L’ISK allemande des années 1930

« Un ouvrier qui ne veut pas être un « capitaliste qui n’arrive pas à l’être », et qui donc entend être sérieux dans la lutte contre toute exploitation, ne fléchit pas devant l’habitude méprisable d’exploiter d’inoffensifs animaux.

Il ne participe pas au meurtre quotidien se produisant par millions, qui met dans l’ombre toute la cruauté, la sauvagerie et la lâcheté des horreurs de la première guerre mondiale.

Il s’agit là de responsabilités, camarades, qui échappent à la nécessité d’un vote… Ou bien on veut lutter contre l’exploitation, ou bien on la laisse exister.

Qui, en tant que socialiste, se moque de cette exigence, ne sait pas ce qu’il fait. Il ne montre que qu’il n’a jamais considéré sérieusement ce que signifie le mot socialisme. »

L’Union de Lutte Socialiste Internationale – Internationalen Sozialistischen Kampfbundes (ISK) – a été une organisation révolutionnaire vraiment intéressante de l’Allemagne des années 1930.

L’ISK prônait le refus de toute exploitation animale; elle exigeait également de ses membres le refus du tabac et de l’alcool, ainsi qu’un strict végétarisme. Elle prônait l’antimilitarisme et une éducation fondée sur le respect, créant même une école à la campagne, la « Walkemühle », qui fut anéantie par les nazis en 1933.

Mais la répression en 1933 n’a pas empêché l’ISK d’avoir été une des grandes organisations de résistance à côté des communistes. Une action connue de l’ISK a été en 1935 le sabotage de l’inauguration des autoroutes, un très important symbole de la « modernité » nazie.

Tous les hauts-parleurs avaient été saboté, les ponts étaient recouverts de slogans antifascistes peints avec des produits chimiques faisant qu’ils ne seraient visibles qu’une fois le jour levé ! Les films de propagande concernant l’inauguration ont dû être raccourcis au possible.

Il y avait également des slogans sur l’autoroute elle-même : les nazis mirent du sable, mais il plut et les slogans furent ainsi de nouveau visible…

L’ISK est d’ailleurs connu pour son appel à l’unité socialiste-communiste aux élections de 1932 pour contrer les nazis, appel signé par de nombreux artistes et scientifiques, comme Albert Einstein, Erich Kästner, Heinrich Mann.

Einstein avait d’ailleurs soutenu la naissance de l’ancêtre de l’ISK : l’Union de la Jeunesse Socialiste Internationale née en 1917. Einstein était en effet socialiste, écrivant notamment « Pourquoi le socialisme » et sur la fin de sa vie il est devenu végétarien.

L’ISK était ainsi une petite organisation (quelques centaines de membres) mais avait une influence certaine, également sur le plan international puisqu’elle possédait également des restaurants végétariens à Londres, Amsterdam mais aussi Paris, ces lieux servant de lieux de rencontre de la résistance.

En 1938 toutefois, sa présence en Allemagne fut anéantie par la Gestapo, et les activités ne se maintinrent qu’en exil. Après la défaite des nazis, les membres restant rejoignirent surtout les socialistes, certains devenant des membres importants, en ayant abandonné toutefois leurs idéaux révolutionnaires ainsi que végétariens.

Le problème était en effet que le fondateur de l’ISK, Leonard Nelson (1882-1927), tenait surtout une position moraliste, largement influencée par Emmanuel Kant. Voici les deux phrases « classiques » de Kant, que Nelson élargissait aux animaux :

« Agis seulement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. »

« Agis de façon telle que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans tout autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen. »

A cela s’ajoute une fascination complète pour Socrate et pour un enseignement démocratique où l’on fait « accoucher les idées. » L’ISK était très tournée vers la pédagogie, bien plus que vers la culture ; une figure centrale de l’ISK fut ainsi la pédagogue Minna Specht (1879-1961).

Il y avait donc surtout une posture morale, ce qui n’est bien sûr pas suffisant pour comprendre et changer la société. Mais il est vrai que cela était déjà formidable pour les années 1920, années où Nelson a élaboré toute sa théorie juridique comme quoi les animaux ont des sens et méritent le respect absolu.

A ce titre il a presque 100 ans d’avance sur les théoriciens du « droit » des animaux, ou plutôt ceux-ci ont 100 ans de retard sur la période où justement la cause animale était tellement faible qu’elle ne pouvait se formuler que de manière utopique, en s’appuyant sur le principe de l’éducation philosophique et de droit.

Inversement le véganisme ne pouvait se poser véritablement qu’à la fin du 20ème siècle, comme il y a vraiment les moyens pour l’humanité toute entière de vivre de manière végane. Mais là ce n’est pas une question de « droit » ou de « philosophie », mais bien une question d’abolition de tout ce qui est exploitation!