Les élections régionales n’ont pas intéressé grand monde. Et pourtant du point de vue de l’écologie, elles ont consisté en un double assassinat.
Le premier, c’est celui de la taxe carbone. Le second, c’est celui du parti des Verts.
Pour la taxe carbone, les choses sont claires et nettes: elle a été liquidé de manière rapide et efficace, au milieu du remaniement ministériel. L’excuse trouvée est tout aussi simple: il faut faire les choses au niveau européen ou pas.
C’est le vieux principe comme quoi il faudrait attendre que tout change pour changer soi-même (quand le monde sera écolo je le serai, quand tout le monde sera végan je le serai etc.).
Mais que d’un côté, la présidente du Mouvement des entreprises de France (Medef), Laurence Parisot, soit satisfaite, c’est logique: « Nous sommes soulagés, notamment pour toute l’industrie qui n’aurait pas supporté ce nouveau handicap de compétitivité. »
Que Ségolène Royal, le soit aussi, sur TF1, c’est dans l’ordre des choses: « J’ai toujours dit que cette taxe était à la fois injuste et inefficace. Cette taxe n’a de sens que s’il y a des solutions alternatives. (…) Tant qu’on n’a pas développé la voiture électrique ou des transports alternatifs, cette taxe est parfaitement injuste et antisociale, et c’est une bonne chose qu’elle soit retirée. »
Mais que la porte-parole des Verts, Djamila Sonzogni, lance: « La taxe Sarkozy carbone ne remplissait pas les critères nécessaires pour être juste socialement, efficace économiquement et performante énergétiquement. Le projet, enterré ce jour par Nicolas Sarkozy, ne sera pas regretté par les écologistes. »
Là quand même, il y a de quoi se poser plus que des questions! Alors oui le même communiqué explique que « Pour le gouvernement, l’avenir de la planète s’arrête à 2012. » Mais le problème est que pour les Verts, cet avenir commence en 2012, avec la présidentielle!
Car déjà les Verts sont noyés dans « Europe écologie » qui est un fourre-tout qui n’a rien à voir avec l’écologie. On y trouve des figures du « mouvement social », des personnalités associatives, des figures médiatiques comme l’ancienne magistrate Eva Joly, Augustin Legrand des enfants de Don Quichotte, Emmanuelle Cosse ancienne président d’Act-Up Paris, etc.
Bref, des gens qui veulent faire une carrière politique. Qui n’ont comme seul projet que leur « bonne volonté » et leurs valeurs, qui ne remettent pas en cause les fondements de cette société, et ne se rapprochent ni de la libération animale, ni de la libération de la Terre.
Et en plus, à côté de cela désormais, il y a Daniel Cohn-Bendit et son « appel du 22 mars » qui vise à faire en sorte qu’Europe écologie s’élargisse encore plus.
Cela ferait les Verts dans Europe écologie, Europe écologie dans autre chose d’encore plus large, le tout appelé « écologie politique » alors que la seule cohésion, ce sont les élections!
Quelle ironie tout de même que le choix de Cohn-Bendit en ce qui concerne la date de sa proposition, qui est une allusion au mouvement fondé le 22 mars 1968 à la faculté de Nanterre, rassemblant différents courants d’extrême-gauche à la base pour renforcer la contestation.
Là il ne s’agit en effet pas de révolution mais de manoeuvres pour les élections, afin de rassembler « Verts, socialiste, Cap 21, communiste, que sais-je encore. »
Soit exactement le genre de flou dont les animaux et la Terre n’ont pas besoin! Tout l’appel de Cohn Bendit consiste en ce flou absolu par ailleurs. Intitulé « Inventons ensemble une Coopérative politique », publié dans Libération et signé Daniel Cohn-Bendit Député européen Europe Ecologie, le voici dans son intégralité:
C’est un tournant historique. Des européennes aux régionales, l’écologie politique s’installe désormais comme un espace autonome dans le paysage politique français. Mais devant l’ampleur des défis auxquels doivent répondre nos sociétés, la consolidation est une nécessité absolue.
Il faut nous inscrire dans la durée et honorer ce rendez-vous avec l’histoire sous peine de disqualifier notre critique de l’irresponsabilité de ceux qui ne font rien, à Copenhague ou ailleurs, parce qu’ils sont incapables de dépasser leurs petits intérêts particuliers. Nous avons besoin d’une structure pérenne et souple à la fois, capable d’élaborer des positions collectives et de porter le projet écologiste, sans s’abîmer dans la stérilité des jeux de pouvoir ou la folle tempête des egos en compétition.
Soyons clairs : il est hors de question d’abandonner aux appareils de parti, cette dynamique de renouvellement politique et social. Cela reviendrait à nous installer au cimetière, déjà bien encombré, des espérances déçues. Je reconnais d’ailleurs que, sous la pression des échéances électorales, nous avons trop longtemps repoussé la question de la forme de notre mouvement, au point de laisser le rêve en friche.
Entre simple marque électorale et réseau purement virtuel, Europe Ecologie est resté une projection, où chacun pouvait voir midi à sa porte. D’ailleurs, les résultats contrastés de nos listes au premier tour des régionales soulignent le succès de ceux qui ont respecté l’esprit du rassemblement face à ceux qui se sont contentés d’en appliquer formellement la lettre, le réduisant à une simple tactique d’ouverture.
Sans en renier l’histoire récente, il est temps d’incarner l’écologie politique dans un corps nouveau, une forme politique largement inédite, décloisonnée, pour mener la transformation de la société
Abstention, populismes, clientélisme… Cette élection le prouve encore : depuis des décennies, le fossé n’a cessé de se creuser entre la société et le politique. Le divorce démocratique est profond entre des logiques partidaires complètement déracinées qui fonctionnent en hors sol et une société active, diverse, créative mais sans illusion sur la nature et les formes du pouvoir qui s’exerce sur elle.
