Une crise qui s’amplifie, au milieu du black out médiatique

[Ajout en tout début d’après-midi : Les dernières informations sont, comme on pouvait le craindre, catastrophiques.

L’enceinte de confinement du réacteur numéro 2 de la centrale de Fukushima 1 « n’est plus étanche. » Le risque d’un nuage radioactif s’agrandit d’heure en heure. La compagnie Tepco qui gère la centrale considère la situation comme « très mauvaise. »

Les réacteurs 4, 5 et 6 posent maintenant également des problèmes. Il y a deux trous de 8 m² dans le bâtiment autour du réacteur numéro 4.

L’état d’urgence nucléaire a été décrété en tout pour dix réacteurs :

– quatre à Fukushima 1 (Daiichi),

– trois à Fukushima 2 (Daini),

– trois à Onagawa.

Le président de l’Autorité française de sûreté nucléaire (ASN), André-Claude Lacoste, a annoncé qu’il fallait considérer l’accident de Fukushima comme étant de niveau 6 (le 7ème étant équivalent à Tchernobyl) : « Nous sommes maintenant dans une situation différente de celle d’hier. Il est tout à fait clair que nous sommes à un niveau 6, qui est un niveau intermédiaire entre ce qui s’est passé (à la centrale américaine de) Three Mile Island (en 1979) et à Tchernobyl. On est dans une catastrophe tout à fait évidente. »

Alain Juppé, ministre des affaires étrangères, a déclaré que le risque nucléaire est « extrêmement élevé. » Le ministre de l’Industrie Éric Besson a changé son fusil d’épaule et explique : « on est sur le chemin d’une catastrophe nucléaire. »]

 

 

[Ajout en début de matinée : On avait jusqu’à présent pas parlé du réacteur n° 4, qui était à l’arrêt pour maintenance avant le tremblement de terre. Un incendie s’est déclaré dans un bassin de stockage de combustible nucléaire usagé ; au bout de quelques heures il a été éteint, mais selon le premier ministre japonais, dans la zone de la centrale « le niveau de radioactivité a considérablement augmenté. »

On notera que pour éteindre l’incendie, il a été fait appel aux forces d’autodéfense (nom de l’armée japonaise) et à l’armée américaine.

Autre information grave : il y a eu encore une explosion dans la bâtiment du réacteur n° 2, faisant quadrupler la radioactivité dans la zone. Celle-ci monte jusqu’à 11.900 microsieverts.

Il est considéré que le réacteur numéro 2 est possiblement abîmé et qu’il y aura très certainement une fuite radioactive.

Fukushima est évacuée. La panique gagne Tokyo, qui sera atteint d’ici une dizaine d’heures par un nuage faiblement radioactif.

C’est une anecdote, mais révélatrice: la bourse de Tokyo a perdu près de 14% en cours de séance, pour finalement revenir à une perte d’un peu plus de 9%.]

Le black out continue et s’approfondit, surtout après la nouvelle impressionnante explosion d’hier matin. Celle-ci s’est déroulée dans le réacteur numéro 3, faisant sauter le toit de l’enceinte de béton. Mais le coeur reste intact… pour l’instant.

Car contrairement aux démentis multiples, ce qui ressort est très clair : dans trois réacteurs, le coeur est « très vraisemblablement » rentré en fusion. L’autorité de sûreté du nucléaire (ASN), un organisme de l’Etat français, le reconnaît lui-même : « La fusion partielle du cœur est confirmée » pour les réacteurs 2 et 3.

André-Claude Lacoste, président de l’Autorité de sûreté du nucléaire (ASN), a même affirmé : « Nous avons le sentiment qu’on est au moins au niveau 5, sinon au niveau 6. »

C’est le réacteur 2 qui apparaît maintenant comme présentant le plus de risques (rappelons par contre que le réacteur 3 contient du MOX, un combustible avec notamment du plutonium). Hier en fin de soirée, il a été rendu officiel que le processus de refroidissement avait échoué et que les barres de combustible étaient de nouveau à l’air libre.

A l’entrée de la centrale, les compteurs de mesure vont jusqu’à 3130 mSV/heure (soit, en une heure, 3130 fois la limite annuelle « normale »).

