Maroc : cannabis et karkoub

Nous parlions il y a peu de la possible légalisation du cannabis au Maroc ;  voici quelques informations au sujet de l’importance de cette industrie, le département d’Etat américain ayant fait un rapport sur la production de drogues.

On y apprend que le Maroc est à la fois le premier producteur et le premier exportateur de cannabis. La section drogues et criminalité de l’ONU évalue d’ailleurs la production total de cannabis à 700 tonnes pour l’année 2015-2016.

Or, la valeur de ces 700 tonnes équivaut à pas moins de 23% du PIB marocain !

On s’imagine par conséquent la signification du cannabis pour l’économie marocaine. En fait, cette économie elle-même est dépendante de la drogue.

Une légalisation en France aurait une conséquence énorme sur elle, provoquant une déstabilisation sans pareil. En même temps, il est inévitable que pour devenir un véritable pays développé, le Maroc rompt avec une telle production.

Non seulement parce que cela maintient le Maroc au statut de traditionnel pays du tiers-monde produisant de simples matières premières, mais aussi de par les conséquences sur le plan des mafias.

Le pays est ainsi en train de devenir un lieu de passage pour la cocaïne sud-américaine exportée vers l’Europe. Ici, des pauvres hères d’Afrique de l’ouest sont notamment utilisés comme mule à l’aéroport international de Casablanca, notamment par l’ingestion de sachets.

A cela s’ajoute la diffusion massive du « karkoubi », la drogue des pauvres. Il s’agit d’anxiolytiques ou d’anti-épileptiques, connu sous le nom de « Ibolha hamra » pour le Rivotril, « 2 points » pour le Valium, La Roche pour un des médicaments de ce laboratoire pharmaceutique.

Leurs conséquences sont des hallucinations et une désinhibition complète, au point par exemple de s’automutiler sans pratiquement le remarquer.

Pour renforcer dans l’horreur, la dépendance est très importante, leur prix relativement bas (autour d’un euro l’unité) et cette drogue a pénétré les milieux scolaires, étant parfois consommée dès l’âge de 10-11 ans.

Au Maroc, des centaines de jeunes se sont mutilés les bras, le visage, etc., alors que 80% des agressions dans le pays sont considérées comme étant liées à la consommation de tels stupéfiants. Parmi les drames connus, un garçon de 14 ans étrangle son père avec le câble d’une antenne parabolique, un autre de 15 ans tue un ami d’un coup de couteau dans le ventre pour un demi-litre de vin rouge, etc.

Une version parmi les plus dangereuses de ces drogues est appelé « al katila », c’est-à-dire la tueuse. Elle est composée d’une petite boule de farine, avec un cocktail de gouttes de ces psychotropes et de cannabis.

Bref, c’est toute une culture, et aurait-elle été possible sans la présence du cannabis ?

Il faut noter ici également une triste mentalité, qui nuit au combat contre les drogues : le cannabis en Algérie provient du Maroc, la drogue Karkoubi présente au Maroc provient d’Algérie.

Ce qui montre bien que les drogues sont une problématique mondiale et que la seule réponse possible est le refus général, sans compromis.

La COP22

Du 7 au 18 novembre s’est tenue à Marrakech la 22ème « Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques », c’est-à-dire la COP22.

Le roi Mohammed VI a exprimé à cette occasion, dans une longue phrase :

« ses remerciements et sa Haute considération, pour les efforts louables entrepris par le Comité d’organisation et le Comité de pilotage, ainsi que par les différentes autorités locales et territoriales, la sûreté nationale, les forces militaires et auxiliaires, les acteurs du secteur privé, les organisations de la société civile et les habitants de la ville de Marrakech en général ».