Les partis politiques d’hier étaient de véritables lieux de socialisation et d’apprentissage de la cité. Mais aujourd’hui ils se réduisent le plus souvent à des structures isolées de la société, stérilisées par de strictes logiques de conquête du pouvoir, incapables de penser et d’accompagner le changement social, encore moins d’y contribuer.
Parti de masse caporalisé ou avant-garde éclairée de la révolution, rouge voire verte : ça, c’est le monde d’hier.
Celui de la révolution industrielle et des partis conçus comme des machines désincarnées, sans autre objet que le pouvoir. Comme des écuries de Formule 1, ces belles mécaniques politiques peuvent être très sophistiquées et faire de belles courses entre elles, mais elles tournent en rond toujours sur le même circuit, avec de moins en moins de spectateurs.
Le mouvement politique que nous devons construire ne peut s’apparenter à un parti traditionnel. Les enjeux du XXIe siècle appellent à une métamorphose, à un réagencement de la forme même du politique. La démocratie exige une organisation qui respecte la pluralité et la singularité de ses composantes.
Une biodiversité sociale et culturelle, directement animée par la vitalité de ses expériences et de ses idées. Nous avons besoin d’un mode d’organisation politique qui pense et mène la transformation sociale, en phase avec la société de la connaissance. J’imagine une organisation pollinisatrice, qui butine les idées, les transporte et féconde avec d’autres parties du corps social.
En pratique, la politique actuelle a exproprié les citoyens en les dépossédant de la Cité, au nom du rationalisme technocratique ou de l’émotion populiste. Il est nécessaire de «repolitiser» la société civile en même temps que de «civiliser» la société politique et faire passer la politique du système propriétaire à celui du logiciel libre.
Je n’oublie pas l’apport important des Verts pendant vingt-cinq ans pour défendre et illustrer nos idées dans la vie politique française. Néanmoins, non seulement la forme partidaire classique est désormais inadaptée aux exigences nouvelles de nos sociétés, mais je crois en outre que, tôt ou tard, elle entre en contradiction avec notre culture anti-autoritaire, principe fondamental de la pensée écologiste.
Ni parti machine, ni parti entreprise, je préférerais que nous inventions ensemble une «Coopérative politique» – c’est-à-dire une structure capable de produire du sens et de transmettre du sens politique et des décisions stratégiques. J’y vois le moyen de garantir à chacun la propriété commune du mouvement et la mutualisation de ses bénéfices politiques, le moyen de redonner du sens à l’engagement et à la réflexion politique.
Si cette Coopérative a évidemment pour objectif de décider collectivement aussi bien des échéances institutionnelles d’ici 2012 que des grandes questions de société, sa forme définitive n’est pas encore fixée. Il reviendra à ses membres d’en définir les contours, la structure et la stratégie. Ce débat doit être ouvert.
Pour cela, j’appelle à la constitution de «collectifs Europe Ecologie-22 mars». Constitués sur une base régionale ou locale pour éviter tout centralisme antidémocratique, ces collectifs seront de véritables agoras de l’écologie politique, modérées sur Internet (1).
Leur principale mission étant de penser la structuration du mouvement, ils resteront une étape transitoire, qui devra céder la place à la Coopérative qu’ils auront contribué à construire. Pendant toute la durée de leur existence, ils respecteront un principe de double appartenance, pour les associatifs, les syndicalistes et même ceux qui sont encartés dans un parti politique.
Parce qu’on peut être vert, socialiste, Cap 21, communiste, que sais-je encore, et partie prenante de cette dynamique collective. Encore une fois, l’important est moins d’où nous venons, mais où nous voulons aller, ensemble. C’est l’esprit même du rassemblement qui a fait notre force, cette volonté de construire un bien commun alternatif.
Le moment venu, chaque membre de la Coopérative votera pour en consacrer démocratiquement la naissance. Jusqu’ici, Europe Ecologie s’est contenté d’être un objet politique assez inclassable. L’enjeu de la maturité, c’est sa métamorphose en véritable sujet politique écologiste autonome, transcendant les vieilles cultures politiques.
www.europeecologie22mars.org
En clair: les Verts c’est fini, cela a bien servi, mais maintenant il faut s’inscrire pleinement dans les institutions, les renouveler, tout en se goinfrant.
Ou en version décodée: ce que les socialistes ont fait durant les années 1980, on peut le faire aussi, alors profitons en: faisons semblant de tout changer, et c’est le jackpot pour nous.
Voilà pourquoi Cohn Bendit se sent obligé d’expliquer que les définitions strictes, l’esprit contestataire d’avant-garde, ce serait « dépassé. » Il ne veut pas de définition, il ne veut pas d’exigences. Il veut le libéralisme, et tant pis pour les animaux et la planète.
Dans cette version libérale des choses, qui s’imagine au-dessus de tout et « ultra moderne », il n’y a de la place que pour l’opportunisme, la « souplesse » faisant que, pareillement que chez les partisans des « droits des animaux », le mouvement est tout, le but n’est rien, il faudrait savoir s’adapter, temporiser, négocier, et patati, et patata.
A cela, il faut savoir dire non!
L’objectif de la libération animale est quelque chose qui a de la valeur en soi, tout comme l’objectif de la libération de la Terre. Et cette valeur est obligatoire, elle ne se négocie pas; qui ne comprend pas ces deux engagements passe à côté de la réalité et de ses exigences!