Francis Wolff et sa défense du « spécisme »

Le problème des universitaires, c’est qu’ils fonctionnent en vase clos comme producteurs d’idéologie au service des institutions. Ils perdent pied avec la réalité et finalement les auteurs qu’ils lisent ne servent que d’endroits à piocher.

Cela est vrai tant pour les « antispécistes », une simple variété de la gauche américaine « moderne » qui dresse des catalogues d’oppression, que pour les autres, dont voici un exemple avec Francis Wolff.

En théorie, on a du lourd, même du très lourd. Né en 1950, il est passé par le meilleur lycée de France qu’est Louis-le-Grand. Il fait ensuite l’École Normale Supérieure puis est agrégé de philosophie à 24 ans. Il donne même directement des cours d’agrégation l’année d’après !

A côté d’un parcours dans différents lycées et plusieurs universités, ainsi qu’évidemment à l’Ecole Normale Supérieure, il mène un travail faisant de lui officiellement un « spécialiste » d’Aristote, tout en devenant un grand défenseur et théoricien de la corrida.

Il est même « membre fondateur de l’association SUERTE, Société d’études et de recherches sur les tauromachies européennes »…

Voici un exemple de sa prose mise en avant par Ouest-France, dans un article intitulé Animaux. L’antispécisme, une idéologie décriée.

« On voit que sous des dehors généreux, c’est une idéologie totalitaire », affirme Francis Wolff, pour qui « lorsqu’on commence à traiter les animaux comme des personnes, on n’est pas loin de traiter les personnes comme des animaux ».

Il va jusqu’à prendre l’exemple de l’Allemagne nazie. Göring, qui avait promulgué la loi de protection animale d’avril 1933, avait alors déclaré : « Je vais envoyer dans des camps de concentration ceux qui pensent encore qu’ils peuvent continuer à traiter les animaux comme une propriété inanimée. »

Pour le philosophe, il faut d’abord préserver la vie humaine, car c’est la seule à avoir une morale. Il appelle néanmoins à respecter des normes, au nom, justement, de la morale :

« Nous ne devons pas rompre le « contrat affectif » qui nous lie à nos animaux de compagnie en les abandonnant.

Nous avons le devoir d’élever les « animaux de rente » dans des conditions qui respectent les exigences biologiques de leurs espèces.

Nous devons respecter les équilibres écologiques, en défendant la biodiversité, tantôt au profit des espèces menacées, tantôt au détriment des bêtes nuisibles. Tout cela est évidemment « spéciste ». »

Nous avons là un des plus grands « philosophes » de France et ses propos sont d’une incohérence impressionnante… Rien d’étonnant, voilà ce que produisent les institutions !

Passons sur le tour de passe-passe voulant qu’élever les animaux à un meilleur statut serait abaisser les êtres humains au statut actuel des animaux. Après tout, on peut avoir fait les meilleures écoles de France et ne pas savoir distinguer le haut du bas…

Oublions également la citation provocatrice d’un nazi : après tout, on peut se vouloir distingué et chercher à faire de la provocation appelant à l’irrationnel afin de décrédibiliser… Quand on n’a pas d’arguments, il y a des gens qui sont comme cela, même s’ils ont lu de grands philosophes !

Non, voyons plutôt comment un grand savant comme lui se prend les pieds dans le tapis dans le rapport Nature-culture. Pour nous, il n’y a pas de séparation, pour lui, oui.

Or, comment peut-il alors justifier un « contrat affectif », puisque selon lui l’affection relève de la Nature, le contraire de la culture ?

Pourquoi y aurait-il le « devoir » d’élever des animaux en respectant les « équilibres écologiques », puisque l’écologie parle de la Nature, alors que le devoir relève de la culture ?

Pourquoi d’ailleurs défendre la biodiversité et respecter les équilibres écologiques ou même défendre des espèces menacées, puisque ce qui relève du droit est humain et entièrement séparé de la Nature ?

On peut faire le choix individuel – c’est la théorie antispéciste – mais on ne peut pas le fonder juridiquement… A moins de faire comme nous et de dire « la Terre d’abord ! », ce qui veut dire : les humains après…

Ce qui n’est d’ailleurs même pas vraiment le cas, car l’humanité est une partie de la vie sur Terre et ne peut pas être heureuse en s’en « séparant ». C’est un point de vue qu’on appelle le biocentrisme…

C’est là qu’on voit que des gens comme Francis Wolff et les antispécistes se situent philosophiquement dans le même anthropocentrisme : la Nature et la culture s’opposent, les êtres humains et les animaux se situant seulement dans un même environnement.

Ce qui fait que le droit reste « positif » et ne peut jamais être « naturel ». Francis Wolff et les antispécistes disent le contraire, mais au sein des institutions, sur la même base philosophique, avec le même anthropocentrisme du « choix » individuel.