Aujourd’hui ont lieu des élections en Tanzanie, où le président est censé se faire réélire. Cela aura une conséquence importante, à savoir la réalisation pour l’instant certaine d’un projet totalement fou.
Chaque année en juillet-août a lieu une migration bien connue des amiEs des animaux : celle qui amène plus de deux millions d’herbivores du parc du Serengeti en Tanzanie vers le Masaï Mara au Kenya, par la traversée de la rivière Mara.
C’est un très grand symbole de la nature, de la vie sauvage, de Gaïa elle-même. Mais rien n’arrête la course au profit : d’ici quelques mois vont commencer des travaux pour établir une route à deux voies traversant le parc sur 50 kilomètres!
On peut voir sur cette carte comment la « Serengeti highway » va directement intercepter la migration annuelle absolument incroyable.
En rouge, on a le tracé de la « Serengeti Highway. » En vert, le projet alternatif (qui contourne le parc). En noir, les routes bitumées déjà existantes.
Les lignes avec les flèches montrent les migrations: en rouge, entre mai et juin. En rouge foncé, entre décembre et avril. En jaune, entre juillet et novembre.
Le Serengeti est un parc de 15 000 km2, où vivent quatre millions d’animaux. On y trouve 400 espèces d’oiseaux, des gnous, des zèbres, des gazelles de Thomson, des gazelles de Grant, des lions, des guépards, des léopards, des éléphants, des rhinocéros , des buffles africains…
Si cette autoroute est construite, les ¾ de la migration s’effondreraient en quelques années. Et comme le dit le site Serengi Watch, « Si nous ne pouvons pas sauver le Serengeti, alors que pouvons-nous sauver? »
Tel n’est évidemment pas le point de vue des Tours opérateurs. Voici le point de vue de celui qui se présente comme un grand spécialiste du Serengeti ; ses propos sont très intéressants car il témoigne d’une logique totalement insensée.
Pour Denis Lebouteux de Tanganika.com, tout le problème vient de l’usage malheureux du mot « highway » dans le premier discours du président.
Les chercheurs américains publiés par Nature ont immédiatement visualisé une autoroute, avec couloir protégé et barrières, et sont montés au créneau de la défense de la Grande Migration.
Notre interlocuteur met beaucoup de bémols à cette interprétation. « Le président a bien précisé que le goudron s’arrêtera à l’entrée du parc, il s’agira d’une simple piste sur les 50km de traversée.
Et elle sera fermée au trafic la nuit, de 18h à 6h du matin. » Ce qui change un peu la donne si la promesse est respectée.
Pas d’entraves aux passages d’animaux
L’objectif est de désenclaver Musoma à l’ouest du pays, une ville en forte croissance économique et dont tout le trafic passe déjà à l’intérieur du parc, ainsi que dans le Ngorongoro, par les 450km de routes existantes.
« Cela cause de gros dégâts sur les pistes, leur entretien coûte très cher au parc et l’idée est de limiter ces dégâts à 50 km, à défaut de limiter le trafic automobile en accroissement constant. »
Côté animaux, pour Denis Lebouteux, les gnous traversent déjà la route existante près de cinquante fois par an. Ils sont souvent tués par les camions, d’autant qu’une partie de la piste passe par leurs lieux de reproduction.
Ils n’auront à franchir la nouvelle route que deux fois, lors de leur aller-retour annuel vers le Kenya. « La traversée des rivières où beaucoup se noient est infiniment plus dangereuse pour eux qu’une simple piste.»
Des avantages pour les opérateurs touristiques
Le projet alternatif ne lui paraît pas plus satisfaisant : « Le paradoxe de la route du sud est qu’elle passera en lisière extérieure du parc et sera donc ouverte la nuit.
Il y aura de véritables massacres par les camions, le parc n’étant évidemment pas clôturé. »
« Cette route m’intéresse personnellement en tant qu’opérateur dans le pays depuis des années.
Elle va nous offrir des solutions plus confortables et des sorties du parc plus intelligentes, sans ces allers-retours contraignants que les touristes apprécient de moins en moins.
Elle va aussi désenclaver des merveilles difficiles d’accès comme le lac Natron.
Disons que cela va agrandir le terrain de jeux » conclut Denis Lebouteux, qui se demande pourquoi la Tanzanie est toujours montrée du doigt, sans forcément de raisons valables ni vérifiées.
Voilà pourquoi nous ne cessons de souligner la différence entre libération animale et protection animale. Cette dernière pourrait se satisfaire de tels propos : si la route n’est qu’une piste, qu’elle est fermée la nuit, etc. alors « c’est acceptable », « il faut bien faire avec », etc.
Pour nous, il en est hors de question. Le parc doit être un sanctuaire et les voitures n’ont rien à y faire ! Céder un peu c’est totalement capituler et provoquer la destruction totale. C’est d’ailleurs le point de vue des experts de la migration du parc du Serengeti… et on notera d’ailleurs que les scientifiques eux-mêmes parlent de « route » (et non d’autoroute) et il est totalement ridicule de s’appuyer sur la seule question du mot « autoroute »; c’est déplacer et fausser le débat.
Mais quand on voit que pour le tour opérateur, ce qui compte c’est… l’accès au lac Natron, où vivent presque trois millions de flamants nains, car ce lac aurait le malheur… d’être à l’abri des humains, on voit le niveau ! Même Walt Disney, qui a produit Les Ailes pourpres : le mystère des flamants justement tourné là-bas, apparaît comme d’une radicalité écologiste sans pareille en comparaison !
Nous reparlerons du parc du Serengeti, et il y a déjà une bonne nouvelle : il y a quelques jours, l’UNESCO s’est prononcé contre la « Serengeti highway. » Toutefois, il est évident qu’il faut soutenir la campagne pour sauver le parc du Serengeti!