La Déclaration de Montréal sur l’exploitation animale d’octobre 2022

Depuis le début sur LTD, nous réfutons l’antispécisme au nom du véganisme, car nous avons toujours considéré que le véganisme c’était l’amour pour les animaux (et la Nature), tandis que l’antispécisme était une position moraliste de gens négatifs cherchant simplement à ne pas participer à des horreurs.

Nous avons également à travers cela considéré que le véganisme devait être populaire et créatif, et non pas bourgeois et un gagne-pain pour une carrière universitaire ou associative ou quoi que ce soit du genre. Voir des gens se mettant individuellement en avant « au nom des animaux » ces quinze dernières années a été l’une des pires choses qui soient, et d’ailleurs bien souvent ces gens ont disparu.

Ces précisions sont nécessaires pour comprendre le sens de la « Déclaration de Montréal sur l’exploitation animale » de début octobre 2022, écrite par des « philosophes » pour des « philosophes ». L’initiative part d’ailleurs du Canada avec le « Groupe de recherche en éthique environnementale et animale ».

Ces philosophes de différents pays, dont bon nombre sont très sympathiques certainement, font ici du lobbying avant toute autre chose ; ils se placent d’ailleurs sur le très long terme et ne veulent surtout pas bousculer les choses.

On ne veut pas forcément (au moins) l’ALF, mais enfin des gens qui s’installent bien confortablement dans la société, avec un bon salaire, une bonne reconnaissance sociale… tout en disant qu’ils font du bien à la société : c’est du même niveau que le capitalisme californien qui prétend avoir une utilité sociale de par son propre égoïsme.

L’état d’esprit est très révélateur, pour cette raison même. Ils ne disent pas qu’il ne faut pas tuer les animaux parce qu’il faut aimer la vie, mais qu’il ne faut pas les tuer, parce qu’il ne faut pas aimer la mort. En apparence, cela revient au même, en pratique cela n’a rien à voir, tant sur le plan des mentalités que de la culture, de la pratique.

Le sens de l’urgence s’en ressent justement et c’est un bon point de départ pour comprendre ça. Si vous aimez la vie, alors vous comprenez qu’on est dans l’urgence, que la Terre est attaquée, que l’humanité menant mal sa barque l’agresse, la meurtrit. Si vous n’aimez pas la mort, vous vous contenterez de dire qu’on peut mieux faire, qu’on doit mieux faire… mais du point de vue anthropocentrique.

En vérité c’est le fond de la question : soit l’humanité se soumet à Gaïa, soit elle continue de s’imaginer un « empire dans un empire » et elle court à la catastrophe. Les philosophes ne veulent pas que l’humanité se soumettent, ou plutôt beaucoup certainement le voudraient, mais ils ne pensent pas que cela soit possible, alors ils se retournent en son contraire.

Il y a tellement de gens qui voient leur démarche se retourner en leur contraire de par leur incapacité à affronter de manière à la fois rationnelle et sensible la question des animaux, car ils ne partent pas de la seule réalité : la Nature !


Déclaration de Montréal sur l’exploitation animale

Nous sommes des chercheurs et des chercheuses en philosophie morale et politique. Nos travaux s’inscrivent dans des traditions philosophiques diverses et nous sommes rarement tous du même avis. Nous nous accordons toutefois quant à la nécessité de transformer en profondeur nos relations avec les autres animaux. Nous condamnons l’ensemble des pratiques qui supposent de traiter les animaux comme des choses ou des marchandises. 

Dans la mesure où elle implique des violences et des dommages non nécessaires, nous déclarons que l’exploitation animale est injuste et moralement indéfendable. 

En éthologie et en neurobiologie, il est bien établi que les mammifères, les oiseaux, les poissons et de nombreux invertébrés sont sentients, c’est-à-dire capables de ressentir du plaisir, de la douleur et des émotions. Ces animaux sont des sujets conscients ; ils ont leur propre point de vue sur le monde qui les entoure.

Il s’ensuit qu’ils ont des intérêts : nos comportements affectent leur bien-être et sont susceptibles de leur faire du bien ou du mal. Lorsque nous blessons un chien ou un cochon, lorsque nous maintenons en captivité un poulet ou un saumon, lorsque nous tuons un veau pour sa chair ou un vison pour sa peau, nous contrevenons gravement à ses intérêts les plus fondamentaux.

Pourtant, tous ces dommages pourraient être évités. Il est évidemment possible de s’abstenir de porter du cuir, d’assister à des corridas et des rodéos, ou de montrer aux enfants des lions enfermés dans des parcs zoologiques.

La plupart d’entre nous pouvons d’ores et déjà nous passer d’aliments d’origine animale tout en restant en bonne santé et le développement futur d’une économie végane rendra cela plus facile encore. D’un point de vue politique et institutionnel, il est possible de cesser de voir les animaux comme de simples ressources à notre disposition. 

Le fait que ces individus ne soient pas membres de l’espèce Homo sapiens n’y change rien : s’il semble naturel de penser que les intérêts des animaux comptent moins que les intérêts comparables des êtres humains, cette intuition spéciste ne résiste pas à un examen attentif. Toutes choses égales par ailleurs, l’appartenance à un groupe biologique (qu’il soit délimité par l’espèce, la couleur de peau ou le sexe) ne peut justifier des inégalités de considération ou de traitement. 

Il existe des différences entre les êtres humains et les autres animaux, tout comme il en existe entre les individus au sein des espèces. Certaines capacités cognitives sophistiquées donnent certes lieu à des intérêts particuliers, qui peuvent à leur tour justifier des traitements particuliers. Mais les capacités d’un individu à composer des symphonies, à faire des calculs mathématiques avancés ou à se projeter dans un avenir lointain, aussi admirables soient-elles, n’affectent pas la considération due à son intérêt à ressentir du plaisir et à ne pas souffrir.

Les intérêts des plus intelligents parmi nous n’importent pas davantage que les intérêts équivalents de ceux qui le sont moins. Soutenir l’inverse reviendrait à hiérarchiser les individus en fonction d’une faculté n’ayant aucune pertinence morale. Une telle attitude capacitiste serait moralement indéfendable.

Il est en somme difficile d’échapper à cette conclusion : parce que l’exploitation animale nuit aux animaux sans nécessité, elle est foncièrement injuste. Il est donc essentiel d’œuvrer à sa disparition, en visant notamment la fermeture des abattoirs, l’interdiction de la pêche et le développement d’une agriculture végétale.

Nous ne nous faisons pas d’illusions ; un tel projet ne sera pas réalisé à court terme. Il requiert en particulier de renoncer à des habitudes spécistes bien ancrées et de transformer en profondeur certaines de nos institutions. La fin de l’exploitation animale nous apparaît toutefois comme l’unique horizon collectif à la fois réaliste et juste pour les non-humains.

  1. Elisa Aaltola, Senior Research Fellow, University of Turku, Finland
  2. Cheryl Abbate, Assistant Professor of Philosophy, University of Nevada, Las Vegas
  3. Ralph Acampora, Associate Professor of Philosophy, Hofstra University
  4. Carol Adams, Author, The Sexual Politics of Meat, Independent scholar
  5. Karim Akerma, Doctor, Independant
  6. Frauke Albersmeier, Researcher in Animal Ethics, Heinrich Heine University Düsseldorf, Germany
  7. Sandra Alexander, Assistant Professor of Humanities, American University in Dubai
  8. Michael Allen, Professor, East Tennessee State University
  9. Ozan Altan Altinok, Post Doctoral Researcher in Philosophy and Ethics of Science in Practice, Center for Ethics and Law in Life Sciences, Leibniz University of Hannover
  10. Bertha Alvarez Manninen, Professor of Philosophy, Arizona State University
  11. Carlo Alvaro, Associate Professor of Philosophy, CUNY
  12. Mahesh Ananth, Professor of Philosophy, Indiana University 
  13. Dave Anctil, Chercheur en technophilosophie, Observatoire internationale sur l’IA et le numérique (OBVIA, Université de Laval)
  14. Jacy Reese Anthis, Sociologist, co-founder of the Sentience Institute, Sentience Institute
  15. Françoise Armengaud, Docteur en philosophie, Ex-Maître de conférences Université de Paris-Ouest-Nanterre
  16. Michael Ashooh, Lecturer, University of Vermont
  17. Nikolaos Asproulis, Academic Associate, Volos Academy for Theological Studies, Greece
  18. Peter Atterton, Professor of Philosophy, San Diego State University
  19. Robin Attfield, Professor Emeritus of Philosophy, Cardiff University
  20. Iván Darío Ávila Gaitán, Postdoctoral Researcher in Animal Ethics, Universidad Nacional de Colombia – ILECA – CIFECT
  21. Christiane Bailey, Coordinatrice Centre de justice sociale, Université Concordia
  22. Normand Baillargeon, Philosophie de l’Éducation, Le Devoir
  23. Liv Baker, Animal Behavior and Wellbeing Scientist, Hunter College, CUNY
  24. Jonathan Balcombe, Author on animal sentience, Self-affiliated
  25. Anne Baril, Lecturer in Philosophy, Washington University in St. Louis
  26. Jeremy Barris, Professor in Philosophy, Marshall University
  27. Robert Bass, Adjunct Full Professor, University of North Carolina at Pembroke        
  28. Piers Beirne, Emeritus Professor of Sociology and Legal Studies and Author, University of Southern Maine, USA
  29. Sofia Belardinelli, PhD Student in Environmental Ethics, University of Naples Federico II 
  30. Jeremy Bendik-Keymer, Professor of Philosophy, Case Western Reserve University
  31. Amélie Benedikt, Professor in Ethics, Texas State University 
  32. Rod Bennison, Independent Scholar, Chair and Founder Minding Animals International
  33. Paige Benton, Researcher in AI Ethics and Moral and Political Philosophy, University of Pretoria, South Africa
  34. Brian Berkey, Associate Professor, University of Pennsylvania
  35. John Berkman, Professor of Moral Theology, Regis College, University of Toronto
  36. Justin Bernstein, Assistant Professor of Philosophy, Vrije Universiteit Amsterdam
  37. Asha Bhandary, Political Philosopher / Associate Professor of Philosophy, University of Iowa     
  38. Faith Bjalobok, Professor of Philosophy, Duquesne University 
  39. Charlotte Blattner, Senior Lecturer and Researcher, Institute for Public Law, University of Bern, Switzerland
  40. Olle Blomberg, Researcher in practical Philosophy, University of Gothenburg
  41. Chris Bobonich, CI Lewis Professor of Philosophy, Stanford University 
  42. Alcino Eduardo Bonella, Professor of Ethics, University of Uberlândia, Brazil
  43. Julia Borcherding, Associate Professor, University of Cambridge 
  44. Leonie N. Bossert, Animal ethicist, University of Tübingen
  45. Mylène Botbol-Baum, Professeure de philosophie et de bioéthique, Université catholique de Louvain
  46. Chiara Bottici, Associate Professor in Philosophy, The New School
  47. Michel Bourban, Chercheur en éthique et philosophie politique, University of Warwick
  48. Bernice Bovenkerk, Associate Professor of Animal and Environmental Ethics, Wageningen University 
  49. Philip Brey, Full Professor in Philosophy and Ethics of Technology, University of Twente
  50. Nicole Broadbent, Researcher on wildlife Ethics and conservation, University of Johannesburg
  51. David G. Brooks, Associate Professor (Honorary), University of Sydney
  52. Teya Brooks Pribac, Researcher in Animal Subjectivity, Independent
  53. Huub Brouwer, Assistant Professor of Ethics and Political Philosophy, Tilburg University
  54. Etienne Brown, Assistant Professor of Philosophy, San Jose State University
  55. Heather Browning, Lecturer in Philosophy, University of Southampton
  56. Florence Burgat, Directrice de recherche, Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, France
  57. Nick Byrd, Philosopher and Scientist, Stevens Institute of Technology 
  58. Philip Cafaro, Professor of Philosophy, Colorado State University
  59. Matthew Calarco, Professor, California State University
  60. Cheshire Calhoun, Professor of Philosophy, Arizona State University
  61. Paco Calvo, Professor of Philosophy of Science, Universidad de Murcia
  62. Douglas Campbell, Senior Lecturer in Philosophy, Researcher of Human Altruism, University of Canterbury, New Zealand 
  63. Deborah Cao, Professor in Animal Law and Ethics, Griffith University, Australia
  64. Silvia Caprioglio Panizza, Marie Skłodowska-Curie Researcher in Ethics, University of Pardubice
  65. Adam Cardilini, Lecturer in Environmental Science, Deakin University
  66. Erik Carlson, Professor in practical Philosophy, Uppsala University
  67. Petra Carlsson Redell, Professor, Stockholm School of Theology
  68. Paula Casal, Full Professor, ICREA and Pompeu Fabra University 
  69. Jodey Castricano, Professor Critical Animal Studies, University of British Columbia
  70. Amandine Catala, Associate Professor of Philosophy, Université du Québec à Montréal (UQAM)
  71. Lucius Caviola, Researcher in Moral Psychology, Harvard University
  72. Jonathan Chen, Instructor in Ethics/Philosophy, Sacramento State University
  73. Andrew Chignell, Professor in Human Values, Philosophy, and Religion, Princeton University
  74. Ryoa Chung, co-Directrice du Centre de recherche en éthique / professeure titulaire philosophie, Université de Montréal
  75. Chris Ciocchetti, Associate Professor of Philosophy, Centenary College of Louisiana
  76. Mich Ciurria, Crip Feminist Philosopher, University of Missouri-St. Louis 
  77. Stephen R.L. Clark, Emeritus Professor of Philosophy, University of Liverpool
  78. Dale Clark, Researcher in Ethics and Epistemology, University of South Dakota 
  79. Alasdair Cochrane, Professor of Political Theory, University of Sheffield
  80. Yolandi M. Coetser, Senior Lecturer in Philosophy, North West University, South Africa
  81. Simon Coghlan, Senior Lecturer in AI and Digital Ethics, The University of Melbourne
  82. Mara-Daria Cojocaru, Doctor in Philosophy, Munich School of Philosophy
  83. Peter Cole, Associate Professor Indigenous and Ecojustice Education, University of British Columbia
  84. Raffaella Colombo, Researcher in Moral Philosophy, Università degli Studi di Milano
  85. Gary Comstock, Alumni Distinguished Undergraduate Professor, North Carolina State University
  86. Sophia Connell, Senior Lecturer in Philosophy, Birkbeck College, University of London
  87. Steve Cooke, Associate Professor of Political Theory, University of Leicester
  88. Guillaume Coqui, Maître de conférences en philosophie moderne et contemporaine, Université de Bourgogne
  89. Raymond Corbey, Professor of Philosophy of Science and Anthropology, Leiden University
  90. Frédéric Côté-Boudreau, Enseignant en philosophie au collégial, Collège de Maisonneuve
  91. Jackson Coy, Philosopher, University of Dar es Salaam, Tanzania
  92. Alice Crary, University Distinguished Professor of Philosophy, New School for Social Research
  93. Simon Cushing, Associate Professor of Philosophy, University of Michigan-Flint
  94. Jennifer Daigle, PhD Candidate in Philosophy, Yale University 
  95. Anya Daly, Senior Lecturer in Philosophy and Ethics, University of Tasmania
  96. Emilie Dardenne, Maîtresse de conférences en études anglophones et animal studies, Université Rennes 2
  97. Ben Davies, Research Fellow, University of Oxford
  98. Gabriele De Angelis, Researcher in Political Theory, NOVA University of Lisbon
  99. Ramiro De Ávila Peres, Researcher in Political Philosophy, NOVA University of Lisbon
  100. Brenda De Groot, Researcher in Primatology and Critical Animal Studies, Leiden University 
  101. David DeGrazia, Elton Professor of Philosophy, George Washington University
  102. Konstantin Deininger, Doctoral Candidate in Animal Ethics and Moral Philosophy, University of Vienna 
  103. Nicolas Delon, Associate Professor of Philosophy and Environmental Studies, New College of Florida
  104. Lara Denis, Professor of Philosophy, Agnes Scott College
  105. Tristan Derham, Associate Researcher, University of Tasmania
  106. Evgeniy Derzhivitskyi, Philosophical Sciences, PhD, Associate Professor at the Department of Ethics, Saint Petersburg State University
  107. Philippe Devienne, Dr Philosophie, D.M.Vétérinaire, Paris-Sorbonne, ENV Alfort
  108. Annalisa Di Mauro, Research Fellow in Moral Philosophy, University of Genoa and member of EtApp (Laboratory for Applied Ethics Research)
  109. Jonathan H. Dickstein, Assistant Professor in Religion, Carleton College
  110. Paulette Dieterlen, Researcher at Institute on Philosophical Research, National University of Mexico
  111. Peter Dietsch, Professeur, University of Victoria
  112. Susan Dimock, Professor of Philosophy and University Professor, York University 
  113. Vitor Manuel Dinis Pereira, Researcher, LanCog, Centre of Philosophy, University of Lisbon
  114. Tyler Doggett, Professor of Philosophy, University of Vermont
  115. Daniel A. Dombrowski, Professor of Philosophy, Seattle University 
  116. Brianne Donaldson, Associate Professor, University of California, Irvine
  117. Marie-Josée Drolet, Full Professor and ethicist, Université du Québec à Trois-Rivières
  118. Jan Dutkiewicz, Postdoctoral Fellow, Swiss National Science Foundation
  119. Heather Eaton, Full Professor, Saint Paul University, Ottawa
  120. Rainer Ebert, International Research Associate, University of Dar es Salaam
  121. William Edelglass, Moral Philosophy, Emerson College and the Barre Center for Buddhist Studies
  122. Mylan Engel Jr, Professor of Philosophy, Northern Illinois University
  123. Erno Eskens, Philosopher, Independent
  124. Diego Exposito, PhD Candidate in Moral and Political Philosophy, The University of Sheffield 
  125. Catia Faria, Assistant Professor / Researcher in Animal Ethics, Complutense University of Madrid
  126. Manuel Fasko, Researcher in History of Philosophy, University Basel
  127. Luc Faucher, Professeur, département de philosophie, Université du Québec à Montréal
  128. Andrew Fenton, Associate Professor of Philosophy, Dalhousie University
  129. Giuseppe Feola, Researcher in History of Ancient Philosophy and Science, University D’Annunzio, Italy 
  130. Laura Fernández, PhD in Communication, researcher in Critical Animal Studies, Centre for Animal Ethics, Universitat Pompeu Fabra
  131. Juan Antonio Fernández Manzano, Researcher in Political Philosophy, Complutense University of Madrid
  132. Estelle Ferrarese, Professeure de philosophie morale et politique, Université de Picardie-Jules Verne
  133. Arianna Ferrari, Senior Researcher, Independent scholar
  134. Andrew Fiala, Professor of Philosophy, California State University, Fresno
  135. Carrie Figdor, Professor, University of Iowa
  136. Iskra Fileva, Professor of Philosophy, University of Colorado, Boulder
  137. Sascha Benjamin Fink, Junior Professor for NeuroPhilosophy, Otto-von-Guericke-Universität Magdeburg
  138. Stephen Finlay, Professor of Moral Philosophy, Australian Catholic University
  139. Bob Fischer, Associate Professor of Philosophy, Texas State University
  140. Corrado Fizzarotti, Researcher in Environmental Ethics, National Research Council of Italy 
  141. Will Fleisher, Assistant Professor of Philosophy, Georgetown University
  142. Leticia Flores Farfán, Researcher, National Autonomous University of Mexico
  143. Lisa Forsberg, Research Fellow, University of Oxford
  144. Björn Freter, Lecturer, SOAS University of London
  145. Katy Fulfer, Associate Professor of Philosophy and Gender & Social Justice, researcher in bioEthics and animal Ethics, University of Waterloo
  146. Elisa Galgut, Philosophy Professor, University of Cape Town
  147. Dmitri Gallow, Senior Research Fellow, Dianoia Institute of Philosophy, Australian Catholic University
  148. Harold Gamble, Emeritus Philosophy Teacher, Colorado State University 
  149. Andrea Gammon, Assistant Professor, Ethics & Philosophy of Technology, TU Delft
  150. Molly Gardner, Assistant Professor of Philosophy, University of Florida
  151. Gabriel Garmendia Da Trindade, Lecturer in Philosophy, Federal Institute of Rio Grande do Sul (IFRS, campus Ibirubá)
  152. Aaron Garrett, Professor of Philosophy, Boston University
  153. Léon Gatien, Chercheur en éthique animale et philosophie décoloniale, Université de Sherbrooke 
  154. Benjamin Ghasemi, Postdoctoral Fellow, Colorado State University
  155. Martin Gibert, Chercheur en éthique de l’IA, Université de Montréal
  156. William Gildea, Researcher in Philosophy, University of Warwick
  157. Sven Gins, PhD Researcher, University of Groningen
  158. William-Philippe Girard, PhD Student, Université du Québec à Trois-Rivières 
  159. Valéry Giroux, Chercheuse en éthique animale, Université de Montréal
  160. Ian Gold, Professor of Philosophy, McGill University
  161. Anahí Gabriela González, Doctora en Filosofía, Profesora Titular de Ética, Universidad Nacional de San Juan, Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas, Instituto Latinoamericano de Estudios Críticos Animales
  162. John Goris, PhD Candidate in Animal Ethics, Macquarie University
  163. Jennifer Greenwood, Honorary Research Fellow, University of Queensland
  164. Lori Gruen, William Griffin Professor of Philosophy/Coordinator of Wesleyan Animal Studies, Wesleyan University
  165. Allen Habib, Associate Professor of Philosophy, University of Calgary
  166. John Hadley, Senior Lecturer, Western Sydney University 
  167. Thilo Hagendorff, Researcher in AI Ethics, University of Tübingen
  168. Simon Hailwood, Professor of Philosophy, University of Liverpool 
  169. Ishtiyaque Haji, Professor of Philosophy, University of Calgary
  170. Austen Hall, PhD Candidate, Yale University 
  171. Matthew C. Halteman, Professor of Philosophy, Calvin University 
  172. Naïma Hamrouni, Professeure en philosophie, Université du Québec à Trois-Rivières
  173. Étienne Harnad, Professeur de psychologie, Université du Québec à Montréal
  174. Gerald Harrison, Senior Lecturer in Philosophy, Massey University
  175. Victoria Harrison, Full Professor and Head of Department, University of Macau
  176. Ronnie Hawkins, Environmental philosopher, University of Central Florida (retired)
  177. Richard Healey, Associate Lecturer, University College London
  178. Yogi Hendlin, Assistant Professor of Environmental Philosophy, Erasmus University Rotterdam 
  179. Blake Hereth, Postdoctoral Research Associate, University of Massachusetts, Lowell
  180. Alejandro Herrera, Researcher in Animal and Environmental Ethics (retired), National University of Mexico
  181. Claudia Hogg-Blake, Humanities Teaching Fellow, University of Chicago
  182. Benjamin Hole, Contingent Faculty, Pacific University
  183. Daniel Hooley, Doctor, Capilano University
  184. Kai Horsthemke, Professor and Researcher in Animal Ethics and Animal Rights Education, University of the Witwatersrand 
  185. Oscar Horta, Faculty of Philosophy, Universidade de Santiago de Compostela
  186. Chris Howard, Assistant Professor of Philosophy, McGill University
  187. Michael Huemer, Professor of Philosophy, University of Colorado
  188. Rebekah Humphreys, Specialist in animal Ethics, University of Wales Trinity St David
  189. James Humphries, Lecturer in Philosophy, University of Glasgow
  190. Mark Hunyadi, Professeur de philosophie morale et politique, Université catholique de Louvain, Belgique
  191. Ramona Ilea, Professor of Philosophy & Department Chair, Pacific University
  192. Patricia Illingworth, Professor, Northeastern University
  193. David Ingram, Professor of Philosophy, Loyola University Chicago
  194. Ruth Irwin, Professor of Education, RMIT University, Melbourne
  195. Alison M. Jaggar, Professor Emerita, Philosophy and Women & Gender Studies, University of Colorado at Boulder
  196. Pankaj Jain, Professor, FLAME University
  197. Simon James, Associate Professor of Philosophy, Durham University
  198. Andrew Jampol-Petzinger, Visiting Assistant Professor, Grand Valley State University
  199. François Jaquet, Lecturer in Philosophy, Université de Strasbourg
  200. Anja Jauernig, Professor of Philosophy, New York University
  201. Kathie Jenni, Professor of Philosophy, University of Redlands 
  202. Sofia M. I. Jeppsson, Associate Professor of Philosophy, Umeå University, Sweden
  203. Diane Jeske, Professor of Philosophy, University of Iowa 
  204. Alexander Jeuk, Independent author and researcher, 
  205. Kyle Johannsen, Philosophy Instructor, Trent University
  206. Jane Johnson, Field philosopher, Macquarie University
  207. L Syd Johnson, Associate Professor, SUNY Upstate Medical University
  208. Drew Johnson, Postdoctoral Researcher, University of Oslo
  209. Robert Jones, Associate Professor of Philosophy, California State University
  210. Jeff Jordan, Professor of Philosophy, University of Delaware
  211. Hrvoje Juric, Full Professor of Ethics and BioEthics, University of Zagreb
  212. Richard Kahn, Core Faculty in Education, Ed.D. in Educational and Professional Practice, Antioch University
  213. Gerasimos Kakoliris, Associate Professor in Contemporary Continental Philosophy, National and Kapodistrian University of Athens
  214. Julius Kapembwa, Lecturer in Philosophy and Applied Ethics, University of Zambia
  215. Bhanuraj Kashyap, PhD Candidate, Macquarie University
  216. Joel Kassiola, Professor of Political Science, San Francisco State University
  217. Tristan Katz, Researcher in Animal and Environmental Ethics, University of Fribourg
  218. Jason Kawall, Carl Benton Straub ’58 Endowed Chair in Culture and the Environment, Colgate University
  219. Lisa Kemmerer, Professor Emeritus, Montana State University ; Tapestry
  220. Jozef Keulartz, Emeritus Professor Environmental Philosophy, Radboud University
  221. David Killoren, Assistant Professor, Koc University
  222. Roland Kipke, Researcher in Ethics and Political Philosophy, Bielefeld University
  223. Philip Kitcher, John Dewey Professor of Philosophy Emeritus, Columbia University
  224. Andrew Knight, Professor of Animal Welfare and Ethics, University of Winchester 
  225. Daniel Z. Korman, Professor of Philosophy, University of California, Santa Barbara
  226. Magdalena Kozhevnikova, Researcher in Animal Ethics, Warsaw University
  227. Visa A. J. Kurki, Associate Professor of Jurisprudence, University of Helsinki
  228. Olena Kushyna, PhD Student in Ethics, Centre for Ethics as Study in Human Value, University of Pardubice
  229. Oskari Kuusela, Associate Professor in Philosophy, University of East Anglia
  230. Mickaël Labbé, Maître de Conférences en Esthétique et Philosophie de l’Art, Université de Strasbourg
  231. Bernd Ladwig, Professor for Political Theory and Philosophy, Freie Universität Berlin
  232. Hugh LaFollette, Emeritus Cole Chair in Ethics and Professor of Philosophy, University of South Florida 
  233. Arto Laitinen, Professor of Social Philosophy, Tampere University 
  234. Andy Lamey, Associate Teaching Professor, University of California, San Diego
  235. Igor Larionov, Associate Professor, Philosophical Sciences, PhD, Head of Philosophical Anthropology Department, Saint Petersburg State University
  236. Renan Larue, Professeur de littérature, Université de Californie à Santa Barbara
  237. Noa Latham, Associate Emeritus Professor of Philosophy, University of Calgary
  238. Megan Jane Laverty, Associate Professor of Philosophy and Education, Teachers College, Columbia University
  239. Andrew Lee, Postdoctoral Research Fellow, Australian National University
  240. Jonathan Leighton, Author, Ethicist and Executive Director of the Organisation for the Prevention of Intense Suffering (OPIS)
  241. Ana Leite, Associate Professor in Social and Organisational Psychology, Durham University
  242. Noa Levin, Researcher in Political Philosophy, Centre Marc Bloch, Berlin
  243. Abigail Levin, Associate Professor of Philosophy, Niagara University 
  244. Neil Levy, Professor of Philosophy, Macquarie University
  245. Fabiola Leyton Donoso, Researcher in BioEthics, University of Barcelona
  246. Patrick Lin, Professor of Philosophy, California Polytechnic State University, San Luis Obispo 
  247. Erich Linder, PhD Candidate in Animal Ethics, University of Vienna 
  248. Andrew Linzey, The Revd Professor, Oxford Centre for Animal Ethics
  249. Clair Linzey, Deputy Director, Oxford Centre for Animal Ethics 
  250. David Lockwood, Researcher in Moral Philosophy, Cardiff University
  251. Farhana Loonat, Department Chair, Political Science and Philosophy, Skagit Valley College
  252. Mianna Lotz, Associate Professor of Philosophy, Macquarie University, Sydney, Australia
  253. Michael Loughlin, Professor of Applied Philosophy, University of West London
  254. Hilda Nely Lucano Ramírez, Professor and Researcher in Animal Ethics and Law, Universidad de Guadalajara
  255. Simon Lumsden, Associate Professor of Philosophy, University of New South Wales, Sydney, Australia
  256. Joe Lynch, Professor of Philosophy, California Polytechnic State University 
  257. David Lyreskog, Researcher in NeuroEthics, University of Oxford
  258. Joel MacClellan, Assistant Professor of Philosophy, Loyola University New Orleans
  259. Colin Macleod, Professor, University of Victoria
  260. Jocelyn Maclure, Professeur de philosophie, McGill University
  261. Els Maeckelberghe, Associate Professor of Medical Ethics, University Medical Center Groningen
  262. Pablo Magaña, PhD Student, Pompeu Fabra University 
  263. Filip Maj, Lecturer, Macquarie University
  264. Elodie Malbois, Postdoctoral Researcher, Université de Genève
  265. Alejandra Mancilla, Professor of Philosophy, University of Oslo
  266. Moya Mapps, PhD Candidate, Yale Department of Philosophy
  267. Joel Marks, Professor Emeritus of Philosophy, University of New Haven
  268. Angela Martin, Professeure assistante en éthique, Université de Bâle
  269. Alma Massaro, Lecturer in Animal Ethics, Genoa University
  270. Jeffrey M. Masson, Professor and Writer on animal emotions, University of Auckland
  271. Bruce Maxwell, Researcher in education, University of Montreal
  272. Joseph-Marie Mbonda, Professeur et chercheur en éthique, Université des Montagnes, Bangangté, Cameroun
  273. Joan McGregor, Professor of Philosophy, Arizona State University
  274. Leemon McHenry, Professor Emeritus, California State University, Northridge
  275. Erin McKenna, Professor of Philosophy, University of Oregon
  276. Jeff McMahan, Sekyra and White’s Professor of Moral Philosophy, University of Oxford
  277. Tristram McPherson, Professor of Philosophy, The Ohio State University
  278. Eva Meijer, Researcher in Political Philosophy, University of Amsterdam
  279. Garret Merriam, Associate Professor of Philosophy, California State University, Sacramento
  280. Debra Merskin, Professor, University of Oregon
  281. Heidi Mertes, Associate Professor in Medical Ethics, Ghent University
  282. Thaddeus Metz, Professor of Philosophy, University of Pretoria
  283. Letitia Meynell, Professor of Philosophy and Gender and Women’s Studies, Dalhousie University
  284. Ricardo Miguel, Researcher in Animal Ethics, University of Lisbon
  285. Emilian Mihailov, Researcher in Applied Ethics, University of Bucharest
  286. Josh Milburn, Lecturer in Political Philosophy and British Academy Postdoctoral Fellow, Loughborough University
  287. Becky Millar, Postdoctoral Researcher in Philosophy, University of York
  288. Kristie Miller, Professor, The University of Sydney
  289. Mayahuel Mojarro, PhD student, Universidad Nacional Autónoma de México
  290. Susana Monsó, Assistant Professor of Philosophy, Universidad Nacional de Educación a Distancia
  291. Macarena Montes, Researcher in Animal Ethics and Law, Pompeu Fabra University
  292. Nicolae Morar, Associate Professor of Environmental Studies and Philosophy, University of Oregon
  293. Alexander Morgan, Assistant Professor, Rice University
  294. Jeffrey Morgan, Associate Professor of Philosophy, University of the Fraser Valley
  295. Brandon Morgan-Olsen, Advanced Lecturer in Philosophy, Loyola University Chicago 
  296. Nicola Mulkeen, Lecturer in Political Philosophy, Newcastle University
  297. Nico Dario Müller, Postdoctoral Researcher in Ethics, University of Basel 
  298. Hichem Naar, Researcher in Philosophy, University of Duisburg-Essen
  299. Carlos Naconecy, Researcher in Animal Ethics, Oxford Centre for Animal Ethics
  300. Christian Nadeau, Professeur en philosophie politique, Université de Montréal
  301. Yamikani Ndasauka, Doctor, University of Malawi
  302. Christina Nellist, President of Pan Orthodox Concern for Animals Charity, Fellow of Ferrater Mora Oxford Centre for Animal Ethics, Oxford UK
  303. Nathan Nobis, Professor of Philosophy, Morehouse College
  304. John Nolt, Professor Emeritus, Logic and Environmental Ethics, University of Tennessee
  305. Alastair Norcross, Professor of Philosophy, University of Colorado Boulder
  306. Christopher Norris, Professor of Philosophy, Cardiff University
  307. Howard Nye, Associate Professor of Philosophy, University of Alberta
  308. Gary David O’Brien, DPhil Student in Philosophy, University of Oxford
  309. Tim Oakley, Researcher in Ethics, La Trobe University, Melbourne, Australia
  310. Tzofit Ofengenden, Doctor, Tulane University
  311. Markku Oksanen, Senior Lecturer in Philosophy, University of Eastern Finland
  312. Gustavo Ortiz Millan, Researcher in animal Ethics, National Autonomous University of Mexico
  313. Maude Ouellette-Dube, Researcher in Ethics and Animal Ethics, University of Fribourg
  314. Christine Overall, Professor Emerita of Philosophy and University Research Chair, Queen’s University at Kingston
  315. Ibrahim Ozdemir, Professor of Philosophy and Ethics, President of Forum on Environmental Ethics, Uskudar University, Turkey
  316. Burkay Ozturk, Senior Lecturer of Philosophy, Texas State University
  317. Eze Paez, Beatriu de Pinós Postdoctoral Fellow, Pompeu Fabra University
  318. Patricia Palulis, Associate Professor, University of Ottawa
  319. Eleni Panagiotarakou, Researcher, Concordia University
  320. Juliette Parada Rincón, Research in Animal Ethics, Universidad Santo Tomás, Colombia
  321. Stephen Pattison, Emeritus Professor of Religion, Ethics and Practice, University of Birmingham
  322. Wouter Peeters, Associate Professor of Global Ethics, University of Birmingham, UK
  323. Corine Pelluchon, Professeur de philosophie, Université Gustave Eiffel
  324. David Pena-Guzman, Associate Professor, SFSU
  325. Angie Pepper, Lecturer in Philosophy, University of Roehampton
  326. Eoin Perry, PhD Student in Philosophy of Science, University of Bristol
  327. Erik Persson, Researcher in applied Ethics, Lund University
  328. Ingmar Persson, Professor of Philosophy, University of Gothenburg 
  329. Keith Peterson, Associate Professor of Philosophy, Colby College
  330. Glen Pettigrove, Chair of Moral Philosophy, University of Glasgow
  331. Silvina Pezzetta, Researcher in Animal Law and Animal Ethics, CONICET-Universidad de Buenos Aires 
  332. Benedetta Piazzesi, Chercheuse en histoire et philosophie des sciences de la vie, CRH (EHESS, Paris)
  333. Alexis Piquemal, Enseignant, Lycée Gustave Eiffel et Université de Bourgogne
  334. Arina Pismenny, Associate Instructional Professor in Philosophy, University of Florida
  335. Nigel Pleasants, Senior lecturer in Philosophy and Sociology, University of Exeter
  336. Simone Pollo, Associate Professor of Moral Philosophy, Sapienza University of Rome
  337. Veronica Ponce, Philosophy teacher, Marianopolis College, Canada
  338. Elliot Porter, Lecturer in Bioethics, Brighton and Sussex Medical School
  339. Constantinos Proimos, Doctor of Philosophy and Assistant Professor of History and Theory of Architecture, University of Patras, Greece
  340. Evangelos Protopapadakis, Associate Professor in Applied Ethics, National and Kapodistrian University of Athens
  341. Joëlle Proust, Directrice de recherche émérite au CNRS, Ecole Normale Supérieure de Paris
  342. Alicia Puleo, Senior Lecturer in Moral and Political Philosophy, University of Valladolid
  343. Stephen Puryear, Associate Professor of Philosophy, North Carolina State University
  344. Pierre-Yves Quiviger, Professeur de philosophie du droit, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
  345. Ana Cristina Ramirez Barreto, Researcher in BioEthics, Universidad Michoacana de San Nicolás de Hidalgo
  346. Shyam Ranganathan, Faculty member, Department of Philosophy, and York Centre for Asian Research, York University
  347. Vardit Ravitsky, Professor, University of Montreal
  348. Hili Razinsky, Researcher, LanCog, Centre of Philosophy, University of Lisbon
  349. Paul Redding, Emeritus Professor of Philosophy, University of Sydney
  350. Amy Reed-Sandoval, Assistant Professor of Philosophy, University of Nevada Las Vegas
  351. Philippe Reigné, Agrégé des facultés de droit, professeur titulaire de chaire, Conservatoire national des arts et métiers
  352. Tim Reijsoo, Philosopher, University of Amsterdam
  353. Kurt Remele, Professor Emeritus in Ethics, University of Graz
  354. Hannah Rheinz, Dr. Phil., Psychologist, Animal Ethicist, Independant
  355. Samuel Rickless, Professor of Philosophy, University of California San Diego
  356. Eduardo Rincón Higuera, Investigador en temas de Éticas Interespecie, Éticas Ecológicas y Ecosofías, Universidad Externado de Colombia, Universidad Autónoma de Madrid
  357. Raffaele Rodogno, Associate Professor of Philosophy, Aarhus University
  358. Luke Roelofs, Researcher in Philosophy, New York University
  359. Chandler Rogers, Instructor, Boston College
  360. Wendy Rogers, Distinguished Professor in Clinical Ethics, Macquarie University, Sydney
  361. Simon Rosenqvist, Researcher in applied Ethics, Department of Global Political Studies, Malmö University
  362. Mark Rowlands, Professor and Chair, Department of Philosophy, University of Miami 
  363. Alain Roy, Professeur titulaire, Faculté de droit de l’Université de Montréal
  364. Ricardo Rozzi, Professor in Environmental Ethics and Biocultural Conservation, Subantarctic Biocultural Conservation Program, Dep. Philosophy and Religion & Dep of Biological Sciences, University of North Texas, USA & Universidad de Magallanes, Chile 
  365. Emma Ruttkamp, Professor of Philosophy, researcher in AI Ethics, University of Pretoria & Centre for AI Research
  366. Richard Ryder, PhD, Ex Cambridge, UK
  367. Benjamin Sachs-Cobbe, Senior Lecturer in Philosophy, University of St. Andrews
  368. John Sanbonmatsu, Associate Professor of Philosophy, Worcester Polytechnic Institute
  369. Steve Sapontzis, Emeritus Professor of Philosophy, California State University, East Bay
  370. Işık Sarıhan, Postdoctoral Researcher in Philosophy, Independent
  371. Sahotra Sarkar, Professor of Philosophy and Integrative Biology, University of Texas
  372. Carl Saucier-Bouffard, Professeur, 
  373. Hanno Sauer, Associate Professor of Philosophy, Utrecht University 
  374. Lara Scaglia, Researcher in History of Philosophy and Ethics, Warsaw University
  375. Frank Schalow, Professor of Philosophy, University of New Orleans
  376. Anders Schinkel, Associate Professor of Philosophy of Education, Vrije Universiteit Amsterdam, The Netherlands 
  377. Andreas Schmidt, Associate Professor in Political Philosophy, University of Groningen
  378. Sebastian Schmidt, Postdoctoral researcher in Epistemology, University of Zurich
  379. Friederike Schmitz, Philosopher in Animal Ethics, Independent scholar
  380. Miriam Schoenfield, Associate Professor Philosophy, University of Texas
  381. Vanessa Scholes, Applied philosopher and learning designer, Open Polytechnic Kuratini Tuwhera
  382. Udo Schüklenk, Professor and Ontario Research Chair in BioEthics, Queen’s University
  383. Marcus Schultz-Bergin, Assistant College Lecturer in Philosophy, Cleveland State University 
  384. Lucia Schwarz, Teaching Assistant Professor, University of North Carolina at Chapel Hill 
  385. Jeff Sebo, Clinical Associate Professor of Environmental Studies, Affiliated Professor of BioEthics, Medical Ethics, Philosophy, and Law, and Director of the Animal Studies M.A. Program, New York University
  386. Jérôme Segal, Maître de conférences en histoire et philosophie des sciences, Sorbonne Université, Paris
  387. Dunja Šešelja, Professor, Ruhr University Bochum
  388. Hilal Sezgin, Researcher in Animal Ethics, Lueneburg, Germany
  389. Steven Shakespeare, Professor of Continental Philosophy of Religion, Liverpool Hope University
  390. Hasana Sharp, Associate Professor of Philosophy, McGill University
  391. Yonatan Shemmer, Doctor, University of Sheffield
  392. Minna Shkul, Senior University Teacher in Feminist and Queer Studies, University of Sheffield
  393. Eli Shupe, Assistant Professor of Philosophy, University of Texas at Arlington
  394. Vlasta Sikimić, Researcher and Lecturer in Philosophy, University of Tübingen
  395. Mona Simion, Professor of Philosophy, University of Glasgow 
  396. Virginie Simoneau-Gilbert, Doctorante en philosophie, University of Oxford
  397. Peter Singer, Professor of BioEthics, Princeton University
  398. Doran Smolkin, Doctor of Philosophy, Kwantlen Polytechnic University
  399. Diana Soeira, Researcher in Philosophy & Economics and Public Policy, ISCTE-University Institute of Lisbon, Portugal
  400. Ayhan Sol, Professor, Middle East Technical University, Turkey
  401. John Sorenson, Professor, Brock University
  402. Friderike Spang, Senior Researcher in Political Theory, University of Lausanne
  403. Simon Springer, Professor of Human Geography, University of Newcastle
  404. Susanne Sreedhar, Professor of Philosophy, Boston University 
  405. Gary Steiner, Professor of Philosophy emeritus, Bucknell University
  406. Christian Straßer, Professor, Ruhr University Bochum
  407. Robert Streiffer, Professor of Philosophy and Bioethics, University of Wisconsin-Madison
  408. Alison Suen, Associate Professor of Philosophy, Iona University 
  409. David Svolba, Associate Professor in Philosophy, Fitchburg State University
  410. Swart, Researcher, University of Groningen 
  411. Zeynep Talay Turner, Professor, Istanbul Bilgi University
  412. Agnes Tam, Assistant Professor in Philosophy, University of Calgary
  413. Robert Tappan, Associate Professor of Religious Studies, Towson University
  414. Christine Tappolet, Professeure, Université de Montréal
  415. Aleksy Tarasenko-Struc, Clinical Ethics Fellow, Alden March BioEthics Institute, Albany Medical College
  416. Angus Taylor, PhD, retired, University of Victoria
  417. Larry Temkin, Distinguished Professor of Philosophy, Rutgers University
  418. Camille Ternier, Chercheuse postdoctorale en philosophie politique et économique, Université de Montréal, Centre de recherche en éthique de Montréal
  419. Areti Theofilopoulou, Researcher Fellow, Institute of Philosophy of the Czech Academy of Sciences
  420. Evan Thomas, Researcher in Ethics, Ohio State University
  421. Natalie Thomas, Adjunct Faculty, Philosophy and Fellow, Oxford Centre for Animal Ethics, University of Guelph
  422. Kramer Thompson, PhD Candidate, The Australian National University 
  423. Travis Timmerman, Associate Professor, and Chair of the Philosophy Department, Seton Hall University
  424. Oxana Timofeeva, Professor in Philosophy, European University at St. Petersburg
  425. Inken Titz, Researcher in AI Ethics, Ruhr-Universität Bochum
  426. Zorana Todorovic, Researcher in Animal Studies, University of Belgrade 
  427. Fiorella Tomassini, Postdoctoral Researcher, University of Groningen
  428. Mikel Torres, Adjunct Lecturer, University of the Basque Country (UPV/EHU) 
  429. Ioannis Trisokkas, Assistant Professor, National and Kapodistrian University of Athens
  430. Jens Tuider, Ethicist, Independent
  431. Joseph Tuminello, Assistant Professor of Philosophy, McNeese State University
  432. Carla Turner, Philosopher of animal Ethics, University of Pretoria, South Africa
  433. Gabriela Tymowski, Researcher in Animal Ethics, University of New Brunswick
  434. Peter Unger, Professor of Philosophy, New York University
  435. Peter Vallentyne, Professor, University of Missouri
  436. Kenneth Valpey, Researcher in Animal Ethics, Oxford Centre for Hindu Studies 
  437. Emnée Van Den Brandeler, PhD Candidate, University of Basel 
  438. Willem van der Deijl, Assistant Professor, Tilburg University
  439. Marie Van Loon, Research in epistemology, University of Zurich
  440. Pekka Vayrynen, Professor of Moral Philosophy, University of Leeds
  441. Angélica Velasco, Senior Lecturer in Moral and Political Philosophy, University of Valladolid, Spain
  442. Samantha Vice, Distinguished Professor in Philosophy, University of the Witwatersrand
  443. Elly Vintiadis, Associate Lecturer in Philosophy, The American College of Greece 
  444. Tatjana Višak, Researcher Animal Ethics, University of Mannheim
  445. Kristin Voigt, Associate Professor, McGill University
  446. Ilias Voiron, PhD Student in Philosophy and Environmental Humanities, Jean-Moulin Lyon 3 University & University of Fribourg 
  447. Rose Mary Volbrecht, Professor of Ethics Emeritus, Gonzaga University 
  448. Anabel von der Osten-Sacken, PhD Student in Animal Studies, Universität Hamburg 
  449. Kocku Von Stuckrad, Professor of Religious Studies, University of Groningen
  450. Kirstin Waldkoenig, Doctoral Student and Environmental Ethicist, University of Oregon
  451. Lisa Warden, Researcher, Animals & Society Research Initiative, University of Victoria
  452. Kari Weil, Professeur de Lettres, Wesleyan University
  453. Jennifer Welchman, Professor of Philosophy, University of Alberta
  454. Daniel Weltman, Assistant Professor, Department of Philosophy, Ashoka University, India
  455. Michelle Westerlaken, Postdoctoral Research Associate, University of Cambridge (UK)
  456. Monique Whitaker, Lecturer in Philosophy, University of KwaZulu-Natal
  457. Markus Wild, Professor of Philosophy, University of Basel
  458. Cynthia Willett, Professor, Emory University
  459. Sean Winkler, Lecturer of Philosophy, Loyola Marymount University/University of Redlands 
  460. Jason M. Wirth, Professor of Philosophy, Seattle University 
  461. Matthew Wiseman, PhD Student, University of Southern California
  462. Daniel Wodak, Associate Professor of Philosophy and of Law, University of Pennsylvania
  463. Alex Wolf-Root, Visiting Assistant Professor, The Ohio State University
  464. Matthew Wray Perry, PhD Student in Animal Rights, The University of Manchester 
  465. Laura Wright, Professor of English & Founder of the field of Vegan Studies, Western Carolina University
  466. Ewa Wyrębska-Đermanović, Researcher in Political Philosophy, University of Bonn 
  467. Roger Yates, Lecturer in Sociology, University College of Dublin
  468. Jay Zameska, Junior Research Fellow, University of Tartu, Estonia
  469. Tzachi Zamir, Professor, The Hebrew University of Jerusalem
  470. Sarah Zanaz, Doctorante en philosophie, Université de Strasbourg
  471. Miriam A. Zemanova, Research Associate, University of Fribourg, Switzerland 
  472. Rafael Ziegler, Associate Professor, HEC Montréal
  473. Anna C. Zielinska, Maîtresse de conférences en philosophie morale, juridique et politique, Université de Lorraine à Nancy

