesquels vivre.

ALF

Mort de Jean Bastaire, « écologiste chrétien »

Puisque hier, nous avons parlé d’Élisabeth de Fontenay et de sa vision chrétienne des animaux, faisons un petit retour sur Jean Bastaire, mort la semaine dernière.

Né en 1927, Jean Bastaire était un peu le pendant catholique de Jacques Ellul, qui lui était protestant. Tous les deux étaient des théologies et exposaient une critique de la « modernité » favorisant un retour au passé.

Cependant, Bastaire n’a par contre jamais eu le succès d’Ellul, ce dernier se « masquant » sous un masque d’intellectuel « inclassable », faisant que son discours religieux puisse mieux « passer » (voir Ellul et la critique chrétienne conservatrice et romantique de la techniqueDes décroissants toujours plus fachos).

Ellul est ainsi désormais célébré par toute la mouvance de la « décroissance », alors qu’il est religieux de bout en bout.

Inversement, Bastaire montrait ouvertement son catholicisme, comme le prouvent les titres de ses ouvrages majeurs : Le chant des créatures (Cerf, 1996), Pour une écologie chrétienne (Cerf, 2004) et Pour un Christ Vert (Salvator, 2009).

Or, l’Eglise catholique n’en a jamais rien eu à faire de tout cela, surtout qu’elle avait déjà dû avoir à faire à la mystique du théologien Teilhard de Chardin, qui avait théorisé une sorte d’Univers en mode Gaïa.

Bastaire n’a donc eu aucun impact, à part là à sa mort à la fin août, où subitement le catholicisme, en pleine croissance à la suite du mouvement relatif au « mariage pour tous », se « découvre » un aspect écologiste conforme à la mode !

Jean Bastaire a été présenté, ainsi, comme « le précurseur de l’écologie chrétienne », ce qui est allé bien vite en besogne, car il n’y a pas d’écologie chrétienne…

Comme chez Élisabeth de Fontenay, en tout cas, pas de véganisme chez Bastaire, mais bien entendu un « témoignage », comme l’appel suivant dans « Mes conseils pour une écologie chrétienne » :

« Évidemment, l’homme doit être le premier objet de notre amour. Mais pourquoi, si Dieu a fait la Création bonne et destinée à être glorifiée, ne pas développer à l’image de saint François d’Assise la conscience que notre charité doit s’étendre à tout le vivant.

C’est plus évident pour les animaux dont la souffrance nous est difficile à accepter.

Avant de devenir Benoît XVI, Joseph Ratzinger soulignait le respect dû aux animaux, et condamnait nettement l’élevage en batterie et notamment l’élevage industriel d’oies dans le seul but de faire du foie gras. »

On l’aura compris : ce qui compte, comme Élisabeth de Fontenay, ce n’est pas la Nature, mais la « création. »

Les animaux ne comptent pas pour ce qu’ils sont, des êtres vivants comme nous, mais pour ce qu’ils représentent : un « don » de Dieu.

Bastaire tient évidemment pour le reste le même discours qu’Ellul : il faut la victoire de la sobriété, il faut une société anti-consumériste, anti-publicitaire, etc. D’ailleurs, Bastaire est un disciple d’Emmanuel Mounier et de son courant spiritualiste si proche du pétainisme.

Voici à quoi ressemble la prose de Bastaire :

« Je pense que l’homme et la nature sont fait pour croître et se multiplier. La création est une histoire dont l’homme a la gérance. Mais cette histoire peut déraper, prendre une mauvaise voie jusqu’à devenir une contre-croissance qui détruit ce qu’elle développe. Nous y sommes. II faut revenir en arrière, redresser le cap.

II faut surtout revenir à l’inspiration première du Créateur en ressaisissant le sens de notre vocation. Nous sommes fait pour créer avec Lui et par Lui, pour consommer dans le premier sens du terme, saint et non diabolique : épanouir, accomplir et non dévorer, anéantir.

Voila la racine du mal et le changement drastique, la conversion radicale à quoi nous appelle le Christ. II ne s’agit pas d’être pour ou contre la croissance, mais de la réaliser d’une manière sainte, biblique, évangélique et non à la manière de satan.

Le consumérisme est le grand péché du siècle. Comme un cancer, il a envahi tous les domaines. En même temps qu’il gave et comble, il étouffe et pourrit. La sobriété en est le grand remède, nullement dans le sens quantitatif d’une diminution, d’une restriction permanente, indispensable seulement comme diète préalable permettant de rétablir la santé.

La sobriété vise un objectif beaucoup plus fondamental : un retournement intérieur de l’être, une autre attitude de vie. »

Cela a l’air critique de la société « de consommation », en fait c’est surtout la nostalgie du petit village au clocher incontournable. C’est une critique de la modernité, mais abstraire : pas de Nature, pas d’animaux, juste la contemplation de la « création » !