L’année dernière nous avions parlé de la vache Yvonne ainsi que de chimpanzés qui finalement ont pu se réfugier à Gut Aiderbichl en Allemagne, un « Gandenhof » c’est-à-dire une ferme pour animaux sauvés.
Non loin de là, on trouve un autre refuge, d’un genre très différent…. Un refuge dont le mot d’ordre est « Pour un monde qui n’a pas besoin de fermes pour animaux sauvés, parce que tous les animaux vivent en liberté ! »
C’est le « Antitierbenutzungshof », la ferme contre l’utilisation des animaux. Voici une petite interview de gens faisant une initiative salutaire qui est bien entendu à soutenir bien que nous ne sommes pas forcément d’accord sur certains points, notamment sur la distanciation qu’ils ont envers leurs protégEs.
Nombreuses sont les personnes, nous le savons, qui vivraient bien dans un refuge pour animaux qui fonctionne aussi à côté comme chocolaterie !
Que voulez-vous dire par « Antitierbenutzungshof », ferme contre l’utilisation des animaux ? Quelle différence avec Gut Aiderbichl ?
La différence tient à ce que Gut Aiderbichl ne s’engage pas pour la libération de tous les animaux par rapport à la domination humaine.
Une ferme pour animaux sauvés comme Gut Aiderbichl n’a pas comme objectif un monde antispéciste, un monde vegan – et ne l’est d’ailleurs pas lui-même.
Cela s’exprime par le fait que les animaux qui vivent à Gut Aiderbichl sont utilisés par exemple pour des voyages en calèche, la thérapie animale, pour la « crèche vivante de Noël »…
Dans le restaurant de Gut Aiderbichl sont servis des produits issus de l’exploitation animale. Gut Aiderbichl met en avant une exploitation animale qui soit humaine, où les animaux continuent d’être exploités selon des critères précis.
Le Antitierbenutzungshof n’est pas une ferme pour animaux sauvés. Que les animaux puissent vivre là-bas n’est pas un geste de grâce des personnes s’en occupant.
Au Antitierbenutzungshof, le véganisme est vécu et propagé à l’extérieur – l’objectif est une société antispéciste, où il n’y a plus d’élevage, et finalement plus de Antitierbenutzungshof, car là-bas aussi il y a de la violence à l’encontre des animaux, qui est de fait immanente dans le fait d’avoir des animaux : les animaux ne sont pas libres.
Les gens du Antitierbenutzungshof le reconnaissent et ne romantisent pas le fait d’avoir des animaux comme le fait Gut Aiderbichl.
Gut Aiderbichl a une « philosophie. » Il y est par exemple expliqué que : « Mais de la vallée de larmes au paradis il n’y a pas qu’un pas : du boucher à l’abattoir au vegan, de l’agriculture industrielle au retour à l’union familiale paysanne… Les revendications maximales peuvent être un objectif, mais pas la voie. »
Qu’en pensez-vous ?
Nous pensons que les gens choisissent d’eux et elles-mêmes les voies à prendre, qu’ils considèrent comme compromis lorsqu’ils/elles ne deviennent pas vegan (« manger moins de viande », devenir végétarien…). Ces compromis, à nos yeux « pourris », nous n’avons pas besoin de leur servir en plis comme option, mais nous exigeons au contraire le « maximum » (ce qui pour nous va de soi), à savoir qu’il faut cesser la violence contre les animaux non-humains et qu’il faut vivre vegan.
Tout le reste signifie conserver le rapport de violence contre les animaux !
« L’union familiale paysanne » ou quelque terme que ce soit pour minimiser l’exploitation animale ne signifie qu’esclavage, la captivité, la torture, le meurtre…
Il va de soi que nous ne pouvons nous engager pour cela, nous qui souhaitons une libération animale à l’échelle de la société.
A propos de la libération animale : nous pensons que l’être humain devrait se considérer comme une partie de la Nature. Il n’y a pas de « mur » entre nature et culture. Nous ne sommes donc pas d’accord quand des gens sont contre l’exploitation animale, mais ne s’intéressent pas à la nature, aux animaux, qu’ils/elles ne ressentent rien à ce sujet.
A votre avis, quel rapport doivent avoir les personnes véganes avec les animaux ? Comment voyez-vous l’opposition intervenir / ne pas intervenir ?
Le rapport des êtres humains aux animaux non humains devrait être empreint de respect. Nous voyons comme relativement distant le rapport aux animaux non humains dans une société – pour l’instant utopique – antispéciste, c’est-à-dire le respect, l’attention, s’exprimerait avant tout dans le fait de laisser tranquille les animaux.
C’est-à-dire que ce serait dans l’ordre que d’admirer les animaux, de s’émerveiller, d’apprécier, mais également de ne pas les apprécier (d’éprouver des sentiments à leur encontre), cependant tout cela sans aller vers eux trop près.
Nous pensons que la majorité des animaux non humains n’est pas intéressée par un contact avec les humains, s’ils n’étaient dépendants d’eux, si une société antispéciste était établie.
Comment vivent les animaux à l’Antitierbenutzungshof? Que faites-vous, et comment vous sentez-vous ? Qu’avez-vous appris, qui peut nous aider à mieux comprendre le véganisme ?