La COP22 a salué dans le même esprit le roi Mohammed VI, dans une longue phrase également :

« Nous, Chefs d’États, de Gouvernements, et Délégations, rassemblés à Marrakech, en sol Africain, pour la Vingt-deuxième session de la Conférence des Parties, la douzième session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties au Protocole de Kyoto et la Première session de la Conférence des Parties agissant comme réunion des Parties à l’Accord de Paris, à la gracieuse invitation de Sa Majesté le Roi du Maroc, Mohammed VI, prononçons cette proclamation afin de signaler un changement vers une nouvelle ère de mise en œuvre et d’action en faveur du climat et du développement durable. »

Bref, on a compris qu’on était dans un environnement très feutré, très aseptisé, très technocratique, avec une dose énorme d’auto-satisfaction, perturbé il est vrai par l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, celui-ci étant un « climato-sceptique » notoire.

Voici un exemple de ce que celui-ci peut raconter :

« Je ne crois pas au changement climatique, c’est juste de la météo. Ça a toujours été comme ça, le temps change, il y a des tempêtes, de la pluie, et des belles journées. »

Cela donne le ton, mais cela n’empêche pas non plus le gouvernement américain d’annoncer à la COP22 qu’en 2050, les États-Unis produiront 80 % de CO2 en moins par rapport à 2005.

Une promesse donc entièrement gratuite, puisque Obama part et est remplacé par Trump… Mais les promesses n’engagent, on le sait bien, que ceux qui y croient.

D’ailleurs, Donald Trump a annoncé qu’il supprimerait l’Agence de protection de l’environnement américaine. Et en attendant, il a nommé à sa tête Myron Ebell, qui dirige depuis 1997 une coalition de groupes et de réseaux combattant le « mythe du réchauffement climatique ».

De toutes manières, Donald Trump a également raconté que les Etats-Unis devaient sortir des COP. Alors, quand on voit cela, les promesses américaines…

Mais les autres pays riches sont de toutes façons également sur la même longueur d’onde, avec plus d’hypocrisie, un style différent.

Par exemple, chaque année, de 142 à 178 milliards d’euros sont donnés comme aides publiques pour l’usage des énergies fossiles par les 34 pays les plus riches.

C’est une somme gigantesque, qui montre bien que les priorités restent économiques.

Rappelons au passage que les mesures de la COP21 ne sont nullement obligatoires pour les pays l’ayant signé. Cela en dit long sur l’authenticité de l’engagement dans la COP21. En fait, tant qu’il y a un semblant d’unité, il y a quelques pas en avant, mais dans le fond la démarche n’est pas nécessaire et à la première grande occasion, ce sera le chacun pour soi.

Les mentalités sont déjà prêtes, d’ailleurs, vu le succès des populistes nationalistes, de Trump à Poutine ou Marine Le Pen ici, qui prône le refus de voir les choses autrement que de manière la plus étroite, dans le respect des « traditions », du conservatisme, etc.

Cette ambiance n’empêche pas la « déclaration de Marrakech » de faire dans le satisfecit complet :

« Cette année, nous avons assisté, à un élan extraordinaire en matière de lutte contre les changements climatiques, partout dans le monde, ainsi que dans de nombreux fora multilatéraux.

Cet élan est irréversible – il est guidé non seulement par les gouvernements, mais également par la science, par le monde des entreprises ainsi que par une action mondiale de tous types et à tous niveaux. »

Ce qui est absolument fascinant dans cette explication, c’est que la population n’est pas mentionnée. On a les gouvernements, les scientifiques, les entreprises, une bien mystérieuse « action mondiale de tous types et à tous niveaux ».

Mais on n’a pas les gens. La population est totalement laissée à l’écart, ce qui est logique : si le refus du réchauffement climatique était populaire, alors ce serait la révolution, car les gens verraient qui est qui, qui fait quoi.

On l’a bien vu avec la COP21 à Paris : la population est restée à l’écart. On l’a mise à l’écart, mais il n’y a également eu aucune mobilisation populaire, dans le sens d’une lutte sérieuse.

Le contexte des attentats n’explique pas tout et après tout la mobilisation contre la loi travail a bien eu lieu. Non, le fait est que les gens font confiance aux dominants, tout comme à l’arrière-plan ils acceptent le principe comme quoi les intérêts de son propre pays doivent être privilégiées.

L’égoïsme de Marine Le Pen est ici le pendant de l’hypocrisie de François Hollande pendant la COP21. Ce dernier était d’ailleurs à Marrakech, pour la COP22… Mais en même temps pour le sommet des chefs d’État et de gouvernement Africains !