La situation de la Cause animale en France en mai 2022

Nous voulons ici faire un petit bilan de la situation de la Cause animale, le moment s’y prêtant selon nous particulièrement bien, ou plutôt mal. La Cause a connu en effet un profond recul, avec non seulement un vrai tassement des initiatives en faveur des animaux, mais même un effacement de nombreuses choses considérées, à tort, comme des acquis.

Autrement dit, on est revenu à une situation où les défenseurs des animaux se retrouvent de nouveau sur la défensive, face à une société indifférente, et surtout des gens indifférents lorsqu’il faut agir concrètement pour protéger les animaux.

Les éléments qui sont ici, pour nous, des centres d’orientation dans l’analyse sont :

– la candidature en mai 2022 d’Aymeric Caron à la députation à Paris ;

– l’élection présidentielle d’avril 2022, avec Marine Le Pen au second tour, qui a cristallisé de très importants espoirs dans une partie significative de la protection animale ;

– le premier procès en mars 2022 d’un groupe, « Animal1st », suite à la répression de la « cellule Déméter » de la gendarmerie ;

– une tendance très forte dans la société française au rejet de la question animale, très bien représenté par un appel publié en février 2022 dans Le Figaro par une centaine de « personnalités ».

La candidature d’Aymeric Caron à la députation

La question d’Aymeric Caron est pour nous emblématique d’un véritable problème de fond. Ce journaliste a eu un grand succès en tant que Chroniqueur dans l’émission On n’est pas couché sur la chaîne France 2 dans la première partie des 2000.

Il s’était alors mis à parler de la question animale, et il a été très vite invité ici et là afin de prendre la parole, commençant à sortir des bouquins comme No steak en 2013. Il était tout à fait évident qu’il jouait sur son côté beau gosse et figure médiatique pour s’imposer et nous avons trouvé le personnage détestable, d’autant plus qu’évidemment il n’était même pas vegan en 2016 encore.

Et quand il a sorti son ouvrage Antispécisme, à la première page il dit qu’il n’aime pas les animaux. Pour nous, cela veut tout dire et c’est non merci. Le type est un intellectuel faisant un hold up sur la Cause pour faire carrière, comme le montre d’ailleurs sa fondation en 2018 d’un mouvement intitulé « La Révolution écologique pour le vivant », qui disait la même chose que nous mais de manière édulcorée, trafiquée, aseptisée, intellectualisée, etc.

Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas sincère. Mais sa sincérité est encadrée par la société et il a servi de cheval de Troie des bobos dans la question animale. L’essor d’Aymeric Caron est d’ailleurs strictement parallèle avec l’émergence et le développement du capitalisme vegan.

Et en mai 2022, on a alors l’exemplarité (négative) de son parcours lorsqu’on voit qu’il se présente pour être député à Paris, dans le cadre de La France Insoumise dont son mouvement est membre (il est membre le premier candidat officiellement investi), dans la 18e circonscription de Paris, qui regroupe une partie du 9e et du 18e arrondissement.

Le bobo retourne chez les bobos, avec forcément un discours bobo, un style bobo, une envergure bobo. On est ici aux antipodes des gens mettant la main à la pâte pour les animaux et cela s’est ressenti d’ailleurs de manière flagrante avec l’important soutien qu’a connu Marine Le Pen.

Le soutien à Marine Le Pen

Aider concrètement les animaux, de manière organisée à travers des structures de la protection animale, implique de subir deux choses difficiles à vivre. La première tient à un certain regard dédaigneux des gens, parce que c’est considéré comme de la « sensiblerie », une attention déplacée, une fragilité exacerbée, etc. La seconde, c’est d’avoir à encaisser des situations odieuses ou horribles, où l’on fait face à la cruauté et à la souffrance, à l’ignominie et à la mort.

Cela est bien connu de qui connaît la protection animale. Malheureusement, celle-ci n’a aucun recul sur elle-même dans son ensemble et vit dans une immédiateté à la fois forcée, en raison des urgences ininterrompues à assumer, et choisie, en raison d’une tendance à un prisme asocial, voire franchement misanthrope.

Il y a ainsi eu toujours des courants d’extrême-droite cherchant à profiter de cette situation, pour happer les gens en leur faveur. Il est bien connu que Brigitte Bardot a longtemps représenté un sas en cette direction. Cependant, c’est davantage une tendance de fond qu’autre chose… Jusqu’à, toutefois, l’élection présidentielle de 2022.

Il y a eu ici tout un mouvement de soutien à Marine Le Pen, porté par une sorte de mélange de rejet complet d’Emmanuel Macron, d’esprit Gilets Jaunes, d’influence des milieux anti-vaccins, d’espoir en Marine Le Pen se mettant en scène comme femme « normale » avec ses chats, de fuite en avant en raison d’un profond sentiment de désespoir.

Il n’y a ici rien d’étonnant, et en même temps on ne peut pas parler d’une évolution dans le sens de quelque chose de réellement politique, ou d’organisé, ou quoi que ce soit qui s’y rapproche. On est dans quelque chose d’élémentaire, on est ici dans la connaissance fondamentale d’être délaissé par la société, ou abandonné, et cela a convergé avec le sentiment de rancoeur qui a été au coeur du vote en faveur de Marine Le Pen.

Un « véganisme » bobo et une protection animale populaire

Si nous savons observer cela aujourd’hui, c’est parce que nous avons pu voir comment le véganisme a connu en France, après une première phase, une vague commerciale et carriériste, avec parfois une dimension pseudo-activiste, assumant de rejeter la protection animale ou du moins de l’ignorer.

Cela correspond à une réalité fondamentale : la situation des refuges pour animaux, des centres de soins, des associations de la protection animale… n’a pas évolué ces dernières années, malgré que la question animale a été abordé par les médias et qu’il y ait désormais des restaurants proposant une alimentation végétalienne dans de nombreuses villes.

La question animale a débarqué dans la société française de manière artificielle, elle s’est développée à sa surface seulement, pour n’aboutir qu’à l’établissement d’une micro-société de plus dans une société totalement fragmentée.

Autrement dit, il y a un milieu urbain très tourné bobo qui se la joue « vegan » ou « flexitarien » (comme Jean-Luc Mélenchon par exemple), sans que les animaux en eux-mêmes ne soient réellement pris en compte autrement que comme objets de projection pour des valeurs très « classes moyennes » cherchant à s’élever par un style néo-branché ou des discours universitaires incompréhensibles.

La protection animale a constaté ce phénomène, lui restant entièrement extérieur, et a ressenti cela comme mise à l’écart de plus de la part de la société, y compris de gens qui auraient dû se tourner vers elle. Une figure médiatique comme Aymeric Caron comme dit plus haut, ou une association tout aussi médiatique comme L214, font leur carrière résolument à l’écart de la protection animale, considérant leurs propres activités comme une fin en soi.

Le pire étant cependant, dans le registre, les activistes « antispécistes ».

Le premier procès d’Animal1st

L’un des mouvements les plus bruyants de l’antispécisme a été « 269 libération animale », qui organisait de la « désobéissance civile » notamment pour des occupations d’élevages industriels.

Ces actions, menées publiquement, avec les personnes présentes devant laisser les photocopies de leur carte d’identité, etc., ont immanquablement amené la répression, puis après des actions similaires dans les pays voisins de la France, il y a eu un repli sur un refuge pour des animaux emportés dans ces actions.

Naturellement, ce refuge se place totalement en-dehors de la protection animale, « 269 libération animale » se contenant de discours néo-anarchistes, tout en ayant plus de dimension activiste, après avoir épuisé l’énergie activiste de plein de gens de bonne volonté, mais se contentant d’intervenir ponctuellement dans des actions spectaculaires.

C’est un phénomène de consommation particulièrement nocif. Les « antispécistes » consomment l’activisme, tout en se présentant comme des gens très déterminés, motivés, et comme des martyrs incompris en première ligne pour les animaux. C’est une sorte d’existentialisme se faisant au nom des animaux, ou plutôt sur le dos des animaux.

On a une exemple révélateur de cela avec le groupe « Animal1st », dont le nom veut d’ailleurs tout dire. C’est une caractéristique des antispécistes en effet que de jouer sur une certaine imagerie visant à frapper les esprits, avec des noms en anglais (ici Animal1st, soit Animal First, soit les animaux d’abord), des actions choc, l’utilisation de l’écriture dite « inclusive », des discours hyper agressifs, etc.

Animal1st, en l’occurence, a été visé par une enquête de cellule de gendarmerie Déméter (visant ouvertement les défenseurs des animaux), ce qui a abouti à un procès avec un délibéré rendu le 31 mars 2022.

Et de manière typique de la démarche « antispéciste », à la fois élitiste et hors sol, Animal1st n’a rien publié sur son site internet à la suite du délibéré. Le groupe s’est contenté d’un live sur Facebook et Instagram le jour même, au tribunal. Les vidéos ont ensuite été publiées sur ces réseaux.

Ce groupe était accusé de dégradations, en l’occurrence des tags, dans des fermes d’élevage, ainsi que d’avoir « volé » sept agneaux. Les peines prononcées vont des quelques mois de prison avec sursis à deux mille euros d’amendes, avec des travaux d’intérêts généraux au milieu. Cependant, ce premier procès concernait avant tout les tags, la question des sept agneaux sera jugée de manière séparée le 15 novembre 2022.

L’affaire n’est pas finie, mais on l’aura compris le groupe vit en vase clos, s’imaginant qu’il va déclencher à lui tout seul, sur la base d’actions qu’il a lui-même défini, un mouvement « antispéciste ». A moins qu’il ne s’imagine rien et qu’il fasse des actions pour faire des actions, car c’est à proprement parler illisible.

C’est un cas exemplaire de comment les animaux sont utilisés pour un aventurisme existentialiste. En juin 2021, par exemple, le collectif publie un long texte sur son site, intitulé « La répression des animalistes s’intensifie comme jamais ». Il s’agit d’un long texte au langage universitaire contestataire (parsemé de « iel »), plein d’indignations qui explique en long et large comment se sont déroulées les perquisitions et les gardes à vue, pour finir deux paragraphes grandiloquents sur l’oppression et des animaux et (surtout) la répression des animalistes.

Au sujet des animaux concernés, on ne sait par contre pratiquement rien ! Alors qu’ils devraient être au coeur de la question. On saura seulement que cinq sont recherchés et que deux sont « sous-scellé ». Le texte ne prend la peine de donner plus d’informations sur l’état de santé des animaux recherchés, ni sur le sort de ceux retrouvés.

Les animaux ne sont pas du tout au centre de la démarche. Ils sont un lieu de projection d’une certaine vision du monde, qui est très négative, tourné vers le nihilisme, sans aucune lecture historique des choses, sans mémoire des luttes passées pour les animaux…

Ce qui révèle pour ce dernier point le fond des choses, c’est que ces gens, prétendument super activistes, passent l’ALF sous silence. C’est que l’ALF, en exigeant l’anonymat, le don de soi aux animaux sans obtenir de reconnaissance, est à l’opposé de leurs valeurs.

Et ces antispécistes, non seulement gâchent les énergies, apportent la confusion, mais sont qui plus est les idiots utiles au service des pires ennemis des animaux.

La tribune du Figaro de février 2022

La tribune du Figaro est pour nous exemplaire du fond réel de la situation sur le plan des idées. En apparence, elle dénonce en effet les « antispécistes ». En réalité, si on regarde ce qui est combattu, c’est très exactement le mot d’ordre « la Terre d’abord ! ». La tribune est un manifeste anti-Nature.

Les « antispécistes » ont réalisé un hold-up sur la question animale, qu’ils vident de sa substance, tout en aidant en même temps le vieux monde à s’adapter, à se protéger, à se préparer contre une opposition réelle.

« Animalistes et écologistes extrémistes ne menacent pas que la chasse, tant s’en faut ! »

 Ruralité, Le Figaro

Les animalistes et certains militants écologistes font preuve d’un véritable acharnement contre la chasse. Et leur hargne s’inscrit dans une entreprise plus vaste de démantèlement de pratiques culturelles ancestrales, s’alarment dans une tribune au Figaro 100 personnalités* parlementaires comme François-Xavier Bellamy et Jean Lassalle ou membres de la société civile tels Pascal Bruckner.

Si, parmi nous, d’aucuns sont chasseurs et d’autres non, nous estimons tous qu’il est de notre devoir de dénoncer l’acharnement dont la chasse fait l’objet : la volonté d’abolir celle-ci n’est que le premier acte d’un mouvement de fond beaucoup plus large et dangereux. Un sapin de Noël qui disparaît. Le foie gras qu’on interdit.

Des « nouveaux fermiers » qui « réinventent la viande à partir d’ingrédients 100% végétaux » – alors que de vrais fermiers meurent. Du poisson sans poisson, là encore à base de végétaux. La pêche de loisir menacée d’interdiction, comme le seul fait de monter à cheval. Les passionnés de véhicules automobiles mis au banc des accusés. Les zoos, les dresseurs pointés du doigt.

De vastes territoires acquis pour être « réensauvagés », c’est-à-dire livrés à eux-mêmes. Des rats et des punaises de lit élevés au rang de commensaux… Tout cela n’est que le début de bouleversements profonds, que le traitement réservé à la chasse est en train de révéler.

S’il a jadis attiré l’attention sur de vraies questions, le « vert » n’est plus, en 2022, la couleur de l’espoir. Aujourd’hui, une poignée d’inquisiteurs confisque l’espace public à la seule fin de transformer la nature en une sorte d’Éden au sein duquel l’humanité devrait faire figure de spectateur bâillonné, menotté.

Tout ce qui fut éprouvé au fil du temps est frappé de détestation automatique. « Il faut déconstruire ! », répètent-ils. Au nom d’une nature personnifiée et d’animaux réduits à leur capacité de souffrir, on nous intime de biffer une part essentielle de nos identités plurielles.

Minoritaires, ces gens répandent leurs thèses dans tous les milieux, avec autant d’efficacité que les tenants du wokisme : université, showbiz, journalisme, culture, marketing, sphère politique. Pas un jour sans injonctions à « vivre autrement », parce qu’il y va de l’avenir de la Terre. Pas un jour sans que l’on ne crie : « Vous êtes coupables ! »

Dans une telle atmosphère de terreur bienveillante, comment imaginer qu’une partie de l’opinion ne se sente pas obligée de rejoindre ces nouveaux croisés ?

Ce n’est pas aux seules conséquences que nous devons nous opposer, mais à l’agrégat d’utopies qui les rend possibles. Que notre rapport à l’animal soit perfectible, que la biodiversité subisse une forme d’érosion qu’il conviendrait d’enrayer , nul ne le conteste. Cependant, eux rêvent d’une mise sous cloche de la nature et d’une mise aux fers de l’humanité.

Nous sommes à un tournant civilisationnel qui, sous couvert d’appliquer partout le principe d’inclusion, ouvre la porte à une multitude d’exclusions : comment le fait de capturer tel gibier par l’acte de chasse ou simplement d’utiliser l’animal serait-il justifiable, dans un univers moral qui s’impose le végétarisme voire le véganisme comme fin ultime ?

Comment la moindre intervention de l’homme sur les espaces naturels serait-elle légitime, quand on répète à l’envi que ledit homme est essentiellement destructeur, et que la nature se débrouille bien mieux seule ?

Nous perdons le sens de la mesure – celui qui nous permet de distinguer entre élevage industriel et traditionnel, chasse et braconnage, agriculture intensive et agroécologie, amour de la nature et idéalisation, ce qui est intolérable et ce qui doit être accepté.

Voilà pourquoi nous lançons un appel à l’adresse de ceux qui ne peuvent plus supporter le diktat des purs autoproclamés de l’écologie.

Alors que l’élection présidentielle approche, que nous assistons à une surenchère de propositions aberrantes de la part d’idéologues plus désireux de détruire que capables de bâtir, il revient à l’opinion de dire non aux animalistes et aux catastrophistes, de se dresser contre l’intolérance qui voudrait que nous rompions avec tout notre passé – parce qu’une coterie a soudain découvert la souffrance et la mort et a tout bonnement décidé de les congédier, avec, parfois, l’appui de puissances financières colossales.

Il nous revient à tous d’opposer une fin de non-recevoir catégorique aux prédicateurs de l’apocalypse qui ont tout intérêt à nous faire croire que la fin est proche – parce qu’ils soupirent après l’avènement d’un homme et d’un monde neufs.

Les chasseurs, oui, sont en première ligne. Cependant, bientôt, c’est l’ensemble de notre rapport immémorial à l’animal domestique ou sauvage et à la nature qui sera incriminé.

Le rejet de la prétendue « domination » frappera de plein fouet, et avec les meilleures intentions, aussi bien les éleveurs, agriculteurs, pêcheurs, bouchers, cavaliers, amoureux du cirque, que les sylviculteurs, gastronomes, aquaculteurs ou mushers (conducteurs de traîneau à neige tirés par des attelages de chiens, NDLR).

Non exhaustive, cette liste donne une idée de l’ampleur du front qui, organisé, serait capable de contrarier les architectes du monde terrifiant qui se préfigure.

Face aux contempteurs du passé, prenons garde de ne pas sacrifier la chasse en se disant que le vent retombera. Soyons unis contre l’extrémisme vert, qui se donne pour priorité de bannir toute pratique, profession et tradition qui ne correspond pas à son cadre idéologique. Interpellons nos politiques, faisons entendre notre voix : il y a urgence !

