Apéro « saucisson-pinard », pique-nique « en blanc », halal…

La question végane est une question actuelle, elle a commencé à se poser il y a 20 ans véritablement, et chaque jour qui passe, le véganisme gagne en contenu et se pose comme une alternative nécessaire, tant sur le matériel que celui de la morale.

Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que la question de l’alimentation soit mise en avant de manière « radicale », « révolutionnaire »… mais pas forcément dans le bon sens.

Les gens qui ne veulent pas du véganisme tentent inévitablement de contourner la question, comme l’extrême-droite qui attaque le halal afin de ne pas critiquer l’industrie.

Nous en avons déjà parlé avec l’affaire de l’occupation d’un Quick « Halal » à Lyon, ou encore avec la vidéo lilloise du « Front de Libération des Cochons. »

Cette fois encore, on a eu droit à quelque chose du genre. L’apéro parisien « saucisson pinard » a en effet finalement eu lieu, sur le haut des Champs-Elysées plutôt que dans le quartier populaire de la la Goutte d’Or.

Se sont rassemblées… au moins 1.000 personnes, avec comme seule obsession commune l’alcool et la viande, dans un rassemblement au-delà de certains clivages (extrême-droite, associations « de gauche » comme « Riposte laïque » ou certains milieux féministes…).

Et cet apéro fait des émules, avec des initiatives à Douai, Amiens, Lyon…

Tout sauf végan ! Voilà le mot d’ordre de ces gens, qui critiquent le présent non pas en regardant l’avenir, mais en s’attachant au passé, un passé idéalisé, comme en témoigne l’affiche de l’appel à l’apéro.

Mais tout cela est-il bien étonnant ? Non, bien entendu, car sur le plan de la vie quotidienne, les « traditions » l’emportent, et qui représente mieux les « traditions » que l’extrême-droite ?

Cela montre bien à quel point le véganisme doit rompre avec les traditions, et se fonder non pas sur une vision nationale, mais bien une vision planétaire.

L’extrême-droite veut « sauver » la nation et ses traditions, alors que nous voulons la libération des animaux et que Gaïa ne soit pas anéantie par une folle course au profit.

La planète est assassinée, les animaux toujours plus placés dans des conditions d’esclavage… et on trouve des gens désireux de continuer « comme avant » à boire leur petit pinard en mangeant de la « cochonaille » ?

Cet alcool et ces cadavres qui sont consommés seraient l’aboutissement de l’humanité ? Le point culminant de centaines d’années d’évolution culturelle, le fruit de l’avancée de la civilisation ?

Nous le disons clairement : non ! Les innocents ont besoin de nous !

Il va de soi ici que l’extrême-droite n’est que l’avant-garde, ou plutôt l’arrière-garde des valeurs dominantes.

Voici par exemple le point de vue de Périco Légasse, rédacteur en chef de la rubrique « art de vivre » à l’hebdomadaire Marianne et animateur sur la Chaîne parlementaire (LCP) de l’émission mensuelle « Toques et politique. »

Ce point de vue est édifiant et résume tout ce qu’il faut combattre. Justement, avant de voir son point de vue sur cette histoire d’apéro, voyons d’abord ce qu’il a comme conception du monde :

« BIENVENUE A MA TABLE

Ce blog prétend défendre une certaine idée du goût de la France. Notre patrimoine gastronomique, qu’il soit agricole, maritime, viticole ou culinaire, n’est en aucun cas la propriété exclusive des Français, mais celui de l’humanité toute entière. (…)

Reflets de nos diversités régionales, expression des particularismes qui façonnent notre physiologie gustative, le vin de France, la cuisine française, les produits de nos terroirs ne sont pas les meilleurs, d’autres endroits du monde en proposent d’aussi bons, ils sont tout simplement uniques, donc irremplaçables. Les voici aujourd’hui menacés par la globalisation.

C’est cette spécificité là qu’il convient de protéger, de perpétuer et de partager, afin que les saveurs d’en France continuent à réjouir celles et ceux qui aiment célébrer le mariage des plats et des vins.

Chers lecteurs, ce blog se veut un espace de dégustation, de réflexions sensorielles, de débats alimentaires, de joutes bachiques, de convivialité gourmande, un repère de coups de gueule, de fins palais, de francs gosiers et de dents dures. Tel un festin, il est destiné au partage et à l’échange, dans l’espoir d’accueillir le plus possible de convives autour de la table. »

La mort faite culture, l’abandon de la pensée dans le vin faite civilisation. Au lieu d’une ouverture à Gaïa, voici l’idéologie de l’ouverture à l’égoïsme et à l’égocentrisme.

