« Etats-Unis : plus anti-écolo qu’un favori républicain, tu meurs »

Puisque nous avons parlé des États-Unis hier, voici un petit aperçu des anti-écolos là-bas, avec un article paru sur American Ecolo, un blog de Rue89 (il ne s’agit évidemment pas d’un blog pour l’écologie radicale telle qu’elle existe aux États-Unis).

Etats-Unis : plus anti-écolo qu’un favori républicain, tu meurs

Le gouverneur du Texas Rick Perry est pétri de certitudes originales. Après avoir appelé son peuple à prier pour faire tomber la pluie, il se compare maintenant à Galilée. Cet homme sera peut-être le prochain président des Etats-Unis.

Quelque temps avant qu’il ne se lance dans la course à la présidentielle, j’avais décrit Perry, son background politique, ses convictions religieuses et sa haine envers les environnementalistes. Il les accuse avec acharnement de détruire l’économie américaine.

Maintenant que Rick Perry est officiellement candidat, qu’il s’est installé très vite en tête de la course, et qu’il a par conséquent des chances sérieuses d’être élu, nous allons suivre ses déclarations et ses actions concernant l’environnement.

L’Agence pour la protection de l’environnement, en ligne de mire

Cette semaine, Perry s’en est violemment pris à l’EPA (Environmental Protection Agency), l’Agence de protection de l’environnement qui réglemente les émissions de polluants. Cette EPA est la bête noire absolue de la droite républicaine, et la Chambre des représentants tente sans relâche de rogner ses prérogatives.

Le Sénat, toujours à majorité démocrate, a jusque-là évité le détricotage des réglementations antipollution en vigueur. Mais le pire est peut-être à venir : la candidate du Tea Party, Michele Bachmann, a promis la suppression pure et simple de l’EPA si elle était élue Présidente.

« Ces mecs de l’Agence, ils vont être surpris »

Rick Perry n’est pas loin de cette position. Il a profité d’une cacophonie déclenchée par Obama lui-même pour faire part de ses propres intentions.

Le Président venait d’annoncer qu’il renonçait temporairement à édicter des mesures restreignant la pollution par l’ozone pour ne pas aggraver la situation de l’emploi en contraignant les entreprises. Le gouverneur du Texas s’est aussitôt déchaîné :

« Je vais vous dire une chose : les officiels de l’EPA que nous, nous mettrons en place, ils seront pro-business, et on n’aura pas besoin de s’excuser auprès de quiconque pour ça. Ces mecs de l’Agence, ils vont être surpris ! »

Extrêmement déçus par le « lâchage » d’Obama, les Verts de tout poil ont raillé le Texan comme ils pouvaient :

« Ce n’est pas difficile de comprendre pourquoi Perry aimerait que les réglementations soient édictées directement par les pollueurs : depuis 1998, il a reçu pour 11 millions de dollars de contributions de l’industrie du gaz et du pétrole.

Et ce type a maintenant le culot d’étayer ses attaques contre la science climatique en accusant les chercheurs de manipuler leurs données en échange d’argent ! »

Mercredi dernier, les huit candidats républicains à la présidentielle s’affrontaient lors d’un débat télévisé, dans le cadre de leurs primaires. Parmi les nombreuses questions abordées, le climat est très vite venu sur la table, car les candidats ont des positions plus ou moins nuancées, voire opposées, sur le sujet.

« Je suis incapable de nommer quelque scientifique que ce soit ! »

Perry a pour sa part fait des étincelles. Voici sa pensée, décortiquée par une chroniqueuse de Grist, site américain écolo :

« Tous les scientifiques ne croient pas au changement climatique, j’en suis presque sûr. »

« Je ne peux nommer aucun de ceux qui n’y croient pas, mais de toute façon, je suis incapable de nommer quelque scientifique que ce soit. »

« Même si ce qu’ils disent est un fait avéré, ça ne veut pas dire que c’est vrai. »

« Prenez Galilée. Lui, il n’aurait probablement pas cru au changement climatique. »

Si on ajoute à ces puissantes certitudes sur le climat le fait que Perry conteste vigoureusement la théorie darwinienne de l’évolution des espèces, préférant, comme sa collègue Bachmann et des millions d’autres Américains, s’en référer à la genèse biblique, on comprend mieux pourquoi le journaliste qui animait le débat s’est ensuite tourné vers le candidat John Huntsman.

« Qui est antiscience sur cette scène ? »

Huntsman a été gouverneur républicain de l’Utah avant d’être nommé ambassadeur des Etats-Unis en Chine par Obama. Le fait que le Président lui ait proposé cette fonction, et le fait qu’Huntsman ait ainsi accepté de collaborer avec un gouvernement démocrate, indiquent qu’il se situe plutôt au centre de l’échiquier politique.

Huntsman se démarque même violemment des autres candidats républicains, ainsi que lui a fait remarquer le journaliste :

« Votre principal conseiller politique a récemment décrit le Parti républicain comme étant “une bande d’obsédés butés” antiscience, et ajouté que vos concurrents “déblatéraient des idioties”.
C’est évidemment insultant pour quelques-uns des candidats présents dans ce débat ce soir. Qui est antiscience sur cette scène ? »

John Huntsman a eu la courtoisie de ne pas désigner nommément Bachmann et Perry. Il a répondu :

« Vous ne pouvez pas ne pas tenir compte des certitudes de 98% des climatologues. Vous ne pouvez pas commencer à remettre en cause l’évolution des espèces.

Ce que je veux dire, c’est que si le Parti républicain entend gagner, il ne doit pas s’éloigner des faits scientifiques et de la philosophie partagée par le plus grand nombre. »

Inutile de préciser que John Huntsman n’ira pas bien loin dans la course des primaires.

Qu’on ne s’y trompe pas : contrairement à ce que peuvent laisser penser ces échauffourées rhétoriques et les déchaînements républicains contre l’EPA et le changement climatique, l’environnement ne sera pas un sujet important dans cette course présidentielle.

Des débats théoriques qui n’engagent plus à rien

Il l’avait pourtant été en 2008. Les Américains étaient alors vilipendés dans le monde pour leur refus de ratifier le protocole de Kyoto, et pour l’attitude « négationniste » de George W. Bush sur les questions climatiques. Obama et même son opposant John McCain considéraient, eux, sérieusement le sujet.

Et puis, la crise des subprimes n’en était qu’à ses débuts, l’économie américaine ne s’était pas encore effondrée. Les citoyens avaient encore le souci de préserver l’environnement, fut-ce au prix de quelques sacrifices.

La préoccupation est désormais reléguée au second plan. Aujourd’hui, quand je vois les candidats s’agiter sur le sujet, il est clair qu’ils ne cherchent pas à confronter des stratégies destinées à remédier aux problèmes écologiques. Ils tentent seulement de se positionner par rapport :

  • à une philosophie politique (le laisser-faire absolu ou l’intervention de l’Etat),
  • des croyances (la Bible, la science, ou une hasardeuse conjonction des deux),
  • une vision du monde (régie par les impératifs du business ou de la solidarité).

Ce n’est sans doute pas le camp démocrate qui bataillera pour remettre l’environnement « concret » au cœur des préoccupations politiques. Le candidat Obama aura bien trop à convaincre par ailleurs, on l’a vujeudi soir lors de son discours sur l’emploi.