Une revue anarchiste part en guerre contre le véganisme

« Le jour où les animaux se révolteront, alors on verra. » (Courant Alternatif, octobre 2010)

Qui sont les gens risquant des années de prison pour libérer des animaux ? Qui sont ces gens donnant leur énergie pour s’occuper d’animaux en détresse ? Qui sont ces gens qui prônent un rapport avec les animaux qui ne soit pas la guerre ?

Pour la revue anarchiste « Courant alternatif » c’est clair : ce sont des gens qui suivent la « mode. » Dans le numéro d’octobre 2010 on peut lire cela dans l’article « Etre vegan : une mode pour un temps de crise. »

C’est intéressant : pour ces gens le véganisme serait quelque chose de « récent. » Comment expliquent-ils alors que la libération animale soit née dans les années 1970, la libération de la Terre dans les années 1980 ? Surtout que les gens à l’origine de cette revue se revendiquent de cette époque de contestation…

En fait pour ces gens pétris de conception réactionnaire typiquement française, les vegans sont même une menace de grande ampleur. Même des structures comme les Food not Bombs et leur nourriture gratuite est une menace littéralement terroriste :

« Depuis quelques années, les bouffes organisées dans des lieux collectifs et dans des rassemblements sont de plus en plus prises en charge par des vegans sans que la chose soit réellement discutée collectivement. »

Il n’y a pas à dire : il y en a qui n’ont vraiment rien d’autres à faire… D’ailleurs, on avait déjà droit à un article anti vegan dans le numéro de mai 2010 : « L’environnement c’est Kapital ! Spécial écologie. »

On y trouvait déjà un article anti-végan écrit… par un vegan straight edge « repenti »… N’aurait-il pas été franc de le dire ? Et quelle étrangeté de multiplier les allusions en filigrane à LTD… tout en faisant en sorte de résumer le véganisme à une question d’alimentation…

Comme dans ces lignes de ce nouvel article où le véganisme est présenté comme une mode, lignes qui visent le côté beauf dans tout lecteur (voire lectrice):

« Ce dont nous avons besoin, c’est aussi du plaisir, sans lequel il n’y a pas de vie supportable !

Il y a déjà la télé avec son surplus de spécialistes… de la minceur, de la diététique, de l’élevage des enfants, de la sexualité ; des psys, des curés, des pédagogues, des économistes qui ne font qu’infantiliser le public en lui donnant des conseils sur ce qui est bien pour lui ; faut-il en plus qu’on en retrouve en milieu libertaire qui nous disent comment bien manger? »

Les vegans donnent de la nourriture : c’est un piège ! Ils/Elles n’en donnent pas : c’est qu’ils/elles veulent imposer leur nourriture !

C’est donc une véritable terreur que vit « courant alternatif. » Et d’où vient cette terreur ?

Eh bien c’est facile à trouver : pour les Français bien réactionnaires, ce qui est mauvais ne peut venir que des « anglo-saxons », par définition anti « latins » et anti « plaisir. » On croirait lire de la prose des années 1930-1940:

« L’antispécisme, comme le véganisme, est une culture urbaine.

Ce n’est pas un hasard si l’un comme l’autre sont venus des Etats-Unis et d’Angleterre, sous la double influence d’un zest de puritanisme protestant et de l’urbanisation précoce dont ces deux pays ont été les champions. »

Cela est bien évidemment n’importe quoi : le véganisme vient tout autant d’Allemagne et d’Autriche, ce dernier pays étant catholique. De plus, la libération animale s’est développée à vitesse grand V tant dans les pays d’Amérique latine (Chili, Argentine, Brésil…) que les pays « latins » d’Europe : Espagne, Italie…

Mais il ne faut pas rechercher trop de cohérence, car on a même droit au classique « les vegans nous traitent de nazis » ou encore l’accusation comme quoi nombre d’associations antispécistes veulent imposer une alimentation simplement à base de pilules !

Ces gens délirent totalement ! Mais il faut les comprendre ! Car ces gens savent que le sol se dérobe sous leurs pieds.

Leur immonde visage ultra-réac bien franchouillard est plus que visible. Quant on pense que ces personnes totalement dénaturées imaginent que les animaux sont des machines. Ils sont incapables de comprendre que les animaux préfèrent ne pas vivre en cages ! Voici par exemple ce qu’on peut lire :

« Selon nous, les revendications de la politique, de l’anarchisme, des mouvements d’émancipation, c’est que la liberté, la justice, etc. soient portées par les intéressés eux-mêmes et pas décidées en dehors d’eux. Or, dans ce cas des animaux, les « libérateurs » seraient des représentants autodésignés et non révocables !

