Nous avons beaucoup parlé de Walter Bond, avant même d’ailleurs son arrestation aux Etats-Unis pour différentes attaques incendiaires contre l’exploitation animale. Voici un nouveau texte de lui, où il raconte comment il est devenu straight edge.
Un texte qui rappelle que le Straight Edge c’est la guerre aux drogues, c’est un drapeau qui appartient aux ouvriers, aux gens du peuple, qui sont les premières victimes de ces matières nocives, destructrices.
La guerre aux effets des drogues sur soi-même peut durer une vie. La guerre de soi-même contre soi-même, contre la tentation de fuir dans les paradis artificiels, n’est jamais gagnée dans un monde comme le nôtre.
La guerre aux mafias est une valeur indissociable de la culture straight edge et si dans un pays en crise comme la Grèce, il peut y avoir des initiatives révolutionnaires comme un cortège armé anti-drogues ou bien un affrontement armé avec la mafia, ce n’est pas pour rien.
Quand le social s’effondre, le cannibalisme social intervient. Y faire face est inévitablement violent. Tout le reste est capitulation.
C’est cela, aussi, le sens de l’engagement straight edge : se confronter avec un monde en perdition, où la morale est à l’abandon, où les drogues se répandent pour encore plus anéantir les esprits.
Je suis Straight Edge parce que je déteste les drogues et l’alcool. Je ne veux pas y toucher, je ne vais être avec des personnes qui en consomment et je ne veux rien avoir à faire avec la culture de la drogue, les bars, etc. Je ne suis pas simplement « drug free » (libre de toute drogue) car je m’oppose activement contre la culture de la drogue et j’ai prêté serment, à vie, contre la pourriture de l’enivrement.
J’imagine que chaque personne Straight Edge a ses propres raisons et des valeurs auxquelles elles se tiennent.
Pour la plupart, il s’agit d’une phase qui passera, une scène musicale avec ses modes, ou encore un groupe assez obscur de semblables pour satisfaire un désir tribal. Je suis passé par tout cela il y a des décennies et bien que ce fut plaisant et que j’apprécie toujours la musique, cela a cessé depuis longtemps d’être une histoire de bandes, de groupes et de danses.
Honnêtement, tout ceci n’a jamais ma raison principale de devenir Straight Edge, donc j’imagine… Je vais commencer par le début.
J’ai grandi entouré par les drogues et l’alcool. Mon père biologique, que je n’ai jamais connu, est allé en prison à cause de la méth [méthamphétamine]. Je l’ai rencontré lorsque j’étais adolescent.
Je lui ai rendu visite en prison. Je lui ai parlé quelques fois après sa sortie mais il n’y avait rien entre nous. Le père avec lequel j’ai grandi buvait. Et je veux dire par là : il buvait plus d’alcool que ce que je pensais être humainement possible, il devait ressemblait à un pot de pickles à l’intérieur ! Il jouait de la musique à côté de son travail à plein temps comme soudeur.
Ma mère buvait aussi, mais rien à voir avec mon père. Elle préférait fumer de l’herbe et avait l’habitude de mélanger les drogues. Sans entrer dans les détails, disons que les drogues et l’alcool ont mené mes parents au divorce alors que j’avais dix ans et je n’allais jamais retrouver la stabilité de ma maison disfonctionnelle.
A douze ans je fumais de l’herbe. A treize ans, je prenais toutes les drogues qui passait sous ma main (j’ai une personnalité addictive).
A seize ans, j’étais complètement cramé. Je ne sais pas combien de temps j’étais resté éveillé à cause de la meth et je ne sais pas combien d’autres drogues j’avais dans mon organisme.
Honnêtement, je ne me souviens que de morceaux. Je me souviens de rentrer à la maison et me disputer avec mon beau-père. Je me souviens d’avoir un couteau à la main. Je me souviens d’avoir la face contre terre et un genou dans mon dos.
Je me souviens des policiers passer la porte avec les mains sur les armes et je me souviens d’eux me saisissant. Et je me souviens ensuite de me réveiller dans une clinique psychiatrique.
Il semblerait que j’ai eu un épisode de psychose due aux drogues, ce qui est juste une manière déguisée de dire que je suis devenu fou à cause des drogues.
Après ça, tout étais différent. Je me sentais instable, incertain et effrayé à l’idée que je ne puisse plus me contrôler. J’ai été envoyé en désintoxication pendant quelques mois, ce qui n’a pas vraiment aidé.
Tout ce que j’y ai appris est que je devrai jamais croire en moi mais en une « force supérieure » et que j’étais malade et qu’il n’y avait pas de cure à part de participer à un groupe à douze étapes [programme proposé à l’origine par les Alcooliques anonymes pour se relever d’une dépendance].