On reconnaît ici le sens des priorités, l’horrible pragmatisme des dominants, qui ne font même pas vraiment semblant…

Voici également ce que François Hollande a entre autres expliqué :

« La France, vous le savez, avait présidé la COP21 et avait été très fière qu’à Paris, il puisse y avoir un accord universel contraignant qui engage le monde.

Donc, venant ici à Marrakech dans un contexte que chacun connait, où il pouvait y avoir à la fois de l’espoir et des doutes, il était très important qu’au nom de la France, mais aussi au nom des 110 pays qui ont ratifié l’Accord de Paris, je puisse affirmer que cet Accord est irréversible.

Il est irréversible en droit, parce qu’en moins d’un an il a pu entrer en vigueur, irréversible dans les faits, parce qu’il y a un mouvement, une mobilisation des acteurs privés, publics, gouvernements, entreprises, organisations non gouvernementales qui fait que ce mouvement est irrépressible, inarrêtable et inaltérable.

Et puis, il est irrépressible aussi parce que dans les consciences, il est maintenant acté que l’enjeu climatique est un enjeu commun et qu’il concerne aussi bien des îles qui sont menacées pour leur propre survie que des grands continents, des pays immenses qui sont touchés par des catastrophes. »

C’est naturellement de la poudre aux yeux, car il n’y a rien de contraignant. Mais voici également ce qu’il précise, et qui montre très bien ce que signifie la COP21 pour la France : une manière de se renforcer économiquement en Afrique…

« Nous sommes à Marrakech, au Maroc, il y aura d’autres rendez-vous avec l’Afrique mais ici l’Afrique était représentée au plus haut niveau parce qu’elle avait compris qu’elle était au cœur du projet climatique.

C’est également notre intérêt commun. Pas simplement un acte de solidarité, pas simplement une volonté -qui suffirait d’ailleurs- de préserver la planète, mais parce que c’est aussi la sécurité de nos deux continents qui est en cause.

Si nous voulons limiter ou réduire ou empêcher l’immigration c’est en luttant contre le réchauffement climatique et en assurant la sécurité du continent. Si nous voulons qu’il y ait un développement en Afrique qui puisse être une source de croissance en Europe c’est à travers le plan que nous pouvons lancer aujourd’hui.

Si nous voulons qu’il y ait ce partage des technologies, c’est avec l’Afrique que nous devons l’engager et la France est particulièrement bien placée pour jouer ce rôle. »

La France est « particulièrement bien placée » : voilà ce qui compte. L’écologie n’est qu’un faire-valoir économique, permettant de se donner une bonne image (comme souvent aux dépens des Etats-Unis), d’organiser des investissements nouveaux, d’élargir son influence…

Une écologie néo-coloniale, opportuniste, sans contenu, ce qui ne doit pas nous étonner !

Vers la légalisation du cannabis au Maroc

Tout le monde sait que le Maroc est un pays qui est étroitement lié à la France. On parle ici d’intérêts visibles, mais également invisibles : on sait à quel point dans le tiers-monde la corruption des élites a un rapport étroit avec les gouvernements des pays « riches ».

Or, le Maroc est le premier producteur mondial de cannabis. Il faut donc jeter un oeil dessus, pour voir si la légalisation qui est plus que fortement poussée en France a un écho là-bas, ce qui confirmerait la tendance…

Et c’est justement bien le cas. Il existe un parti qui s’appelle, de manière fort étrange, le « Parti de l’authenticité et de la modernité ».

Ce nom contradictoire est en fait le reflet de la ligne de la monarchie, qui prétend à la fois être passéiste et moderne. La ligne est donc en quelque sorte celle du roi…

Et justement, le Parti de l’authenticité et de la modernité prône la légalisation du cannabis au Maroc. Il vient d’y avoir des élection et les résultats sont tombés : ce parti a eu 102 députés, juste derrière les islamistes du Parti de la justice et du développement, qui en ont eu 125.