Expliquons maintenant pourquoi malgré cela, les « experts » peuvent expliquer qu’il ne peut pas, en aucun cas, s’agir d’un second Tchernobyl. Le principe est le suivant : comme l’a expliqué de manière faussement candide Anne Lauvergeon, dirigeante d’AREVA, à Tchernobyl il y avait un réacteur « qui fonctionne et qui explose. »

Comme là au Japon le réacteur s’est arrêté automatiquement avec le tremblement de terre, qu’il n’a pas explosé, alors la formule choc pourrait devoir tomber : rien à voir avec Tchernobyl.

Il y a pourtant un « mais » de taille. En effet, Tchernobyl c’est surtout un nuage radioactif. Or, là, si l’enceinte de confinement cède, on aurait également un nuage radioactif. Cela revient donc au même…

A Tchernobyl il s’agissait notamment d’une erreur de manipulation, à Fukushima l’origine est l’absence répétée et prolongée de refroidissement du coeur du réacteur (d’où une réaction chimique et l’éventuelle fusion du coeur, élevant la pression et risquant de percer la protection, et d’éjecter un nuage radioactif dans le ciel).

La dirigeante d’Areva est donc « gonflée » de prétendre s’étonner de voir qu’il y a « parfois plus d’énervement (en France) que dans l’extraordinaire sang-froid des Japonais » (sic) et d’expliquer que… « Ce n’est pas une catastrophe nucléaire. »

L’argument des pro-nucléaires est qu’en fait, tant que cela ne saute pas, alors ce n’est pas un accident nucléaire !

De la même manière, les pro-nucléaires se moquent de ceux et celles utilisant parfois le terme « fusion nucléaire » car il s’agit en réalité de la fusion du coeur, et non pas d’une fusion nucléaire (en clair, d’une explosion atomique). Ils jouent là-dessus pour dénoncer toute critique, la neutraliser.

Les pro-nucléaires jouent cependant également sur un autre aspect : le temps. Voici le communiqué de l’Observatoire du nucléaire, qui considère sans nul doute justement que si Hulot demande un référendum, alors que sa fondation est sponsorisée notamment par EDF, cela sert en fait les pro-nucléaires, qui disposent de moyens énormes et de relais médiatiques surpuissants:

Observatoire du nucléaire – Communiqué n°2 du lundi 14 mars 2011

Nucléaire : les écologistes qui demandent « un débat » ou « un référendum » n’ont RIEN COMPRIS

La seule chose à revendiquer est la fermeture la plus rapide possible des réacteurs nucléaires

Le gouvernement français n’est pas le seul à ne pas prendre la mesure de l’ampleur du drame nucléaire en cours au Japon : c’est la pire catastrophe nucléaire de tous les temps, au delà même de celle de Tchernobyl, du fait du nombre de réacteurs en perdition.

En effet, de curieux écologistes, tout en reconnaissant la dangerosité extrême du nucléaire, se laissent aller à des revendications d’une incroyable mollesse, en demandant « des débats », ou « un référendum », ou « une sortie du nucléaire en 30 ans ».

La palme est une fois de plus obtenue par Nicolas Hulot, dont la fondation est largement subventionnée par EDF. Cet « écologiste » promu par TF1 se contente de demander… un « grand débat sur le nucléaire ». C’est risible.

De la même manière, des représentants de l’écologie politique demandent une sortie du nucléaire… en 20 ans, 25 ans, ou même 30 ans. Il s’agit d’une véritable forme de négation de la réalité du risque nucléaire puisque cette revendication revient à accepter ce risque pendant encore des décennies.

Par ailleurs, la revendication d’un référendum revient à laisser la main aux pronucléaires qui disposent de moyens gigantesques pour modeler l’opinion publique en agitant le spectre de la pénurie.

Il n’y a pas eu de référendum pour imposer le nucléaire en France, pourquoi en faudrait-il un pour prendre acte de la catastrophe en cours au Japon et décider de sortir du nucléaire ?

Pourtant, les réacteurs nucléaires français arrivent à 30 ans d’âge, la durée de vie prévue à l’origine. EDF se prépare à investir 35 milliards d’euros pour rénover ces réacteurs : il faut d’urgence stopper ce processus et reverser ces sommes dans les programmes alternatifs.

Chacun doit comprendre que tout a changé sur la question du nucléaire : il n’est plus temps de polémiquer sur le prix de l’électricité nucléaire ou sur la supposée indépendance énergétique. Il n’est plus temps de se demander s’il est possible de sortir du nucléaire : c’est possible mais surtout c’est indispensable… et en toute urgence.

