Voici un article vraiment très intéressant et bien documenté de la Voix du Nord. Nous avons à maintes reprises parlé de cette culture populaire consistant à enterrer les animaux dont on a la responsabilité, et quoi d’étonnant à ce que cela se retrouve fortement ancré dans le Nord, région très populaire.
A LTD, nous accordons une grande importance à ce phénomène, évidemment directement parce qu’il nous touche, en tant qu’activistes prônant l’adoption, mais aussi parce que cela prouve que l’humanité, malgré ses prétentions, ne peut tout simplement pas mener à la guerre à la Nature.
Le témoignage suivant est populaire et authentique, il est très émouvant.
Forest-sur-Marque: le nombre de candidats au Paradis des animaux en élévation constante
Les propriétaires d’animaux de compagnie sont de plus en plus nombreux à venir enterrer leur chien, chat, voire lapin au Paradis des animaux. Une quinzaine d’inhumations ont lieu chaque mois dans ce cimetière unique dans le département.
Même lui n’en revient pas : « Vous verriez le samedi et le dimanche, y’a des fois plus de monde ici qu’au cimetière humain à côté. » Gérant depuis trois ans du Paradis des Animaux, créé par son oncle en 2003, Jean-Michel Desmulliez est un homme occupé. « Je fais une quinzaine d’enterrements par mois, raconte-t-il. C’était pas du tout le cas au départ, et ça augmente tous les ans. »
Le Paradis des animaux se situe au bout d’une voie pour le coup pénétrable, au 167, Rue principale, à Forest. Plus de 400 bêtes à poils ou à plumes y reposent en paix sous les 3000 m² de verdure. « J’ai l’autorisation pour m’étendre sur 9000 m², précise le Saint-Pierre local. Pour l’instant je ne l’utilise pas car il reste de la place, mais ça va devenir assez urgent. » Les « clients » viennent de la métropole, mais aussi de l’Avesnois, l’Arrageois, le Valenciennois ou la Belgique.
Il n’existe que deux cimetières de ce type dans la région, l’autre se situant à Saint-Martin-Boulogne. Sans surprise, l’immense majorité des éternels résidants sont chiens et chats.
« Mais il y aussi quelques lapins, des cochons d’inde, des tourterelles, des rats », énumère Jean-Michel Desmulliez. Lequel reçoit aussi « énormément de sollicitations pour des chevaux » : « Malheureusement, c’est impossible, vous ne voyez pas le trou qu’il faudrait faire ? »
Nom de famille
Le coût de l’inhumation et de l’emplacement s’élève à 99 €. Mais le défunt peut aussi être enterré dans un cercueil, dont les prix varient selon la taille, la nature du bois (sapin ou chêne), et la présence ou non de capiton. Certains maîtres ou maîtresses optent pour le caveau (459 €) afin d’ensevelir plusieurs animaux, d’autres y ajoutent des pierres tombales, et surplombent le tout d’objets funéraires.
En vogue, la petite lampe à énergie solaire qui s’éclaire la nuit. « Il y a aussi un phénomène que je rencontre depuis environ un an, ce sont les gens qui font graver leur nom de famille à côté du prénom de l’animal », observe le quinquagénaire.
En fait, la seule chose défendue est l’affichage de signes religieux ou confessionnels extérieurs. Mais Jean-Michel Desmulliez s’accommode des rites de chacun. « L’autre jour, des gens de confession musulmane sont venus enterrer leur chien, raconte-t-il. Il était enveloppé dans un drap blanc, avec une cordelette, et ils ont rebouché avec les mains. Je m’adapte à tout. »
Un Grec vivant à Lille a quant à lui demandé une stèle en forme de chat, avec des inscriptions en français et en grec gravées à la feuille d’or, que le gérant du Paradis des animaux a dû commander à un marbrier du sud de la France : « Le monsieur ne parlait pas un mot de français, j’ai dû faire venir une interprète. »
Outre l’absence de concurrence, l’une des raisons du succès du Paradis des animaux vient sans doute de la compassion naturelle dont fait preuve Jean-Michel Desmulliez, dont le bureau est orné d’une photo de ces deux chiens. « Il faut savoir être à l’écoute des gens, les accompagner dans ce moment difficile », résume celui qui, dans une autre vie, était directeur commercial pour des concessions non pas funéraires, mais automobiles.
Dans son petit local, une pièce remplie de petits cercueils est mise à disposition le jour des enterrements : « Les gens peuvent se recueillir avant l’inhumation, indique-t-il. Je les laisse tranquille. Ca peut durer 10 minutes, une heure, même deux heures…» Une éternité.
«C’est comme un membre de la famille»
C’est un petit carré de terre entretenu avec soin et surplombé de fleurs, de bibelots et d’une plaque. Ci-gît Max, un caniche disparu le 14 décembre 2012. Mohamed et sa maman Viviane ont appris l’existence du Paradis des animaux par le vétérinaire qui a euthanasié leur animal de compagnie, et n’ont pas hésité. « J’ai gardé mon chien pendant 14 ans, raconte la maman, on ne voulait pas l’incinérer. »
Mohamed et Viviane ont donc déboursé pas loin de 500 € pour inhumer dignement leur compagnon, qui repose aujourd’hui dans un cercueil en pin capitonné. « On a même fait une plaque qui vient d’Italie, précise le jeune homme, on avait envie de lui faire ce plaisir-là, il méritait bien ça. » « Quand on aime les animaux, reprend Viviane, c’est comme un enfant, un membre de la famille. »
Une question de respect
Un peu plus loin, au-dessus d’un caveau, de la pelouse synthétique, des petits bouddhas, des plantes et des galets blancs. « On a mis ça parce que c’était un chien joyeux », précise Véronique en parlant de Tina, un basset hound – « un chien Télé Z » – mort à la mi-janvier. « On était partis sur une petite tombe simple, puis comme on a d’autres animaux comme ce gros bétail, dit-elle en montrant Elioss, un dogue de bordeaux. On a pris un caveau. »
Après coup, la Wattrelosienne ne regrette pas du tout son choix ni l’effort financier consenti – plus de 400 € –, et vient régulièrement se recueillir sur la tombe de Tina avec sa fille, Amandine. Elle aussi considère que « c’est un être entier, qui mérite le respect » après avoir partagé la vie du foyer pendant dix ans. Elle sait que certains trouvent cette attention ridicule. Elle s’en moque : « Si ça les fait rire, ça les fait rire, moi ça ne me touche pas. Chacun fait ce qu’il veut. »