* La liste des cent signataires :

Députés : Julien Aubert (Vaucluse, LR), Anne-Laure Blin (Maine-et-Loire, LR) , Jean-Yves Bony (Cantal, LR), Jacques Cattin (Haut-Rhin, LR), Bernard Deflesselles (Bouches-du-Rhône, LR), Claude de Ganay (Loiret, LR), Jean Lassalle (Pyrénées-Atlantiques, Libertés et Territoires), Emmanuel Maquet (Somme, LR), Alain Pérea (Aube, LREM, président du groupe Chasse, Pêche et Territoires), Didier Quentin (Charente-Maritime, LR), Frédéric Reiss (Bas-Rhin, LR), Jean-Luc Reitzer (Haut-Rhin, LR), Antoine Savignat (Val-d’Oise, LR), Nathalie Serre (Rhône, apparentée à LR), Benoit Simian (Gironde, Libertés et Territoires), Guy Teissier (Bouches-du-Rhône, LR).

Sénateurs : Jean Bacci (Var, LR), Philippe Bas (Manche, LR), Christian Bilhac (Hérault, Rassemblement Démocratique et Social Européen), Etienne Blanc (Rhône, LR), Max Brisson (Pyrénées-Atlantiques, LR), Laurent Burgoa (Gard, LR), Jean-Noël Cardoux (Loiret, LR, président du groupe d’étude Chasse et Pêche), Anne Chain-Larché (Seine-et-Marne, LR), Pierre Charon (Paris, LR), Marie-Christine Chauvin (Jura, LR), Guillaume Chevrollier (Mayenne, LR), Pierre Cuypers (Seine-e, Nathalie Delattre (Gironde, Rassemblement Démocratique et Social Européen), Chantal Deseyne (Eure-et-Loir, LR), Dominique Estrosi-Sassone (Alpes-Maritimes, LR), Christophe-André Frassa (Français établis hors de France, LR), Daniel Gremillet (Vosges, LR), Pascale Gruny (Aisne, LR), Charles Guené (Haute-Marne, LR), Alain Houpert (Côte-d’Or, LR), Corinne Imbert (Charente-Maritime, apparentée LR), Alain Joyandet (Haute-Saône, LR), Florence Lassarade (Gironde, LR), Daniel Laurent (Charente-Maritime, LR), Antoine Lefèvre (Aisne, LR), Dominique de Legge (Ille-et-Vilaine, LR), Pierre Médevielle (Haute-Garonne, Les Indépendants – République et Territoires), Franck Menonville (Meuse, Les Indépendants – République et Territoires), Sébastien Meurant (Val-d’Oise, LR), Louis-Jean de Nicolaÿ (Sarthe, LR), Jean-Jacques Panunzi (Corse-du-Sud, LR), Kristina Pluchet (Eure, LR), Rémy Pointereau (Cher, LR), Jean-Paul Prince (Loir-et-Cher, Union Centriste), Frédérique Puissat (Isère, LR), Jean-François Rapin (Pas-de-Calais, LR), Bruno Sido (Haute-Marne, LR), Laurent Somon (Somme, LR).

Député européen : François-Xavier Bellamy.

Ex-députée européenne : Véronique Mathieu.

Président de région : Laurent Wauquiez (président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes).

Membre honoraire du parlement, ancien député : Jean-Charles Taugourdeau.

Société civile : Claude Aguttes (commissaire-priseur), Bertrand Alliot (chercheur, naturaliste, ancien administrateur nationale LPO), Guillaume Beaumont (secrétaire de la Société des Amis de Chambord), Olivier Berthold (président de l’Association Nationale des Chasseurs de Gibiers d’Eau), David Bizet (chef étoilé), Pascal Bruckner (écrivain, philosophe), Thierry Cabanes (président FDC Tarn-et-Garonne), Urbain Cancelier (acteur), Bruno de Cessole (écrivain), Nicolas Chaudun (écrivain), Jacques-François de Chaunac-Lanzac (ancien directeur de la Fondation François Sommer), Benoît Chevron (président FDC Seine-et-Marne, conseiller régional), Thierry Clerc (président de la FICIF et de la Fédération régionale d’IDF), Johanna Clermont (influenceuse chasse), Jean-Marc Delcasso (président FDC Hautes-Pyrénées), Jean-Philippe Delsol (avocat), Frank Demazure (président FDC Aisne), Jean-Pierre Digard (ethnologue et anthropologue), Jean-Luc Fernandez (président FDC Ariège), Marie de Greef (journaliste), Jean-Louis Gouraud (écrivain), Louise Groux (artiste peintre), Charles-Marie Jottras, Philippe Justeau (président FDC Maine-et-Loire et de la Fédération régionale des Pays de Loire), Benoit Labarthe (président de l’Association des autoursiers et fauconniers français), Stanislas Larget-Piet (président du Club Chasse HEC), Jean Le Bret (vice-président du Club Chasse HEC), Didier Lefèvre (président Union Nationale des Associations de Piégeurs Agréés de France), Gilles Luneau (journaliste, essayiste), Emmanuel Michau (chef de la Délégation française du CIC, Comité International pour la Chasse durable et la protection de la biodiversité), Paul Mougenot (conseiller départemental de l’Aisne, agriculteur, président de l’Association nationale de conservation du petit gibier), Olivier Nasti (chef étoilé), Benoît Perrot (président d’Aktis Partners), Jérôme Philippon, Emmanuel Pierrat (avocat, écrivain), Alexandre Poniatowski, Eddie Puyjalon (président du Mouvement de la Ruralité), Gerbert Rambaud (avocat, essayiste), Humbert Rambaud (rédacteur en chef Jours de Chasse), Richard sur Terre (Youtubeur), Dany Rose (président FDC Loire-Atlantique), Pierre de Roüalle (président de la Société de Vénerie), Henri Sabarot (président FDC Gironde), Antoine Sinniger (ancien président du Pôle international du cheval de Deauville), Éric Turquin (expert en tableau), Dominique Villeroy de Galhau, Thibault de Witte (artiste peintre), Steven Zunz.

La question animale n’est pas négociable

Le rapport aux animaux est incontournable pour l’humanité au début du 21e siècle et il n’y a aucune raison de ne pas être vegan. Tout relativisme à ce sujet est une convergence avec les forces du passé cherchant à retarder les échéances, à bloquer le caractère universel et universaliste du véganisme.

La vérité est qu’il faut une révolution des mentalités, qu’aucun compromis n’est faisable avec une société cherchant à « inclure » toutes les différences, à mettre sur le même plan le véganisme et le flexi-tarisme, le véganisme et la consommation de produits d’origine animale, au nom du « respect des différences » et de l’individualisme.

Il est évident que le véganisme n’est pas compatible avec le libéralisme, sous aucune forme. Qui ne le voit pas est obligé de basculer dans la capitulation à un moment ou à un autre. Et on sait comment les capacités de corruption de la société sont nombreuses !

Voilà pourquoi nous soulignons que pour être vraiment vegan, il faut être vegan straight edge, c’est-à-dire refuser et réfuter l’alcool, les drogues, les relations sexuelles sans lendemain, et plus généralement d’ailleurs toutes les fuites dans ce qui intoxique, depuis les jeux d’argent jusqu’aux séries du type Netflix ou Amazon.

L’humanité est à un tournant : elle doit reconnaître qu’elle n’est pas un « empire dans un empire », mais une simple composante de la Nature. Elle doit modifier ses propres valeurs, se soumettre à la Nature et la servir. Tout le reste n’est que fuite en avant délirante d’une humanité s’imaginant posséder une dimension divine.

Les gens tendent d’ailleurs toujours plus à se poser comme des sortes de « néo-dieux » ayant le droit de s’approprier ce qu’ils veulent s’ils peuvent le consommer, de prétendre être ce qu’ils ne sont pas parce qu’ils auraient « choisi », de vivre dans leur bulle particulière sans aucune responsabilité collective, d’être entièrement différent et comparable à personne.

Tout cela est l’expression d’une humanité en perdition, hors-sol, ayant perdu toute orientation cohérente en raison de la cassure assumée avec la Nature. Cela doit cesser.

En avant vers l’Eden !

La faillite de Sea Shepherd avec «Rewild» et celle de L214

Nous voulons ici documenter deux phénomènes qui se sont exprimés tout récemment et qui expriment la faillite de toute une génération qui s’est placée sous l’égide de Sea Shepherd et de L214. Il s’agit de l’échec complet (et terrifiant) du projet « Rewild », dont Sea Shepherd a été le moteur, ainsi que la parution par Mediapart d’un dossier à charge contre L214.

Cette documentation critique est justifiée par le fait qu’on parle là des deux associations qui, ces dix dernières années, se sont accaparée les forces vives de la cause animale, en termes de militants, de soutiens, d’argent. Il faut bien dire accaparer, parce que ces associations ont adopté un profil consensuel visant clairement à isoler les gens de trois choses : des refuges, de l’ALF et d’un débat avancé sur la nature du véganisme comme rupture.

L’échec emblématique du projet « Rewild »

L’association Rewild a beaucoup fait parler d’elle en 2020 suite à l’annonce du rachat d’un zoo en Bretagne : le zoo de Pont-Scorff. Le but du projet était de transformer le site en lieu d’adaptation pour les animaux issus de saisies en vu des les « ré-ensauvager » ou des leur trouver une place dans un sanctuaire.

Les critiques ont été très vives, en premier lieu dans le monde des zoos : le projet serait farfelu, ingérable, un gouffre financier, les personnes incompétentes, etc. Face à eux, beaucoup de personnes ont soutenu le projet tant moralement que financièrement.

Le 20 mai 2021, un an et demi après avoir racheté le zoo, le projet est un échec : le zoo a été liquidé et racheté par un repreneur qui souhaite rouvrir les portes au public. Et bien évidemment, les principales figures du projet se déchirent entre elles, formant deux camps qui règlent leur compte sur les réseaux sociaux, et par tribunal interposé.

On annonce que le nouveau repreneur est prêt à collaborer avec les personnes qui ont trouvé des places pour des animaux du zoo afin qu’ils puissent terminer leur vie hors du zoo. Quand bien même. Ce projet reste une faillite morale très grave qui pèsera lourdement sur les animaux et tout véritable mouvement de libération.

Les premiers mois suite au rachat du zoo

A l’origine, le projet Rewild est une coalition d’association qui déclare que son but est le « ré-ensauvagement » d’animaux sauvages vivant en captivité. L’achat d’un zoo ne faisait donc pas partie des pistes envisagées : c’est seulement en apprenant la situation du zoo de Pont-Scorff que le projet se penche sur cette opportunité.

Jérôme Pensu, une figure majeure ici, dit qu’il a longuement discuté avec le gérant de la SARL Bretagne zoo qui possède le zoo. Convaincu, ce dernier accepte de vendre le zoo à Rewild qui prend les commandes de la SARL. A ce moment là, le zoo est dans un piteux état, beaucoup de travaux sont à réaliser, et ce depuis des années et des années. On se demande bien comment l’ancien gérant a pu changer d’avis : Jérôme Pensu aurait-il réussi à lui ouvrir les yeux sur le sort des animaux de son zoo ? Aurait-il réussi à le faire changer de camp ?

Rappelons tout de même que le projet ne compte que sur les dons pour vivre, le temps de mettre en place une nouvelle économie. Mais laquelle ? Les choses ne semblaient pas alors bien tranchées aux débuts. Pour payer les salaires, le rachat de la SARL, payer les frais vétérinaires, la nourriture, etc. Rewild annonce lors qu’il faudrait environ 80 000 euros par mois au minimum.

La première cagnotte a connu un franc succès avec plus 700 000 euros récoltés en quelques jours, notamment grâce à l’implication du très vendeur Hugo Clément. Il faut être très optimiste pour s’imaginer tenir dans la durée avec de tels frais de fonctionnements. Sans parler des travaux à réaliser, ne serait-ce que pour être conformes à la réglementation, qui peuvent compliquer encore la tâche.

En clair : le projet sort de nul part, demande des dons en masse grâce à des figures médiatiques, et espère maintenir ce fonctionnement le temps qu’une « nouvelle économie » se mette en place. Tout cela semble tellement déconnecté de la réalité, et pourtant l’idéalisme l’a emporté.

Le rachat et les premiers contrôles

Arrive alors le 16 décembre 2019 et le changement de propriétaire : dès le lendemain de son arrivée, Rewild ferme l’accès au public et reçoit une mise en demeure de la part des services vétérinaires. Les contrôles et les ennuis avec les services vétérinaires commencent très rapidement, différentes informations seront remontées à la presse et les attaques contre le projet commencent.

Plusieurs mois passent, non sans difficulté, et en septembre 2020, Rewild tient une conférence de presse afin de répondre publiquement aux principales accusations qui sont faites. Sont présents : Gilles Moyne et Laurane Mouzon du Centre Athénas, Lamya Essemlali de Sea Shepherd France, Jérôme Pensu du Biome et Jean Tamalet l’avocat de Rewild.

La conférence de presse

L’objectif principal est de répondre aux principales attaques formulées contre le projet :

1. Rewild est soupçonné d’avoir laissé mourir beaucoup d’animaux, avec le fameux chiffre de « 2 tonnes de cadavres d’animaux » récupérées par la société d’équarrissage lors de son premier passage.

2. L’absence de certificats de capacité.

3. Toujours pas d’animaux relâchés.

4. Absence de registre vétérinaire.

5. Utilisation de médicaments périmés.

Rewild répondra clairement, à chacune de ses accusations, en rappelant les responsabilités des anciens gérants (animaux dans les congélateurs à leur arrivée, d’où les 2 tonnes), ou la flexibilité des services vétérinaires vis-à-vis d’autres zoos (certificats de capacité manquant pour certaines espèces de temps en temps). Les exagérations et affirmations fausses (absence de certificat de capacité au lieu d’absence de certains certificats de capacité), médicaments périmés alors que non, etc. seront aussi démenties.

Tous rappelleront également le temps que nécessite le travail de « ré-ensauvagement » et les complications qui sont arrivées avec la crise Covid. L’explication, posée, reste néanmoins beaucoup plus nuancée que les annonces faites lors de la naissance du projet et de la première cagnotte : besoin de vendre, de faire le « buzz » et jouer sur les émotions plutôt que sur la raison ?

L’avocat de Sea Shepherd France dans la partie

Il reste deux points qui méritent d’être mentionné : tout d’abord la figure de l’avocat. Celui-ci se présente au début de la conférence et explique qu’il travaille pour un grand cabinet international : gage du sérieux du projet. Le cabinet en question est King & Spalding, l’un des trente premiers cabinets d’avocat au monde, par revenus, et qui compte plus de 1 100 avocats.

Qu’un tel projet s’aide d’un avocat… pourquoi pas. Mais il est tout de même étonnant de voir un tel professionnel intervenir ici. Toutes les associations qui s’occupent d’animaux n’ont pas le luxe de travailler avec un avocat qui se retrouvera à conseiller le médiatique ex-PDG de Renault, Carlos Ghosn, en janvier 2021.

Nous n’en saurons pas plus concernant les frais d’avocat de Rewild qui, rappelons-le, ne vit que de dons de particuliers, de « généreux mécènes » et d’autres associations. Est-ce Sea Shepherd France qui apporte ici une autre contribution financière étant donné que Jean Tamalet est également leur avocat ? Pas de réponse à cette question, presque anecdotique au vu des toutes les questions qui subsistent.

Pour terminer sur l’aspect juridique, il est intéressant de noter qu’il est annoncé lors de cette conférence que le cabinet de Jean Tamalet va déployer « un bouclier juridique » autour de l’équipe de Rewild. Ainsi qu’une pluie de « missiles » : il « attaquera systématique tous ceux qui entraveront le projet de manière illicite ».

Donc au moment de la conférence de presse, Rewild qui n’a pas brillé par sa communication, qui n’a pas de projet net et précis concernant sa nouvelle économie, qui découvre l’étendue des travaux à réaliser, etc. nous annonce que des « missiles » (juridiques) seront lancés vers tous ceux qui s’en prendront au projet. Cette agressivité reflète un vrai problème de fond alors, comme on s’en doute.

On touche en fait ici au deuxième point qui mérite d’être mentionné : d’un côté Rewild se veut le grand défenseur de la nature sauvage face aux zoos qui ne respectent rien, et de l’autre Rewild demande à être traité de la même manière que les autres zoos.

Un « traitement équitable »

Résumons : en France, en 2020, des personnes expliquent fièrement que leur projet est une menace pour les zoos et l’industrie de la captivité, soit tout un pan de l’exploitation animale, et viennent ensuite demander que l’État français leur réserve un traitement équitable. On tombe ici au niveau zéro de l’engagement. Comment demander un traitement équitable à un État qui autorise et défend la vivisection ?

Il n’y a pas de traitement équitable possible. La seule option pour un tel projet était d’être irréprochable et inattaquable. Chercher à s’en sortir, au bout de dix mois, en expliquant que les principales attaques sont soit dues aux anciens responsables, soit de la diffamation des services vétérinaires (pour reprendre la défense de Rewild)… et jouer les pauvres victimes innocentes, est incompréhensible.

D’ailleurs, une question qui revient inévitablement est : ne connaissaient-ils pas l’état du zoo avant le rachat ? Si non, pourquoi s’être lancé dans une aventure qui risquait d’être plein de (très) mauvaises surprises ? Les animaux ont-ils été ici réellement pris en compte ou bien ont-ils les victimes d’une sorte de projection idéaliste, forçant les choses?

Là encore : Rewild avait une idée, mais ne s’imaginait pas que le zoo serait dans un tel état. Une trop bonne affaire à saisir, une « opportunité » à ne pas rater ?

Difficile de ne pas voir aujourd’hui qu’il s’agissait d’une grande opération de communication sans fondement solide : l’exploitation animale en sort vivifiée et les animaux en général sont ici les grands perdants.

Rewild peut bien lister en détail les contrôles inopinés des services vétérinaires que ce soit dès le lendemain du rachat ou encore le premier jour où le site se trouve en défaut de capacitaire concernant certaines espèces (suite au départ d’une personne). Le projet peut bien se plaindre du « harcèlement » juridique dont il est l’objet, de l’absence de dialogue avec les services vétérinaires, etc. Le problème reste là : ces gens semblent découvrir la réalité, la France et son indifférence, le capitalisme et son cynisme, la vanité de la communication comme fin en soi, l’ampleur de ce que représente un travail quotidien de soins animaliers…

Ces gens découvrent ainsi que la France n’a rien contre les burgers vegan parce qu’elle s’en fout mais qu’elle va siffler la fin de la récréation une fois qu’on annonce s’attaquer un petit plus concrètement à l’exploitation animale et sa corruption.

Rewild voulait d’ailleurs moderniser en fait légèrement le capitalisme, étendre un peu une niche née dans les centre-villes et s’est heurté à la réalité. Il y a des espaces démocratiques, il y a des espaces pour protéger tant bien que mal la faune sauvage en France en 2021. Des espaces limités mais existant malgré tout. Mais il n’y a pas de place annoncer fièrement que l’on va mettre à mal tout un pan de l’exploitation animale parce que des bobos l’ont décidé dans leur coin.

De la conférence de presse à la liquidation

Après la conférence de presse de septembre 2020, la situation ne s’est pas améliorée pour Rewild : six mois plus tard, la société est placée en liquidation et le zoo est finalement racheté par une entreprise qui ouvrira les portes au public.

Que s’est-t-il passé ?

Le projet a initialement continué, la situation des animaux s’est améliorée, mais l’état du zoo est resté déplorable. Il n’y a pas eu de rentrée d’argent fiable : Sea Shepherd injecte énormément d’argent et essaie de faire jouer ses mécènes ; d’autres associations entrent en jeu vers la fin pour éviter pour éviter le pire, comme la fondation Brigitte Bardot qui a débloqué 50 000 euros pour payer l’alimentation et les soins.

On n’en apprend toujours pas davantage sur la fameuse « nouvelle économie » : les informations publiées sur Facebook se concentrent sur les attaques du monde du zoo et des services vétérinaires jusqu’à l’hiver à l’automne, avant de laisser plus de place à la vie du centre et des animaux.

Cette communication devient alors très au jour le jour et cela donne étrangement l’impression que le projet est implanté depuis un certain temps et que tout fonctionne plus ou moins correctement. Comme si tout allait bien alors que les frais de fonctionnement mensuels sont très élevés, qu’il y d’importants travaux à réaliser, des transports d’animaux (les premiers « ré-ensauvagements »)… Le projet est attaqué de partout et n’en est même pas au stade d’une potentielle stabilité financière, mais officiellement tout va bien.

La suite est alors terrible : en mars 2021 la société est en liquidation, et le zoo sera finalement racheté afin de redevenir un zoo avec ouverture au public.

Et comme si cela ne suffisait pas, aux problèmes financiers se sont ajoutés les conflits internes avec d’un côté Sea Shepherd et de l’autre Jérôme Pensu ainsi que les trois quarts des soigneurs sur site.

Le premier signal a été le départ du centre Athénas qui a préféré prendre ses distances avec le projet Rewild, sans donner plus d’explication. Le discours est classique : on ne donne aucune explication, mais on souhaite le meilleur à l’équipe, etc.

La cause du conflit

Le camp Pensu reproche à la présidente de Sea Shepherd France, Lamya Essemlali, : 1) d’avoir été rude avec des soigneurs et d’avoir accusé Jérôme Pensu d’être la cause de tous les problèmes de Rewild ; et 2) d’avoir lancé une « OPA hostile » à l’encontre de Rewild.

De son côté, Sea Shepherd France et sa présidente, très peu présents sur site, suivent le projet à distance et font confiance à Jérôme Pensu jusqu’au moment où la présidente découvre, selon ses dires, que le site n’est plus assuré (début 2021) et qu’il y aurait beaucoup de laisser-aller sur place.

Sea Shepherd France aurait alors exigé d’avoir plus de poids au sein de la gestion de Rewild. En clair, de ne plus laisser Jérôme Pensu aux commandes, voire de le mettre à l’écart progressivement. Le situation s’envenime alors rapidement : Sea Shepherd France ne trouve pas normal qu’un tel soutien financier ne permette pas d’avoir davantage de poids dans la gestion, et finit par se couper du projet lorsque la SARL est officiellement en liquidation, car l’association se positionne comme repreneur et ne pourrait donc plus intervenir de la sorte.

Chaque camp défend sa version et jure qu’il n’y a aucun problème d’ego de son côté, que tout ceci dessert les animaux et qu’il est dommage d’en arriver là, etc.

On tombe déjà très bas avec ce niveau et quand chaque camp évite soigneusement de répondre à une partie des critiques de l’autre, tout cela sent malheureusement beaucoup trop la magouille.

Liquidation de la SARL et coups-bas

Ce qui se trame en arrière-plan à partir du début de l’année 2021 et surtout avec l’annonce de la liquidation en mars est toutefois clair : chaque camp essaie de passer pour le bon élève aux yeux de l’État et de la Justice.

L’escalade continue jusqu’au point où Sea Shepherd France dénonce la cagnotte mise en place par l’autre équipe et coupe les accès aux réseaux sociaux.

Ces règlements de compte iront même jusqu’au tribunal… les uns cherchent à récupérer les accès aux réseaux sociaux, les autres à mettre sur la touche un gérant qui n’aurait plus aucune légitimité.

Les mêmes qui faisaient front en septembre pour dénoncer l’économie des zoos et de la captivité, qui n’avaient pas peur des attaques des services vétérinaires, se retrouvent six mois plus tard à se chamailler et demander l’intervention de la justice française ? On marche sur la tête.

On ne peut pas bomber le torse face à l’exploitation animale lors d’une conférence de presse un jour pour tomber aussi bas le lendemain.

On passe ainsi de : c’est de la faute des anciens gérants qui nous ont laissé un zoo dans un état lamentable, aux services vétérinaires qui font délibérément du zèle pour nous faire couler et enfin au monde des zoos qui nous perçoivent comme une menace à éliminer… à c’est de la faute de Jérôme Pensu / c’est de la faute de la présidente de Sea Shepherd France.

La dégringolade continue encore

D’un côté la présidente de Sea Shepherd France vient expliquer que tout est de la faute de Jérôme Pensu, qui serait un manipulateur et qu’elle lui a fait confiance à tort. Ce qui revient plus ou moins à reconnaître que Sea Shepherd France peut se permettre le luxe de dilapider des centaines de milliers d’euros sans trop se préoccuper de leur utilisation. Cela aussi il faut en parler. Il y a un vrai problème ici. Les refuges n’ont pas un euro et là on a ça ? C’est inacceptable.

La présidente de Sea Shepherd France affirme également qu’elle a pu discuter avec le préfet qui s’est montré très coopératif et aimable. Ce dernier aurait expliqué que le problème n’était pas Rewild, mais Jérôme Pensu. Tout naturellement, Sea Shepherd France publie alors des témoignages de membres apparemment fondateurs de Rewild qui attaquent publiquement Jérôme Pensu avec beaucoup de sous-entendus.

Quand bien même Jérôme Pensu serait un incompétent et un manipulateur de haut rang… chercher à s’en sortir d’une telle manière est tout simplement anti-démocratique et inacceptable. Il y a un principe qui s’appelle la démocratie, la vraie démocratie : celle des débats, de la raison, des échanges, des valeurs… Encore faut-il une base ferme pour cela, avec des valeurs développés. Et ne pas se comporter comme un petit boutiquier qui vient s’en prendre au concurrent qui vient d’ouvrir son commerce dans la même rue.

Un véritable spectacle pour l’exploitation animale

Une base idéologique ferme permet aussi d’éviter des déclarations invraisemblable. Comme par exemple lors du live de l’équipe du site de Pont-Scorff dans lequel Jérôme Pensu défend calmement et fièrement le fait de s’engager payer intégralement le rachat de la SARL. Il s’agirait d’une question de principe et d’honneur.

Principe ? Honneur ? Tenir à payer des dettes d’un zoo, d’un société issue de l’exploitation animale, par principe avant tout… au nom de l’honneur… cela est incompréhensible. Des capitalistes qui ont investi dans l’exploitation animale risquent de perdre de l’argent si la société fait faillite, et certains qui disent défendre les animaux se font du souci ?

Tout cela contraste encore une fois avec l’attitude de la conférence de presse de septembre 2020. On ne peut pas attaquer toute l’économie des zoos, être prêt à balancer des noms de zoo qui ne respectent rien et se retrouver à faire la course à qui sera le plus « respectable » d’une telle manière.

D’un côté Sea Shepherd France vient jouer les victimes manipulées et chercher l’appui de la préfecture afin de récupérer le projet, de l’autre Jérôme Pensu, droit dans ses bottes, rejette tout sur Sea Shepherd et essaie de rester présentable et de passer pour la personne modérée, le contact fiable.

Six mois après avoir promis une pluie de « missiles » juridiques, après avoir attaqué les services vétérinaires, après avoir dénoncé la complicité de ces derniers avec les grands noms des zoos… le projet coule donc, après une guerre interne qui aura été un véritable spectacle pour l’exploitation animale.

Les uns et les autres peuvent se voiler la face et raconter qu’il y a une victoire dans la défaite : soit parce que l’esprit de Rewild vit encore, soit parce que le nouveau repreneur est ouvert à la discussion concernant le ré-ensauvagement de nombreux animaux… mais la réalité est qu’il s’agit d’une importante défaite.

Deux tendances modernisatrices en concurrence, parties en roue-libre

La source de cette situation, c’est l’invasion de petits-bourgeois végétaliens s’imaginant avoir des opportunités de business et de carrière. On a une vraie vague de fondations de pseudos-associations, d’appels au financement par crowd-funding pour telle épicerie, tel restaurant… Les élans modernisateurs capitalistes ont carrément tenté de passer en force, après s’être senti poussé des ailes durant les années 2010 avec le « véganisme » version fast-food de centre-ville. On ne rappellera jamais assez la critique dure de Barry Horne, figure de l’ALF et de l’ARM, envers cette démarche, dès les années 1990 !

Cet élan a consisté ici en deux tendances, de sensibilité différente mais convergeant sur le fond. Il y a la plus modernisatrice, la plus confiante menée par Sea Shepherd France et sa présidente, et l’autre plus ancienne, davantage ancrée dans le paysage officiel, plus terre à terre. La première se sent pousser des ailes avec l’aide de ses mécènes prêts à lancer le capitalisme vegan dans toutes les directions, aidé de son image « moderne ». La seconde, plus discrète, plus ancienne, se veut plus raisonnable, plus ouverte au compromis.

Les deux se sont alliées avec un objectif commun, la seconde suivant la première alors à son apogée. Seulement, la réalité a sifflé la fin de la récréation : le projet commençait à être un peu trop ambitieux, il était temps d’en finir. Et il n’aura pas fallu grand-chose pour couler Rewild et faire éclater les tensions entre les deux parties.

La première tendance s’est crue invincible et espérait regarder le tout de loin avant récupérer la mise. Les choses ne sont pas passées comme prévue, et là, panique à bord, il fallait à tout prix reprendre en main le projet quitte à se débarrasser de la caution respectable.

On ne peut qu’être choqué par l’énergie et les sommes investies en un an et demi. Tout ça pour moderniser un centre d’exploitation animale, en somme ! Et le problème aujourd’hui est double : l’exploitation animale ressort grandie de tout cela, et l’absence de véritable culture va encore plus assécher le niveau de conscience catastrophique en France.

La fin de Rewild à Pont-Scorff

Après des débuts difficiles avec les services vétérinaires, le projet s’est terminé officiellement le 20 mai 2021 lorsque le tribunal de commerce a choisi de confier le site à un zoo, et donc de le rouvrir au public. La date du 29 mars 2021, annonce de la liquidation, avec la fin de Rewild sur le site de Pont-Scorff, a été le moment pour les deux camps d’exposer chacun leur projets de reprises et de continuer la guerre fratricide.

Le projet de l’équipe du site

Autour de Jérôme Pensu, des soigneurs ont proposé de monter une SCOP (Société coopérative et participative) afin de sauver le projet initial de Rewild : « Save Rewild Project ». Il n’y a eu que très peu de communication, une page Facebook avec quelques publications, un compte Instagram et une intervention lors d’un podcast… le tout très peu suivi.

Une équipe, qui n’a plus le soutien de Sea Shepherd France qui a injecté plus de 500 000 euros pour maintenir le projet en vie, s’imagine sérieusement qu’une SCOP va miraculeusement permettre de continuer ?

Même en admettant que les talents de gestionnaires ait permis de baisser les dépenses mensuelles de 120 000 à 80 000 euros, on se demande bien comment cette nouvelle entreprise pourrait faire pour ne serait-ce qu’éviter une faillite au bout de trois mois.

C’est un projet d’une naïveté, apparente, à peine croyable pour au final, d’ailleurs… apporter son soutien au nouveau repreneur :

« La SCOP ne pourra malheureusement pas voir le jour. Ainsi, nous avons donné notre soutien au porteur du projet de Breizh Park, Monsieur Sébastien Musset. »

La raison est que ce nouveau projet serait très proche de l’esprit de Rewild, que la seule différence est l’ouverture au public… En clair, celui-ci relèverait simplement d’une exploitation animale modernisée, donc pourquoi pas ! Ces gens disent finalement : soutenons la modernisation de la captivité et d’ici un ou deux millions d’années, l’humanité devrait arriver à un rapport correct envers les animaux, ne brusquons pas l’économie, ne critiquons pas de braves investisseurs, entre capitalistes modernisateurs, on se respecte.

Le rouleau compresseur de Sea Shepherd France

Bien entendu, Sea Shepherd France s’est comporté comme un bon boutiquier et a décidé de défendre son projet et détruisant son premier concurrent.

Contrairement à l’équipe du « Save Rewild project », Sea Shepherd France communique. Beaucoup. La cible n’est plus la préfecture, ni les services vétérinaires, ni même les autres zoos. La cible principale est Jérôme Pensu.

La page Facebook du projet Rewild, gérée par Sea Shepherd (ou du moins le camp pro-Sea Shepherd France au sein de Rewild), partage ainsi un article d’Ouest France du 17 avril 2021 intitulé :  « ENQUÊTE. Zoo de Pont-Scorff : du projet Rewild à la liquidation judiciaire, les raisons d’un échec »

Est-il bien nécessaire de préciser que l’article n’est pas complètement contre la préfecture ni les analyse de l’Association française des parcs zoologiques, association très critiquée lors de la conférence de presse de septembre. En revanche, il est se montre très critique envers Jérôme Pensu – qui a toutefois l’opportunité de se défendre un peu.

Inutile non plus de préciser que Sea Shepherd est y présentée sous un beau jour et que sa présidente a eu la possibilité d’expliquer qu’elle est une pauvre victime innocente, trahie par l’infâme Jérôme Pensu.

« Le choix de placer une personnalité aussi forte et radicale que celle de Jérôme Pensu à la tête du projet est aussi source de vives critiques. D’homme providentiel, il est devenu « l’erreur de casting », « le pire ennemi de Rewild », selon Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, qui le portait aux nues un an et demi plus tôt.