Mais ce n’est pas tout : le Parti de l’Istiqlal a obtenu 46 sièges et lui aussi est pour la légalisation du cannabis au Maroc.

Il y a d’ailleurs eu un colloque international sur le cannabis et les drogues, organisé à Tanger, les 18 et 19 mars 2016… qui aurait dû s’intituler colloque « pour le cannabis » d’ailleurs.

Parmi les personnes invitées, justifiant la dimension internationale, on a ainsi Monika Brümmer, architecte, spécialiste dans la construction en chanvre, Kehrt Reyher directeur de « Hemp Today » un média au service de l’industrie du chanvre, Javier Gonzales Skaric qui est secrétaire technique du Forum Mondial de producteurs de plantes interdites…

Au moins c’est franc ! Surtout qu’en fait, une partie du Maroc produit du cannabis de manière publique, sans que cela soit illégal.

Il faut dire que plusieurs dizaines de milliers tonnes de cannabis produites par an – certains parlent de 700 000 tonnes – sur plus de 130 000 hectares, cela ne passe tout de même pas inaperçu…

Le Maroc ferme bien évidemment les yeux, prétextant que la  région de Ketama-Issaguen, dans les montagnes du Rif, a eu historiquement le droit de produire le cannabis sur ordre du roi et que la tentative de supprimer cela en 1956 a échoué.

L’ONU a ainsi constaté en 2009 que 96 000 familles du Rif sont impliquées dans la production de cannabis, soit environ 900 000 personnes… Donc les 2/3 des paysans de cette zone.

Ces derniers temps, la monarchie a réprimé des personnes liées à la production du cannabis.

Maintenant, on peut essayer de deviner pourquoi. Le processus de légalisation du cannabis en France ne passera sans doute pas par une production autochtone ; le fait que la production soit marocaine permettra de faire passer de manière plus certaine la légalisation…

Mais pour cela, il faut un cannabis officiellement légalisé au Maroc, encadré par la monarchie, pour garantir la légalité internationale des bénéfices…

Au Maroc : « Justice pour Ray! »

En France, nombreuses sont les personnes cherchant à nier l’universalisme, en prônant le repli sur soi, le retour à des communautés fermées, etc. Mais le sens de l’histoire rend tout cela vain: l’humanité assume de plus en plus sa compassion, même si elle est encore débordée par son anthropocentrisme et ses comportements incorrects.

Demain, l’humanité sera unie, pacifique, en harmonie avec l’ensemble des êtres vivants!

La mobilisation qui se développe au Maroc pour Ray est ainsi ici exemplaire dans ce qu’elle représente. Elle est historique dans ce qu’elle porte comme espoir, comme vérités.

C’est un élan de dignité: Ray a été trouvé récupéré à Casablanca, dans un état terrifiant: ses yeux ont été arrachés, sa bouche déchirée, ses parties génitales blessées… Et des voix se lèvent: justice pour Ray!

On trouvera la pétition, reproduite ci-dessous, ici, le Facebook là.


Justice pour Ray et tous les animaux maltraités au Maroc !

À l’attention : Du Chef du Gouvernement marocain M. Abdeililah Benkirane
Monsieur Le chef du Gouvernement

Nous, acteurs de la protection animale au Maroc et dans le monde, nous vous sollicitons aujourd’hui pour mettre fin à la souffrance, aux sévices et à la maltraitance subis tous les jours par les animaux errants du Royaume.

Aujourd’hui c’était au tour de Ray d’en être la victime.

Le 21ème siècle est déjà bien entamé et au Maroc vit Ray, un chien errant comme il y en a probablement tant chez nous.

Ray a été trouvé à Casablanca après avoir vécu un enfer tristement quotidien, banal, toléré. Ses yeux lui ont été arrachés, sa bouche a été cousue, son pénis entaillé.

Une minutie qui évoque des pratiques liées à des croyances en sorcellerie. Mais il pourrait tout aussi bien s’agir de jeunes désœuvrés qui passent ainsi le temps : en effet, au Maroc, ces pratiques sont très banales.