Quelle hypocrisie que de parler d’éveil des sens alors qu’il ne s’agit que de l’endormissement de tous nos sens par rapport à la vie, par rapport à Gaïa.

Pour ce type de gens, rien ne doit changer, l’esclavage des animaux doit se perpétuer. Voici justement comment ce « gastronome » analyse la question de l’apéro parisien « saucisson pinard »:

« Il est scandaleux que, faute de lieux privés où observer leur culte, des hommes soient contraints de prier sur la voie publique, qui plus est sans autorisation du ministère de l’intérieur (et des cultes), mais il est encore plus scandaleux que l’on s’en prenne au vin et au saucisson sous prétexte qu’ils sont instrumentalisés par un groupuscule fasciste et raciste.

Depuis quand colle-t-on des estampilles politiques sur des aliments aussi ordinaires que le vin et le saucisson dans une capitale où foisonnent en parfaite coexistence toutes les cuisines du monde ? Qui cherche à casser le consensus ? A qui profite l’anathème ?

En fait, dès lors qu’une communauté, qu’elle quelle soit, a privatisé un tronçon de l’espace public, cela devient un acquis auquel on ne peut plus toucher. Dire non, pas ça et pas comme ça, relève aussitôt de la provocation. Il faut se taire, s’écraser, la boucler. Il n’est que de voir les réactions d’hystéries, dans les deux camps, pour s’en inquiéter.

Jusqu’à nouvel ordre, le vin rouge et le saucisson sont des emblèmes inaliénables de la laïcité républicaine.

Cela peut paraître ridicule et dérisoire à première vue, mais ces valeurs-là ne sont pas négociables, car si nous cédons sur celles-là, demain, nous serons peut-être amenés à céder sur d’autres et à effacer des frontons de la République les trois mots qui n’auront plus l’heur de plaire à des citoyens s’étant un jour estimés victime de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité pour lesquelles sont tombés, non seulement nos pères, mais aussi ceux de ceux qui prient dans les rues de Paris et de Marseille. »

Pour ce gastronome, ses valeurs ne sont pas négociables. Les nôtres non plus. Et il s’imagine que la question « alimentaire » n’est pas question politique.

Et si elle l’est ; elle est une question politique par excellence, c’est-à-dire s’élevant jusqu’à la morale. Qu’est-ce que la politique en effet si ce n’est la question du choix de la morale ?

C’est donc une question de priorité, et notre priorité s’appelle : libération animale et libération de la Terre. Ce sont les critères pour comprendre le monde, pour savoir ce qui va dans le bon sens, et ce qui va dans le mauvais.

Inversement, voici comment le rédacteur en chef de « Riposte laïque » explique sa ligne, dans une interview à Marianne. Il parle justement de l’occupation du Quick Halal… Et évidemment il le fait dans une perspective totalement opposée à la nôtre…

Pourquoi avoir accepté d’organiser cela conjointement avec le Bloc identitaire, une organisation d’extrême droite à la réputation sulfureuse qui semble très éloignée des valeurs que vous défendiez jusqu’ici ?

L’islamisation de la France progresse. Et nous sommes consternés par la passivité des acteurs politiques, par la façon dont ils minimisent le phénomène. Dans la gauche, qui est notre camp, les laïcs et les féministes sont aux abonnés absents. Sur la burqa, ils n’ont pas bougé !

Si les socialistes étaient encore au pouvoir, il n’y aurait pas de loi sur le voile à l’école, et toujours pas de débat sur la burqa. C’est un constat désespérant : sur le sujet de la montée de l’islam et ses enjeux, la gauche est en faillite idéologique.
Alors une fois qu’on a dit ça, qu’est-ce qu’on fait ? On reste dans un splendide isolement et on demeure pur ? Ou on commence à agir ?

Donc, vous avez choisi de perdre votre pureté en vous associant au Bloc identitaire ?

On est obligés de regarder quelles sont les forces qui sont prêtes à faire quelque chose pour alerter les citoyens sur les enjeux de la montée de l’islam. Il n’y a pas grand monde qui soit prêt à le faire, ni à gauche, ni à droite.

Le bloc identitaire a mené quelques actions qui nous ont interpellés, par exemple sur l’histoire des Quick Halal [invasion d’un Quick halal par 70 personnes affublées de masques de cochons, ndlr] ou de la mosquée de Bordeaux [diffusion d’un bruyant appel à la prière dans les rues du quartier bastide à 6 heures du matin, ndlr].

On ne se reconnaît certes pas dans leur régionalisme et leur conception ethnique. Mais on a senti chez eux une volonté de se défaire de leur côté sulfureux et de se rapprocher d’une droite populiste à l’image de l’UDC suisse [parti ultraconservateur à l’origine de la votation suisse sur l’interdiction des minarets, ndlr].