C’est de l’anthropocentrisme assorti d’anthropomorphisme : qu’est-ce qu’un animal « sait » de la liberté, de l’égalité? »

Quel verbiage « radical » sans valeur aucune… Et dire que ces gens nous accusent de faire dans le pathétique… Qu’ils osent parler de justice, alors qu’ils se moquent des animaux, préférant leur temps à critiquer les végans…

Le problème n’est pas seulement que dans cet article (signé de l’ensemble de l’organisation qui produit la revue!) la rébellion des animaux soit niée. C’est surtout que la ligne est carrément social-darwiniste: malheur au plus faible!

Une logique folle qui va jusqu’à dire:

« Le jour où les animaux se révolteront, alors on verra. »

Une phrase honteuse, criminelle, dont la fausseté saute aux yeux. En clair quand ces gens voient la photo suivante, ils pensent: « ce n’est pas mon problème, ils ne veulent pas se rebeller. »

Et ils disent cela des animaux aujourd’hui, comme ils diront des êtres humains demain, lorsqu’ils s’apercevront que personne ne veut de leur conception: alors ils joueront les aristocrates!

Quant au fait d’être des représentants « autodésignés »… Est-ce que ce ne sont pas des humains qui ont mis des animaux en cage ? N’est-ce pas donc aux humains de réparer cela ?

Sur la photo suivante, cet animal ne proteste-t-il pas de la manière la plus claire qui soit, ne se rebelle-t-il pas? Et les humains ne sont-ils pas responsables de ce qui lui arrive?

Et même en suivant le raisonnement de ces anarchistes : qu’est-ce que cela bien faire à « Courant alternatif » que des gens soient végans ?

N’ont-ils pas une révolution à faire, et donc autre chose à parler que de véganisme, dans deux longs articles très denses, nous visant par ailleurs ouvertement mais sans même le reconnaître ?

Dans l’article on peut lire finalement:

« Occupons-nous donc déjà de ceux et celles qui, au sein de l’humanité, réclament de la liberté, de l’égalité et de la justice. Il y a de quoi faire! »

Alors pourquoi faire des charges brutales contre le véganisme? Le véganisme est-il une si grande menace?

Il est évident que oui: les gens de « Courant Alternatif » savent que la question de la libération animale sera incontournable au 21ème siècle, et ils tentent de freiner la compréhension de cela autant qu’ils peuvent, car finalement le libéralisme, pour eux il n’y a que cela de vrai…

Il y a 25 ans: l’assaut contre MOVE

Aux USA on « célèbre » les 25 ans de l’assaut contre MOVE, consistant en le bombardement à l’explosif du quartier général de cette organisation, provoquant un incendie général dans un quartier populaire de la ville de Philadelphie, le 13 mai 1985.

61 maisons ont été incendiées; 6 adultes et 5 enfants liés à MOVE ont été tués, alors que la police a tiré 10.000 balles.

MOVE était une organisation afro-américaine prônant l’autodéfense et l’écologie radicale, avec une critique de la technologie et une vision également très religieuse.

A noter que Mumia Abu-Jamal était (et reste) lié à MOVE et qu’il militait en faveur de cette organisation lorsqu’il fut lui-même arrêté, condamné (sans preuve) pour la mort d’un policier et placé depuis dans le « couloir de la mort », en attente de son exécution.

On peut voir également ici une vidéo d’une heure consistant en une conférence (en anglais) qui s’est tenue il y a dix jours au sujet de cette attaque à l’African American History Museum.

MOVE dispose d’un site internet et 9 de ses membres sont en prison depuis… 1978 pour le meurtre (non prouvé) d’un officier de police lors de l’assaut de leur quartier général (on peut voir un documentaire de 10 minutes à ce sujet en ligne ici).

Voici un article de présentation de MOVE, tiré de la brochure « Pour la libération animale. »

Le Move

« On the Move! »

L’organisation Move ne fait pas partie du mouvement proche de l’ALF ou de l’ELF, mais elle a une grande importance historique pour différentes raisons.

La première est que cette organisation afro-américaine fait partie de celles qui dans les années 1970 ont du affronter une grande répression de la part du FBI. Le programme du FBI appelé COINTELPRO consistait en un large programme clandestin d’élimination des militants, de désinformations massives, de faux communiqués, fausses lettres, sabotages, manipulations diverses, etc. Move est ainsi connu au même titre que le Black Panther Party ou encore l’American Indian Movement.