Ray a donc été recueilli et tenté d’être sauvé. Plusieurs associations de défense de la cause animale au Maroc, en France et bientôt ailleurs ne veulent plus se taire au prétexte de donner une mauvaise image du pays.

Au contraire, nous souhaitons que notre pays relève la tête et montre l’exemple en matière de défense des animaux. Une action comme celle-ci passe par beaucoup d’éducation mais aussi de la dissuasion.

En effet, des crimes comme celui-ci restent malheureusement toujours impunis, créant un sentiment d’impunité totale.

Monsieur Le chef du Gouvernement,

Le législateur marocain a consacré des termes déterminés, clairs et précis afin de protéger l’animal contre les actes nuisibles commis à son égard. Malheureusement les textes de loi sont rarement appliqués.

Quant aux animaux errants l’OMS préconise des campagnes de stérilisation et de vaccination comme seules solutions pour venir à bout de deux problèmes que nous rencontrons au Maroc : La surpopulation canine et féline et la rage.

Tuer les animaux errants est aussi inefficace que cruel. Un large tissu d’acteurs de la protection animale au Maroc œuvre déjà dans ce sens et avec l’appui du gouvernement nous pourrions, ensemble, mener à bien cette mission : protéger d’un même élan animaux et population civile.

Pour Ray, nous demandons aujourd’hui justement de donner l’exemple. Nous demandons tous qu’une enquête soit ouverte, que justice soit faite et que les consciences se réveillent.

Les Marocains ne devraient plus fermer les yeux face à de telles atrocités. A travers le cas de Ray c’est la maltraitance de tous les animaux que nous dénonçons. Les animaux blessés, maltraités, mutilés… Ce n’est pas digne d’un pays comme le Maroc.

Des avocats marocains se sont proposés pour porter le dépôt de plainte de plusieurs associations de protection animale au Maroc. Gandhi disait : On peut juger de la grandeur d’une nation par la façon dont les animaux y sont traités.

Pour plus d’information sur Ray :
• Une page est dédiée sur Facebook au cas de Ray : https://www.facebook.com/justicepourray
• Sur Twitter : #JusticePourRay

Aidez-nous, Monsieur le Chef du Gouvernement, à faire cesser ces agissements criminels.

Je vous prie d’agréer Monsieur le Chef du Gouvernement, l’expression de nos respectueuses et sincères salutations.

JUSTICE POUR RAY !!!



Faim et exploitation animale au Maghreb

Manger à sa faim est quelque chose de difficile pour une bonne partie de l’humanité. Et le paradoxe ici est qu’une alimentation végétalienne serait facile à mettre en place, satisfaisant les besoins. Pourtant, ce n’est pas fait.

Pourquoi ? Parce que le modèle de l’exploitation animale est exporté. C’est en cela que les gens qui veulent des réformes sont des gens qui contribuent à empêcher une remise en cause générale. Il ne s’agit pas que du temps qui pose problème, il y a aussi l’espace : le modèle s’exporte, partout dans le monde, rendant l’exploitation animale encore plus puissante, encore plus incontournable.

Voici des exemples tout à fait actuels, au Maghreb. Voici par exemple la situation au Maroc. La production de « viande » y est de 490 000 tonnes, et passera d’ici cinq ans à 612 000 tonnes…

D’après les statistiques de l’année 2013, la filière des viandes rouges emploie 1,9 million de personnes, soit 40% de l’ensemble des emplois du secteur agricole, et réalise un chiffre d’affaires de 25 milliards de DH.

La production de viande rouge a, pour sa part, dépassé son objectif  initial de 450 000 t pour atteindre 490 000t. Quant à la consommation, elle a atteint 14,2 kg/habitant/an, soit 4% de plus que l’objectif fixé de 13,5 kg/habitant/an.

Ces résultats sont le fait d’un amont jugé «extrêmement positif», du fait de l’amélioration génétique du cheptel bovin, ovin et caprin et du développement des techniques de production. (…) Le nouveau contrat-programme 2014-2020 prévoit un investissement global de 5 milliards de H, dont 1,45 milliard supporté par l’Etat et 3,55 milliards par le privé.