Ce n’est pas sans rappeler la logique de la fondation Brigitte Bardot, qui ne cesse elle aussi de critiquer le halal en oubliant d’attaquer l’industrie…

La logique des anti-vegans, c’est : « tout doit changer pour que rien ne change. » Et pour finir justement notre propos, voici un article d’hier, au sujet d’un autre pique-nique.

Ce pique-nique là s’est déroulé également à Paris, la veille de l’apéro « saucisson-pinard. » Il est son contraire… Mais justement pas pour nous, en tant que vegans!

Des milliers de Parisiens au «pique-nique en blanc»

La seule condition pour participer était d’être habillé de blanc. Des milliers de Parisiens ont participé jeudi soir au pique-nique géant organisé dans le jardin du Carrousel à Paris. Le must de l’élégance et de la fête chic.  Pendant que d’autres regardaient le match de football, des centaines de personnes ont convergé entre 20 heures et 21 heures en un même endroit tenu secret jusqu’au dernier moment.

Le décor : tables de bridge, nappes blanches, chandeliers en argent, bouteilles de champagne et repas soigné. Depuis vingt ans, cet événement surprise remporte un succès croissant. Hier soir, plusieurs milliers de personnes ont fait bombance… avec l’autorisation implicite de la préfecture de police.

Apéro « saucisson-pinard », pique-nique « en blanc », halal… Aucune différence à nos yeux!

Teddy Goldsmith: le Tao du milliardaire

Le nom de Teddy Goldsmith ne dira pas grand chose aux personnes véganes, ni souvent aux personnes intéressées par l’écologie. Issu d’une famille richissime et frère de James Goldsmith (ancien patron du très anticommuniste L’Express dans les années 1980 et député européen sur la liste « souverainiste » de Villiers de 1994 à 1999), il s’agit pourtant d’une figure très importante, dont les idées influencent grandement l’écologie « traditionnelle », à coups de larges investissements tant dans des revues (comme « The Ecologist » qui a une version française) et de promotions de diverses personnalités mettant en avant les mêmes idées.

Et quelles sont ces idées? Celle du retour en arrière à des communautés « saines », hiérarchisées, se fondant sur la famille, encadrées de manière ethnique… Des idées qui sont typiquement celles de l’extrême-droite, et qui forment une tentative assumée de refuser tant la libération animale que la libération de la Terre.

Teddy Goldsmith (1928-2009) avait de larges moyens, tout comme par ailleurs son frère le financier James Goldsmith. Il les a utilisés pour se poser en théoricien écologiste, entraînant à sa suite toute une série de personnes d’accord avec lui pour prôner un retour en arrière, à une société rurale totalement idéalisée.

Ce primitivisme de millionnaire est largement réputé et respecté dans les milieux intellectuels aisés: Teddy Goldsmith a ainsi été fait Chevalier de la Legion d’Honneur, Le Monde a salué sa mémoire à sa mort, etc. Il n’y a évidemment pas de hasard à cela…

Car Teddy Goldsmith associe deux idées très utiles aux grandes entreprises. Il ne critique en effet pas celles-ci, mais la « technique. » Il reprend directement (mais sans le dire!) le philosophe allemand pro-nazi Heidegger, qui explique que les individus perdent leurs « racines » en raison du développement de la technique partout dans le monde.

Face à cette « occidentalisation » du monde, il y a donc lieu de prôner le localisme et évidemment leur aspect ethnique. C’est la théorie typiquement d’extrême-droite qu’est « l’ethno-différentialisme ».

Chaque peuple est « parfaitement adapté » à son environnement et son esprit est différent des autres peuples. Teddy Goldsmith ne dit pas autre chose quand il explique « l’évolution sociale avait elle aussi mené à la formation d’une grande diversité des groupes sociaux et de communautés ethniques tout aussi complexes, chacun parfaitement adapté à son environnement particulier. »

Un peuple « adapté » à son environnement est « unique » et il faut donc le préserver, il ne doit pas se mélanger. C’est en ce sens qu’il faut comprendre que Goldsmith est l’un des fondateurs de l’association « Survival International » qui défend les « peuples indigènes »…

La seconde idée de Teddy Goldsmith est empruntée à Nietzsche. Bien évidemment, il ne le dit pas. Il s’agit du concept comme quoi « Dieu est mort. » Exactement comme l’extrême-droite, Teddy Goldsmith met en avant le retour aux vrais dieux, ceux d’avant le monothéisme, et parle d’une relation « tellurique » au monde « chtonien ».