[…]

Aujourd’hui, Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, déchante aussi. « Au début, j’ai vu l’énergie débordante, le pédagogue, le bon orateur. Puis j’ai entraperçu une mégalomanie. Aujourd’hui, je vois un manipulateur. Il a le don d’arranger la vérité. Et cultive le syndrome de la persécution et de la victimisation. » Depuis la scission, elle s’est désolidarisée, tout comme l’avocat de Sea Shepherd, des plaintes déposées, entre autres, contre le directeur de la DDPP [directions départementales de la protection des populations] (abandonnée depuis), les Thomas, la famille propriétaire des terrains du zoo. »

Cette même page partage ensuit un article du Jounal du Dimanche du 18 avril 2021, à charge envers Rewild. L’article aurait pu être écrit par le Syndicat national des directeurs de parcs zoologiques à ce niveau-là : pseudo neutralité, on reconnaît quelques points positifs à la fin après avoir démoli le projet. L’article cite des réactions d’une des associations qui s’est mise en retrait de Rewild dès le début, de « l’entourage de la ministre de la Transition écologique », du préfet, des propriétaires du terrain…. et la présidente de Sea Shepherd France qui rappelle que son association a « déboursé plus de 500 000 euros » pour maintenir Rewild en vie.

L’article est politiquement une attaque du camp adverse, mais puisqu’il permet à Sea Shepherd France de démolir Jérôme Pensu et de se mettre en avant… l’organisation n’hésite pas à partager : tout est bon dès qu’il s’agit de s’attaquer à la concurrence directe.

Le projet de reprise de Sea Shepherd France

Contrairement à la SCOP passée presque inaperçue, le projet de Sea Shepherd a beaucoup été mis en avant. Une importante opération de marketing, dont le fond est à peine croyable au vu des prétentions de l’organisation.

En bonne agence de communication, Sea Shepherd Frane a produit une brochure de 24 pages expliquant son projet de reprise. Elle commence par une citation du capitaine Paul Watson, fondateur de Sea Shepherd :

« Il est temps de réconcilier Conservation, Compassion et Économie.

Ce projet de reprise de l’ancien zoo de PontScorff s’inscrit dans un contexte écologique et sociétal en pleine évolution et propose une approche en adéquation avec son époque.

Je soutiens l’initiative de Sea Shepherd France à 200% »

Tout est dit.

Avant de continuer, rappelons comment commence la présentation de la page Facebook de Sea Shepherd France :

« Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action. »
Victor Hugo, Les Misérables

Il faut de l’action… mais surtout « réconcilier » compassion et économie. Les affaires d’abord !

Revenons à la brochure. Après la citation du capitaine en plein page, celle-ci veut présenter le contexte et l’introduit d’une manière improbable :

« « S’adapter ou disparaître » Principe darwinien sur l’évolution des espèces appliqué à l’économie des zoos »

Ici on touche le fond. Cette vision relève du néo-darwinisme, qui s’imagine que tout est lutte, que la nature c’est la guerre des individus, que par conséquent ici un « bon » capitalisme permettrait de triompher sur le « mauvais » capitalisme.

S’en suit une logorrhée sur le projet dans ses grandes lignes. Avec des déclarations insipides comme :

« La solidité du modèle économique sur lequel Sea Shepherd appuie son développement permet également d’assurer la sécurité des emplois crées dans le cadre du Fonds de dotation et de la partie commerciale ouverte au public »

On voit très bien comment une mentalité gestionnaire a effacé l’engagement pour les animaux. On a ici un exemple de gens corrompus trahissant la cause.

Une nouvelle économie qui ressemble étrangement à celle présentée rapidement six mois auparavant

La partie la plus intéressante arrive à la fin de cette première moitié et explique comment fonctionnera le site avant l’arrivée de cette économie miraculeuse : mécénat, « levées de fonds » ainsi que quelques soutiens financiers supplémentaire.

En somme, le même modèle que depuis le lancement ! Étrange pour une organisation qui n’a cessé d’expliquer partout qu’elle propose de quelque chose de totalement différent, qu’elle sera en mesure de reprendre le site, etc.

Arrive ensuite la deuxième partie avec la description des structures commerciales prévues.

1. une boutique Sea Shepherd (vêtements, livres principalement).

2. 1,5 à 2,5 hectares d’espaces dédiés à divers évènements : centre de réalité virtuelle, stages de permaculture, conférences, marchés et animations, espaces pour les professionnels, salon de tatouage Sea Shepherd (il en existe déjà un au Pays-Bas depuis 2018)…

3. Sea Shepherd café avec restaurant, bar, cave à vin et cave à bière, et ateliers de cuisine végétale.

Donc Sea Shepherd veut faire vivre le site via des conférences d’entreprises, des stages de permaculture, des ateliers de yoga, un salon de tatouage et un restaurant vegan ? C’est là le capitalisme vegan dans toute sa splendeur. Bobos de tout le pays, unissez-vous! Tout le pouvoir aux centre-villes !

On comprend que Sea Shepherd soit fière d’annoncer son partenariat de deux ans avec… l’assureur Allianz ! Il faut saisir ce que cela représente. Allianz, c’est le premier assureur européen, c’est 130 557 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2018. S’imagine-t-on vraiment Allianz être dans le bon camp, une partie de la solution à la question du rapport de l’humanité aux animaux ?

Disons les choses telles qu’elles sont. Ici la morale et la compassion sont effacées, seul compte le petit commerce moderne, en phase avec son époque. Sea Shepherd ne vise pas à porter une culture fondée sur la compassion et la défense de la vie, de toute vie, mais sur la défense de son fond de commerce. L’organisation ne vise pas à toucher les larges masses et défendre une morale forte face à l’horreur. Non, elle préfère se comporter comme une petite entreprise qui surf sur une vague et espère rester sur la crête le plus longtemps possible afin d’engranger un maximum de bénéfices.

Sea Shepherd est devenue une fin en soi.

La faillite morale de L214

L’échec de L214 est d’un autre type, mais sur le fond cela revient au même. On peut ici s’appuyer sur le dossier de Mediapart publié le 21 mai 2021, « Burn-out, «harcèlement»…: d’anciens salariés de L214 dévoilent l’envers du succès ».

Ce dossier a une dimension racoleuse et il ne pointe pas du tout les vrais problèmes, tout en constatant certains soucis. Mais si on dépasse la forme et qu’on s’oriente par rapport à la libération animale, les problèmes de fond sont tout à fait clairs.

Le dossier personnalise en effet la crise à L214, en disant que le problème, c’est que les conditions de travail ne sont pas « normales », qu’il y a une surcharge.

« Burn-out réguliers, départs contraints, forte charge de travail, accusations de harcèlement moral, mais aussi relatif aveuglement sur les questions de violences sexistes et sexuelles… Le tableau dressé auprès de Mediapart par une petite dizaine de personnes ayant travaillé pour l’association entre 2008 et 2020 est néanmoins sombre.

Depuis mars 2020, on compte une quinzaine de départs dans les rangs de l’organisation qui œuvre en faveur de l’antispécisme, du véganisme et de l’abolition de l’élevage. Cela représente un salarié sur cinq. »

Et Mediapart de citer des gens considérant qu’ils ont été cassés psychologiquement, d’autres qui considèrent qu’ils ont été des salariés cachés. Il y aurait des problèmes dans le travail d’équipe, certaines personnes auraient été mises de côté ou « harcelées » pour partir, il y aurait même harcèlement sexuel et viol de la part d’une personne, etc.

Or, qu’est-ce que ces reproches reflètent ? Que L214 n’est pas du tout une structure militante, mais une entreprise-association. Il n’y a pas de culture militante, il n’y pas de valeurs communes. On peut très bien avoir un poste important dans la gestion de L214 sans être vegan par exemple.

L214 est une fin en soi, d’où le décalage complet entre ce qui a été une activité militante, à l’initial, et ce qui est devenu un « travail comme un autre ». Quand on est militant, on est engagé H24, on ne raisonne pas en boutiquiers ou en salariés. Mais les gens embauchés de L214 ne sont pas des militants. D’où les reproches absurdes si on considère qu’on est dans une structure militante, mais cohérent si on est en entreprise.

« Un dimanche de mai 2017, on lui demande par exemple de monter urgemment une vidéo d’enquête portant sur des poules maltraitées pour une grande marque française.

Les nouvelles demandes ou les remarques pour modifier son travail se multiplient le dimanche, mais aussi toute la semaine qui suit… jusqu’au week-end suivant, avec des modifications à apporter à nouveau pour le dimanche matin, puis le dimanche soir.

Plusieurs mois plus tard, les fondateurs lui expliqueront que certaines demandes de modification étaient dues à ses propres erreurs, tout en convenant que « le timing était un peu serré ».

Le couple est loin d’être le seul à dérouler le même type de récit. Ainsi de Daniel*, qui a passé deux ans chez L214, au moment où le nombre de salariés avait déjà sérieusement grimpé.

« Pendant une année, je n’ai fait que travailler. Du lundi au dimanche, de 7heures à 22heures, relate-t-il. J’étais très motivé par ce que je faisais et je trouvais ça normal. Mais j’étais seul pour deux postes, j’avais peu de reconnaissance, et j’avais de plus en plus l’impression de faire du mauvais travail. »

Le jeune homme finit par s’effondrer. Il passe plusieurs jours à l’hôpital pour épuisement, s’arrête de longues semaines, puis reprend en mi-temps thérapeutique. « Je n’en pouvais plus », dit-il, décrivant aussi le burn-out d’une collègue proche.

Peu après cette spectaculaire sortie de route, les responsables semblent avoir brutalement pris conscience du problème. Les témoignages des salariés actuels insistent tous sur les consignes strictes données pour que chacun respecte les 35heures hebdomadaires inscrites sur son contrat. »

Un autre exemple très parlant mentionné par Mediapart est le cas de deux personnes traumatisés par le visionnage d’images « difficiles ». C’est totalement incohérent de leur part. Ces images sont en effet le fond de commerce de L214. À l’opposé, depuis le départ, LTD a par exemple refusé cela, considérant que c’était de la manipulation émotionnelle et indigne pour les animaux concernés. C’est un choix.

Les deux personnes se plaignant ont donc tort, car elles ne pouvaient pas ne pas savoir que L214 use et abuse de ces images sordides. En acceptant de travailler pour L214, elles ont signé pour cela. Ce qui est horrible et intenable psychologiquement. Mais elles ne peuvent pas le reprocher à L214… à moins bien sûr d’avoir une raisonnement de salariés passifs reprochant au patron ses conditions de travail.

D’ailleurs, Mediapart publie une réponse de L214 et de la majorité de ses salariés qui rejettent ces accusations. Ce qui est cohérent, car les gens se retrouvant à L214 ne le font pas par hasard. Sauf que le véritable problème reste entier : L214 fonctionne comme une entreprise, alors qu’elle est une association et surtout elle n’a aucune base militante, car aucun fondement solide.

L214 racole et est devenue une fin en soi. Alors que les refuges sont en détresse pour trouver cinquante euros, L214 a récolté 5,9 millions d’euros en 2020 (4,8 millions en 2019), dépense un peu moins de cinq millions d’euros par an pour son fonctionnement et a 7 millions d’euros de trésorerie.

C’est gigantesque, mais ce n’est pas tout. Il y a 74 salariés dont 63 en CDI (12 en 2015). Ce que cela veut dire, c’est que des activités militantes ont été intégrées dans un dispositif salarié, qu’au lieu d’avoir plusieurs personnes actives sans rémunération, on a concentré ces activités dans un nombre réduit de gens. La conséquence est que cela assèche par définition l’esprit militant.

L214 peut bien arguer que chaque salarié gagne 2025 euros net pour un travail à temps plein. D’abord, cela ne veut rien dire, ensuite il sera impossible de conserver cette démarche. Toute professionnalisation en mode « ONG » implique des recrutements pointus, dans un esprit bourgeois, avec des salaires à 5, 10 000 euros par mois.

Encore faut-il que L214 tienne, ce dont on peut douter. En effet, L214 c’est seulement 48 600 membres malgré une surface médiatique gigantesque. Seule une petite minorité est réellement active : on parle ici de 1 000 personnes, 2500 avant la pandémie, mais cela ne change rien au fond, car ces gens se recrutent sur le tas.

N’importe qui n’importe comment peut se retrouver à gérer une activité de L214 et il y a souvent des gens portant de multiples casquettes, agissant en même temps pour diverses associations. En fait, le turn-over est immense. L214 et d’autres associations pseudo-actives aspirent des gens, les épuisent à diverses activités, puis les remplacent par de nouveaux arrivants, alors que les autres disparaissent dans la nature.

Cela indique une crise morale, une crise culturelle : il n’y a pas de fond intellectuel, moral, culturel, on est dans le volontarisme, le velléitaire, sans continuité, sans établissement d’une réelle culture. L214 est devenue une entreprise-association mutante, s’adaptant à toutes les situations et tous les discours, à tous les gens.

C’est le même principe consensuel que pour Sea Shepherd. Et quelle est la conséquence ? Le militantisme vegan est d’une faiblesse inouïe, alors que ces associations pavoisent. Le niveau intellectuel et culturel de la scène vegan est nul, et d’ailleurs il n’y a pas de scène vegan.

Ce dont on doit parler ici, c’est d’un ratage historique, mais d’un ratage qui a une signification. Il y a eu un hold-up sur le véganisme de la part d’entrepreneurs et de petits-bourgeois en quête d’affirmation de leurs egos. Il y a eu une convergence avec la modernisation d’un capitalisme libéral très heureux de trouver de nouveaux marchés, tel les ersatz de « viande » ou bien la « viande » in vitro : voilà pourquoi L214 a reçu, en 2017, 1 347 742 dollars de la part d’Open Philanthropy Project, une structure mise en place par des millionnaires bobos américains.

Quel est le problème ? C’est qu’ici les animaux ne sont que des prétextes à des projections. Il n’y a pas d’amour pour les animaux, pour la Nature, il y a une sorte de misanthropie et de néo-christianisme. Si tel n’était pas le cas, il y aurait un énorme soutien aux refuges ces dix dernières années. Or, il n’y a strictement rien et la situation empire. C’est bien donc que tout cela se déroule à l’écart des animaux, avec les animaux comme prétexte.

Et, osons le dire, contre les animaux, parce que c’est en contradiction avec le fait que la situation mondiale empire de tous les jours pour eux, et que le seul but valable moralement, c’est la libération animale.

L214 et Sea Shepherd sont historiquement liées à la libération animale. Mais ces associations ont prétendu faire « mieux », elles ont prétendu une voie pour faire avancer les choses, alors qu’en réalité elles ont été intégré par un capitalisme ayant les moyens de corrompre.

Leur voie n’est pas celle à suivre.

En avant vers l’Eden !

En avant vers l’Éden !

Pour que la justice soit obtenue…

“Les yeux fixés sur les profondeurs de l’enfer maintenant je sais / Ce qu’est ma place dans ce monde / Car la justice ne sera obtenue que / Si je me jette dans la ligne de front”

Il y a énormément de choses qui sont mises sur la table par la pandémie et de ce fait il n’y a jamais eu autant à faire pour les amis des animaux, tant sur le plan pratique que sur celui de la réflexion.

Et il y a un constat absolument évident avant toute chose. Oui, il aurait mieux valu que l’humanité écoute l’ALF des années 1970-1990 et qu’il soit mis un terme à l’expérimentation sur les animaux, à l’utilisation généralisée des animaux pour les différentes industries dont l’agro-alimentaire. Oui, il aurait mieux valu que l’humanité écoute l’ELF des années 1990 et qu’elle cesse immédiatement la destruction des environnements sauvages.

Le Britannique Barry Horne est mort lors de sa grève de la faim en novembre 2001 dans l’indifférence de l’opinion publique internationale – vingt après il apparaît comme quelqu’un précurseur de la nécessaire bataille pour la compassion.

Le choix de la confrontation choisie alors reflétait l’exigence d’une époque : il portait les valeurs qui auraient pu permettre à l’humanité de ne pas se retrouver dans la situation où elle est aujourd’hui. La pandémie ne se serait pas produite si l’humanité ne s’était pas précipitée dans une démarche qui relève de l’élan destructeur pour l’ensemble de la planète.

Nous pensons donc, encore plus qu’avant, que tout a été dit déjà au début des années 1990 en ce qui concerne la question du rapport aux animaux et à la Nature en général. Oui, c’est bien d’une guerre dont il s’agissait et dont il s’agit.

Il suffit de lire les textes des nombreux groupes vegan straight edge d’alors, qui témoignent de l’affirmation de la rupture, pour voir à quel point tout était déjà très clair au début des années 1990 : Declaration of war, Holy War, This is it (The storm is coming), Firestorm / Forged in the flames, Declaration, Memento mori (Hunters will be hunted), Stand by…

C’est tellement vrai que même le repli, la retraite, le désengagement… avaient davantage de sens que la participation à une logique infernale. Il y a bien plus de dignité dans le Krishnacore des années 1990, ces gens alternatifs de la culture punk hardcore se tournant vers Krishna, comme les groupes 108 et Shelter, que dans tous ceux qui ont accepté comme une fatalité le triomphe de l’indifférence à l’égard de la misère – que celle-ci soit humaine ou animale.

Nous n’appartenons malheureusement pas à ces importantes années 1990 : nous faisons partie d’une génération formée au véganisme au début des années 2000. Nous pensions alors dans tous les pays que nous consistions la deuxième étape du mouvement : en réalité, nous étions les restes de la première vague.

Nous pensions que tout irait de l’avant : tout n’a cessé de reculer.

Les années 2010-2020 ont été marquées par l’apparition du véganisme à l’échelle du pays, là où c’était auparavant une démarche isolée, entièrement marginale, portée par des milieux uniquement alternatifs, que ce soit dans gens post-hippie ou dans la scène punk / hardcore. Le capitalisme « vegan » s’est massivement développé, les gens se définissant comme « militants » n’avaient plus rien à voir avec un quelconque esprit alternatif.

Fallait-il s’adapter, se corrompre, ou maintenir la flamme ?

Avant, assumer le véganisme, c’était assumer une marginalité de fait, à une époque où le mot n’était même pas connu de la société. Les gens qui ont fait le choix du véganisme dans les années 1990 subissaient une pression énorme, leur mérite n’en est que plus grand. C’est également vrai encore au tout début des années 2000 et nous saluons ce formidable combat mené.

Après, disons au fur et à mesure de la décennie 2010, adopter la pratique du véganisme, c’était de plus en plus simplement faire un choix de consommation, avec une prétention morale, mais bien souvent individuelle. Ce n’était plus une vision du monde, simplement un aspect considéré comme essentiel, mais plus relié à aucune culture alternative.

Nous n’avons bien entendu rien contre le nouveau et il faut bien évoluer. Mais ce que nous avons vu, c’est une nouvelle génération de personnes égocentriques, réduisant leur véganisme à une question individuelle. Cette démarche refusant toute dimension collective alternative est même allée avec la démarche générale de faire comme si l’ALF n’avait pas existé, comme si le véganisme serait né dans les années 2010, à partir de quelques obscurs intellectuels – des professeurs d’universités américaines – ayant écrit tel ou tel ouvrage.

C’est très clairement une tentative de liquidation de l’histoire du véganisme et de la libération animale. Et ce terme de liquidation, nous ne le choisissons pas par hasard.

Depuis 2008 et l’ouverture du site La Terre dabord ! (ou depuis le site Vegan Revolution en 2004), nous avons vu beaucoup de groupes et de structures se monter et disparaître, des gens s’impliquer et disparaître.

Nous avons vu beaucoup de gens prétendent à des choses très radicales, en contournant soigneusement la question de l’ALF et se contentant de rechercher finalement des gloires éphémères au moyen de l’éclat des flashs des photos ou la lumière des caméras.

Et à côté de cela, nous avons vu et rencontré des gens, relevant des couches populaires, très sympathiques s’impliquant, mettant la main à la pâte, aidant concrètement les animaux… mais strictement incapable d’acquérir des notions, des principes « théoriques » et courant derrière n’importe quelle initiative.

Nous ne savons pas si la pandémie va changer cette situation où, pour résumer, des gens opportunistes ont récupéré le véganisme pour mener une carrière médiatique ou pseudo rebelle. Une chose est certaine en tout cas : l’antispécisme s’est montré comme totalement vain avec sa critique d’un « spécisme » imaginaire et des structures comme L214 ont perdu toute crédibilité.

Il apparaît comme de plus en plus clair, pour de plus en plus de gens, que c’est tout ou rien, que soit l’humanité bascule dans le véganisme, soit c’est la catastrophe.

La pandémie montre très bien que le rapport à la Nature, tel qu’il existe, n’est plus tenable. L’humanité doit reculer, elle doit prendre une place constructive dans le système-Terre.

En même temps, l’écrasante majorité des gens maintient son refus de rompre avec le passé et considère encore qu’il suffit d’accompagner un hypothétique changement pour améliorer les choses. Le mouvement autour de Greta Thunberg est un exemple de cette hypocrisie « accompagnatrice ».

Il ne faut pas se leurrer : les gens ont leur confort. La rupture, pour qu’elle ait lieu, exige un déclic, une grande détermination, un engagement. Beaucoup de gens, prêts à faire le saut ou même l’ayant déjà fait, préfèrent se tourner vers une petite vie à l’écart, essayant d’aider de-ci de-là, en sachant pertinemment que c’est totalement insuffisant et que ce n’est pas de cela dont il s’agit.

La culture vegan straight edge est pour nous une clef essentielle pour avancer, parce qu’elle répond justement aux exigences de notre époque en exprimant, au début des années 1990, un grand sens de la rupture exactement sur les points essentiels en ce qui concerne les animaux et la Nature.

Nous ne disons pas qu’il n’y a pas d’autres questions qui se posent. Cependant, pour disposer d’une base personnelle adéquate dans la vie, nous pensons qu’il est fondamental de ne pas utiliser de produits d’origine animale, de ne pas consommer de drogues ni d’alcool, de pas avoir de rapport sexuel en-dehors de la perspective du couple.

C’est ainsi qu’on peut être authentique et avoir la base pour réellement construire sa personnalité, sans être contaminé par une société adepte de l’hypocrisie, de l’indifférence, de la fuite en avant.

Nous ne disons pas que cela suffit, mais c’est un préalable.

Et ce préalable implique, pour l’aspect positif, de se tourner vers les animaux et d’ailleurs les êtres vivants en général, de considérer la Nature comme un ensemble qu’il s’agit de défendre. Le mot d’ordre pour le 21e siècle doit être La Terre d’abord ! Et il va s’affirmer au fur et à mesure de la douloureuse « digestion » de la pandémie par l’humanité.

En avant vers l’Éden !

EELV et la proposition de loi anti-vegan pour un « élevage éthique »

Il existe en ce moment une très intense mobilisation en faveur de réformes en faveur du « bien-être animal ». Les forces agissant dans cette direction consistent notamment en Europe Écologie Les Verts, mais pas seulement, il y a également des figures médiatiques, appuyées par telle ou telle personne influente, très influente, extrêmement influente.

Ce que nous sous-entendons par là, c’est que certains ont compris que la question animale avait été très largement saisie par les gens, mais que l’option vegan n’arrive à rien ou pas grand-chose. Il y a donc les moyens de récupérer tout cela par le biais du « bien-être animal ».

La question est ici très complexe, car il y a une partie des gens qui est ici sincère. Pour d’autres, c’est par contre simplement un boulevard à prendre pour s’imposer sur le terrain politique. Inversement, des gens sincères peuvent être corrompus. Ainsi le Parti animaliste a une ligne qui est désormais ouvertement celle du « bien-être animal », en se liant notamment à Europe Écologie les Verts.

EELV propose justement au Sénat une loi « pour un élevage éthique, socialement juste et soucieux du bien-être animal » et cet appel est relayé par exemple sans commentaire par Aymeric Caron, qui se définit pourtant comme « abolitionniste ».

Il est vrai qu’Aymeric Caron revendique fièrement son amitié avec Esther Benbassa, qui est justement la sénatrice EELV proposant cette loi. C’est encore un exemple de corruption : si la proposition avait été faite par quelqu’un d’autre, Aymeric Caron l’aurait descendu en flammes.

Que dit cette proposition de loi, pour laquelle EELV a mis en place une pétition ? Qu’il faut un « abattage éthique et transparent », une « régulation du transport animal », un « encadrement de l’abattage et de l’élevage porcin », un « encadrement de l’élevage et de l’abattage des volailles », un « encadrement de l’élevage cunicole », un « accès au plein air des animaux », un « moratoire sur l’élevage intensif ».

Il y a beaucoup d’arrières-pensées et voici comment il faut en réalité comprendre cela.

Il s’agit tout d’abord de l’interdiction de la « viande » halal et cacher, en exigeant la perte de conscience de l’animal mis à mort. C’est clairement du populisme visant à se donner une image aux dépens d’une partie de l’exploitation animale liée à des religions non majoritaires.

Il s’agit ensuite de faire intégrer les associations du « bien-être animal » dans l’exploitation animale, au moyen d’un « conseil du bien-être animal » pour chaque établissement d’abattage, conseil bien entendu justement composé « d’associations de consommateurs et d’associations de protection animal ».

Cela implique une compensation financière, naturellement, ce qui n’est pas mentionné mais va de soi puisque le conseil peut proposer des « audits en matière de bien-être animal dans l’établissement », des « aménagements », ainsi qu’un « plan de mesures correctrices ».

Il y a ensuite l’interdiction du transport d’animaux au-delà d’un certain nombre d’heures. C’est ici une convergence directe avec les producteurs français, qui torpillent ainsi la concurrence lointaine au moyen d’une loi de « bien-être animal ».

Il y a ensuite l’interdiction de la castration à vif et de la caudectomie des porcelets, ainsi que du broyage des poussins mâles et des canetons femelles vivants. C’est là une « humanisation » de l’exploitation animale qui va avec l’exigence, à partir de 2025, d’un accès au plein air pour les animaux de tout élevage.

Ce dernier point est inapplicable et il n’a qu’un sens : favoriser à fond l’exploitation animale en mode « bio ».

EELV se place en fait comme porte-parole de l’exploitation animale en mode « bio », ce qui est tout bénéfice pour elle au niveau des réseaux. C’est un moyen également, très important évidemment, de prétendre avoir un discours au sujet des animaux.

Voici comment EELV présente, plus directement, son approche.

Quel est le problème ?

Chaque année, en France, plus d’un milliard d’animaux sont abattus. 80% proviennent d’élevages industriels. Ce système agro-alimentaire ne respecte ni les animaux ni les agriculteurs/trices.

Alors que près de 80% des Français·e·s sont opposé·e·s à l’élevage intensif, les lobbies continuent à résister et à défendre un modèle agricole destructeur.
Il est temps de changer de modèle et de passer à une agriculture paysanne, soucieuse du bien-être de l’animal, qui favorise les circuits courts et qui respecte les consommateurs/trices.

C’est pourquoi, la sénatrice écologiste de Paris, Esther Benbassa, a déposé une proposition de loi pour la mise en place d’un élevage éthique, socialement juste et soucieux du bien-être animal.

Demandons son inscription à l’ordre du jour du Sénat !

C’est de la récupération, ni plus ni moins. Les animaux sont pris en otage pour une valorisation opportuniste.

Esther Benbassa, sur son Facebook, essaie même de racoler chez les vegans, c’est dire à quel point c’est de l’opportunisme :

« Tout le monde étant encore très loin d’être vegan, il convient d’œuvrer sans tarder en vue d’un élevage plus éthique et d’accompagner les paysans dans la transition à effectuer pour sortir de l’élevage industriel »

Ce point est très important, car il montre bien que l’initiative est anti-vegan, au sens où elle implique que les vegans se mettent derrière le réformisme du « bien-être animal », comme cinquième roue du carrosse, comme faire-valoir.

Il va de soi que le plan est tellement grossier que cela n’a aucune chance de réussir. Rien qu’en utilisant « élevage éthique », on a une telle monstruosité que n’importe quel vegan un tant soit peu conséquent hallucine littéralement. Cela ne veut bien entendu pas dire que les gens se mettent à former des structures de l’ALF. Mais il y a des limites qui font que, au-delà d’elles, le véganisme n’a plus aucun sens, même en apparence.

C’est ici encore un épisode de plus d’intégration-désintégration. Mais il faut bien avoir en tête que ce n’est là qu’un épisode de ce qui forme un tout nouveau cycle de plusieurs mois s’ouvrant désormais, visant à proposer des réformes, parfois d’ampleur, sans pour autant assumer le véganisme. Voir dans quelle mesure cela est productif ou contre-productif va être ardu.

Intégration désintégration : un danger

Voici deux exemples totalement différents, mais convergents absolument dans l’idée d’intégration-désintégration. Ils ne sont d’ailleurs différents qu’en apparence, parce qu’au fond ils visent le même public, celui qui consomme, qui est passif, qui est dans le symbole.

En l’occurrence, il s’agit de la cérémonie des oscars 2020 et de l’occupation des locaux parisiens de l’entreprise BlackRock par Youth for Climate Paris. Tous deux ont, à peu de choses près, exactement la même posture.

La cérémonie des oscars 2020 est une fête superficielle hollywoodienne bien connue, et exerçant une puissante fascination. On a Joaquin Phoenix qui a gagné l’oscar du meilleur acteur. Il est vegan et engagé sur ce plan ; c’est lui qui fait notamment la narration sur Earthlings, un célèbre documentaire au service de la cause des animaux.

Lors de la remise de son prix, il a tenu un discours qu’on peut en apparence prendre pour engagé. Après avoir rapidement parlé de l’amour du cinéma partagé par les personnes présentes, il a très vite enchaîné sur la thématique suivante:

« Mais je pense que le plus grand cadeau qui m’a été donné, et à beaucoup de gens [de cette industrie du cinéma], c’est l’opportunité d’utiliser notre voix pour les sans voix.

J’ai pensé à propos de problématiques préoccupantes auxquels nous avons fait face. Je pense que, par moments, nous nous sentons ou sommes amenés à nous sentir les champions de différentes causes.

Mais pour moi, je vois une base commune. Je pense, que nous parlions d’inégalité entre les genres ou de racisme ou de droits des personnes LGBT, des personnes indigènes ou des animaux, nous parlons de la lutte contre l’injustice.

Nous parlons ici de la lutte contre la croyance qu’une nation, un peuple, une race, un genre, une espèce, a la droit de dominer, d’utiliser et de contrôler en toute impunité.

Je pense que nous sommes devenus très déconnectés du monde naturel. Beaucoup d’entre nous sont coupables d’une vision égocentrique du monde, et nous croyons que nous sommes le centre de l’univers. Nous allons dans le monde naturel et nous le pillons pour ses ressources.

Nous nous sentons le droit d’inséminer artificiellement une vache, et quand elle donne naissance, nous lui volons son bébé, alors même que ses cris d’angoisse sont sans équivoque. Ensuite nous prenons le lait qui est censé être pour son veau et nous le mettons dans notre café et nos céréales.

Nous avons peur de l’idée de changement personnel, parce que nous pensons que nous aurions à sacrifier quelque chose. »

Puis ensuite, Joaquin Phoenix s’autoflagelle disant qu’il a lui-même mal agi de par le passé, etc., pour prôner ensuite la rédemption. C’est très religieux, très charity business, totalement hypocrite…. L’Amérique dans ce qu’on fait de pire.

Cela suffira bien sûr pour les gens ne croyant en rien, ne faisant pas d’effort intellectuel ou culturel. Ces gens se précipiteront sur les réseaux sociaux pour dire du bien de cet acteur. Mais c’était justement là le piège.

Pourquoi ? Parce qu’on est là au cœur du système, au cœur de Babylone. On ne peut pas changer les mentalités avec Hollywood… On ne peut les changer que contre Hollywood.

C’est cela que PeTA ne comprend pas par exemple, en utilisant des femmes nues pour ses campagnes. Comme si on pouvait changer les mentalités en s’appuyant sur des mentalités mauvaises.

Un exemple suffit ici pour les Oscars. Les médias ont largement diffusé l’information qu’aux Oscars 2020, il y aurait « un menu à 70% vegan pour la cérémonie ». Ce n’est évidemment pas possible. Le menu est vegan ou il ne l’est pas.

La question n’est pas prise ainsi du côté du charituy business, de l’image promotionnelle. Cela fait bien de mettre un peu de vegan, de connaître des vegans. C’est du veganwashing : on utilise le véganisme comme force d’appui pour se donner une bonne image.

On prétend faire un effort, aller dans le bon sens. On se veut ouvert. Mais cela a ses limites parce que bon, « faut pas déconner ». Le chef Wolfgang Puck s’occupant régulièrement du menu des oscars n’allait tout de même pas supprimer le caviar, le boeuf wagyu, les « statuettes » au saumon fumé !

On remarquera d’ailleurs que Joaquin Phoenix n’a pas parlé du véganisme au sens strict. Il a parlé des animaux parmi d’autres choses, appelant à la fin à se changer individuellement, à ne juger personne. Joaquin Phoenix a joué la carte du « il faut aussi être vegan ».

On dirait que cela ne change rien, mais cela change tout. Car on supprime le véganisme pour faire de l’antispécisme comme produit des catalogues des « anti ».