Une seconde raison est que Mumia Abu-Jamal, prisonnier politique afro-américain dans le couloir de la mort aux USA et issu des Black Panthers, dont la situation est relativement bien connue en France, était le porte-parole de Move au moment de son arrestation.

La troisième raison est que Movepossédait une orientation idéologique écologique très forte.

Cette dimension écologique est en fait très inspirée par une vision religieuse africaniste du monde, relativement proche par ailleurs de la religion rastafari. Move affirme défendre la « vie » et le terme de Move vient de l’expression « on the move » (en mouvement), qui est également la salutation des membres de la communauté. Car Move se revendique comme « communauté religieuse » et le fondateur de Move a un statut proche du gourou.

Pour Move en effet Dieu est en même temps « Mère Nature » ou « Mama » ; il existe une loi naturelle à laquelle il faut revenir, en se fondant sur la vie en communauté et l’auto-défense. Chaque personne adhérant à la communauté, quelle que soit son origine ethnique, prend comme nom de famille « Africa ».

De la même manière que les rastas ont « Babylone », pour Move le système est « une structure artificielle dont le fonctionnement repose sur un gouvernement, une armée, la grande production industrielle et son corollaire les compagnies financières internationales. »

Dans la philosophie de Move, « Les prodiges de la science et du soi-disant progrès technologique sont générés par un système cupide qui ignore les impératifs du vivant. ».

Les hommes politiques sont les alliés des industriels qui vendent du poison industriel : « Depuis plus d’un siècle, l’industrie vole à la terre d’innombrables tonnes de minéraux, des milliards de litres de pétrole et contraint des millions de gens à fabriquer des voitures, des camions, des avions et des trains qui polluent un peu plus l’atmosphère chaque jour. »

Et parce que tout ceci rapporte des milliards de dollars, le système encourage ensuite ce mode de déplacement artificiel qu’il substitue aux jambes dont mère nature nous a doté pour marcher et courir.

Ce sont ces mêmes industriels et hommes d’affaires qui favorisent la production massive et la vente forcée de cigarettes, d’alcool et de drogues, afin de tirer des profits supplémentaires de gens qu’ils ont rendu malades et dépendants. Puis des hommes politiques sont élus pour légaliser, soutenir et protéger les intérêts des grands industriels et de leurs compagnies : « c’est pourquoi nous ne croyons pas aux vertus de la politique. »

Les enfants de la communauté ne vont pas à l’école ; les accouchements se font au sein de la communauté et sans médicaments. Les membres de la communauté ne se coupent pas les cheveux, ne les coiffent pas non plus ; Move est hostile aux cosmétiques, aux détergents chimiques.

Les aliments doivent également être frais et crus, le régime alimentaire est végétarien. Move aurait pu être une simple « secte » si sa philosophie ne rentrait pas dans le cadre du grand mouvement révolutionnaire des années 1970 aux USA.

Les membres de Move étaient des naturalistes révolutionnaires considérant que le système empoisonnait les gens, et leurs activités militantes allaient de pair avec cet engagement. Les membres de Move menaient ainsi à Philadelphie des activités communautaires, balayaient les rues, enlevaient la neige, faisaient se promener les chiens, aidaient les SDF à trouver un logement et les personnes âgées pour les réparations.

Ils avaient également une station pour laver les voitures qui avait un grand succès. Ils prônaient la lutte contre les drogues, la violence et ils intervenaient même contre les guerres de gangs.

Après des interventions de plus en plus brutales de la police à leur encontre, le 20 mai 1977 les membres de Move apparurent armés dans le bâtiment de leur communauté.

Après plusieurs mois Move accepta de désarmer son bâtiment, uniquement en fait pour subir l’assaut en traître du FBI. Il n’y avait pas d’armes, et le seul policier tué le fut d’une balle dans le dos, depuis la rue, mais la police émit de fausses preuves, contre lesquelles travailla Mumia Abu-Jamal. 9 membres de Move furent condamnés à plus de 30 ans à perpétuité. Ils passèrent souvent plusieurs années en isolement en raison de leurs convictions religieuses (refus de se couper les cheveux, refus de donner du sang, etc.)

Les brutalités policières continuèrent jusqu’à un nouvel assaut militaire le 12 mai 1985, avec hélicoptères et explosifs. Au bout d’une dizaine d’heures d’un assaut sans opposition, 6 adultes et 5 enfants de Move furent tués. Move considère que 17 de ses membres (y compris 4 fausses couches) furent assassinés par la police. Depuis, Move existe encore et défend ses opinions, mais a été totalement marginalisé après la répression du FBI et sans nul doute aussi son incapacité à dépasser sa propre interprétation religieuse du monde.