J’ai décidé d’éviter tout ce bordel et j’ai fait franchi une étape. La voici : la prochaine fois que j’aurai envie de prendre de la drogue ou de l’alcool… je ne le ferai pas.
Ça a marché pour moi. Cependant, ça a marché parce que je connaissais déjà ce dont j’avais besoin. Je l’ai entendu dans la musique que j’écoutais en grandissant. Gorilla Biscuits, Youth Of Today, Uniform Choice et Sick Of It All.
J’ai su que le Straight Edge était ce qu’il me fallait le jour où je me suis réveillé après ma période de folie due aux drogues.
Faisons un petit retour en arrière. Nous étions au début des années 1990 et le Straight Edge dans ma ville devenait moralisateur et puriste, il devenait à la fois violent et fier d’être exclusif.
Et j’ai adoré ça !
J’ai su à travers tout ce que j’avais expérimenté dans ma vie de jeune que les drogues et la boisson étaient une maladie et un mal pour la volonté, un cancer à l’intérieur de la société. Mais ce n’est qu’à partir du moment où je suis devenu Straight Edge que je me suis senti assez confiant pour me relever et vaincre ce démon intérieur.
Tout ce que j’ai connu pour lutter contre les addictions recherchait soit à me rendre dépendant de programmes en m’empêchant de croire en ma capacité à décrocher seul, soit à me diriger vers la religion. Aucunes de ces options ne me convenaient.
Aussi longtemps que je me souvienne, une partie de la scène se plaignait de l’hyper-masculinité du Straight Edge (je ne dirais pas que c’était plein de testostérones, mais plutôt que c’était agressif) et de l’attitude hautaine qui s’en dégageait souvent.
Cependant, l’autre aspect est que lorsqu’on vient de la rue, d’un foyer brisé, avec des problèmes d’addiction et une rage intérieure bouillonnante, c’était un espace où tout ceci pouvait s’exprimer non seulement d’une manière plus positive que l’appartenance à un gang, mais surtout c’était se positionner de manière antagoniste au problème !
Et c’est ainsi que je suis né à nouveau [en référence aux chrétiens « born again » (renaître)]. J’aimais ma sobriété et avec une passion égale je me suis mis à détester non seulement les addictions mais aussi les consommateurs et les dealers.
Aujourd’hui lorsque je réfléchis à ce que j’étais, je vois où j’étais trop extrême dans ma vision des choses mais je ne pense pas avoir tant exagéré que ça. D’après mon expérience on peut aider une personne à condition qu’elle ait la propension et le désir profond de changer.
En revanche, en tant que groupe, les personnes dépendantes sont moralement déficientes, sournoises et jettent le blâme partout. Ce qui est véritablement horrible ce n’est pas les horreurs qu’un ivrogne ou un junkie s’inflige mais le prix fort et les dommages émotionnels et physiques que des spectateurs innocents, des proches et des communautés où ils vivent doivent endurer.
Quoi qu’il en soit, j’ai remarqué qu’en grandissant beaucoup de personnes autour de moi ont capitulé, abandonné ou renoncé au titre.
Ceci ne m’a jamais vraiment tracassé. Je n’ai jamais eu l’impression que ceux qui sont parti ont trahi la scène ou nous ont menti.
Le seul cas où cela m’énerve est quand ils veulent tirer profit, se réformer, ou revivre l’époque Straight Edge comme si elle était toujours là. Pour ceux individus, je n’ai que du mépris car si tout cela a eu un sens pour eux à un moment, cela leur semblerait étrange et inapproprié après cracher sur tout ce qui leur était cher.
Bien évidemment, cela n’arrive dans un vide social et il y a, malheureusement, toujours de très nombreux vendus, des marchands de nostalgie et des jeunes Straight Edge « non-hautains » qui soutiennent ces minables.
Comme je le disais au début, je suis maintenant plus âgé et plus tellement intéressé dans tout cela ni dans la scène musicale ou les concerts. Mais je suis toujours entièrement anti drogues et anti culture de la drogue et cela ne changera pas.
J’ai l’impression qu’à un moment dans mes vingt ans, j’ai arrêté de faire partie de la scène Straight Edge pour en faire tout simplement une partie de ce que je suis. Une grande partie de ma personnalité s’est construite autour parce que je ne l’ai jamais renié, je n’ai jamais abandonné et, en fin de compte, j’ai toujours été fier de le représenter.
Mes espoirs pour le futur du Straight Edge est qu’il se conserve au-delà de la musique et après que le concert soit terminé ; comme une force tournée CONTRE les drogues et l’alcool et POUR une vie saine et sobre. Car lorsque nous vieillissons, la pression pour boire et se droguer se fait plus forte que dans notre jeunesse. Mais aussi notre capacité personnelle à changer les choses.
Cordialement,
Walter Bond
ALF POW [Prisoner of war (prisonnier de guerre)]