C’est exactement la même chose que Greta Thunberg. Le véganisme fait partie d’une panoplie de causes diverses et variées, toutes au profit des droits individuels, du respect d’autrui, etc. C’est Jésus au pays du capitalisme.

Le chef Wolfgang Puck a d’ailleurs justifié l’absence de végétalisme complet pour la raison suivante :

« Nous travaillons tous les produits car même si beaucoup de gens aiment le ‘vegan’, la grande majorité mange encore de la viande, du poisson et tout. »

Effectivement, il faut savoir être tolérant, ouvert aux autres malgré les différences, même célébrer les différences, etc.

Et Joaquin Phoenix peut donc raconter ce qu’il veut pour les animaux, il a tout de même gagné un Oscar au moyen d’un rôle, celui du Joker, faisant de la violence folle quelque chose de fascinant. Ce n’est tout simplement pas crédible que de dire qu’on est contre la violence au moment où l’on a gagné un prix en jouant une icône de la violence furieuse.

Et la source des problèmes, c’est la corruption. Ainsi, Natalie Portman était aux oscars. Il est bien connu qu’elle est vegan. Elle a également joué le jeu de « l’engagement », en ayant sur sa cape des nom se réalisatrices non nominées, pour faire « féministe ». Cette cape… est de Dior haute couture. La chanteuse Billie Eilish, qui se revendique vegan également, était quant à elle en tailleur Chanel.

L’engagement, oui… mais confortable. L’intégration désintégration.

C’est pareil pour Youth for Climate Paris. À l’origine, c’est une structure issue directement de l’appel de Greta Thunberg (enfin, de l’équipe autour de Greta Thunberg). Lundi 10 février, ce groupe parisien a occupé les locaux de BlackRock, un gestionnaire d’actifs.

C’est un excellent exemple d’intégration-désintégration, car le communiqué montre parfaitement que l’écologie n’est qu’un prétexte. Ces gens veulent critiquer le capitalisme, soit! Mais ils ne veulent pas rompre avec ses valeurs. Sinon, ils parleraient justement des animaux, de la Nature, du véganisme.

Il faut bien voir que quand il est dit :

« mettre hors service ce qui exploite les humains et le vivant »

C’est là une expression pour avoir l’air de relever du véganisme, de son universalisme, mais sans l’assumer. L’exploitation du vivant, c’est d’ailleurs aussi l’exploitation des arbres. Ces gens sont-ils alors pour dire La Terre d’abord !, pour adopter le biocentrisme ?

Pas du tout, évidemment. C’est donc de l’intégration-désintégration.

En voici le communiqué :

« Mettons Hors Service BlackRock

BlackRock est une multinationale, la plus puissante en gestionnaire d’actions, c’est-à-dire qu’elle gère les capitaux afin de les optimiser un maximum (bien investir pour gagner plus d’argent).

Deux points nous intéressent donc ici:

1. La réforme des retraites

Cette nouvelle réforme pose encore une question primordiale : va-t-on passer d’un système de retraite par répartition (basé sur des cotisations solidaires) à un système de retraite par capitalisation (basé sur l’épargne individuelle) ?

Il semblerait que la nouvelle réforme sur les retraites va grandement profiter à BlackRock puisque cette dernière a tout intérêt à ce que l’on passe à un système par capitalisation.

Avec la retraite par points, le gouvernement aura la possibilité de baisser la valeur du point au fur et à mesure du temps. Afin de s’assurer une bonne retraite, nous serons forcés de nous tourner vers des multinationales comme BlackRock qui investiront notre argent dans des sociétés, des projets, etc… Cet argent nous sera ensuite retourné, valorisé pour nos retraites. C’est le principe du système par capitalisation.

Problème ? Les investissements de BlackRock sont loin d’être en faveur de l’environnement.

2. Les investissements écocides de BlackRock

BlackRock investit dans nombres de sociétés menant des projets écocides comme:

– Vinci (deuxième entreprise mondiale dans le secteur de la construction, elle possède aussi un pôle énergie)

– Total (entreprise pétrolière et gazière, cinquième des six plus grosses entreprises su secteur à l’échelle mondiale)

– BNP Paribas (première banque française dans l’investissement du charbon)

– Société générale (première banque au monde dans le financement des infrastructures d’exportation de gaz de schiste). On a trouvé des documents confidentiels au sein des bureaux de BlackRock montrant leur collaboration, alors qu’on sait que Société générale investit dans des projets comme le Rio Grande LNG Project. http://www.amisdelaterre.org/IMG/pdf/20180712rapportsocietegenerale.pdf

Bref, BlackRock est loin d’être un modèle de sainteté dans la protection de l’environnement.

Tout cela est fait dans un seul but: s’enrichir toujours plus, et surtout le haut de la chaîne, et les actionnaires. Nous observons ainsi une augmentation des inégalités et une accumulation des richesses entre les mains d’une très petite minorité (Rapport Oxfam 2020), alors que les plus pauvres sont aussi les premières victimes des problèmes environnementaux.

Cette course au profit se fait grâce à une exploitation du vivant, et des humains.

Nous n’avons pas peur de le dire : tout cela est symptomatique du capitalisme qui est le mécanisme profond à l’origine de ces problèmes. En nous attaquant à blackrock, nous nous attaquons au capitalisme.

Certains diront que nous sommes des vandales, mais ce sont ceux qui volent notre avenir qui le sont.

Ceci n’est que la première action d’une série pour mettre hors service ce qui exploite les humains et le vivant.

Nous ne demandons donc plus rien, nous voulons mettre le système hors service.

Youth for Climate Paris-IDF

Avec le soutien de Youth for Climate France, Désobéissance Écolo Paris, RadiAction, Mr Mondialisation, Cerveaux Non Disponibles, Gilets jaunes Place des Fêtes, La France en Colère – Carte des Rassemblements, Peuple Révolté, Peuple Uni, Comité de Libération et d’Autonomie Queer, Art en Grève. »

C’est une construction qui repose sur du sable. Cela rappelle Laurence Pieau. Elle a été directrice de la rédaction du magazine Closer qu’elle a contribué à fonder, ainsi que directrice de la rédaction de Télé Star et Télé Poche. Elle est devenue vegane et il y a peu, elle a créé le média Alternative vegan.

Elle prétend donc apporter quelque chose, alors que son parcours a été une contribution à de véritables machines à décerveler. Aux pires machines mêmes, parce que Closer, Télé Star, Télé Poche… C’est là la base de la France beauf, pour qui il faut être passif et consommer, ne surtout pas penser, ne pas entrer en rupture en rien.

C’est tout de même un comble que de la voir se poser comme grande contributrice à une cause qu’elle a peut-être comprise, mais qu’elle a de fait combattu pendant des années.

C’est comme la récupération du concept d’écocide ces derniers temps par des gens découvrant l’écologie et cherchant un mot fort pour avoir une image engagée… Ou encore le concept de « climaticide » forgé de manière totalement absurde sur celui d’écocide.

Intégration-désintégration, usurpation… Qu’on ne sous-estime pas les détournements de la Cause vers des voies de garage !

Surtout que les critiques seront dénoncées comme non constructives. Mais sans bataille pour la définition des valeurs, sans lutte pour protéger le contenu… L’intégration-désintégration est assurée dans un monde corrompu!

Pas de véganisme dans la «convergence de luttes»

Depuis plusieurs années, il y a des gens qui disent que la convergences des luttes est la clef pour que le véganisme se développe. Il est vrai que ces gens-là ont en fait pratiquement disparu et justement ce n’est pas pour rien, alors il faut bien le constater.

Au sens strict, le moment où cette tendance a commencé à exister, c’est avec la formation du Nouveau Parti Anticapitaliste, en 2009. Pendant toute l’année 2008 il y a eu des comités pour débattre des idées de la future organisation. Comme le véganisme avait commencé à s’élancer en France depuis quelques années, il y a eu des gens disant qu’il y avait un espace pour diffuser des idées, que forcément des gens voulant fonder un « NPA » allait s’y intéresser.

Cela n’a pas du tout marché, mais l’idée est restée et à partir de ce moment-là, il y a eu des gens pour chercher une convergence des luttes. Cela se déclinait de manière très différente, cela allait d’un drapeau en manifestation à des tentatives plus structurées de faire passer le message. Le pic fut d’abord Nuit Debout à Paris, puis la fondation du mouvement de La France Insoumise, Jean-Luc Mélechon jouant même le jeu symboliquement pour ratisser le plus largement possible.

Puis la tendance a décliné, se résumant à un slogan écrit sur un mur pendant une manifestation, ou bien le port d’un drapeau. Enfin, malgré l’opposition prolongée à la réforme des retraites, ou à cause de celle-ci, il n’y a plus rien eu.

La photographie suivante, heureusement assez obscure pour ne pas avoir à la flouter, est représentative de la fin de cette idée. Car celui qui a mis en ligne cette image, avec ce commentaire horrible, c’est Laurent Brun, secrétaire Général de la Fédération CGT des Cheminots.

C’est quelqu’un qui prône la lutte, jusqu’au bout. Il est engagé depuis deux mois lorsqu’il poste cette image et ce commentaire. Il n’est pas isolé, il n’est pas à l’écart de la lutte des idées. Il exprime sa culture de manière tout à fait consciente.

L’erreur de fond, dans cette idée de « convergence des luttes » favorable au véganisme qui a de toute façon échouée, c’est de penser deux choses. La première, c’est qu’il y aurait un spécisme équivalent du racisme, du sexisme, de plein d’oppressions « systémiques ». Il y aurait des dominations flottant au-dessus de nos têtes à déconstruire. Quelqu’un qui se « déconstruit » basculerait alors logiquement dans l’antispécisme, dans la panoplie « anti ».

Sur le papier, c’est cohérent, sauf que la société humaine s’est construite sur le tas et pas par en haut avec des gens se disent : tiens, si on y opprimait les animaux ? Comme si les conquistadors s’étaient posés la question de massacrer les gens dans le continent « découvert ».

La seconde erreur est liée à la première. C’est qu’être vegan, c’est déjà une rupture. Mais le rester, c’est encore plus une rupture. Tout cela exige une certaine discipline personnelle. Or, le principe de la convergence des luttes, tout comme d’ailleurs de l’anarchisme, c’est que personne n’est responsable de rien. C’est on se lance, on discute, on agit, on discute, bref on s’engage et puis on voit.

Qu’une lutte fasse qu’on ait une conscience sociale plus élevée, soit. Mais le véganisme n’est pas une idée, c’est une éthique. Quelqu’un qui devient vegan sans aimer les animaux ne le restera pas. Ce qui fait qu’on devient vegan, qu’on le reste, c’est qu’on relève de toute une culture. Une orientation purement intellectuelle vers le véganisme est fictive, elle ne tient pas, au premier vrai choc, elle s’effondre.

C’est ce terrain friable qui fait que les gens qui ont essayé la « convergence des luttes » n’ont abouti à rien, aucun bilan n’en est ressorti, rien n’en a été tiré. Il doit bien y avoir des rencontres entre les luttes justes. Mais ce ne sont pas que des idées… ce sont des choses portées par des gens, très concrètement. C’est ainsi par la culture que tout se transmet.

REV, Parti animaliste, 269 Libération animale… la fin des illusions

L’ambiance est morne et parfois elle est même humainement très glauque. La foi du converti, les illusions de succès rapide, l’engouement important mais souvent passager, l’occupation du terrain médiatique… tout cela a tourné la tête de beaucoup de monde agissant sur le terrain de la cause animale, et les lendemains sont affreux.

Affreux, car on s’aperçoit que rien n’a été construit, qu’aucune culture n’a été développée, que somme toute les gens s’en foutent autant qu’avant. Ok, il y a des vegans. Cela s’arrête là. La mode est passée et l’intégration des protestataires a été impeccable au moyen de produits dans les supermarchés et de restaurants.

Pour les plus revendicatifs, il y a éventuellement quelques happenings-témoignages dans une ambiance « noir c’est noir » ou bien, pour les plus agités, quelques sabotages à mener. Cela en reste là. Sans lendemain.

C’est la fin de toute une vague qui a prétendu être ce qu’elle n’a jamais été : une révolution. C’était une prise de conscience, avec retard : le véganisme date des années 1990, tout de même ! Mais les gens le découvrant en France dans les années 2010 ont imaginé tout savoir, tout comprendre, tout mieux faire. C’est très français, finalement.

Ils ont vendu du rêve, aspirant de nombreuses forces captées par le rêve de réussir rapidement et sans trop d’effort. Las, c’est la fin des illusions. Aux prétentions de victoire succède la triste déchéance : les rêves sont vendus à la découpe.

269 Libération animale a par exemple utilisé énormément de ressources humaines, en arguant que la « désobéissance civile » serait la voie royale pour faire tomber le « spécisme ». Stratégie suicidaire pour qui connaît l’histoire de la libération animale… Mais de très nombreuses personnes sont tombées dans le panneau.

Il y a donc eu des premières actions, profitant des réseaux sociaux et des médias pour asseoir un certain prestige. Nombre d’activistes se sont précipités pour cette lutte clef en main, avec également une pression psychologique allant jusqu’au fanatisme. On parle tout de même ici de 350 personnes qui, en 2017, se font marquer au fer rouge le nombre 269 sur leur peau…

269 Libération animale a donc bloqué de nombreux abattoirs en France, sauvant même des animaux. Sauf qu’à un moment, évidemment, cela ne marche plus : quand on agit légalement, à ciel ouvert et même en prenant des précautions, à un moment l’État siffle la fin de la récréation.

269 Libération animale a donc pris les noms des participants aux blocages, afin de parer à des procès des seuls responsables de l’association… Puis, comme cela ne marchait plus, a élargi le périmètre, profitant de son aura. Il y a eu les mêmes actions en Espagne, en Italie, en Suisse, en Belgique.

Puis, bien entendu, la fenêtre de tir s’est fermée. La petite opinion publique activiste consommatrice s’est lassée de l’absence de proposition concrète et s’est détournée, laissant 269 Libération animale passer de la désobéissance civile à la gestion d’un sanctuaire d’ « individus » animaux sauvés, tout en cherchant à parer aux coûts et surtout aux dettes des multiples procès leur tombant dessus pour les actions.

Finies, les grandes ambitions de renverser pas moins que l’industrie spéciste. Des énergies énormes ont été siphonnées pour ça.

Il en va de même pour le Parti animaliste. Officiellement, les ambitions restent importantes.

Et le Parti animaliste maintient, en apparence, sa ligne initiale de « ni droite ni gauche ».

Ce n’est qu’apparence, car en réalité, le Parti animaliste s’est alliée à Europe Ecologie Les Verts à Paris, Grenoble et Montpellier (dans cette dernière ville EELV vient tout juste de finalement ôter son soutien à la liste unitaire de la tête de liste). C’est donc plutôt un « et gauche et droite » en version centriste et cela va toujours plus se renforcer comme tendance, de par la nature du Parti animaliste.

Sa démarche est en effet purement une fin en soi et à proprement parler ignoble. Sur son Facebook, le Parti animaliste racole à fond sur le malheur des animaux, pour faire pleurer Madeleine. C’est systématique et cela s’appuie sur n’importe quel fait divers horrible dont parlent les médias. Puis dit : voter pour nous on va améliorer les choses. Et comment ? En accompagnant on ne sait trop quoi.

Tout en ayant une prétention énorme. Hélène Thouy, co-fondatrice et co-présidente du Parti animaliste, ose dire la chose suivante dans une interview à Libération :

« Notre objectif initial était de sortir la cause animale du flou dans lequel elle était et du désintérêt dont elle faisait l’objet. De ce point de vue-là, c’est plutôt une avancée. »

L’approche est typique du Parti animaliste, qui vise à phagocyter ou à s’approprier ce qui existe. C’est systématique. Le Facebook parle par exemple parfois de la chasse à courre, mais omet bien entendu de parler de l’association d’AVA, pourtant plaque tournante de l’opposition à cette pratique odieuse, alors qu’en plus il y a des gens du Parti animaliste qui y participent.

C’est que le Parti animaliste s’imagine la Cause elle-même. Comme le montre cette image infâme où on fait un cadeau aux animaux… en donnant de l’argent au Parti animaliste. Ben voyons.

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas d’une critique gratuite. Il s’agit de dénoncer le mensonge. Le Parti animaliste vend du rêve, alors que ses fondements sont un vague réformisme, d’où la soumission à Europe Ecologie Les Verts, dont il va servir d’appendice « animaliste ».

Prenons l’expérimentation animale. Le Parti animaliste ne l’attaque pas, mais prône l’accompagnement vers sa disparition :

« Le Parti animaliste souhaite que les moyens matériels et humains soient mis en place au plus vite pour que la recherche expérimentale sur animaux évolue vers des méthodes modernes. »

Prenons également ce qui est dit dans « La honte de la mise à mort par claquage des porcelets chétifs », une tribune dans Libération de Yaël Angel, docteur en droit, documentation technique du Parti animaliste (donc, pas n’importe qui au Parti animaliste).

Cela date de fin décembre 2019. On y lit :

« L’alternative réside dans de meilleures conditions d’élevage, répondant aux impératifs biologiques des animaux. Les truies de l’élevage intensif sont issues de croisements destinés à faire naître plus de porcelets à chaque portée. La succession des portées et les conditions d’élevage misérables épuisent les truies, ce qui aboutit à une forte proportion de porcelets chétifs. Les éleveurs doivent offrir aux truies une vie saine : moins d’inséminations, un espace en plein air où elles pourront fouiner le sol, faire un nid pour leurs petits, et ainsi donner naissance à des porcelets d’un poids «normal». »

C’est dit noir sur blanc : il faut « de meilleures conditions d’élevage ». Voilà l’accompagnement proposé par le Parti animaliste. Et la mise à la disposition d’EELV fait que cela ira toujours plus dans cette direction.

Le vrai but, conscient ou inconscient, des dirigeants du Parti animaliste, ce sont des strapontins ministériels d’un gouvernement centriste.

Il faut bien comprendre que la question n’est pas de discuter de la sincérité, mais de l’impact d’une action. Beaucoup de gens veulent bien faire pour les animaux… Cela tourne parfois en catastrophe, parce qu’il n’y aucune analyse de fond et une précipitation telle que cela tombe dans la corruption sans même le remarquer.

C’est vraiment flagrant pour Aymeric Caron, dont nul ne peut remettre en cause la sincérité. Seulement voilà, lui aussi s’est imaginé que rien n’existait avant son propre véganisme. Il a été médiatiquement mis en avant, puis est passé à la trappe.

Il a vendu du rêve… puis plus rien. Le parti qu’il a fondé, le REV – Révolution Écologique pour le Vivant, s’est ainsi également mis sur orbite, non pas d’EELV comme le Parti animaliste, mais de La France insoumise, pour la liste « Décidons Paris ».

Terrible capitulation pour un mouvement prétendant tout révolutionner, mais qui n’a pas été en mesure de se présenter aux européennes de mai 2019, le Parti animaliste y faisant par contre 2,2 %. Il a donc fallu, pour exister au moins quelque part électoralement – car là on parle d’élections – se fondre dans le moule.

Logiquement, la tête de liste de « Décidons Paris » dans le 14e arrondissement sera la vice-présidente de REV – Révolution Écologique pour le Vivant, Lamya Essemlali (également présidente de Sea Shepherd France et de Rewild, qui lutte contre le trafic d’animaux).

Tout ça pour ça ? C’est une plaisanterie. La cause animale comme appendice électorale de partis n’ayant rien à faire des animaux ? C’est une mauvaise blague. Surtout que derrière, Marine Le Pen s’empressera de faire de la démagogie au sujet des animaux, et que donc rien ne servira à rien, car cela sera simplement de la poudre aux yeux pour que les gens voulant y croire y trouvent leur compte.

Mais que faire, alors ? Quelle est la solution ?

La solution est très simple. Défendre les animaux exige qu’on sache les aimer. Il faut donc mettre en valeur la Nature, la vie animale. Il faut l’étudier (sans déranger!), en parler, la célébrer. Et le premier pas, inévitable, celui qui décide de tout, c’est de soutenir les refuges. Mobiliser pour les refuges est la condition obligatoire de tout travail vegan.

Non pas pour s’en vanter – au contraire, il ne faut pas tout mélanger, cela doit rester un travail à mener à côté, un soutien concret, mais anonyme. C’est un devoir moral, un devoir affectif envers ceux qu’on aime et qui méritent notre dévotion, et aussi une éducation.

De cette dévotion et de cette éducation, on tire une culture, et là on trouve les voies pour agir, mobiliser, coordonner, lutter, diffuser l’utopie nécessaire.

Il y a trois critères pour déterminer si cela va dans le bon sens : le naturalisme, les refuges, la dévotion. S’il n’y a pas cela… alors les animaux sont un thème récupéré à des fins misanthropes, nihilistes, électoralistes, ou autre.

De la fin d’un cycle au véganisme des années 2020

La seule voie menant au véganisme est le rejet de son ego et le fait d’assumer sa culpabilité individuelle dans son parcours jusque-là. Il faut une vie pour rattraper ce qu’on a fait – si c’est possible.

Le véganisme implique une soumission générationnelle, une acceptation de s’effacer, pour laisser place à une humanité nouvelle, avec un rapport totalement différent à la Nature. C’est une voie qui est celle de l’auto-critique et non de la complaisance, c’est une voie qui implique la correction ininterrompue de sa propre vie et non pas son auto-valorisation permanente.

Soit le véganisme des années 2020 est une véritable philosophie de vie, avec des valeurs bien déterminées dans les attitudes, les comportements, un effacement des egos, une correction de ses pensées.

Soit il ne sera qu’une posture individuelle, c’est-à-dire une imposture.

L’histoire du véganisme en France le montre parfaitement. Si on la regarde, on en arrive à constater quatre générations. La première génération date du début des années 1990, la seconde du début des années 2000, la troisième du début des années 2010, la quatrième s’est imposée dans la seconde partie des années 2010.

On a, au fur et à mesure :

– une génération alternative, en partie liée aux squats, à la culture punk hardcore, marginalisée par la société et ainsi sectaire, mais assumant le véganisme comme une morale complète ;

– un passage de flambeau partiel à une génération plus socialisée cherchant à développer le mouvement de manière plus constructive en cherchant à formuler des fondamentaux ;

– une vague de gens rejoignant la cause mais sans la vision du monde éthique et philosophique, car focalisée sur une sorte de protestation témoignage en mode noir c’est noir ;

– une récupération hipster et bobo et une intégration commerciale, parallèlement à un mouvement anarcho-symbolique (l’antispécisme).

Si l’on regarde les choses objectivement, on se dit alors que le véganisme a connu la même évolution que ce qu’on appelle en anglais les « subcultures », comme la musique disco, les hippies, les punks, les mods, les batcaves, etc.

Le déclic amenant au mauvais tournant est toujours le même : la première génération est dans le repli pour se préserver et a un rejet profond de la société. La seconde génération est portée par le message du premier et propose d’élargir le mouvement en construisant une vraie vision du monde capable de passer du refus de la société à sa conquête, sans rien dénaturer aux principes.

Le processus est encore en cours lorsque l’irruption de gens incapables de s’en tenir à des principes vient tout saccager. S’ensuit une récupération commerciale massive, avec une petite minorité s’imaginant encore dans le coup, alors qu’elle n’est qu’une pâle copie du mouvement, le simple témoignage historique de sa désintégration.

C’est là où on en est aujourd’hui. C’est donc de là qu’il faut partir.

Faut-il donc faire comme L214 et considérer que la cause ne peut triompher que sur des centaines d’années ? C’est absurde et moralement insoutenable.

Faut-il considérer qu’il existerait un « spécisme » flottant au-dessus de la société et manipulant les esprits ? C’est ridicule.

Faut-il vendre le véganisme à une pseudo critique du capitalisme qui montre sa fausseté en affirmant que tout changera… après la révolution seulement ? C’est mensonger. Croit-on vraiment que l’esprit gilets jaunes pourrait avoir un quelconque lien avec le véganisme ? Que la manière avec laquelle les syndicats gèrent la grève contre la réforme des retraites aboutirait à une progression du véganisme ?

Le véganisme exige la remise en cause de soi-même – cela implique une rupture avec la superficialité, un certain confort peut-être, des habitudes en tout cas. Avec des mœurs, avec des normes, avec des raisonnements. Et c’est un travail qui ne s’arrête jamais. C’est une révolution dans la vie quotidienne, avec des étapes, mais ne cessant pas.

C’est ce qui compte, car étant le plus important, c’est le concret, et l’irruption dans le concret provient toujours d’une détermination s’appuyant sur une correction devenue claire. C’est faire œuvre de purification morale dans un monde corrompu.

Pas de viande, pas de lait, pas d’œufs, pas d’alcool, pas de drogues, pas de rapports sexuels en-dehors d’un couple construit, pas de mensonges, pas de jeux d’argent, pas de fuite dans un au-delà imaginaire, pas de consumérisme, pas d’ego, pas d’égoïsme, pas de mise en avant de soi-même, pas de dépendance à la télévision ou aux séries, pas d’oubli des animaux.

Se constituer en opposition.

Le véganisme invisible et trompeur de Greta Thunberg

Pippi Långstrump (« Pippi longues chaussettes ») est une figure de roman très connu en Scandinavie et dans les pays germaniques. On la connaît en français sous le nom de Fifi Brindacier. A la base il s’agit de romans écrit par la Suédoise Astrid Lindgren, mais il y a une série télévisée et un dessin animé.

L’idée derrière Fifi Brindacier est très simple : le personnage a une mentalité à part et remet les adultes en cause.

Quand on connaît Fifi Brindacier, on comprend Greta Thunberg comme figure suédoise d’exportation. Et c’est assumé, puisque de temps en temps, on retrouve un petit drapeau suédois, comme lors de sa traversée de l’Atlantique.

Voici par exemple Greta Thunberg fière d’être la femme de l’année pour l’Expressen… qui est, avec l’Aftonbladet, un de ces horribles tabloïds comme on sait en faire dans le Nord de l’Europe. Un cauchemar beauf typique d’une société aseptisée pratiquant un nationalisme « light ».

Tout cela a son importance pour aborder une question fondamentale : le véganisme de Greta Thunberg. Imaginons en effet que vous pourriez vous adresser à des millions de personnes, des dizaines, des centaines de millions de personnes. Mettriez-vous en avant le véganisme ?

Il va de soi que si on considère le véganisme comme universel, alors évidemment la réponse est oui. D’ailleurs, même si on ne l’est pas, la question se pose inéluctablement, obligatoirement. Qui nie l’actualité du véganisme sort du 21e siècle.

Et pourtant, Greta Thunberg ne parle jamais du véganisme. Elle aurait pourtant l’occasion de le faire. Elle ne le fait cependant jamais. Elle ne parle pas non plus des animaux, jamais. Pourtant, on sait qu’elle est vegan, alors comment expliquer cela ?

En fait, l’enfer est dans les détails et on saisit tout à ce moment-là. Si l’on prend les images mises en avant sur les comptes Facebook, Instagram, Twitter de Greta Thunberg, on a surtout deux types de choses : soit Greta Thunberg elle-même, soit une foule rassemblée.

En de très rares occasions, pratiquement des anecdotes, il y a des allusions au véganisme. Attention, ces allusions ne sont visibles que par les vegans. Jamais Greta Thunberg ne parle d’elle-même du véganisme, ni d’ailleurs n’en parle tout court. Si on lui demande si elle est vegan elle dit oui, pour des raisons éthiques, écologiques, etc. Mais elle ne précise jamais ce que cela veut dire, ne parle jamais du contenu de son véganisme et elle ne parle jamais des animaux.

Prenons ainsi Greta Thunberg dans un train avec son lunch. Elle ne dit pas que son lunch est vegan. Elle ne le précise pas – l’équipe filtrant ses messages fait exprès de ne pas le préciser. Pourquoi ? Parce que cela serait « diviseur ».

Mais il y a une allusion. L’œil curieux du vegan – surtout nordique, on est au début de sa carrière – verra forcément le « vegansk salat » à gauche au premier plan.

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Sur cette photographie, Greta Thunberg refait une pancarte. En hashtag on a #rescuedog. Il ne sera vu que par les vegans, qui apprécieront… alors que cela ne veut rien dire en soi. Mais c’est un « signe ».

En cherchant bien on peut trouver une référence – une seule – à quelque chose d’ouvertement lié au véganisme. Greta Thunberg visite ainsi un sanctuaire aux États-Unis, le Happily Ever Esther Farm Sanctuary. On a des hashtags engageant, une expression de contentement… mais strictement aucune référence au véganisme dans le texte. Là encore, on se contente de « signes »… destinés à ceux qui les verront.

Ici, Greta Thunberg visite le Centre d’Interprétation des Mammifères Marins, où l’on peut admirer les baleines du Saint-Laurent. Il y a un remerciement, mais sinon strictement rien, aucun engagement. Il n’y a même pas un semblant d’appel à protéger les animaux, l’océan, etc.

On l’aura compris, le véganisme mis en avant par Greta Thunberg est réduit à quelque chose d’individuel. Faut-il y voir quelque chose de mal ? Oui, car c’est une stratégie marketing, comme le montre l’image suivante.

Le coup du t-shirt « Sea Shepherd » discrètement mis en avant, mais juste suffisamment pour être reconnu des seuls connaisseurs, est flagrant. C’est bien une démarche calculée.

Ce que cela signifie, c’est que la manière qu’a Greta Thunberg – comme figure médiatique, produit marketing d’une équipe organisée, etc. – de mettre en avant la lutte pour la planète, implique le rejet du véganisme à une sorte d’arrière-plan individuel plus que secondaire.

Maintenant on peut faire comme « Extinction Rébellion » et considérer que c’est juste. Greta Thunberg a comme figure écologique donné un grand coup de pouce aux débuts de ce mouvement.

Si toutefois on considère le véganisme comme incontournable, alors c’est très mauvais. Car non seulement Greta Thunberg ne parle pas du véganisme, mais surtout elle prétend qu’on peut changer les choses sans le devenir.

On se retrouve ici dans la même situation qu’avec Sea Shepherd, puisqu’on trouvera beaucoup de sympathisants à cette association, la soutenant totalement… mais ne voyant même pas le rapport direct avec le véganisme. Pour eux ce sont deux choses séparées.

Qu’on ne puisse pas reprocher directement aux gens ayant défilé à l’occasion de la grève du 5 décembre 2019 de ne pas être vegan… soit, le rapport direct n’est pas évident pour qui n’a pas réfléchi à quel point tout est lié.

Mais qu’on parle de la planète et qu’on mette à l’écart le véganisme… tout en sachant ce que c’est, voire en l’étant, comme Greta Thunberg… ce n’est pas une erreur, c’est une faute, et même une attaque contre le véganisme.

Si on ajoute à cela les allusions au véganisme, savamment dosées dans un esprit marketing, là on est carrément dans l’inacceptable.

Il n’est pas difficile de deviner ici qu’on a un esprit, très « suédois », de refus de diviser, de heurter, un côté très prix Nobel. Ce n’est pas avec cela qu’on change le monde.

Encore moins quand on pense que la scène vegan straight edge suédoise du début des années 1990 était massive et que toute la jeunesse suédoise savait de quoi il en retournait.

Tous ces gens qui découvrent le véganisme et la défense de la planète en s’imaginant qu’il n’y avait rien avant eux desservent la cause. Ils s’imaginent en phase, être les premiers alors qu’ils sont en retard – tout comme l’écrasante majorité de l’humanité.

Valeurs Actuelles et «la terreur vegan»

L’hebdomadaire Valeurs Actuelles a publié avec une couverture anxiogène comme elle sait le faire. « La terreur vegan » est présentée avec des « révélations sur un nouveau totalitarisme ».

Le premier article, « Les fous des animaux », présente le véganisme comme « porteur d’un projet politique révolutionnaire visant à abolir les liens de dépendance entre les animaux et les hommes ». Il constate que le véganisme trouble l’idéologie dominante avec ses revendications. C’est le point de vue traditionnel du conservateur outré de l’appel à un changement de mode de vie.

Le second article est le plus intéressant, car le plus délirant et le plus politique. « Les agriculteurs dans le viseur de l’ultra-gauche » vise en effet à assimiler les agriculteurs et les éleveurs. Il prétend que les végans dénoncent autant les uns que les autres, ce qui est évidemment absurde.

L’idée de Valeurs Actuelles, c’est de dire que la crise économique des agriculteurs est également lié au véganisme. Pour argumenter cela, l’article parle des vegans puis commence à parler du vol de 600 véhicules dont 285 tracteurs, de 500 GPS agricoles, etc. Tout le monde sait que ce sont des réseaux mafieux qui en sont à l’origine.

Mais la chose est présentée comme si les vegans collectionnaient les tracteurs ou pillaient les vignes afin de faire s’effondrer l’agriculture ! C’est fascinant de mauvaise foi.

Fascinant de mauvaise foi, mais très intelligent, car le but est de créer un front entre éleveurs et agriculteurs, de dire aux agriculteurs qu’ils ne peuvent s’en sortir que si rien ne change, ou même mieux si on retourne en arrière aux valeurs du terroir, qu’il faut combattre de manière conjointe « l’agribashing », etc.