C’est à la population de signifier aux dirigeants français, aveugles et sourds, et aux ridicules « écologistes cathodiques » (Hulot, Arthus-Bertrand) qu’ils doivent cesser leurs manoeuvres dilatoires: il faut décider immédiatement de s’engager dans la sortie du nucléaire, fermer dans les jours qui viennent les réacteurs les plus vieux , et programmer la fermeture rapide des autres, par exemple lorsqu’ils arrivent à 30 ans d’âge, c’est à dire leur durée de vie prévue à l’origine.

A vrai dire, on est pas encore arrivé au niveau de Tchernobyl – une telle affirmation reste théorique, justement d’ailleurs parce qu’elle oublie la nature et toutes les personnes humaines mortes des conséquences.

Mais il est vrai qu’il s’agit d’un échec complet pour l’industrie du nucléaire, d’un désaveu plus clair qu’avec Tchernobyl, car là-bas les conditions étaient finalement précaires, alors qu’au Japon c’était sensé être la fine fleur de la technologie.

On voit mal cependant, si les pro-nucléaires ont les moyens de contrer un référendum, pourquoi ils iraient fermer les centrales nucléaires alors qu’ils sont en position de force… Il y a là une contradiction patente.

En fait, les choses sont ainsi : si l’on ne veut pas de nucléaire, alors il faut assumer la libération de la Terre et se confronter à tout le système fondé sur l’exploitation animale. Aucune réforme du nucléaire n’est possible, pas plus qu’aucune réforme de l’exploitation animale, car les intérêts économiques sont bien trop massifs.

Dans la défense de Gaïa, aucune demi-mesure n’est possible… comme on le voit aisément avec l’ampleur de la situation, dans une destruction qui ne cesse de s’accélérer !

Sortons le Québec du nucléaire!

Le mouvement anti-nucléaire se relance partout dans le monde, après la première vague des années 1970. Voici un texte du Québec, signé notamment par 255 municipalités et municipalités régionales de comté (MRC) et appelant à ce qu’il n’y ait plus de nucléaire au Québec.

Les revendications sont évidemment limitées, mais l’initiative exprime sans nul doute le renforcement de la réflexion sur le nucléaire. Le site lié à cet appel est sortonsquebecnucleaire.org.

Rappelons au passage qu’il y a eu une structure Earth First! à Montréal (le site laterredabord.org existe toujours mais n’est plus mis à jour). Au sujet d’Earth First! toujours, mais nous en reparlerons, il existe désormais aux Etats-Unis un site de news Earth First!, un peu sur le même principe que LTD (qui a d’ailleurs le grand honneur de faire partie des liens EF! en dehors des USA).

Déclaration

Le 21 novembre 2008
Déclaration du Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire (M.S.Q.N.) sur le projet total de Gentilly-2.

Contexte global

Le 19 août 2008, en conférence de presse privée à Bécancour, M. Thierry Vandal, président-directeur général d’Hydro-Québec et Mme Julie Boulet, ministre des Ressources naturelles et de la Faune, annonçaient que la décision avait été prise de lancer le projet de la réfection/reconstruction de Gentilly-2 (G-2) à un coût estimé à 1,9 milliards de dollars.

En ce moment, sur le site du réacteur nucléaire se trouvent 2500 tonnes de déchets de combustible irradié hautement radioactifs provenant de 25 années d’exploitation du réacteur.

Après la réfection/reconstruction éventuelle de G-2, le prolongement de la fission nucléaire sur 25 années supplémentaires produira 2500 tonnes de plus de ce type de déchets radioactifs, pour un total de 5000 tonnes, Nos enfants et petits-enfants hériteront de ce fardeau « radioactif » dont le coût est estimé entre 2 et 5 milliards. Ces activités léguées aux générations montantes devront de plus inclure tous les autres déchets radioactifs produits à G-2.

Une estimation « prudente » du coût du projet incluant uniquement la réfection/reconstruction et la gestion permanente des déchets radioactifs de combustibles irradié produits à G-2, en tenant compte des dépassements de coûts habituels du nucléaire, est d’au moins 8 milliards de dollars. Un tel montant entraînera une hausse de l’évaluation du coût de production de l’électricité à environ 30 cents le kilowattheure, ce qui correspond à trois fois le coût de l’électricité éolienne.