Trois axes sont retenus. Le premier concerne le développement de l’amont de la filière. Le deuxième axe porte sur l’aval. L’idée consiste en l’aménagement de 14 souks hebdomadaires à bestiaux, l’installation de 40 souks temporaires à l’occasion d’Aïd Al Adha, la  mise à niveau et la passation en gestion déléguée de 12 abattoirs communaux, et la création de 50 unités modernes de distribution et 7 unités de transformation et valorisation des viandes.

Le troisième axe est, quant à lui, relatif à la mise à niveau de l’interprofession, l’élargissement de la base des adhérents et l’application des principes de bonne gouvernance, la mise en œuvre du système national d’identification et de traçabilité du cheptel, l’élaboration des guides de bonnes pratiques, la formation aux métiers de viande au niveau du Zoopole d’Ain Jamaa, ainsi que la mise en place d’une stratégie de communication.

Ce nouveau contrat-programme devrait permettre de créer 80 000 emplois directs et de porter la production et la consommation moyenne respectivement à 612 000 t et 17,3kg/hab./an. Le chiffre d’affaires de la filière attendu s’élève à 35 milliards de DH.

On notera au passage que le ministre de l’agriculture et de la pêche maritime du Maroc, Aziz Akhannouch, a une fortune estimée à à 1,4 milliards de dollars… On voit ce qui se passe, c’est le triomphe d’un modèle, qui ne vise pas à satisfaire la faim, mais des perspectives économiques fondées sur le profit.

L’Algérie en est ici un autre exemple terrible en ce moment : on pourrait résoudre la faim en mettant en avant les végétaux, qui pourraient fournir tout ce qu’il faut. Mais l’idéologie dominante dans l’alimentation fait qu’il n’y a pas de chemin naturel vers le végétalisme… On tente à tout prix de se tourner absolument vers la « viande ».

La viande fraîche devient de plus en plus inaccessible pour de nombreux Algériens. Alors que la population augmente d’année en année, dans la capitale, la production des six abattoirs d’Alger, quant à elle, ne cesse de baisser.

L’inspecteur vétérinaire de la wilaya, Abdelhalim Yousfi, a déclaré, dans ce sens, que la production des abattoirs algérois a baissé de 4000 têtes de bovins en l’espace de quatre années, passant de 36 000 bovins abattues en 2010, à 32 000 en 2014. En somme, durant l’année dernière, près de 90 bovins ont été abattus par jour dans les six abattoirs d’Alger, à savoir Hussein Dey, Rouiba, El Harrach, Bordj El Bahri et Zeralda et de l’abattoir privé des Eucalyptus.

Une baisse qui n’est pas justifiée par l’incapacité de ces six abattoirs puisque ceux-ci peuvent même produire d’avantage. Elle est plutôt due au niveau de vie des Algériens confrontés à une hausse continue des prix des viandes. Des paramètres qui ont poussés, ajoute la même source, nombre de nos compatriotes à se tourner vers la viande rouge congelée d’importation, vendue à des prix plus accessibles.

En Tunisie, c’est pareil : l’élevage représente 37 % du PIB de l’agriculture… A quoi s’ajoutent les importations officielles comme illégales. 200 kilos de « viande » avariée ont été trouvés il y a quelques jours à Tunis, 400 kilos à Bizerte, 650 kilos à l’Ariana…

C’est une course pour manger à sa faim, mais comme cette course est mal orientée, elle débouche sur la faim, l’exploitation animale, et évidemment une situation de dépendance économique. Voici un exemple tout récent de décision prise dans l’urgence :

Le ministère du Commerce, a annoncé, dimanche 15 mars 2015, qu’un manque de viande rouge a été enregistré sur le marché, ce qui a obligé la société des Viandes à importer des quantités importantes de viande bovine.
Il a ajouté que le kilogramme de viande bovine sera vendu, à partir de la semaine prochaine, à 16,5 dinars.

Tout cela montre l’implication d’un nombre très important de paramètres. L’exploitation animale n’est nullement une méchanceté, mais un choix effectué très clairement suivant des valeurs au service d’un certain type d’économie.