Le rapport des humains aux animaux existe depuis le départ de l’existence des humains, pour la bonne raison que les humains étaient et sont des animaux. S’il a parfois relevé du conflit ou de l’exploitation (avec la domestication), tel n’a pas été toujours ni partout le cas.
L’exemple de l’Inde est ici très parlant, puisque de par le principe même de la réincarnation, il y a l’idée que les animaux qui ne sont pas humains ont une valeur en soi, en tant qu’êtres vivants. Imaginer qu’un animal existe en tant que réincarnation d’une personne, c’est en fait reconnaître l’animal comme une personne à part entière.
En Inde, trois religions admettent la réincarnation: l’hindouisme évidemment, mais celui-ci ne le faisait pas dans sa forme ancienne (le brahmanisme), il ne l’a fait que sous l’impulsion du bouddhisme et du jaïnisme, dont les conceptions sont issues des personnes habitant en Inde à l’origine, avant les invasions des peuples de religion védique (qui donnera le brahmanisme dans une première phase, puis l’hindouisme).
Voici un exemple, qui concerne le boudhisme, dans ses formes chinoise et japonaise (puisque le boudhisme n’existe plus en Inde, mais a par contre essaimé l’Asie du Sud Est et l’extrême-Orient).
Pour comprendre l’histoire mise ici en avant, il faut connaître le principe des Jâtakas, qui sont des récits des (prétendues) vies antérieures du Bouddha. Ces récits ont été composés entre le IIIe siècle avant JC et le IIIe siècle après JC.
Il y a différentes catégories dans les Jâtakas, mais celles qui nous intéressent plus précisemment sont naturellement celles consacrées aux animaux car dans le bouddhisme la compassion envers les animaux est présente.
C’est donc de ce fait logique que certaines fables du Jâtaka soient conscrées aux animaux, et que certaines ne soient consacrées qu’à eux. Dans ces fables, le futur Bouddha est incarné dans le corps d’un animal tel qu’un poisson, un oiseau, un buffle, un singe, un éléphant…
D’autres récits des Jâtakas, sont des contes mêlant des animaux vertueux où s’incarne le bodhisattva (bouddha restant parmi les humains pour les aider) et des humains, oiseleurs, chasseurs, cuisiniers… avec lesquels ils sont en relation.
Mais voici donc l’histoire qui nous intéresse ici.
Il s’agit de la version chinoise d’une représentation du Jâtaka du Prince Mahâsattva, connue sous le nom de « Renoncement au corps pour nourrir les tigres ». Cette peinture est l’histoire du prince Mahâsattva, qui rencontre une tigresse affamée et ses petits.
Par compassion le prince choisit de sacrifier sa vie, en se donnant la mort, pour sauver celle des félins.
Voici un dessin pour mieux comprendre ce qui se passe. Ici, le numéro 1 montre le prince se coupant la gorge (la tigresse étant trop faible pour le tuer) et le numéro 3 montre la tigresse mangeant le corps du prince.
Dans le numéro 2, le prince se jette de la falaise, et au bout de l’histoire on construit un monument – un stupa – en souvenir du prince.
Cette oeuvre incroyable de l’humanité est dans les grottes de Mogao, également connues sous le nom de « grotte des mille bouddhas », sur la route de la soie en Chine (voir une courte vidéo ici). On y trouve 492 temples, dans 800 grottes construites dans la roche. La peinture ici représentée est dans la grotte 254; on retrouve le même motif dans la grotte 428.
Mais voici maintenant la même histoire, dans sa version japonaise. On la retrouve dans deux panneaux latéraux du Tamamushi no Zushi, qui est un palais en modèle réduit, dont les peintures sont parmi les plus anciennes du Japon (la seconde moitié du 7ème siècle après JC).
Voici les deux panneaux. A gauche, on voit bien le prince enlever sa chemise et la poser sur une branche, puis il plonge la tête la première, alors qu’au sol la tigresse et les septs petits le dévorent.
Tout cela est indéniablement intéressant, et bien évidemment LTD reparlera de ce genre d’oeuvre inestimable dans l’histoire de l’humanité.