Si le Figaro est un journal conservateur partisan de la libre-entreprise, il n’en est pas moins obligé de suivre l’évolution du monde. Et ainsi c’est une journaliste de ce quotidien qui appelle à… interdire le tabac, dans un ouvrage venant d’être publié («Inderdire le tabac. L’urgence! Le plus grand scandale de santé publique», par Martine Perez, Editions Odile Jacob) et donc voici un extrait.
Pourquoi une personne libérale appelle à l’interdiction? Tout simplement, parce que les manipulations de l’industrie du tabac sont aujourd’hui évidentes, bien connues, et posent un problème de santé incontournable. La même journaliste, par contre, n’osera par définition jamais attaquer l’exploitation animale…
Mais c’est une question d’époque, et demain, l’exploitation animale sera tout autant rejetée par la société. A l’avenir, il n’y aura plus ni tabac, ni « viande »!
D’accord, le tabac provoque des maladies mortelles, plus que tout autre produit licite, mais est-ce une raison suffisante pour l’interdire?
Et si l’usage du tabac ne relevait après tout que de la responsabilité et de la liberté de chacun? Et si les fumeurs avaient fait un choix libre et consenti de «tirer» sur les cigarettes?
Et s’ils étaient maîtres de commencer et d’arrêter comme bon leur chante?
Mais les fumeurs sont-ils vraiment libres? Disons-le tout net: non! Le pouvoir hypnotique et chimique du tabac transforme une soi-disant liberté en dépendance.
La liberté d’une consommation, quelle qu’elle soit, c’est de pouvoir l’interrompre quand on l’a décidé.
Les fumeurs ne le peuvent plus.
Ils sont manipulés, trompés par les industriels, et leur liberté n’est en ce domaine qu’un leurre, une illusion. On sait tout ou presque aujourd’hui du complot organisé pendant des décennies par les cigarettiers pour fabriquer de toutes pièces une épidémie de tabagisme, afin de faire fumer la plus grande partie de la population mondiale (…)
Dès la fin des années 1960, en fait, les professionnels du tabac ont organisé de manière délibérée des campagnes de désinformation tous azimuts en réaction aux premières initiatives visant à alerter les pouvoirs publics et les fumeurs des dangers qu’ils encourent.
Ces campagnes ont dès l’origine été conduites au niveau mondial. La publication des millions de pages issues des archives des industriels rendue possible grâce au procès contre les cigarettiers américains en 1998, montre que ceux-ci considéraient l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l’ennemi public numéro un. (…)
Comment mener à bien et de manière souterraine, cette guerre permanente et invisible? La solution la plus simple choisie par les industriels était d’avoir des agents secrets au sein du personnel de l’OMS. Dans cet objectif, dans un premier temps, ils ont recruté des anciens fonctionnaires de l’OMS ou de l’ONU afin d’établir des contacts précieux avec les experts de ces institutions.
Dans un second temps, pour être plus efficaces, ils ont réussi à placer leurs propres consultants à l’intérieur même de l’Organisation, les rétribuant pour défendre leurs intérêts.
Le rôle de ces consultants était de manipuler le débat scientifique public concernant les effets du tabac sur la santé. De manière globale, avec des moyens financiers colossaux, ils ont inspiré les travaux de chercheurs soi-disant «indépendants» pour influencer, discréditer, déformer les résultats de la recherche concernant les risques du tabagisme actif et passif.
Ils ont financé des contre-recherches et des coalitions scientifiques uniquement pour critiquer des études sur le pouvoir mortifère du tabac afin de repousser le plus tard possible les mesures législatives.
Le résultat le plus spectaculaire de cette stratégie a été la présentation déformée des résultats de l’étude de 1998 sur le tabagisme passif du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).
La distorsion par l’industrie des résultats continue encore aujourd’hui de conditionner l’opinion publique et les politiques et de les faire douter.
Au coeur de ce réseau d’espionnage aux mille ramifications, quelques personnages troubles ont joué un rôle central.
S’ils sont mentionnés nommément dans les documents secrets de l’industrie du tabac, ils persistent à affirmer leur honnêteté intellectuelle…