Le troisième article s’intitule « La folie antispéciste à la barre » et parle du collectif Boucherie Abolition. Cette structure est connu pour assimiler la condition animale à l’holocauste commis par les nazis et ainsi parler de « zoolocauste », avec tout un vocabulaire allant avec particulièrement incompréhensible.

Ce collectif n’a donc pas remarqué que les Juifs étaient réduits en cendres, alors que les animaux deviennent des marchandises. Le rapprochement historique a donc des limites flagrantes. Néanmoins, il faut tirer ici le chapeau à ce collectif, car Valeurs Actuelles les dénonce pour avoir tenu tête aux accusations lors d’un procès, revendiquant leur identité de vegan, justifiant leur action en présentant l’universalité des droits des animaux, tenu une ligne très offensive, etc.

Être dénoncé par Valeurs Actuelles pour avoir assumé son identité et son action en faveur des animaux lors d’un procès, ce n’est pas donné à tout le monde. On est loin ici des excuses et des reculades de pas mal de monde.

Le quatrième article parle de « L’antispécisme, nouvel antihumanisme ». C’est un article philosophique et tout se comprend par sa conclusion :

« Retirez Dieu aux hommes, disait le curé d’Ars, et « ils adoreront les bêtes » : nous y voilà ».

Cette référence sera inconnue pour la plupart des gens, mais dans les milieux conservateurs, c’est quelque chose de haut niveau. Ce curé d’Ars du début du XIXe siècle est en effet une grande figure mystique, du genre à se fouetter, à réaliser de prétendus miracles, à batailler avec le diable, à faire face à des apparitions célestes, etc.

Il a été nommé en 1929 patron de tous les curés de l’Univers. En l’opposant au véganisme, on se retrouve sur une ligne catholique traditionnelle rejetant les animaux comme soumis par définition aux humains.

Le cinquième article est une citation « Leur but est de détruire l’élevage ». Il s’agit d’une interview de Jocelyne Porcher, ancienne éleveuse et directrice de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). C’est une fervente accusatrice du véganisme sous toutes ses formes, au nom d’un combat contre la modernisation, les grandes entreprises, la technologie, etc.

Pour elle, le véganisme est le cheval de Troie d’un avenir qu’elle ne veut pas, étant une défenseure du terroir (avec le « droit » de tuer les animaux dans les fermes, etc.).

Cela s’arrête là et il n’y a naturellement pas un mot sur l’ALF, ni l’ARM. On connaît l’accord tacite entre l’État et les partisans du bien-être animal, ainsi que les antispécistes. Autant de bruit que vous voulez, autant de désobéissance civile que vous voulez, on vous met au pire juste des amendes, mais attention : on ne veut pas entendre parler de l’ALF, ni de l’ARM. On ne veut pas de mouvement de masse, on veut tout en surface et sans dimension populaire.

Ainsi, ni L214, ni les Cahiers antispécistes, ni 269 libération animale, ni les antispécistes en général (même quand ils font des actions illégales) ne parlent de l’ALF. C’est comme si l’ALF n’existait pas et n’avait jamais existé. Telle est l’ultime frontière.

L214 et l’abolitionnisme, tout un mensonge

Après l’ignominie, le mensonge, mais c’est une bonne chose que les masques tombent. En ayant ramassé ses millions, en ayant une reconnaissance médiatique totale, L214 baisse la garde. Et révèle ainsi sa véritable nature : amener la conscience morale dans un cul-de-sac, combattre l’ALF, faire croire que tout change alors que rien ne change. Tout en mentant.

Ainsi, on a un appel à lire une tribune d’un éleveur ayant écrit pas moins que « Végano-sceptique — regard d’un paysan sur l’utopie végane ». Un monde vegan ne serait pas possible, seulement un retour en arrière serait souhaitable, etc.

Sa tribune dans Reporterre, un média sur la même ligne, appelle à une sainte alliance des animalistes et des partisans de la petite-production dans le domaine de l’exploitation animale. Ben voyons !

https://reporterre.net/Paysans-et-defenseurs-des-animaux-doivent-s-unir-contre-l-industrialisation-du-vivant

Que dit l’éleveur ? Qu’il faudrait être pragmatique, raisonnable… C’est la rengaine de ceux qui demandent d’arrêter la lutte en disant qu’il faut savoir grandir…

« Nous pensons qu’il ne faut pas s’interdire des rapprochements avec des militants de la cause animale. Non pour espérer bâtir, à coup de vaines compromissions, une alliance sur la base d’un consensus idéologique qui n’illusionnera personne mais pour tenter, au nom d’un pragmatisme et au gré d’une conciliation, de récolter des victoires sur le terrain de la désindustrialisation. »

Et puis quoi encore ? Que la petite production ne soit pas la cible principale, bien entendu. Mais s’imaginer qu’il faille imaginer une utopie avec des petits assassins qui, par effet de boule de neige obligatoire dans le capitalisme, deviendront demain des grands assassins…

Tout retour en arrière est réactionnaire. Le monde peut être vegan, il doit donc le devenir. C’est l’injonction de la morale et elle doit triompher, elle prime sur tout le reste. L214 n’y croit pas et son pessimisme s’est mué en capitulation. C’est la déroute.

Mais ce n’est toutefois pas tout, car voici ce que dit L214 sur son Facebook. Il s’agit d’une réaction à des critiques faites justement à ce soutien à l’éleveur. Rappelons que les auteurs sur les médias de L214 sont des gens dont c’est l’emploi ; c’est leur travail, ils sont rémunérés, ils sont formés pour cela, etc.

C’est important de s’en souvenir, car on a ici un mensonge éhonté quant à ce qu’est l’abolitionnisme dans le véganisme.

Ce que dit L214 est là totalement mensonger. Les mots ont un sens et il est très important de s’y attarder. L’un des articles les plus lus de LTD est d’ailleurs « Welfarisme, abolitionnisme, anti-spécisme, libération animale », un article de 2011 expliquant les différences de sensibilité, d’analyse.

On ne peut pas dire qu’on est abolitionniste, mais… Car l’abolitionnisme dit que, tout comme pour l’esclavage, la seule option possible, moralement parlant, est l’abolition. Aucun « aménagement » n’est possible, car ce n’est pas acceptable moralement.

Quand on veut des réformes sur le long terme (ou plutôt le très long terme), on est dans le cadre du welfarisme, du « bien-être animal ».

Tels sont les deux concepts intellectuels apparus au cours de l’histoire du véganisme, aux côtés de celui de « libération animale », qui est selon nous le seul juste.

L214 jongle ici entre les deux notions d’abolitionnisme et de welfarisme, car d’un côté ses activistes sont des sympathisants vegans désireux de bien faire, mais de l’autre sa vraie base c’est une sorte de grand ventre mou loin d’être forcément végétarien.

L214 tronque donc les définitions pour prétendre avoir un sens dans sa démarche, alors qu’elle n’en a aucun et ce depuis le début. Tout cela pour faire l’éloge de quelqu’un comme l’Américain Henry Spira, qui négociait avec McDonald’s pour leur demander d’être moins cruel…

Ainsi que de Peter Singer, qui défend l’utilitarisme et rejette le principe de morale universelle (ainsi l’expérimentation animale pourrait se légitimer si elle est plus utile que non, un infanticide serait moins à condamner que le meurtre d’un adulte conscient, etc.).

Il n’est pas surprenant que dans le cadre de cette approche, L214 vienne de sortir une vidéo « choc » d’un élevage de cochons dans le Finistère, avec Yann-Arthus Bertrand demandant… aux candidats aux élections municipales à ce que la « viande » des élevages intensifs ne soit plus servie dans les cantines scolaires, à ce que les cantines proposent plus de protéines végétales… Ou bien trouve très bien qu’une ville comme Paris arrête d’accepter les cirques avec animaux.

C’est là de la manipulation émotionnelle : sous prétexte de valoriser des progrès, on en fait une idéologie pour prétendre qu’il n’y aurait pas besoin de tout changer de fond en comble dans la société. Alors qu’il est évident qu’il le faut !

Espérons que beaucoup de monde comprenne le caractère vain de L214 et la nature irrationnelle de l’antispécisme, et se lance dans une bataille pour changer les mentalités, la culture ! Dans une France où les heurts sociaux sont une vraie toile de fond, il faut des initiatives solides servant de phares à la morale vegan… Et la bataille pour la libération des animaux !

Willy Schraen annonce la chasse au véganisme

Le principe de La Terre d’abord! est très simple : il s’agit de se soumettre et de soumettre l’humanité aux intérêts de la planète. Cette démarche a un fondement philosophique, celui de l’athéisme le plus complet, avec une pleine reconnaissance de la Nature.

Les démarches écologistes récentes ne raisonnent pas ainsi, en fait elles ne résonnent pas du tout, elles se veulent simplement pratiques. Il en va de même pour beaucoup d’initiatives se positionnant en faveur des animaux.

C’est pourtant la seule option possible, la seule qui ait du sens. Et le grand problème, c’est qu’en face, ils en sont tout à fait conscients. Il suffit de regarder les propos de Willy Schraen, le président de la Fédération nationale des chasseurs.

Il sait très bien qu’à terme la question concerne tous les aspects de la vie et la société elle-même. Alors il mobilise et pas sur n’importe quelle base : pour établir assez de forces afin d’écraser le véganisme…

La sphère vegan totalement coupée en deux

L’article sur l’alimentation végétale pour les bébés et les femmes enceintes donne des informations précieuses, mais surtout il fixe un horizon, celui de la socialisation vegane telle qu’elle doit exister. Car le problème de fond est désormais plutôt clair. Les derniers mois ont ancré une situation qui va rester, on peut enfin avoir un aperçu général de la situation.

Pour résumer les choses de manière la plus simple possible, et le plus directement possible, on peut diviser les vegans en deux parties. Et cela veut dire qu’il faut se tourner soit vers les uns, soit vers les autres.

Il y a d’un côté une population pour qui le véganisme est un supplément d’âme. Ce n’est pas tant une identité qu’une démarche considérée comme juste et cohérente, et qui vient s’associer à une vie quotidienne possédant déjà ses propres valeurs.

Il va de soi que, la plupart du temps, ces valeurs ont une dimension qu’on peut qualifier, vraiment grosso modo, de néo-hippie. Cela va de la bobo urbaine à la femme du peuple proche de la protection animale, en passant par la jeune branchée ou bien la casanière pacifiste vivant avec des chats.

Néanmoins, la vie quotidienne maintient ses valeurs d’auparavant, d’avant le véganisme. Le fait de devenir vegan est un prolongement considéré comme plus ou moins logique, plus ou moins cohérent. Le véganisme est « acquis » mais ne bouleverse pas fondamentalement les valeurs.

Le grand souci qu’on a ici, c’est que comme on a affaire à un véganisme qui ne « bouleverse » rien, alors la consommation végane est acceptée telle quelle. La conséquence en est une soumission à la consommation végane qui fait de ces gens une sous-partie des végétariens, ces derniers étant eux-même une sous-partie des « flexitariens ».

Nous en reparlerons, mais la question de la « fausse viande » va mettre ici sur le tapis une question fondamentale, celle du rapport à la nature, et en ce sens ces gens sont clairement intéressants. Surtout que le fait de ne pas avoir d’identité « vegan » tout en l’étant les force à la socialisation…

Cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas que tout le monde devienne vegan, mais comme justement le but c’est que tout le monde le soit, il y a une perspective intéressante ! Surtout que selon nous, sans le soutien concret aux animaux (dans les refuges notamment), rien n’a de sens.

Le but, c’est la victoire par la mobilisation, sur la base de l’utopie !

Il y a de l’autre côté ce qu’on va appeler les antispécistes, pour qui le véganisme est une identité, qui « bouleverse » la vie quotidienne menée jusque-là. Nous n’irons pas par quatre chemins : c’est un existentialisme prenant les animaux en otage.

Il n’y a rien de positif, tout est un volontarisme qui se fonde sur l’ego.

Prenons immédiatement un exemple concret. Voici un communiqué tout récent de gens ayant « libéré » des lapins. Nous mettons entre guillemets car ces gens ont laissé des lapins d’élevage, qui ne connaissent plus la nature depuis des générations, dans une forêt ! Leur chance de survie est ainsi totalement nulle, dans les vingt-quatre heures.

Il va de soi que jamais l’ALF n’aurait mené une action aussi lamentable, montrant un degré zéro dans la connaissance de la vie animale et prenant les animaux en otage pour un existentialisme morbide exprimé à travers un langage universitaire faussement rebelle, avec notamment cette écriture inclusive à proprement parler illisible.

Durant la nuit du 24 août en France, 13 lapin.e.s ont été sorti.e.s de leurs cages et relâché.e.s.

Nous sommes conscient.e.s que ce genre d’action est controversé. Nous souhaitons rappeler que ces personnes vivent dans des conditions absolument ignobles. Iels n’ont jamais vu et ne verront jamais la lumière du jour. Iels sont entassé.e.s les un.e.s sur les autres dans des cages grillagées, juste au dessus de leurs excréments. Beaucoup d’entre elleux (une personne sur cinq) ne survit pas à ces conditions avant même le jour où iels sont envoyé.e.s à l’abattoir.

La vie dans la nature comporte de nombreux risques, mais à l’intérieur, leur mort est certaine. Dehors, iels ont tous.tes une chance de s’en sortir. Certain.e.s s’inquiètent de la prédation qui existe dans la nature, mais c’est un risque inhérent à la vie en liberté. La population de renard.e.s (leurs principaux.ales prédateurs.ices) est très faible comparée à celle des lapin.e.s, seule une faible partie d’entre elleux se font manger quelque soit la couleur de leur pelage. En fait, leur plus grand risque serait de rencontrer un.e chasseur.se humain.e.

Nous savons qu’il existe des sanctuaires. Malheureusement, la capacité totale de ces refuges comparée au nombre de personnes tuées quotidiennement est absolument dérisoire. D’autant plus que la majeure partie des femelles en élevages sont enceintes et peuvent avoir jusqu’à 12 lapereaux, ce qui réduit drastiquement le nombre de précieuses places dans ces lieux. Que devons-nous alors faire pour celleux qui n’ont pas de place ? Les laisser à une mort certaine ?

Devant cette situation dans un monde spéciste où il n’existe pas de solution totalement satisfaisante, nous avons décidé de leur laisser une chance dans la nature. Cette décision est d’autant plus pertinente considérant le fait que nous avons croisé lors de l’action de nombreu.x.ses lapin.e.s blanc.he.s, gambadant dans les champs.

Nous avons choisi un lieu éloigné des routes fréquentées, un petit bois où iels peuvent trouver refuge, à proximité d’un champ, et où il nous paraissait peu probable qu’il y ait beaucoup de renard.e.s. Nous sommes resté.e.s auprès d’elleux une heure. Nous avons observé qu’iels se nourrissaient spontanément. Certain.e.s sont rapidement parti.e.s explorer leur nouvel environnement. Iels sautaient de joie, soulagé.e.s après leur séjour en enfer.

Enfin, nous n’avons de comptes à rendre à personne, à part aux autres animaux.

Nous avons également une pensée à tous les activistes antispécistes subissant la répression étatique et policière.

Jusqu’à ce que toutes les cages soient vides. »

Il faut redire les choses telles qu’elles sont : ces gens ont livré les lapins à une mort directe et jamais l’ALF n’aurait fait une chose pareille. Ils ont préféré faire l’action, aux dépens des animaux, sans se soucier de l’hébergement protecteur des animaux, qu’ils n’ont pas voulu assumer eux-mêmes d’ailleurs.

Voici un autre exemple de prose mystico-délirante d’une personne racontant comment elle a mis le feu au local de la fédération de chasse de l’Ardèche. C’est « moi je » « moi je » « moi je ».

« Spasme antispéciste

25 avril [en fait juillet], 02h45, un incandescent croissant me sourit parmi les étoiles. Devant le centre de formation de chasse de l’ ardèche, un panneau lumineux affiche 23 °. Je prends à revers l’édifice, louvoie entre les cibles animales faites de bois et de peinture. A leur vue, la haine me soulève, aiguise ma détermination. Au pied de la façade, j’atteinds les derniers buissons. Une caméra scrute, je serais bientôt dans son champ de vision. En pensées, j’ai déjà vécu des dizaines de fois ce qui s’annonce. Sauter la barrière, escalader le parapet, se hisser sur la coursive et courir se mettre à couvert de la caméra. Pour le moment je suis en bas, déjà haletant, le cœur battant.

Je prends une profonde respiration et m’élance, franchissant successivement les obstacles, moins élegamment certes qu’en imagination. J’ouvre mon sac, empoigne un pied de biche et commence à forcer une porte- fenêtre, sans résultat. De ma main restée libre, je saisi le marteau, éclate la vitre, tourne la poignée et me faufile à l’intérieur. Quelques pas suffisent à faire hurler la première sirène. Je visite à grandes enjambées le 1er; dans une pièce, entasse chaises, tables et cartons. Je dépose un bidon d’essence, ouvre une fenêtre. Le feu aura besoin d’oxygène. Je me dirige ensuite à l’étage supérieur et répète l’opération. Peu de matières combustibles là-haut, j’amoncelle de maigres chevalets sous la charpente espérant que les flammes la lécheront et la consumeront. Je déverse l’essence, allume. Soudain une lumière vive et un souffle puissant emplissent la pièce. L’alarme incendie se déclenche à son tour.

4 à 4 je saute les marches de l’escalier, retourne au 1er, arrose d’essence le tas d’objets, rassemble ce qui me reste de sang-froid et convoque à nouveau les flammes. Quelle merveille. Quitessence du ravage. Appétit effréné du feu. Pas le temps pour la contemplation, hélas, je descends encore d’un étage et sors. Je suis sauf, l’incendie est dans mon dos, les rameaux des arbres devant moi. J’expectore un rire de soulagement, le temps se remet en mouvement.

Cette nuit, 11 personnes ont perdu leur boulot de merde puisque le site sera (définitivement) fermé. Renards et blaireaux ont dû se marrer dans la vallée. Bien sûr les chasseurs trouveront d’autres locaux, formeront d’autres massacreurs, élèveront, traqueront, mutileront et arracheront d’autres vies sauvages encore. Bien sûr nous serons là, sabotant leurs dispositifs, détruisant véhicules et bâtiments, libérant futur gibier et chiens maltraités.

L’ardeur des idées appelle inexorablement aux actes.
Contre l’infamie cynégétique et au delà
Contre la domination et l’exploitation animale.

Solidarité anarchiste aux rebelles antispécistes »

Ici encore, on est en décalage total avec la culture de l’ALF où les êtres humains s’effacent devant les animaux. Et il n’est pas étonnant que les antispécistes nient systématiquement l’ALF, ce qui est leur grande caractéristique et ce qui en dit long.

Ils prétendent avoir inventé quelque chose de nouveau, et en un sens c’est vrai, mais c’est seulement du bruit et aucune perspective, c’est un existentialisme anthropocentré prenant les animaux en otage.

Au moins, les vegans de l’autre type vivent à l’écart des animaux mais ne prétendent pas parler pour eux ; ils ont l’humilité de vouloir contribuer à une démarche d’ensemble, même si de manière franchement dans l’esprit petit-bourgeois des pavillons. C’est peut-être faible, mais cela a sa dignité !


« La contestation animaliste radicale »

Depuis six mois le véganisme a connu des changements très profonds et pour tirer un bilan, rien de tel que de se confronter à une étude un peu poussée. La Fondation pour l’innovation politique, un « think tank libéral, progressiste et européen » avait publié il y a quelques mois un document d’une cinquantaine de pages, « La contestation animaliste radicale ». Il est disponible au format pdf (en cliquant ici ou sur l’image).

Ce n’est pas très bon, très approximatif, mais ce qui est vraiment marquant, c’est qu’il est clairement compris qu’au-delà de L214 d’un côté et des « antispécistes » de l’autre, il y a le fantôme de l’ALF et de l’ARM qui pour le coup inquiète véritablement, de par la dimension réellement complète que cela implique.

Il y a matière à réflexion, alors que L214 et les antispécistes n’apportent aucun résultat dans la société, avec leur autosatisfaction et leurs jérémiades.

Bientôt la tempête

La société peut repousser les problèmes pendant tout un temps, mais à un moment il n’y a plus rien qui tient. Alors, tout s’exprimera frontalement, et plus on a repoussé les choses, plus cela va être profond, violent.

Et dans notre société glauque mais confortable, pas si intéressante mais où l’on peut arracher des choses satisfaisantes, on a droit à la fuite. Tout le monde fuit tout ce qui est responsabilité, engagement, loyauté. Le style de vie dominant, c’est « moi je », « moi j’ai », « moi d’abord ».

La réunion de l ‘IPBES sur la biodiversité n’a ainsi intéressé strictement personne. Cela aurait pu être quelque chose sur quoi s’appuyer, le vecteur d’une prise de conscience, d’un refus de continuer comme avant. Ce n’est pas le cas du tout. C’est une simple anecdote.

C’est un constat qu’on peut faire sans amertume, parce qu’il ne faut pas se leurrer : pour les gens, tout ce qui se passe est virtuel, ou du moins tout est un jeu. On ne peut pas appeler autrement quelque chose qui est considéré comme ne portant pas à conséquence.

Dans les années 1980 en Angleterre, les gens de l’ALF (et de l’ARM) savaient qu’ils risquaient quelque chose et relevaient d’un mouvement de masse. Ils disposaient d’une culture commune, d’une démarche bien déterminée. Ils étaient rationnels. On peut penser ce qu’on veut de leur approche, mais on n’était pas dans une démarche virtuelle ne prenant rien au sérieux.

D’ailleurs, tout le monde les prenait au sérieux. Les gens, l’État, la société toute entière. C’était une vraie proposition, à l’échelle la plus haute, la seule qui tienne. Cela a échoué, mais il y avait un véritable niveau de proposition, ancrée dans la société.

Prenons par exemple le résultat électoral d’Europe Écologie les Verts aux élections européennes. Il a été de 13,48%, ce qui est honorable. En pratique, ce sont surtout les jeunes adultes qui se sont mobilisés en leur faveur. Il y a eu beaucoup de commentaires comme quoi cela serait une prise de conscience, qu’il y aurait un état d’esprit qui s’affirmerait, etc.

Cependant, c’est très superficiel que de penser ainsi. Très concrètement, c’est une sorte d’engouement telle une mode. Et cela n’est même pas de grande ampleur. La preuve en est, EELV a fait un bien meilleur score lors des élections européennes de 2009, avec 16,28% des voix. On est ainsi en-deçà d’il y a dix ans… alors parler d’actualité écologiste, ce n’est pas vrai.

Qu’il soit parlé d’écologie, c’est normal, tout devient catastrophique. Mais c’est un accompagnement, pas une révolte. Et c’est tout à fait pareil pour la question de l ‘exploitation animale. Prenons le parti animaliste, qui a fait 2,2% des voix aux élections européennes. Son mode de fonctionnement est le racolage pur et simple, autour du thème apolitique des animaux, comme si la société n’existait pas.

C’est du niveau j’aime mon chien, je vote pour le parti animaliste. C’est une insulte à la pensée, à la culture, à la sensibilité, à tout ce qui est intelligent. C’est de la manipulation émotionnelle et une approche infantile du monde.

Dans le genre, on a aussi eu ces dernières semaines les antispécistes qui n’ont cessé de démontrer qu’ils n’ont conscience de rien et qu’ils n’agissent que mécaniquement, comme sous-produit de l’exploitation animale, eux aussi.

Ils ont cumulé les erreurs, fautes, coups d’éclat pour le coup d’éclat, etc. On a ici atteint un rare niveau de n’importe quoi et d’ailleurs la répression va s’abattre sur ces gens dans les prochains mois, tellement l’isolement social est complet. Quand on est un sous-produit d’un phénomène historique, on disparaît.

Il y a ainsi eu cette action à Paris. Cela s’est passé alors que l’IPBES se réunissait, ce qui montre encore plus le décalage de ces gens. Plus d’une dizaine de gens sont venus arroser de faux sang le stand d’un boucher bio au marché Saint-Quentin, dans le dixième arrondissement. Deux d’entre eux font l’erreur de revenir une demi-heure après voir ce qu’il en est : ils sont suivis par des bouchers, et arrêtés. On est là dans le symbolique, dans le bobo, dans l’idiot. La totale.

Tout aussi idiot, le soutien de L214 à Hénaff. L’entreprise va moderniser son exploitation animale, ce qui à l’échelle mondiale ne changera rien du tout pour les animaux ni pour l’exploitation animale. Et L214 trouve cela bien.

Il n’y a plus rien à faire pour ces gens là. Quand on dit qu’on veut le véganisme et qu’on en arrive à dire du bien d’une entreprise de l’exploitation animale, car elle va s’adapter elle au marché à l’horizon 2030, c’est qu’on s’est perdu en cours de route, totalement…

Voici le communiqué de L214.

HÉNAFF FAIT ÉVOLUER LE MODÈLE INTENSIF BRETON

MOINS DE 2 ANS APRÈS L’ENQUÊTE DE L214

Hénaff vient d’annoncer que les conditions d’élevage des cochons dans les exploitations fournissant la marque allaient être améliorées. D’ici 2030, les élevages devront fournir de la litière et garantir un accès extérieur aux truies reproductrices. Les stalles (cages de contention pour les truies) seront interdites. Plus de mutilations pour les porcelets (fin de la castration, de la coupe des queues et du meulage des dents). Paille et accès à l’extérieur pour les cochons à l’engraissement.

L214 salue cet engagement qui s’appliquera de façon progressive pour aboutir en 2030 à des conditions d’élevage au moins équivalentes à l’élevage bio. Si des réflexions avaient été initiées par la marque depuis quelques années, elles se sont accélérées suite à une enquête révélée en juin 2017 par L214. Les images de deux élevages fournissant la marque montraient des cochons enfermés sur un sol en béton, des truies immobilisées dans des cages exiguës, des cochons aux queues mutilées…

L’enquête, commentée par le chanteur Arthur H, était accompagnée d’une pétition adressée à Loïc Hénaff, président du directoire de l’entreprise, demandant à la marque l’arrêt de l’enfermement des cochons sans accès à l’extérieur, l’arrêt de l’utilisation de sol en béton nu, l’arrêt des cages individuelles pour les truies et des mutilations douloureuses aux porcelets. Elle avait rapidement obtenu plus de 70 000 signatures.

Pour Sébastien Arsac, cofondateur de L214 : « Aujourd’hui en France, 95 % des cochons sont élevés sans accès à l’extérieur. Ils vivent sur un sol bétonné dépourvu de paille et de tout autre matériau. Les truies reproductrices sont enfermées dans des cages et les porcelets sont mutilés. Avec cet engagement, Hénaff s’oriente vers une sortie du modèle intensif et montre la voie à la filière porcine bretonne. Tout un symbole ! L214 salue la réactivité et la bonne volonté d’Hénaff qui a su réagir concrètement et avec sérieux à une demande sociétale qui réclame aujourd’hui de meilleures conditions de vie pour les animaux dans les élevages. »

On notera au passage cette information largement diffusée sur le net ces derniers temps, comme quoi L214 a reçu plus de deux millions d’euros d’associations « philanthropiques » américaines. Cela se passe dans le rapport du commissaire aux comptes de 2017, aux pages 15 et 21.

Il s’agit de la Silicon Valley Community Foundation et de la Open Philanthropy Project, qui sont grosso modo des associations américaines financées par de très riches américains cherchant à pousser les choses dans un certain sens ou dans un autre. On devine que toute l’industrie de la « viande synthétique » y trouve ici son compte.

Mais cela ne dérangera pas les gens soutenant L214, qui ne sont pas dans la rationalité. Ils ne se demandent pas quelle est la nature du mouvement, ses bases théoriques, la source de ses moyens, etc. Ils consomment, passivement. Tout comme leur intérêt pour les animaux est une conséquence du triomphe total de l’exploitation animale.

Sûr évidemment que ces milliardaires et millionnaires ne vont pas donner de l’argent à l’ALF… qui le refuserait par ailleurs. Un mouvement révolutionnaire s’appuie sur lui-même, parce qu’il est ancré dans une perspective historique. Il n’a pas besoin de choses pragmatiques n’amenant qu’à vendre son âme.

Encore une fois cela n’intéresse pas notre époque, avec l’émergence toujours nouvelle d’associations, de structures, surgies de nulle part, à travers les réseaux sociaux, et se faisant connaître pour des actions spectaculaires sans effet. On a eu Extinction Rebellion pour l’écologie… on a ainsi Direct Action Everywhere qui s’est fondé en septembre 2018, pareillement en reprenant des principes, codes, démarches d’entités internationales, nées par en haut.

Cette structure enquête sur les élevages intensifs, ce que d’autres, par exemple L214, faisait déjà. Le député France Insoumise Bastien Lachaud a d’ailleurs participé à une enquête dans un élevage porcin des Côtes-d’Armor. Et justement, si cela ne donne rien, cela aide par contre l’ennemi dans sa propagande, sa répression, ses coups de pression, etc.. Ce mardi, le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume a promis la « sévérité » :

« Il y en a assez de ces intrusions d’individus, de citoyens, qui viennent embêter les professionnels de l’agriculture. Il y en a assez de ne pas respecter les règles, de venir attaquer les outils de travail. Aucune autre profession ne le supporterait. Ce n’est plus possible, et c’est encore moins possible quand ces actions-là sont faites et cautionnées par un élu de la République. (…)

La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, a envoyé une instruction à tous les procureurs de la République pour leur demander d’avoir la plus grande fermeté vis-à-vis de ceux qui attaquent les boucheries, et de ceux qui ont des actes d’intrusion dans les exploitations agricoles »

Ceux qui vont prendre d’autant plus de coups, ce sont les douze activistes de Boucherie Abolition, interpellés ce 21 mai, pour « vol aggravé, entrave concertée à l’exercice de la liberté du travail, dégradations en réunion et violation de domicile ».

Ils seront jugés le 20 septembre pour des intrusions et libération d’animaux menés par le passé dans plusieurs fermes de l’Orne, de l’Eure et de l’Eure-et-Loir. Leur réaction est assez exemplaire du caractère totalement anti-social de la démarche :

En dicktature spéciste, libérer des esclaves conduit à 33h de garde à vue.

La déconnexion de ces gens avec la société française est totale. On a d’ailleurs « 269 libération animale » qui continue ce genre d’actions qu’elle a elle-même initié, dans les pays voisins cette fois, pour parer à la répression ainsi. Avec pareillement un discours sectaire-poétique, dont voici un exemple.

Celleux qui rêvent d’un monde plus juste sans agir,
Cultivent le cauchemar de tou.te.s les opprimé.e.s qui luttent seul.e.s pour leur survie.

Finissons-en avec la logique du « parler pour » ou « au nom de », affublé.e.s de pancartes ridicules et de bons sentiments à mille lieues des opprimé.e.s !
Ouvrons-nous en urgence à la logique du « lutter avec » et même du « vivre et lutter avec ».

Soyons là où iels sont, devenons leurs complices et le pire cauchemar des industries spécistes !

N’y aurait-il donc aucune alternative entre d’un côté des réformistes prêts à se vendre à Hénaff et à l’industrie de la viande de synthèse prévoyant des centaines de millions d’euros de budget, de l’autre des isolationnismes faisant du « spécisme » un véritable mythe qui aurait pris possession des esprits?

Allons donc, bien sûr que si. Ces approches sont récentes, et ce n’est pas pour rien que tant les uns que les autres ne parlent jamais de l’ALF. Ils ne disent pas : l’ALF a échoué pour ceci ou cela, se trompe pour telle ou telle raison. Ils ont toujours nié son existence.

Car ils savent qu’au fond, tout est une question d’identité et de détermination. Non pas qu’on soit obligé de faire comme l’ALF. Mais on est obligé de partir, dans ce qu’on fait, d’une conscience aussi nette, pure, claire, déterminée que l’ALF. Et ce quoi qu’on fasse, même quelque chose de tout à fait légal.

Parce que c’est une question d’orientation, de base rationnelle, de clarté dans les principes. Tout est une question de valeurs, tout est une question de culture. Mais pour cela, il faut décrocher des valeurs dominantes. Il faut décrocher de la société de consommation, des drogues, de l’alcool, de l’individualisme.

Il faut se purifier, s’édifier, se façonner comme quelqu’un capable de choix, d’orientation, d’engagement, en faisant en sorte que tout tende à la confrontation, à la tempête inéluctable qui va s’affirmer.

Qui ne croit pas en cette tempête qui va tout balayer s’imagine simplement que ce monde ne changera jamais, que tout est stable. Or, ce monde est en perdition, il ne peut plus tenir tel qu’il est. Tout le monde le sait, au fond.