Le Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE) avait jugé en 2005 que la décision de procéder à la réfection/reconstruction éventuelle de G-2 devrait être ‘’un choix de société’’. Cet avis d’esprit démocratique devrait d’autant plus s’appliquer puisque les québécois et québécoises sont collectivement propriétaires d’Hydro-Québec.

Anti-démocratie

Contrairement à l’esprit démocratique, Hydro-Québec et le gouvernement libéral ont procédé en catimini dans ce dossier. Sans consulter les citoyens et sans aucun avis sur le déroulement d’opérations préliminaires à la réfection/reconstruction de G-2, ils ont déjà « engouffré » des centaines de millions de dollars.

Ces engagements financiers, accomplis dans le plus grand secret, vont à l’encontre de l’échéancier stipulé par le gouvernement du Québec dans son décret du 27 juin 2007. Celui-ci reconnaissait que le gouvernement accordait son autorisation en faveur d’Hydro-Québec de réaliser dans un premier temps les travaux d’agrandissement de l’aire de stockage nécessaires à la poursuite de l’exploitation de la centrale sans la réfection.

De plus, pour les phases subséquentes, le gouvernement stipulait que les démarches seraient entreprises après que le gouvernement aurait fait connaître sa position sur la réfection de la centrale.

Deux autres faits illustrent le manque d’esprit démocratique du gouvernement actuel. Rappelons en premier lieu que le 12 août 2008, une lettre cosignée par quelque 45 organisations écologistes avait été adressée au Premier ministre Jean Charest et demandait que la réfection/reconstruction de G-2 fasse l’objet d’un débat public à l’Assemblée nationale.

En date du 20 novembre 2008, le Premier ministre, M. Charest, n’a pas répondu à cette lettre. Rappelons également que le 15 octobre, suite à la demande de Mme Rita Dionne-Marsolais, alors députée PQ de Rosemont, de convoquer Hydro-Québec sur le dossier de G-2, le gouvernement et les représentants libéraux de la Commission parlementaire de l’économie et du travail ont refusé formellement d’ouvrir ce dossier.

Par contre, nous devons reconnaître le fait que le 30 octobre 2008, une motion a été adoptée à l’unanimité et sans débat, par l’Assemblée nationale concernant « l’interdiction de l’enfouissement de déchets et combustibles irradiés en provenance de l’extérieur du Québec » sur le territoire du Québec.

Nous devons cependant souligner que cette motion entre en contradiction avec le fait qu’Hydro-Québec, membre de la Société de Gestion des Déchets Nucléaires Canadienne, a accepté au nom du gouvernement du Québec, que le Québec puisse être désigné récipiendaire du seul site canadien de gestion permanente des déchets radioactifs de combustible irradié. Afin d’éliminer toute ambiguïté, cette motion adoptée à la sauvette devra être améliorée et confirmée par voie législative.
Pour le Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire, la seule façon cohérente et responsable pour le Québec de résoudre cette contradiction et de palier à ces manques d’éthique de la part de notre gouvernement et d’Hydro-Québec, nécessite l’annonce du déclassement de G-2 et l’arrêt de la production de nouveaux déchets radioactifs à la fin de la vie utile de G-2 annoncée pour décembre 2010.

En conclusion

Le Mouvement Sortons le Québec du Nucléaire présente un défi pour chaque québécois et québécoise, peu importe leur allégeance politique. Nous nous devons de manifester ouvertement notre désaccord avec les manœuvres non-démocratiques qui ont eu lieu dans le dossier de G-2. La décision de sa reconstruction, prise en catimini, est inacceptable.

La présence à Bécancour des 2500 tonnes de déchets hautement radioactifs ainsi que l’existence du réacteur devenu très radioactif, nécessiteront, sur place et pendant des décennies, l’attention des travailleurs nucléaires. Et ce, même si le réacteur n’est pas reconstruit.
Le maintien des emplois nucléaires ne nécessite pas de gaspiller plus de huit milliards dans la réfection/reconstruction de G-2 et de doubler le fardeau de déchets radioactifs à léguer à nos enfants et nos petits-enfants pour des générations à venir.

Nous demandons à tous les québécois et québécoises d’agir pour que cette décision malheureuse d’Hydro-Québec et du gouvernement libéral soit révoquée.