Le végétarisme a été une idée importante dès l'apparition des premières organisations des classes ouvrières des pays où le capitalisme s'est développé. Elle s'associait à d'autres valeurs, considérées comme supérieure moralement: l'abstinence d'alcool et le naturisme. Le végétarisme se rattachait dans sa forme à d'autres idées utopiques concernant la société future.

En fait, les idées des organisations ouvrières venaient encore pour beaucoup de théoriciens progressistes membres des couches supérieures de la société, et partisan d'une évolution graduelle de la société au moyen de l'éducation. Le végétarisme faisait partie de l'humanisme de l'époque pour améliorer la situation sociale. La défense des animaux avait eu comme première organisation historique la Society for the Prevention of Cruelty to Animals, fondée le 16 juin 1824, puis des sections à Dresde et Berlin (1839 et 1841), Paris en 1845, Vienne en 1846.



Charlotte Despard


Le mouvement socialiste assuma alors le végétarisme en tant que tel. On retrouve des gens commme l'allemand Leonard Nelson (1882-1927) qui traita de l'éthique, du socialisme et des animaux, la féministe Frances Cobbe (1822-1904) qui mena un combat contre la pornographie, les essais sur les animaux, pour les droits des animaux. Ou encore la suédoise Louise Lind af Hageby qui organisa notamment à Londres de nombreuses manifestations entre 1906 et 1912, la secrétaire de la Women's Social and Political Union Charlotte Despard (1844-1939).

Ce fut une période marquée par les Old Brown Dog Riot, bataille rangée à Londres entre d'un côté les syndicalistes, les féministes et les opposants aux tests sur les animaux, et les médecins et les étudiants en médecine de l'autre.

Néanmoins, le végétarisme ne fut pas étudié par Karl Marx et Friedrich Engels. Il fut ainsi mis de côté dans les organisations ouvrières partisanes du marxisme par rapport à la priorité de construire des organisations revendicatives, et disparut totalement après la furie meurtrière de la première guerre mondiale. Le naturisme eut par contre une tradition plus longue, notamment en Allemagne.



Frances Cobbe


L'anarchisme eut un autre rapport avec le végétarisme. Refusant le socialisme "scientifique" le mouvement anarchiste se replongea dans les valeurs du socialisme utopique. Ainsi en France à la fin du 19ème siècle, après l'échec de la propagande par le fait de gens comme Ravachol, le mouvement anarchiste se replia sur lui-même et prôna des communautés idéales, fondées sur des valeurs considérées comme en rupture avec la société capitaliste. Ces idées furent ceux de l'amour libre, l'anti-militarisme, du pacifisme, de la reprise individuelle, de la limitation des naissances (malthusianisme) , du naturisme, de la langue créée "en laboratoire" l'espéranto, et, au milieu de ces valeurs, le végétarisme.



Leoanrd Nelson


Le végétarisme avait néanmoins perdu son aspect compassionnel, sa mise en avant reposait essentiellement sur des critères psychologiques et médicaux. Le principal courant était appelé "anarchiste naturien", qui entre 1895 et 1938 publia entre autres les revues L'Etat naturel, La Nouvelle Humanité, La Vie naturelle, Le Flambeau. Les anarchistes naturiens rejetaient la civilisation, l'urbanisation et le machinisme, le déboisement. Si tous les naturiens n'étaient pas végétariens, le mouvement sympathisait ou pronait le végétarisme, le végétalisme et le crudivégétalisme en tant qu'hygiène corporelle et alimentaire saine.

Le dernier avatar de ce végétarisme lié à des questions de morale et de psychologie se retrouvera dans les interdictions de consommation de viande dans de nombreux villages des régions d'Espagne dominés par les anarchistes lors de certaines phases de la guerre civile de 1936-1939.