Les animaux sont gardés à l’Antitierbenutzungshof, ils ne sont donc pas libres. Ils ne peuvent pas déterminer eux-mêmes leur vie – pas là où ils veulent aller, avec qui ils veulent vivre, ce qu’ils veulent manger, etc. – tout cela nous devons le décider pour eux.
Au-delà de cette non liberté fondamentale, ils sont régulièrement livrés à des mauvais actes de violence, comme la castration et la stérilisation, la tonte (pour les moutons), l’enlèvement des œufs (pour les oies), et encore plus d’autres choses.
Ce n’est pas un monde végan comme nous nous l’imaginons, car dans un monde vegan le fait de garder des animaux serait aboli. L’Antitierbenutzungshof n’est pas une île végane. Nous pratiquons le fait de garder des animaux avec tous les affreux effets, parce que les animaux seraient sinon assassinés ou auraient sinon une vie bien pire.
Revenons ici à la philosophie de Gut Aiderbichl. Dedans il est dit : « la création n’est pas sortie d’une côte de Dieu et la compassion, le sentiment de justice et la miséricorde ne sont pas des choses qui vont de soi. »
Cela sonne très chrétien : le monde serait mauvais, mais la grâce est possible. Comment voyez-vous la nature ? Voyez-vous la nature comme une concurrence comme le fait le « néo-darwinisme », ou bien comme une coopération en développement ?
Nous ne voyons la nature en ni comme « bonne » ni comme « mauvaise » (ici nous nous voyons nous-mêmes comme une partie de la nature, ou au moins pas comme en opposition à elle).
Il se passe beaucoup de choses que nous ne trouvons pas bonnes (par exemple que certains animaux en tuent d’autres ou que de la violence soit exercée), mais nous trouvons que cela ne regarde pas les humains et que partant de là ils ne devraient pas intervenir.
Ce qui nous concerne bien plus est la violence qui vient des humains, que nous pouvons thématiser et discuter. Une critique, ou plus exactement un rejet de la violence et de la domination n’a pas pour nous rien à voir avec la grâce ou la « miséricorde. »
Pouvez-vous nous parler de Sissi, qui est morte il y a quelques temps ?
Sissi était un cheval qui a vécu à l’Antitierbenutzungshof et qui était en danger de mort en raison d’un mauvais positionnement d’une partie de la jambe. Son état devenait de plus en plus mauvais au fur et à mesure, et à un moment elle n’aurait plus pu courir.
Afin de lui assurer une vie sur le long terme il était nécessaire de lui garder la jambe droite. Nous avons pu réaliser cette opération chère grâce à un énorme soutien financier de nombreux groupes du spectre de la libération animale ainsi que de personnes individuelles.
Après que l’opération se soit initialement passée avec succès et que Sissi soit visiblement allée toujours mieux, il y a eu deux semaines après l’opération une catastrophe inattendue, avec un os moins utilisé pendant l’opération de raidissement qui n’a plus tenu et s’est brisé devant l’effort.
Étant donné qu’ici un cheval avec trois jambes n’a aucune chance de survie et qu’il n’y a pas dans toute l’Europe de vétérinaires qui veulent mettre une prothèse à un cheval, nous n’avons pas eu d’autres choix que de laisser tuer Sissi (« l’euthanasier »).
Nous sommes malgré tout heureux et heureuse d’avoir essayé de sauver la vie de Sissi (et nous sommes ici reconnaissant et reconnaissante de tous les gens qui nous ont soutenu), car Sissi était un individu avec une vie unique, pour qui tout devait être essayé – comme cela serait le cas pour un humain.
Comment est-il possible de vous aider ?
Le plus important pour nous est d’intervenir contre le spécisme dans tous les domaines. Car le spécisme, la pensée comme quoi les « animaux » seraient là pour nous, est la cause qui fait que des animaux sont gardés – que ce soit dans une relation d’exploitation ou dans des fermes comme la nôtre.
Notre ferme a naturellement besoin d’aide directe, par exemple dans la mesure où notre tract est distribué ou que des gens soient informés de l’existence de l’Antitierbenutzungshof.
Notre travail principal consiste, à côté de fournir les aliments aux animaux, en l’amélioration des conditions de vie de tous les animaux de la ferme, afin qu’ils puissent vivre de la manière la plus digne qui soit avec nous.
Ici, nous avons besoin de davantage de moyens financier que nous pouvons nous-mêmes trouver, et nous sommes heureux et heureuse de tout soutien à ce sujet, qui peuvent également provenir de l’organisation de soirées de solidarité, de la vente d’aliments, de brocantes, de tombolas ou de choses dans le genre.
Bienvenues sont aussi les donations de toutes sortes, car beaucoup de choses qui nous manquent aussi, des gens l’ont peut-être sans s’en servir.
Il est aussi possible de soutenir l’Antitierbenutzungshof en achetant auprès de notre chocolaterie végane, chez vegantisch.de, dont les bénéfices vont complètement à l’Antitierbenutzungshof. En ce moment, en plus des divers produits au chocolat, il y a également des T-shirts à message.