Dans cette idéologie, seul l’homme traditionnel est « authentique », car il est relié à la terre, « sa » terre. Celle-ci lui parle, par l’intermédiaire de dieux que l’être humain s’invente. Ces dieux sont faux mais ce qu’ils disent est vrai: ils permettent une relation au « cosmos ».

Les dieux sont « chtoniens » (cachés dans les terres) et l’être humain a une relation par l’intermédiaire de la terre (d’où le « tellurique »): Dieu est mort mais les dieux, eux, rendus vivants par l’homme, parlent à l’homme et lui disent des « vérités ».

Cette idée est absolument typique de l’extrême-droite de la fin du 19ème siècle (c’est en ce sens qu’il faut comprendre le mot de Pétain: « La terre, elle, ne ment pas »).

C’est dans son livre « Le Tao de l’écologie » que Teddy Goldsmith explique ses grandes idées d’une liaison « cosmique » entre un individu et son peuple, et ce peuple et la planète. Il fantasme sur la liaison « véritable » au cosmos qu’auraient eu chaque peuple, selon son « génie » particulier bien entendu: le « R’ta » des Aryens en Inde, le « Rê » en Egypte, Thémis en Grèce, l’Asha en Perse antique, le Tao des Chinois etc.

Teddy Goldsmith explique même que « ces termes désignent fréquemment l’ordre cosmique, mais plus souvent encore la voie ou le Chemin que l’on doit suivre pour préserver cet ordre spécifique. »

Evidemment, si Teddy Goldsmith cherche à éviter la politique, il ne le peut pas tout le temps, et lorsqu’il le fait la cause est entendue: c’est l’extrême-droite qui est justifiée. Non pas l’extrême-droite en tant que nationalisme de type borné, brutal, etc., non: la véritable extrême-droite, celle qui veut retourner en arrière, à la pureté. Teddy Goldsmith donne ainsi son point de vue au sujet des fondamentalistes:

« L’incapacité de plus en plus patente de toutes les politiques fondées sur la conception moderniste du monde et ses paradigmes dérivés, scientifique et économique, à répondre aux besoins psychologiques les plus profonds, ou même à résoudre aucun des problèmes qui menacent notre survie sur cette planète, crée des conditions de plus en plus propices à l’émergence de mouvements revitalistes.

Il y a de grandes chances que ces mouvements soient touchés par les idées écologiques, qui sont dans l’air du temps et dont la pertinence est chaque jour davantage apparente, même aux plus aveugles d’entre nous.

Certains signes donnent à penser que ces mouvements pourraient prôner un retour à un mode de vie traditionnel. Ainsi, alors même que la montée du fondamentalisme dans les pays musulmans et en Inde apparaît comme une poussée très antipathique de chauvinisme, de fanatisme et d’intolérance, c’est aussi indéniablement une réaction contre l’impérialisme économique occidental et la dislocation des cultures et des traditions musulmanes et hindoues provoquée par le développement scientifique, technologique et industriel occidental. »

Comme on le voit les choses sont très claires: Teddy Goldsmith prône le retour en arrière. De la même manière que les Talibans veulent faire reculer la roue de l’histoire, afin de vivre de la même manière que les premiers musulmans à la période de Mahomet, Teddy Goldsmith veut lui faire comme Gandhi et en retourner aux petites sociétés communautaires, où tout est traditionnel.

Voilà pourquoi, selon Teddy Goldsmith, « ‘l’écologie est une foi. » Ce qu’il veut dire par là, c’est que l’individu doit rentrer en contact avec les « forces telluriques. » Il doit atteindre le sacré, un sacré qui n’est pas divin parce que Dieu n’existe pas, mais un sacré qui serait la nature elle-même.

Teddy Goldsmith parle donc de « Gaïa » mais sa vision est en fait exactement celle du film Avatar: une sorte de monde ultra hiérarchisé, où tout reste à sa place, où tout est « prédestiné », et donc serait par là « authentique ». Il y aurait des « lois naturelles » (Teddy Goldsmith célèbre la Grèce antique qui aurait soit disant obéi à ce principe):

« L’homme traditionnel savait que le monde est un, qu’il est vivant, organisé selon un certain ordre et une certaine hiérarchie, et que tous les êtres vivants qui l’habitent sont étroitement interdépendants et coopèrent pour lui conserver son intégrité et sa stabilité ».

Pas étonnant que dans cette logique « traditionnelle », tous les théoriciens d’extrême-droite se précipitent sur l’idéologie de Goldsmith… Tout comme il n’est pas étonnant que jamais il ne soit parlé de véganisme.

Tout comme dans le film « Avatar » les hiérarchies sont justifiées: le projet de Goldsmith n’a rien à voir avec celui de la libération totale!