Aussi faut-il affirmer la rupture en termes de culture, de valeur, de projet de société, au plus haut niveau. Et non pas accepter le nivellement par le bas des manipulations émotionnelles. On a d’ailleurs eu plusieurs fois Marine Le Pen utilisant le thème des animaux ces dernières semaines, notamment pour la question du transport. Ce n’est pas étonnant: la démagogie apprécie beaucoup l’irrationalisme.

Alors il faut arrêter de faire n’importe quoi. Il faut se forger pour être vegan straight edge, et assumer. Il faut partir de là pour voir comment intervenir et développer les leviers adéquats pour faire élever les consciences. Avec, en tête, la tempête qui vient.

Le rapport de l’IPBES : scénarisation et non-accès aux informations

Le fait que le rapport de l’IPBES sur la biodiversité n’ait pas été rendu public est très important. Il ne faut pas croire que l’idée est de faire un bilan de la biodiversité et d’en donner les résultats. L’objectif est de présenter ce bilan d’une certaine manière et de le fournir immédiatement avec la manière de l’interpréter. C’est une manière de contourner toute critique possible et d’immédiatement encadrer tout ce qui peut être dit.

Comment l’IPBES a-t-elle procédé ? Elle a fait en sorte d’ajouter quelque chose au petit communiqué sur l’accord au sujet d’un rapport commun faisant le bilan de la biodiversité. Cet ajout consiste en des « Informations complémentaires », formées des catégories suivantes :

  • Ampleur de la destruction de la nature
  • Peuples autochtones, communautés locales et nature
  • Objectifs mondiaux et scénarios politiques
  • Instruments politiques, options et bonnes pratiques
  • Quelques chiffres : statistiques clés et faits

Il faut voir chaque chose présentée plus en détail. Cependant, il est essentiel de comprendre ici que ces « informations » sont parfaitement structurées, dans un véritable petit scénario. Ce n’est pas comme si l’IPBES avait livré un rapport sur la situation, de manière « neutre », que chacun pourrait prendre en considération, puis proposer démocratiquement des solutions.

On pourrait d’ailleurs imaginer que, logiquement, le rapport est rendu public, traduit évidemment dans toutes les langues, disponibles en pdf et en version papier, le tout étant fourni gratuitement à tous les membres des appareils d’État du monde entier, ainsi qu’aux institutions économiques, éducatives, scientifiques, etc.

Ce n’est pas du tout le cas, malheureusement. Le fait de ne pas rendre public le rapport vise même à empêcher cela. Il n’y a même pas de date pour la rendue publique ! C’est dire tout de même à quel point l’IPBES maintient un contrôle total sur l’ensemble. Rien que ce procédé devrait interpeller.

Regardons maintenant quelle est la logique du scénario sous-jacent à ce qui a été rendu public le 6 mai 2019. La « Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques » a agi de la manière suivante :

a) l’IPBES annonce dans un petit communiqué qu’elle a réussi à établir un document commun aux différents pays pour établir une « base scientifique » sur les dégâts causés à la « biodiversité » ;

b) le petit ajout sur « l’ampleur de la destruction de la nature » ne parle paradoxalement pas vraiment de cela, mais raconte comment l’humanité s’est récemment agrandie numériquement et a renforcé ses industries, établi un mode de vie plus consommateur de ressources ;

c) le petit ajout sur les « Peuples autochtones, communautés locales et nature » présente un mode de vie censé être à l’inverse de ce qui est présenté au point précédent ;

d) le petit ajout sur les « Instruments politiques, options et bonnes pratiques » prend bien évidemment comme modèle ce qui est exposé au point précédent, appelant à une « bonne pratique » ;

e) le petit ajout « Quelques chiffres : statistiques clés et faits » consiste en une avalanche de chiffres pour bien souligner l’importance de ce qui est présenté.

Conclusion : on doit considérer que le point a) reflète un pas en avant, qui est impliqué par b), ce dernier point étant contrebalancé par le point c), qui sert alors de modèle de « bonne gouvernance » comme le veut le point d). Pour bien asseoir l’ensemble, on a le point e) qui montre de manière comptable ce qui est en train d’être perdu.

Il faut encore analyser en détail ce qui est établi et fourni comme conclusions. Mais au-delà de cela, au-delà même des considérations sur l’opposition entre le biocentrisme et l’anthropocentrisme au sein de ce rapport, il y a lieu de souligner le caractère anti-démocratique de la démarche.

Dans l’ordre des choses, l’ONU aurait dû dire : voilà quel est l’état du monde, je vous le montre tel quel. Chaque personne devrait, en son âme et conscience, être confrontée à cet état du monde, le prendre en considération et l’assumer dans un sens ou dans un autre. C’est la base d’une lecture rationnelle de la part des gens, pour un choix exposé et partagé ou non par la majorité, par l’ensemble.

Ici, le fait est qu’on n’ait pas accès à cet état du monde. On a droit à des résumés, à des informations distillées selon les choix des rédacteurs. L’information brute n’est pas disponible. On ne peut pas l’évaluer, on ne peut même pas évaluer la valeur de cette information brute, puisqu’on ne sait même pas en quoi elle consiste.

On nous demande de croire sur parole. C’est la soumission aux experts, la porte ouverte aux fantasmes complotistes climato-sceptique, qui auront beau jeu d’attaquer le procédé, comme ils le font pour les rapports du GIEC sur le réchauffement climatique.

Toutefois, il ne faut pas croire que cela soit tout. L’IPBES a également produit un « résumé pour les décideurs ». C’est un petit document à part, présentant les « clefs » du rapport, avec les éléments de langage, la manière de comprendre les choses, etc. C’est quelque chose de totalement orienté.

Le contenu reste à voir, mais encore une fois, au-delà de cela, il y a la question de la forme. On peut considérer qu’une initiative visant à établir un état d’esprit à l’échelle mondiale est une bonne chose. Sauf que là cela se déroule de manière non démocratique. Un organisme explique comment voir les choses aux « décideurs ». Déjà que ces derniers décident sans demander l’avis des gens, si en plus on leur explique certaines choses en passant au-dessus de tout le monde, même des décideurs… Qui décide de quoi ?

Et comment veut-on que les gens s’impliquent dans l’écologie, si les décisions leur sont étrangères ? Il y a ici un problème de fond dans la méthode, qui reflète il est vrai une panique générale. Car la seule conclusion est évidemment : on renverse tout le système et on adopte la morale vegan straight edge, soumettant l’humanité aux intérêts planétaires.

Cela présuppose un gouvernement mondial, et pas une ONU diffusant des points de vue de manière transnationale.

Le véganisme et le féminisme à la croisée des chemins

Le 8 mars est une date très importante ; elle est un anniversaire, celui de la cause des femmes. Le véganisme se confond avec cette cause, non pas simplement pour des raisons conceptuelles, théoriques ou quoi que ce soit de ce genre, même si cela a son importance, mais surtout parce que ce sont les femmes qui font que le véganisme existe.

Il ne faut pas se leurrer : les hommes sont pétris historiquement par les valeurs de la chasse et de la cueillette, de l’agriculture et de la domestication, et cela depuis des milliers d’années. En mettant les femmes de côté, les hommes ont mise de côté la Nature et il leur manque une capacité à assumer la sensibilité par rapport à celle-ci.

Les hommes peuvent devenir vegans, mais aimer les animaux, la Nature, ils ont du mal avec cela ; ils peuvent l’accepter, voire l’assumer, mais pas le trouver d’eux-mêmes. Ils doivent se mettre à l’école de femmes.

Malheureusement, il faut ici noircir le tableau. Et le véganisme et le féminisme ont à ce sujet un nombre important de points communs. Ils sont donc tous deux portés par les femmes ; ils ne doivent leur existence qu’à l’abnégation de femmes qui le portent très concrètement, de manière positive, en réalisant certaines choses.

Mais tous deux sont récupérés, détournés, lessivés, vidés de leur contenu. Les termes de véganisme et de féminisme, une fois qu’ils ont acquis une certaine valeur, ont été réemployés n’importe comment, pour profiter de leur prestige, pour les vider de leur contenu.

Désormais, le féminisme est une valeur des institutions françaises elles-mêmes, ainsi que des marques qui visent le marché féminin et utilisent le 8 mars, par exemple, comme prétexte pour des promotions.

Quant au véganisme, il a été saccagé par des universitaires, des épiciers et des excités en mal d’idéaux, transformé en un « antispécisme » d’autant plus ignoble qu’il tourne ouvertement le dos aux animaux sauvages et aux refuges.

Dans les deux cas, les femmes qui portaient tant l’un que l’autre ont laissé faire, parce qu’elles détestent à la fois le conflit, les querelles, la politique, les idéologies. Elles pensent qu’il y a de la place pour tout le monde, ou bien ne se posent pas la question de voir les choses en grand. Elles sont focalisées sur les choses concrètes.

C’est la force des femmes impliquées dans la protection des animaux que d’insister toujours sur le côté pratique et la dimension naturelle dans le rapport aux animaux. Mais c’est en même temps un souci sur le plan des valeurs, car face aux carriéristes, opportunistes, boutiquiers, profiteurs et autres aventuriers en quête d’egotrip, cela ne fait pas le poids !

Il faut dire ce qui est : avec les antispécistes d’un côté et les marchands de l’autre, l’antispécisme voire le véganisme est devenu un prêt à porter de hipsters, un élément de plus dans une pleurnicherie sans fins sur un monde « hiérarchisé » qu’il s’agirait de déconstruire.

Si l’on veut trouver des gens parlant du véganisme, on se retrouve face à des énergumènes jeunes et fascinés par une esthétique de « rupture », coupés de toute connaissance historique, utilisant un vocabulaire bigarré pour mettre « l’antispécisme » sur le même plan que la lutte contre « l’agisme », le « validisme », « l’islamophobie », avec inversement la mise en valeur de la non-monogamie, des concepts de bisexualité, pansexualité, polyamour, etc.

Ces gens sont odieux et détournent les gens normaux du véganisme, qu’ils voient comme une lubie d’habitants des centre-villes, de rebelles fils ou filles à papa cherchant quelque chose d’extrême pour se faire remarquer, se mettre en valeur, voire faire carrière!

L’antispécisme fait partie de la panoplie composée de l’anneau dans le nez ou de la barbe de hipster, des discours nombrilistes et des photos ininterrompus de soi-même, de l’utilisation massive de twitter, instagram et facebook, des complaintes lyriques et agressifs contre telle ou telle personne accusée d’être exemplaire des valeurs à déconstruire.

Les animaux ne sont rien d’autre qu’une surface de projection.

C’est une catastrophe et celle-ci ne peut être que temporaire, parce que les modes passent et que cet assemblage hétéroclite utilisant la question animale pour avoir l’air « libératrice » sur tous les plans ne tiendra pas sur le long terme.

Il s’agit donc de prévoir la suite et de maintenir le drapeau du véganisme… Un véganisme porté par les femmes, qui n’aiment pas les drapeaux, sauf quand elles ont compris que l’affrontement était inéluctable et qu’il fallait l’assumer. Elles sont alors en première ligne.

Le renégat Tim Shieff

C’est une information normalement anecdotique, cependant dans le climat actuel, il est toujours bon de s’y attarder, pour remettre quelques points sur les i. Le véganisme en France connaît en effet une puissante contre-offensive, aussi rappeler les fondamentaux a du sens.

En l’occurrence, cela concerne un athlète de haut niveau, qui a abandonné le véganisme, pour des raisons de santé prétend-il. Cela a provoqué de nombreux échos dans les médias et cela contribue à la désorientation. Ce n’est jamais bon et ça l’est encore moins en ce moment.

La personne concernée est Tim Shieff ; c’est un Anglais, adepte des parcours où l’on court en faisant face à des obstacles. La télévision raffole de plus en plus de ce genre de choses et il s’y est fait connaître lors d’un parcours de MTV, lui apportant une certaine reconnaissance.

En plus, il a gagné la même année, en 2009, un championnat de parcours. Il a même pu par la suite avoir un petit rôle dans Harry Potter (celui d’un « détraqueur). Il est ensuite devenu vegan en 2012, tout en partageant son quotidien dans des petites vidéos, avec autour de lui une communauté de suiveurs. Il mettait directement en avant le véganisme, et avait même fondé un marque d’habits.

Voici une vidéo montrant ses capacités techniques alors.

C’est indéniablement impressionnant, cependant on l’aura compris, cela fait partie de toute cette vague de végans pour qui le véganisme ce ne sont pas les animaux, mais soi-même, son identité, son vécu, etc. Voici une autre vidéo assez typique du genre m’as-tu-vu.

C’est donc simplement un de ces nombreux free-runners et autres adeptes du cross-fit qui adorent se mettre en scène dans des vidéos autocentrées, dans un esprit ultra-individualiste, ce qui n’a rien à voir avec le sport dans sa dimension populaire, ni avec le véganisme en tant que tel.

Sauf donc que Tim Shieff a fait un petit buzz tout récemment en annonçant publiquement, dans une vidéo, qu’il abandonnait le végétalisme, pour des raisons de santé. Il a alors dépassé largement le cadre de sa renommée initiale. Car s’il a pu franchir le million de vue à ses débuts, ses dernières vidéos ne réunissent que quelques dizaines de milliers de vue, c’est-à-dire vraiment pas grand-chose dans ce domaine pour un anglophone.

Son annonce d’abandonner le végétalisme a quant à elle plu à de nombreuses personnes qui se sont empressées de relayer l’information, comme nouvel argument contre les personnes vegans. Tim Shieff étant un renégat, il est utilisé par les ennemis du véganisme. Rien de plus logique.

C’est qu’il s’agit d’une bataille culturelle, d’une bataille de valeurs. Les fondements du véganisme sont tellement solides, la réalité de la bonne santé des personnes végétaliennes ayant une alimentation équilibrée est tellement évidente, que les arguments rationnels n’opèrent pas. Il ne reste plus que le mensonge, et ce genre d’anecdote, pour tenter de discréditer les vegans.

Soyons très clairs : en 2019, prétendre que le végétalisme n’est pas possible – pour une personne « normale », pour un sportif de haut niveau, pour un enfant – ne tient pas. A moins que, dans sa tête, on capitule culturellement.

Voyons justement les arguments de Tim Shieff. À aucun moment il n’expose d’arguments concrets, matériels, pour justifier son choix. On apprend simplement que ses muscles devenaient fragiles et qu’il n’arrivait plus à faire de pompes sans être blessé ensuite. Il dit avoir été fatigué, déprimé, avoir du mal à digérer, etc.

Plutôt que de penser au surentraînement, ce qui est typique pour ce genre d’activités consistant en une éternelle fuite en avant dans le dépassement individuel, de manière toujours plus extrême, il s’imagine qu’il lui manquait « quelque chose », sans vraiment l’expliquer. On retrouve là tout son fond mystique, avec toutes les thématiques quasi magiques du type yoga, équilibre de ying et de yang, etc.

D’où l’incohérence jusqu’au pittoresque. Ainsi après plusieurs tentatives délirantes de se « purifier », en buvant son urine (« l’urine est de toi et c’est pour toi »), ou encore en suivant un jeûne très strict de 35 jours en buvant seulement de l’eau distillée, Tim Shieff a mangé des œufs et de la chaire de poisson et raconte que cela lui a fait énormément de bien. La belle affaire ! Il n’y a rien de plus absurde pour un athlète que de ne pas s’alimenter, alors forcément que quand on mange à nouveau, l’organisme « apprécie ».

Mais étant une sorte de délirant, d’équilibre, Tim Shieff tient un discours lyrique et dérangé, dérangeant :

« La première nuit après avoir mangé du saumon, j’ai eu un rêve mouillé alors que cela faisait des mois que je n’avais pas éjaculé. »

C’est tout à fait grotesque. Nous sommes en 2019 et ce genre de discours ne tient pasu ne seconde alors que les exemples sur le long terme de sportifs de haut niveau vegan sont multiples, et cela dans tous les domaines, que cela soit la force, l’endurance, l’explosivité, la coordination neuro-musculaire, etc.

Pour fonctionner, les muscles ont besoin d’un certains nombres de micro-nutriments, que l’on retrouve sans problèmes dans les végétaux. Et cela que ce soit le fer, le zinc ou les vitamines. Il y a bien sûr la vitamine B12 qui est un cas particulier, mais cela n’est pas un problème puisque les végétaliens en consomment facilement autrement que dans les produits d’origine animale.

On a besoin bien sûr de beaucoup de glucides, mais dans tous les cas ceux-ci proviennent uniquement (ou presque) des végétaux.

Il faut également consommer des protéines, pour régénérer ses tissus musculaires après l’effort. Là encore, ce n’est pas un problème : ce dont à besoin l’organisme, ce n’est pas de protéines agglomérées par un autre animal (dans un œuf ou de la chaire de poissons par exemple), c’est d’acides aminés afin de constituer ses propres protéines.

Chaque sportif vegan sait très bien où trouver les acides aminés essentiels pour s’alimenter après l’effort. Les pois chiches, les lentilles, les haricots rouges, le riz complet, l’avoine… en regorgent, et les exemples sont par ailleurs multiples. Ceux qui veulent faire les choses encore mieux, de manière plus poussée, peuvent se tourner vers des aliments encore plus « fonctionnels », comme le quinoa ou les graines de chanvre décortiquées, dans lesquels ont retrouve tous les acides aminés essentiels en bonnes proportions, ainsi que beaucoup d’autres micro-nutriments.


Marta Gusztab, championne polonaise de Muay Thai

Qui a t-il donc, pour un sportif, qu’on ne pourrait trouver que dans les œufs, ou la chaire de saumon ? On trouve dans un œuf beaucoup d’eau (presque la moitié de la matière), des protéines, un tout petit peu de glucides, des acides gras, et tout un tas de micro-nutriments habituels. Rien de cela n’est spécifique, introuvables ailleurs pour un vegan.

Il en est de même pour le saumon : il n’y a rien qui serait spécifique et introuvable ailleurs. On peut noter que celui-ci a un organisme, comme tous les poissons gras, particulièrement riche en acides gras oméga-3. Sauf que tout sportif vegan sérieux, connaissant l’importance de ces acides afin d’éviter les risques d’inflammation notamment, sait très bien où trouver des acides gras oméga-3 en grandes quantités et mange en général beaucoup de graines de lin, de chia ou de chanvre, précisément pour cette raison.

En fait, l’enjeu en termes d’alimentation pour les sportifs est surtout qualitatif. Le quantitatif est très facile à couvrir, que l’on soit vegan ou non. Sur le plan qualitatif par contre, les aliments d’origine végétale permettent une bien meilleure synergie des micro-nutriment, pour une assimilation optimale, plus « fine » en quelque sorte. Il en est de même pour l’équilibre acido-basique, qui agit directement sur les performances.

Une alimentation classique, à base de protéines animales et de laitages, acidifie largement l’organisme, au contraire d’une alimentation végétale bien menée (sans excès de céréales et avec beaucoup de fruits et de légumes) qui permet de mieux réguler le pH plasmatique.

Beaucoup d’athlètes très sérieux ont, au contraire de Tim Shieff, fait des recherches, réfléchi de manière intelligente et concrète à leur alimentation. On a même des individus tels que les célèbres athlètes Brendan Brazier ou Scott Jurek, qui sont venus au végétalisme pour des raisons de santé et de performance sportive. Brendan Brazier est auteur de la méthode Thrive, qui prône une alimentation essentiellement « raw » (non cuite) et « whole » (avec des produits complets).

Scott Jurek a pour sa part écrit un livre, Eat & Run, qui est traduit en français, dans lequel il fait largement part de son expérience positive avec le végétalisme.

Il y a aussi d’autres athlètes pour qui le végétalisme est d’abord un engagement pour les animaux, comme le sympathique Matt Frazzier du blog nomeatathlete.com, appréciant comme nous le groupe Earth Crisis ! Il a écrit un ouvrage très didactique, traduit en français sous le nom de Se nourrir, marcher, courir vegan.

Conclusion, Tim Shieff n’est qu’un narcissique renégat au véganisme, comme il y en a tant, comme il y en a eu et comme il y en aura. Il faut bien avoir conscience de cela. D’où la nécessité de centrer son discours sur la compassion et les animaux, la nature et le respect de la vie.

L’antispécisme et la suppression des prédateurs

Avec le grand tournant qu’a connu la question animale ces derniers mois, il n’est pas étonnant que la grande question de fond émerge de manière toujours plus prégnante. Résumons la le plus simplement possible : les gens qui comprennent que les animaux souffrent sont particulièrement marqués par cela. C’est normal.

Mais, alors, leur compréhension de cela se heurte à deux choses. D’abord, ils ne perçoivent pas le rapport à la société, l’économie, l’histoire, la culture, etc., ce qui aboutit à une forme de misanthropie, de pessimisme, etc. Cela est surtout vrai en fait pour les gens relevant du véganisme au sens le plus général.

L’antispécisme et la suppression des prédateurs

De l’autre, et cela concerne ici fondamentalement « l’antispécisme », il se pose la question de la Nature, qui apparaît en effet forcément comme odieuse, cruelle, meurtrière. L’antispécisme est, contrairement au véganisme, en effet un anthropocentrisme et partant de là il ne peut voir en la Nature qu’une ennemie.

Les Cahiers anti-spécistes – la revue historique de la mouvance veggie pride – L214 – a à ce sujet donné récemment la parole à des gens voulant « dresser » la Nature et exterminer les « prédateurs ». Ces gens ne représentent rien en termes d’organisation ou de philosophie, alors pourquoi les faire parler ? Tout simplement parce qu’ils représentent une version simplement plus conséquente sur le plan des idées que les antispécistes en général qui, d’une manière ou d’une autre, sont obligés d’en arriver là

Les Cahiers anti-spécistes le savent et aimeraient par conséquent que cela se passe de la manière la plus « douce » possible, parce qu’ils travaillent depuis vingt ans pour cela et ne veulent pas se rater…

Cependant, pour bien aborder toute cette question, voyons ce que dit Paul Ariès dans sa tribune au monde publié début janvier. Si le titre est provocateur (« J’accuse les végans de mentir sciemment »), c’est surtout parce que l’auteur de la tribune a tout à fait compris l’arrière-plan anthropocentriste de l’antispécisme et entrevoit un boulevard pour les dénoncer (et tout le véganisme avec).

Encore une fois, il faut voir au-delà du ton odieux de l’auteur de la tribune. Ce qu’il dit sur la suppression de la prédation que voudraient les vegans… est en fait une valeur inévitable de l’antispécisme, de par sa définition même. A moins de reconnaître la Nature (comme nous nous le faisons), il est inévitable que refuser qu’une espèce en profite d’une autre aboutisse à la haine de certains animaux…

Voici la tribune dans son intégralité.

Tribune. 

Le véganisme a été promu en 2018 phénomène de l’année par diverses revues. Il est essentiel que l’année 2019 soit celle où les yeux commencent à s’ouvrir ! Le véganisme n’est pas seulement une production d’alimentation farineuse mais une machine à saper l’humanisme et à tuer une majorité d’animaux. C’est pourquoi je ne suis pas antivégans pour défendre mon bifteck mais l’unité du genre humain et la biodiversité bien au-delà de mon assiette.

J’accuse les végans de cacher leur véritable projet qui n’est pas simplement de supprimer l’alimentation carnée, simple goutte d’eau dans l’ensemble de la prédation animale, mais d’en finir avec toute forme de prédation, en modifiant génétiquement, voire en supprimant, beaucoup d’espèces animales, sous prétexte que n’existerait pas de viande d’animaux heureux et que les animaux sauvages souffriraient bien davantage et en plus grand nombre que les animaux d’élevage ou domestiques.

Le fond du problème à leurs yeux n’est pas la consommation de produits carnés mais la souffrance animale ; or cette dernière étant inhérente à la vie, il faudrait réduire le vivant, en vidant, par exemple, les océans, car il ne serait plus possible de laisser encore les gros poissons manger les petits, ou en empêchant un maximum d’animaux de naître.

J’accuse les végans de mentir en faisant croire au grand public qu’ils seraient des écolos et même des superécolos, alors qu’ils haïssent l’écologie et les écologistes, puisque les écolos aiment la nature et qu’eux la vomissent, car elle serait intrinsèquement violente donc mauvaise. David Olivier, un des pères des Cahiers antispécistes, signait, dès 1988, un texte intitulé « Pourquoi je ne suis pas écologiste ». Il confirme en 2015 : « Nous voyons l’antispécisme et l’écologisme comme largement antagonistes. »

Peter Singer, considéré comme le philosophe le plus efficace de notre époque, et ses comparses Tom Regan et Paola Cavalieri le confirment : l’écologie n’est pas soluble dans l’antispécisme et les écolos dupés sont des idiots utiles ! Le véganisme refuse tout simplement de penser en termes d’espèces et d’écosystèmes pour ne connaître que des individus (humains ou non humains). Le prototype de la ferme bio a toujours été une ferme polyvalente liant agriculture et élevage, faute de fumier, il ne reste aux végans que les engrais chimiques, sauf à accepter une baisse drastique de la population humaine.

La biodiversité n’a aucune valeur en soi, dixit la philosophe Julia Mosquera. D’autres théoriciens du mouvement, comme Brian Tomasik, estiment que mieux vaudrait encourager la pêche intensive détruisant les habitats marins, Thomas Sittler-Adamczewski demande de soutenir les lobbies pro-déforestation, Asher Soryl suggère d’éviter d’acheter des produits biologiques, puisque l’agriculture productiviste est plus efficace pour réduire le nombre d’animaux, et d’éviter de combattre le réchauffement climatique car il réduirait l’habitabilité de la planète pour les animaux. Ces mêmes végans conséquents clament que les droits des animaux sont antinomiques avec ceux de la nature.

J’accuse les végans de prendre les gens pour des idiots lorsqu’ils se présentent comme de nouveaux humanistes alors que l’humanisme reste leur bête noire, puisque, selon eux, responsable du spécisme envers les autres espèces animales, alors que toute leur idéologie conduit à déplacer les frontières entre espèces et à clamer, avec leur principal théoricien Peter Singer, que les nourrissons, les grands handicapés, les personnes âgées très dépendantes ne sont pas des personnes, que ces individus n’ont pas, au sens propre, de droit à la vie, qu’un chiot valide est plus digne qu’un grand handicapé, que tuer un nourrisson est moins grave que sacrifier un grand singe.

Trier l’ensemble des animaux (humains ou non) en fonction d’un critère quelconque (caractère « sentient ») revient toujours à recréer la hiérarchie. Proclamer l’égalité animale c’est signifier que certains animaux seront plus égaux que d’autres, donc que certains humains seront moins égaux que d’autres humains et même que certains animaux non humains.

J’accuse le véganisme d’aboutir à un relativisme éthique dès lors qu’il introduit la notion de qualité de vie pour juger de la dignité d’un handicapé, d’une personne âgée dépendante, dès lors qu’il banalise la zoophilie à la façon de Peter Singer, lequel dans son fameux « Heavy Petting » défend certaines formes de rapports sexuels entre humains et animaux, évoquant des contacts sexuels mutuellement satisfaisants. Ce sont ces mêmes végans qui se prétendent les champions toutes catégories de l’éthique face à des mangeurs de viande diaboliquement immoraux.

J’accuse les végans d’abuser celles et ceux qui aiment les animaux et s’opposent avec raison aux mauvaises conditions de l’élevage industriel car, comme le clame Tom Regan, le but n’est pas d’élargir les cages mais de les vider. Ils s’opposent donc à tout ce qui peut adoucir le sort des animaux puisque toute amélioration serait contre-productive en contribuant à déculpabiliser les mangeurs de viande, de lait, de fromages, les amateurs de pulls en laine et de chaussures en cuir et retarderait donc l’avènement d’un monde totalement artificiel.


J’accuse les végans d’être des apprentis sorciers qui, non satisfaits de vouloir modifier génétiquement les espèces animales et demain l’humanité, s’acoquinent avec les transhumanistes comme David Pearce. Il s’agit non seulement de corriger les humains, mais de corriger tous les autres animaux. Les chats et chiens carnivores sont qualifiés de machines préprogrammées pour tuer.

Ce qui est bon pour un animal (humain ou non humain) serait donc de disparaître en tant qu’animal, pour aller vers le posthumain, le chien cyborg. Le chat végan n’est qu’un produit d’appel de ce paternalisme technovisionnaire. Pearce ajoute que tout désir de préserver les animaux (humains compris) dans l’état « sentient » actuel serait du sentimentalisme malavisé.

J’accuse les végans de nous prendre pour des imbéciles lorsqu’ils répètent en boucle qu’il ne s’agit pas de donner le droit de vote aux animaux tout en diffusant, sous le manteau, le manifesteZoopolis, de Sue Donaldson et Will Kymlicka (Alma Editeur, 2016), qui se prétend aussi important pour eux que l’ouvrage fondateur La Libération animale (de Peter Singer, Payot, 2012).

Ces végans entendent bien faire des animaux domestiques des citoyens à part entière, en les dotant de représentants, en créant une législation analogue à celle des humains – pourquoi n’auraient-ils pas de congés payés et de Sécurité sociale ? Le danger n’est pas d’élever les droits des animaux mais de rabaisser ceux des humains. Les humains les plus faibles feraient les frais de ce passage de la communauté humaine à une communauté mixte « humanimale ».

J’accuse les végans de cacher que l’agriculture tue vingt-cinq fois plus d’animaux « sentients », que l’élevage est largement responsable de la disparition de 60 % des insectes ; qu’ils sont les faux nez des biotechnologies alimentaires, notamment des fausses viandes fabriquées industriellement à partir de cellules souches, avant de s’en prendre demain à l’agriculture génératrice de souffrance animale. J’accuse les végans, sous couvert de combattre la souffrance, de recycler en plein XXIe siècle un vieux fonds religieux, celui de la gnose considérant que la matière est en soi mauvaise, ce qui conduit les plus conséquents d’entre eux à prôner, avec le manifeste OOS (manifeste récent pour la fin de toutes les souffrances, sigle de The Only One Solution, lancé par d’anciens activistes de l’Animal Liberation Front), le suicide de masse.

J’accuse les végans de mentir et de le faire sciemment. Brian Tomasik ne cache pas la dissimulation nécessaire : « Il est peut-être dangereux d’évoquer la cause des animaux sauvages avant que le grand public ne soit prêt à l’entendre. » Abraham Rowe, un autre théoricien de l’antispécisme, surenchérit : quand vous vous adressez au grand public, évitez de plaider pour la déforestation, évitez de parler d’élimination de masse des prédateurs, évitez de parler des programmes consistant à tuer des animaux.

Le véganisme est une pensée racoleuse mais glissante, car elle ouvre des boulevards aux idéologies les plus funestes mais terriblement actuelles. Le grand mystère de l’anti-anthropocentrisme végan proclamé est de déboucher sur un hyperanthropocentrisme transhumaniste nourri de fantasmes de toute-puissance. 

https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/01/07/paul-aries-j-accuse-les-vegans-de-mentir-sciemment_5405784_3232.html

Cela pique ! Mais malheureusement Paul Ariès – qui est un ennemi, n’en doutons pas un seul instant – ne dit pratiquement que des vérités… au sujet des antispécistes, et non des « vegans ». Malheureusement pour lui, tout le monde n’est pas antispéciste, il y a les vegans qui sont bien pire pour lui, car faisant de la planète Terre une mère et raisonnant en termes d’écosystèmes, de biocentrisme ! Et cette démarche implique l’inéluctabilité d’un affrontement total avec toutes les forces de destruction, de la manière la plus implacable…Paul Ariès connaît cependant tout cela aussi, très certainement, et c’est son choix de critiquer les antispécistes de manière réactionnaire et non révolutionnaire, car il défend simplement le mode de vie « à l’ancienne ».

L’antispécisme et la suppression des prédateurs

A-t-il toutefois raison dans ce qu’il affirme au sujet des auteurs qu’il mentionne ? Quiconque les a lus sait bien que oui… mais il est vrai que pas grand monde ne lit quelque chose, à part des apprentis universitaires ou des gens rêvant de devenir les « intellectuels » de l’antispécisme. Paul Ariès a d’ailleurs bien profité ici des deux derniers Cahiers antispécistes. Les numéros (disponibles au format PDF uniquement) 40 et 41 d’avril et mai 2018 donnent en effet la parole aux tenants d’un pseudo mouvement « RWAS (Reducing Wild-Animal Suffering) »

Les Cahiers antispécistes se gardent bien de prendre partie ou contre ces gens voulant exterminer les prédateurs, se masquant derrière le débat intellectualo-universitaire, le « brouillard » de la réflexion, la complexité des questions, etc. Il y a pourtant de quoi devenir fou de rage à lire face à des gens qui veulent exterminer des animaux qui seraient « méchants » ! Que les antispécistes soient des gens croyant en un « spécisme » est une chose déjà assez lamentable, mais s’ils commencent à se poser en redresseurs des torts de la Nature, là il faut s’y confronter de la manière la plus claire…

Mais pour montrer à quoi cela ressemble, voici un extrait de « Sur le droit à la vie des prédateurs », de David Olivier, une figure très connue de l’antispécisme français. Les personnes habituées à lire LTD comprendront immédiatement pourquoi nous n’avons cessé de dire que les antispécistes n’aiment pas les animaux, que ce sont des libéraux libertaires raisonnant en termes d’individus…

On devinera évidemment facilement que Paul Ariès a lu cet article de David Olivier et que sa tribune en est notamment un écho.

Dernier avertissement : attention, si on aime les animaux, la lecture des lignes suivantes implique une envie de vomir assurée.

Faut-il moralement tuer les lions afin de sauver les gazelles ? L’idée selon laquelle remettre en cause la prédation implique de vouloir tuer les lions nous est souvent lancée en tant que réfutation par l’absurde dès que nous abordons la question de la souffrance des animaux sauvages.

Nous-mêmes tendons alors à récuser une telle idée, expliquant que nous préférons des moyens plus « doux », comme le développement de préparations alimentaires végétaliennes adaptées pour les lions, ou la modification

progressive de leur génome (par des technologies type gene drive par exemple) pour qu’ils cessent de devoir et vouloir tuer, ou encore par l’extinction progressive de leur espèce par la stérilisation. En tout cas, nous ne voulons pas tuer les lions. Quels militants animalistes serions-nous, si nous appelions à tuer des animaux !

Ceci pourtant est en dissonance avec le fait qu’un seul lion tue un grand nombre d’autres animaux au cours de sa vie. En nous abstenant de tuer un lion, nous tuons de nombreuses gazelles. D’un point de vue conséquentialiste, il semblerait préférable de tuer un lion plutôt que de tuer (indirectement) tous ces autres animaux ; et préférable de le faire immédiatement, plutôt que de compter sur des solutions impliquant un long délai – solutions plus douces, mais pour le lion seulement !

Certes, d’autres conséquences – éventuelles – sont à prendre en compte, comme la surpopulation des gazelles qui peut (ou non) résulter de l’absence de prédateurs. De telles questions méritent d’être discutées pour elles-mêmes. Il reste que nous avons bien de fortes inhibitions face à l’idée de tuer les lions, indépendamment de toute conséquence indirecte.

Je pense que ces inhibitions sont infondées, et sont l’effet de la manière dont nous tendons à décrire la situation dans le cas de la prédation, différente de la façon dont nous décrivons les interactions humaines. (…)

Revenons maintenant aux lions et aux gazelles. Les uns comme les autres ont un droit à la vie. Si nous envisageons ce droit comme nous le faisons habituellement pour les humains, il s’agit d’un droit-liberté, et d’un droit-créance seulement de façon limitée.

Le lion doit recevoir des antibiotiques si c’est ce dont il a besoin pour survivre. Mais le droit à la vie d’un lion lui permet-il d’exiger d’une gazelle qu’elle lui cède ses organes – de fait, son corps entier ? Je ne vois pas comment cela pourrait se justifier.

Si nous appliquons les normes que nous appliquons aux humains, nous ne devons pas tuer les lions ; mais nous ne devons pas non plus leur permettre de manger les gazelles. Et si les lions ne peuvent survivre sans manger les gazelles, ils mourront. Cela ne signifie pas que nous les aurons tués, mais seulement que nous les aurons laissés mourir.

Quand on nous accuse de vouloir tuer les lions, peut-être devrions-nous répondre qu’en l’absence d’un autre choix – d’aliment végétalien pour lion, par exemple – nous ne devons pas tuer les lions, mais les laisser mourir. Permettre aux lions de manger les gazelles n’est pas un choix envisageable ; les gazelles ne leur appartiennent pas.

La raison pour laquelle nous n’envisageons généralement pas les choses ainsi tient, je pense, à notre biais cognitif du statu quo.

Il nous semble normal que le lion mange la gazelle. Au contraire, il ne fait pas partie du statu quo, et n’est pas vu comme normal, qu’un humain s’attribue les organes d’un autre pour survivre. Mais imaginons que les lions aient initialement été des herbivores, et soient brusquement devenus – sous l’effet d’un virus, par exemple – des carnivores obligés, ne pouvant survivre sans la chair des gazelles ? Les gazelles seraient-elles tout à coup à leur disposition ? Pourquoi le seraient-elles ?

On peut objecter qu’il serait moins cruel de tuer le lion que de le laisser lentement mourir de faim. Cela peut bien être vrai, et dans ce cas l’euthanasie serait justifiée. (…)

Il est sans doute préférable, stratégiquement, de concentrer nos efforts sur la prédation commise par les humains, c’est-à-dire sur leur consommation de viande. Cependant, la manière dont nous voyons la prédation et les solutions que nous nous permettons d’imaginer ne sont pas sans conséquences. Il y a une forte valeur symbolique, il me semble, à affirmer qu’il serait juste de prévenir la prédation, même au prix de la vie du prédateur. Cela peut aussi nous aider à nous sentir plus à l’aise concernant les interventions limitées que nous pouvons dès à présent pratiquer dans la nature, par exemple pour protéger une souris d’un hibou. Nous pouvons nous sentir mal à l’aise en nous demandant à la manière de Kant si nous pouvons vouloir que la maxime de notre acte soit une loi universelle, ce qui impliquerait que le hibou meure de faim. Accepter qu’en effet nous pouvons vouloir l’universalisation de cette maxime peut nous permettre d’agir plus sereinement.

Ce raisonnement peut se retrouver assez aisément, pour prendre l’exemple du hibou : il y a des gens qui veulent bien aider les animaux… mais refusent d’aider ceux qui sont des prédateurs. Ils « choisissent » les animaux qui sont bons et ceux qui sont mauvais. Comme ils nient la Nature, ils se prennent pour des dieux, et ils « choisissent ». Ils ne prennent pas en compte la réalité, ils rejettent ce qui existe, au nom d’une évaluation abstraite, qui tourne en roue libre dans leur tête.

Quiconque fait face aux faits ne s’empêtrent pas dans ces aberrations. Dans un refuge, on aide tous les animaux. Et il est vrai qu’il est regrettable que dans la Nature, des animaux en tuent d’autres. Mais la Nature ne vit pas encore le « communisme », et s’il est tout à fait possible de considérer la Nature avance en cette direction, en attendant ce n’est pas le cas et il faut donc faire avec !

Cela signifie donc se soumettre à la Nature. C’est précisément ce que ne veulent pas les antispécistes, pas plus d’ailleurs que l’ensemble de l’humanité, très satisfaite de son béton, de son pétrole, de ses drogues et de son mode de vie de plus en plus fictif. Les gilets jaunes qui veulent à tout prix en sont bien un triste exemple.

Le mode de vie vegan straight edge rompt avec cela. Pas de cigarettes, pas d’alcool. Aucune drogue, pas de produits en général rendant dépendants. Pas de sexualité hors du cadre de la construction d’un couple, toujours être franc, s’édifier dans le refus du culte de l’ego et des apparences, dire non à qui emporte l’esprit dans l’absence de raisonnement. Avoir la plus grande méfiance à ce que propose une industrie capitaliste de l’alimentation avec son sucre et sa chimie.

Assumer la compassion la plus grande, non seulement passivement mais activement : aimer tous les animaux, la vie en général, voir comment elle triomphe toujours et comment elle avance à plus de beauté, de richesse. Soutenir matériellement les animaux, développer sa propre sensibilité, sa propre capacité à l’empathie. Se forger dans la rupture avec la destruction, dans la célébration de la vie… Assumer que l’humanisme le plus grand aboutit à concevoir l’être humain comme une simple composante de la Nature, et concevoir notre planète comme une mère qu’il faut protéger à tout prix !

L’antispécisme et la suppression des prédateurs

« Les végans n’ont pas le droit de faire régner la peur ! »

Le titre de la tribune publiée par Le Figaro dit déjà tout, et la liste des signataires est à cette image : des sénateurs et des députés, alliés à des représentants agro-industriels.

Et leur grand argument philosophique est la liberté de choix de l’individu, reflet inversé de l’antispécisme qui existe également au nom des « individus », mais cette fois animaux.

Les deux ont tort : la question n’est pas celle des individus, mais de la place de l’humanité dans le grand tout qu’est la Nature.

On estime à plus d’une centaine les actions violentes et illégales subies par les professionnels de la filière de l’industrie de la viande entre 2017 et 2018 en France. Ces actions «coup de poing», violentes (marquage au fer rouge, abattoirs envahis et représentés en feu, faux sang déversé par litres, vandalisme de boucheries, d’abattoirs, dessins suggestifs, menaces aux personnes), dont les auteurs revendiquent une confrontation ouverte et violente notamment avec l’industrie de la viande et les forces de police, doivent être punis sévèrement par l’Etat.

Nous, représentants des professions et filières agricoles, de l’artisanat et des territoires tenons à dénoncer avec la plus grande fermeté les actions et les modes de pensées de ces extrémistes.

Leur idéologie radicale est basée sur «l’antispécisme». Elle refuse toute hiérarchie entre les espèces et prône les mêmes droits pour les animaux et pour les hommes. Comme si dans le règne animal, aucune hiérarchie n’existait entre les espèces, entre les herbivores et les carnivores ou les omnivores!

Ces idéologues apparentent l’industrie de la viande à un «holocauste». Ils comparent la fin de l’exploitation animale à l’abolition de l’esclavage et prônent purement et simplement la disparition de l’industrie de la viande au mépris des conséquences sur les emplois, les filières, l’agriculture et nos territoires.

Les modes opératoires violents et radicaux qui prônent l’action directe et la désobéissance civile pour faire adopter ces idées sont inacceptables et intolérables. Ces méthodes se rapprochent d’un intégrisme sectaire et d’un communautarisme qui trouvent une audience grandissante et interpellent les pouvoirs publics (rapport d’activité Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, 2016).

Est-ce cela que nous allons offrir à nos enfants et à nous? Un droit de faire régner la peur, un droit à l’anarchie parce que nous mangeons une blanquette de veau, un cassoulet ou un hamburger?

C’est un enrôlement dangereux qui tente de convertir nos jeunes à des croyances alimentaires fausses au détriment de notre alimentation diversifiée. Allons-nous laisser faire ces dérives spectacles au nom de croyances dangereuses pour notre société? Une très faible minorité de la population française n’a pas le droit de faire régner la terreur au moyen de croisades alimentaires.

Nous refuserons toujours de nous laisser dicter nos choix alimentaires et nos choix de consommateurs.

Faut-il imaginer des suhisbars sans poisson, des steakhouses sans bœuf? Que seront nos repas familiaux dominicaux si nous nous sommes fait imposer ce que nous devons manger? Que deviendront nos traditions et celles de notre diversité, Noël sans la dinde, l’Aïd sans les moutons, Shabbat sans le bœuf, le mouton, le poisson ou la volaille?

Nous serons collectivement les garants de ces traditions culturelles et alimentaires.

Nous défendons notre liberté à consommer de la viande, des fruits, des légumes, du fromage, des produits laitiers.

Nous demandons solennellement que l’État républicain remettre de l’ordre et fasse respecter le libre arbitre alimentaire de chacun. Il doit protéger nos traditions, notre alimentation, nos emplois, nos filières.

La France est le pays de la gastronomie, des plats de terroir à base des productions agricoles de qualité, des grands chefs, des grands vins, des traditions et des restaurants étoilés. Elle irradie depuis des siècles à travers le monde son savoir-faire, son savoir-vivre à la française, son savoir-être, son agriculture, sa culture alimentaire et culinaire. Le repas gastronomique «à la française» est inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. La France est le seul pays à avoir obtenu cette reconnaissance.

Cette histoire, ce patrimoine, nous le devons notamment à des produits agricoles d’une grande qualité, élaborés par des paysans, des éleveurs qui vivent et façonnent nos territoires ; nous le devons à des artisans boulangers, bouchers, fromagers, charcutiers, traiteurs, restaurateurs, aux commerces de proximité… et aux cuisiniers avec de grands savoir-faire qui travaillent ces produits et élaborent nos recettes.

Nous, élus, représentants des professions et filières agricoles, de l’artisanat, des territoires, des administrés, n’avons de cesse de promouvoir les produits locaux, la qualité sanitaire, la diversité des productions, la richesse de nos terroirs. Quelle que soit la filière alimentaire concernée, ce sont des activités économiques, génératrices d’emplois où les concitoyens sont fiers de leurs métiers et cela fait vivre nos territoires, tant ruraux qu’urbains.

Nous nous soucions de l’impact environnemental, du bien-être animal mais aussi de la santé. Que ce soient les productions végétales ou animales, les agriculteurs produisent les matières premières nécessaires à notre alimentation. Les filières agro-alimentaires permettent de donner accès à la meilleure alimentation disponible en quantité et qualité. Certes, les modèles de consommation évoluent et nos modes de production également avec la recherche permanente de la qualité et de la sécurité alimentaire, là où par rapport à d’autres pays, nous avons une avance considérable.

C’est une chance pour nos territoires, nos filières, notre équilibre économique, nos emplois d’avoir ce niveau d’exigence pour notre alimentation.

À l’heure des Etats généraux de l’alimentation, ce choix de la société d’avoir des produits tracés locaux de qualité d’une grande diversité sont légitimes. Il en va de la qualité de vie et de la santé de nos citoyens, de leur famille, de nos enfants.

Mangeons librement! Consommons librement! Laissons à chacun ses choix et ne laissons personne nous dire ce que nous devons avoir dans nos assiettes!

Liste des cosignataires de la tribune:

COCHONNEAU Claude, Président de l’assemblée permanente des Chambre d’agriculture (APCA)

DE BELLAIGUE Charles-Hubert, Vice-Président, Fédération interdépartementale des chasseurs d’Ile-de-France

VARLET Daniel, Président de la Fédération des charcutiers traiteurs de l’Île de France

PINTEAUX Olivier, Secrétaire général, Fédération de la boucherie

THEMAUDIN Max, Vice-Président, Fédération de la boucherie

BUGUET Alain, Trésorier, Fédération de la boucherie

MONTINI Marie, Fromagère Saint Arnoult

ILLAND Jean-Charles, Fédération de la boucherie 95

BUGUET Alain, Trésorier, Fédération de la boucherie

RADET Damien, Secrétaire général, FDSEAIF

PETIT Bertrand, Président, FDSEA Eure-et-Loir

REY Dominique, Président SCIC Valor Viande Île-de-France (atelier de découpe Ile-de-France)

DEHAUDT Christophe, Eleveur

DRUMARE Sophie, Eleveur

DEGORGES Florian, Maraîcher

MESNIL Fabrice, Boucher

PECRESSE Valérie, Présidente de la Région Ile-De-France

GOUSSEAU Adeline, Ancien Sénatrice des Yvelines

ARNOULT Frédéric, Président JA Région IdF

DUBLANCHE Alexandra, Vice-Présidente Région Ile-de-France Développement économique, agriculture et ruralité

CABRIT Anne, Déléguée spéciale Agriculture & Ruralité Région Ile-de-France

CAFFIN Michel, Elu Region IDF

TETART Jean-Marie, Maire de HOUDAN

MANSAT Jean-Jacques, Président Communauté de Communes du Pays Houdanais et Maire de Tacoignières

PETIT Bertrand, Président, FDSEA d’Eure-et-Loir

GREFFIN Damien, Président FDSEA Ile-de-France

MILARD Cyril, Président FDSEA Seine-et-Marne

PRIMAS Sophie, Sénatrice des Yvelines, Présidente Commission Affaires Économiques

Jean-Noël CARDOUX, Sénateur du Loiret

Anne CHAIN-LARCHE, Sénatrice de Seine-et-Marne

Anne-Marie BERTARND, Sénateur des Bouches-du-Rhône

Marie-Christine CHAUVIN, Sénatrice du Jura

Jean-Marc BOYER, Sénateur du Puy-de-Dôme

Laurent DUPLOMB, Sénateur de la Haute-Loire

Alain SCHMITZ, Sénateur des Yvelines

Pierre CUYPERS, Sénateur de Seine-et-Marne

François CALVET, Sénateur des Pyrénées-Orientales

Jean Paul EMORINE, Sénateur de Saône-et-Loire

Anne-Catherine LOISIER, Sénatrice de la Côte-d’Or

Jackie PIERRE, Sénateur des Vosges

Aurore BERGE, Député des Yvelines

Bruno MILIENNE, Député des Yvelines

Jean-Baptiste MOREAU, Député de la Creuse – Rapporteur loi EGALim

Michel DANTIN, Député européen

Pierre BEDIER, Président Conseil Départemental des Yvelines

Pauline WINOCOUR-LEFEVRE, Vice-Présidente déléguée aux ruralités

Fabrice MOULARD, Président FDSEA de l’Eure

Purification : « Holy war »

Continuons pour les dix ans de LTD avec une autre chanson synthétisant l’esprit vegan straight edge de rupture, de  confrontation, d’engagement complet de son être, avec une vision morale stricte, inébranlable. « Les yeux fixés sur les profondeurs de l’enfer maintenant je sais / Ce qu’est ma place dans ce monde / Car la justice ne sera obtenue que /
Si je me jette dans la ligne de front ».

La chanson date de la seconde moitié des années 1990 ; le groupe, Purification, était basé à Rome.

Holy war, Fight the holy war
Overthrow the empire built on blood
Guerre sacrée, mène la guerre sacrée
Renverse l’empire fondé sur le sang

Countless lives perish day by day
While you stand still in front of this sickness
My life´s mission to bring them liberation
Un nombre infini de vies périt chaque jour qui passe
Alors que tu te tiens silencieusement devant cette folie
La mission de ma vie est de leur apporter la libération

Holy war, Fight the holy war
Overthrow the empire built on blood
Guerre sacrée, mène la guerre sacrée
Renverse leur empire fondé sur le sang

Countless lives perish day by day
While you stand still in front of this sickness
My life´s mission to bring them liberation
Un nombre infini de vies périt chaque jour qui passe
Alors que tu fais face à cette horreur
La mission de ma vie est de leur apporter la libération

Members of species that has collectively waged relentless war
against defenseless creatures and all of the natural world
The human destruction of its own kind and of the myriad forms of life
with whom we cohabit the Earth must be halted
Des membres d’une espèce qui mènent collectivement et implacablement une guerre contre des créatures sans défense et tout le monde naturel
La destruction humaine de sa propre espèce et de myriades de formes de vie avec qui nous cohabitons sur la Terre doit être stoppée

Fight fire with fire, that´s what we must do
To put an end to the slaughter of the innocent
Combattre le feu avec le feu, c’est ce que nous devons faire
Pour mettre un terme au massacre de l’innocent

Their blood flows red just like yours or mine
Their suffering is just as real as yours or mine
Yours or mine
Leur sang coule, rouge comme le mien ou le tien
Leur souffrance est aussi réelle que la tienne ou la mienne
La tienne ou la mienne

As a thousand tears have been shed
Brothers and sisters continue to cry and bleed
Alors qu’un millier de larmes ont coulé
Les frères et les soeurs continuent de pleurer et de crier

Staring into the depths of hell now i know
What my place in this world is
For justice will only be attained
If I throw myself in the frontline
Les yeux fixés sur les profondeurs de l’enfer maintenant je sais
Ce qu’est ma place dans ce monde
Car la justice ne sera obtenue que
Si je me jette dans la ligne de front

Conscience is the light guiding me out of this swamp
Now I know what has to be done
Talk is ineffective and tears won´t end the slaughter
Only action counts
La conscience est la lumière qui me guide hors de cette ornière
Maintenant je sais ce qui doit être fait
La parole est sans effets et les larmes n’arrêteront pas le massacre
Seule compte l’action

Hoy war, fight the holy war
Overthrow the empire built on blood
Guerre sacrée, mène la guerre sacrée
Renverse leur empire fondé sur le sang

Canon : « Declaration »

Continuons donc pour les dix ans de LTD à puiser de l’inspiration dans les débuts du mouvement vegan straight edge, avec la chanson Declaration du groupe Canon. Elle date de 1994 et le groupe provient de la ville américaine  de Philadelphie.

A call for action is here
Your words do nothing more than roll off their backs
Your words of rage pose to them as no threat
To destroy this evil we must start at the roots
Un appel à l’action est ici
Vos mots n’ont aucune espèce d’importance pour eux
Vos paroles de rage ne constituent pour eux aucune menace
Pour détruire ce mal, nous devons commencer par les racines

Their death will bring the liberation
A declaration of freedom for the innocent
Those enslaved and slaughtered must once again roam free
In harmony
A return to nature the way things must be
Leur mort apportera la libération
Une déclaration de liberté pour l’innocent
Ceux asservis et massacrés doivent de nouveau se mouvoir librement
En harmonie
Un retour à la nature la manière dont les choses doivent être

From the slaughterhouses to the labs all must burn
They’ve harvested lives too long
In this land where lives are taken in vain a movement has evolved
Des abattoirs aux laboratoires, tout doit brûler
Ils ont récolté des vies trop longtemps
Dans cette terre où des vies sont prises en vain, un mouvement a évolué

A fight for justice at any cost
Their death will bring the liberation
A declaration of freedom for the innocent
Un combat pour la justice à n’importe quel prix
Leur mort apportera la libération
Une déclaration de liberté pour l’innocent

Those enslaved and slaughtered must once again roam free
In harmony
A return to nature the way things must be
Ceux asservis et massacrés doivent de nouveau se mouvoir librement
En harmonie
Un retour à la nature la manière dont les choses doivent être

Destroy this evil, it’s killing the pure
Pierce through its skin, tear out its heart
Liberation begins with its death
Détruire ce mal, qui est en train de tuer le pur
Perce à travers sa peau, déchire son coeur
La libération commence par sa mort

Les dix ans de « By the knife » de xDestroy Babylonx

La Terre d’abord ! est apparu le 5 octobre 2008, comme prolongement du blog Vegan Revolution, qui avait lui ouvert en octobre 2004. Et c’est un grand honneur pour LTD qu’avoir émergé exactement au même moment de la sortie de l’album By the knife du groupe xDestroy Babylonx, sorti le premier octobre 2008.

LTD puise avec fidélité et loyauté son identité dans le mouvement vegan straight edge apparu dans les années 1990, en pleine acceptation de ses normes et principes.

L214? 269? La COP 21? Allons donc! Tout cela est un simple produit du système pour tenter d’aménager ce qui peut l’être, pour chercher à gagner du temps. C’est en réalité d’une guerre dont il s’agit et il ne peut y avoir qu’un choix : celui de se mettre personnellement en conformité avec le seul avenir possible pour la planète.

Ce qui signifie concrètement : adopter le mode de vie vegan straight edge et s’en aller sur le sentier de la guerre, comme l’explique la chanson « By the knife » dont voici les paroles.

De se forger pour être en adéquation avec les besoins des animaux et de la Nature en général, de transformer son individualité en arme pour la rupture entière avec les valeurs dominantes de ce monde, d’assumer sa personnalité en refusant la décadence et les fuites dans les paradis artificiels, et donc d’assumer la haine la plus complète pour l’ennemi.

Comme le formule la chanson éponyme de xDestroy Babylonx, il s’agit de faire allégeance à notre mère la Terre, et donc à la nécessité de la défendre par tous les moyens. Comme l’explique la chanson Declaration of war, une reprise d’une chanson de 1993 du groupe Green Rage, il s’agit d’être à l’avant-garde de ce qui est une guerre.

Le soulèvement en défense de notre mère la Terre est absolument inévitable. Plaçons nous en première ligne, au premier rang de cette gigantesque bataille qui n’est pas seulement à venir : elle est déjà là !

xDestroy Babylonx : Living by the knife

[Les paroles commencent par un extrait de discours, non identifié, disant qu’avant toute expression de lutte il faut se demander si les griefs sont fondés.]

We are living by the knife
Straight edge
Nous vivons par le couteau
Straight edge

Fuck all those who cheapen what I truly am in others eyes (taken by No Allegiance – Earth Crisis)
Fuck those who bent the straight edge with their fuckin’ lies
Que ceux qui dévalorisent ce que je suis vraiment devant les autres aillent se faire foutre [tiré de la chanson « no allegiance » d’Earth Crisis)
Que ceux qui font se plier le straight edge avec leurs sales mensonges aillent se faire foutre

My heart is free
My life is on the war path
Mon coeur est libre
Ma vie est sur le sentier de la guerre

My pain my struggle my hostility will see no end
till we are all set free.
I am for justice, no matter who it is for
One stone one gun one struggle,
assassination for all drug-lords
Ma douleur ma lutte mon hostilité ne connaîtra pas de fin
jusqu’à ce tous soient rendus libres
Je suis pour la justice, peu importe pour qui
Une pierre une arme une lutte
l’assassinat pour tous les barons de la drogue

Your world is under threat,
Your profit will be slaughtered by the hatred of your own slaves
From Colombia to teenage night fever,
I wage war on your glorified blindfolded whore
Ton monde est sous la menace,
Ton profit sera massacré par la haine de tes propres esclaves
De la Colombie à la fièvre adolescente de la nuit,
J’engage la guerre à ta prostituée glorifiée aux yeux bandés

May I see your blood crimes end
Liberation for all those who still fall prey
Death to all these zombies around me
Militant against the unashamed
Puis-je voir tes crimes de sang connaître une fin
Libération pour tous ceux qui tombent encore comme proie
Mort à tous ces zombies autour de moi
Militant contre ceux qui ne connaissent plus la honte

Burn-burn-burn
Brûle – brûle – brûle

We are living by the knife
Straight edge
Nous vivons par le couteau
Straight edge

Libération publie une ode pétainiste du « territoire »

Nous parlions il y a peu du relativisme terrible de la presse se voulant « contestataire », comme Le Monde ou Libération, publiant régulièrement des points de vue sur le véganisme qui sont parfois pour, parfois contre, le tout servant la confusion et le relativisme.

Ce qui ne peut que ressortir, c’est le discours pétainiste, notamment sous sa forme moderne zadiste, et là cela ne manque pas avec une ode au pétainisme publié dans Libération. Le texte est rempli de références idéologiques que l’auteur ne connaît peut-être même pas : quiconque a lu Maurras ou Heidegger, Giono ou Bernanos, en comprend immédiatement la nature.

On y trouve tout : de l’éloge du paysage au refus de l’humanité unifiée à l’échelle mondiale, de la défense des petits savoirs-faires « authentiques » au refus d’une morale universelle, de l’utilisation de concepts pseudo-philosophiques (« élevage-paysan ») au rejet du monde moderne.

Ce texte est un classique du genre, reflétant toute une tendance historique : les zadistes et apparentés n’ont fait que réactualiser la critique pétainiste du monde moderne, sur les mêmes bases, et son agressivité envers le véganisme est obligatoirement présente et inévitablement toujours plus offensive.

Repli individuel sur son lopin de terre avec la ZAD ou véganisme universel d’une humanité unifiée organisant la production à l’échelle mondiale, l’opposition ne peut être que totale !

Plaidoyer pour les territoires d’un paysan végano-sceptique

Par Pierre-Etienne Rault, Eleveur-tanneur dans le Morbihan —

Il ne devrait pas y avoir de tentation à devenir végan dès lors que l’on a bien compris l’élevage-paysan. Mais pour bien comprendre l’élevage-paysan, il faut avoir saisi l’esprit de territorialité auquel celui-ci est étroitement lié. La territorialité relève du sensible, de notre rapport au monde, et gagne celles et ceux dont une partie de la conscience est profondément reliée à un territoire. Si elle est en première évidence un cordon à travers lequel circule l’avitaillement des biens nourriciers et matériels, la territorialité n’en demeure pas moins le terreau des relations sociales ainsi qu’une source de diversité culturelle et spirituelle.

Un rapport fusionnel a longtemps lié l’homme et son territoire, l’être fait d’os et de chair à son environnement organique et minéral. Si quelque part, au pays, une grange était à bâtir, alors un instinct de territorialité guidait naturellement le paysan vers le plus proche filon d’argile pour l’entreprise de maçonnerie, vers l’arbre multicentenaire pour l’entreprise de charpente, vers les champs de seigle pour l’entreprise de couverture. L’ensemble constituait un ouvrage indigène bâti à coups d’ingéniosité. Les objets du quotidien, comme les outils de travail, étaient également faits de particules arrachées aux territoires. Chacun d’eux était façonné par l’habileté de mains savantes, à partir de matériaux débusqués dans le pli d’une roche, la lisière d’un bois, le lit d’une rivière, les entrailles d’une bête.

Os, cuirs, laines, plumes, crins, tendons, cornes, bois, graisses et suints sont autant de matériaux provenant du monde animal et dont l’Homme a su, un jour, trouver une utilité. Jusqu’à l’ère thermo-industrielle et l’avènement de la plastochimie, on recourait autant qu’il était possible de le faire à ces matériaux naturels, indigènes et renouvelables. On leur trouvait des propriétés dont les qualités multiples concordaient avec un grand nombre d’usages : vêtements, colles, harnais, bougies, brosses, lubrifiants, isolants, sacs, selles, chaussures… On trouvait dans le monde végétal ou minéral d’autres matériaux tout aussi utiles mais dont les propriétés ne pouvaient pas toujours rivaliser ou même simplement remplacer les matériaux d’origines animales. Il fallait donc compter sur les trois mondes, animal, végétal, et minéral pour que le territoire déploie l’ensemble de ses richesses et pourvoie ainsi aux besoins élémentaires des sociétés.

 

Progrès et déterritorialisation

Aujourd’hui, l’économie marchande mondialisée est dotée d’une redoutable logistique permettant de se nourrir, de se vêtir, de s’abriter et de se chauffer sous toutes les latitudes sans que l’approvisionnement des biens primaires provienne nécessairement des ressources du territoire habité. Le progrès technique dans de multiples domaines a fait de nous des êtres confortablement déterritorialisés. Ainsi, l’Homme moderne ne concentre plus ses efforts à la recherche d’une communion avec son environnement naturel. Repus de la vacuité des choses artificielles, déraciné, il s’est égaré en perdant la conscience de sa présence sur son territoire. Ce manquement fragilise dangereusement le sens qu’il donne à son existence. Il passe à côté de splendeurs sans être atteint par leurs beautés et trépasse de ses peurs sans goûter à l’intensité d’exister.

Un pareil constat devrait nous interroger sur le rapport que nous entretenons aux territoires mais aussi aux objets et à la matière. Tandis que laines et peaux sont aujourd’hui considérées par la loi française comme des déchets d’équarrissage soumis à des réglementations si strictes qu’elles contraignent considérablement les éleveurs et les artisans dans la mise en place de filières de valorisation, le marché textile en provenance de la Chine inonde littéralement l’Hexagone de vêtements, sacs et chaussures en fibre coton ou synthétique.

Au-delà des considérations éthiques liées aux conditions de travail dans les usines chinoises, que devons-nous penser de ce dispositif marchand, libéral, orchestré politiquement et consenti sociétalement qui consiste à déterritorialiser notre économie en même temps que nos consciences? Nos savoirs-faire disparaissent. Les artisans tanneurs, maroquiniers, lainiers, matelassiers ne peuvent résister devant l’implacable concurrence des forces productives dont le modèle néocolonial conduit à une uniformisation planétaire des biens de consommations. Selon l’anthropologue Arturo Escobar, la lutte contre cette nouvelle forme d’impérialisme ne peut que surgir que des tréfonds des territoires par des femmes et des hommes portant des revendications d’autres mondes. Les ZAD qui émergent ici et là pour s’opposer à la bétonisation et à l’aménagement standardisé par toutes les formes de rationalités productives seraient des lueurs de ces autres mondes.

Maintenant, pouvons-nous dire que le véganisme préfigure ou est en mesure d’inspirer des lueurs d’autres mondes ? C’est loin d’être évident. D’abord parce que le véganisme est à bien des égards la traduction idéologique même de l’«aterritorialité». Pour le paysan que je suis, un territoire sans élevage est un territoire en souffrance, auquel on prive la possibilité de déployer son panel de vie et de biodiversité. Car le ré-ensauvagement de la nature que certains appellent de leurs fantasmes n’est en rien un gage de sauvegarde de la biodiversité. La plupart des espèces dont on déplore tous aujourd’hui la disparition ont pu pendant des siècles bénéficier de territoires propices à leurs implantations. Ces territoires étaient constitués de prairies naturelles, maillées de haies et de talus, parsemés de bosquets et parcourus de cours d’eau dont on prenait le soin de curer les lits. Dans ces prairies on y trouvait des animaux au pâturage dont le rôle était essentiel à une valorisation efficiente des espaces et permettait de garantir une alimentation saine et abondante. C’est ce modèle de territorialité, empirique, écologique et résilient que certains aimeraient voir remplacé créant ainsi la stupeur du paysan. Car un paysan à qui on interdirait aujourd’hui d’élever des animaux serait aussi malheureux et désœuvré qu’un pianiste à qui on enlèverait la moitié des touches de son piano.

 

Idéologie hégémonique

Par ailleurs, outre le fait que la viabilité de l’idéologie végane repose dans bien des domaines (fertilisation des sols, synthèse des fibres synthétiques…) sur l’acceptation de l’extractivisme, lequel est en tout point contraire au commun des ontologies territoriales, le véganisme est enraciné sur les vieux dualismes nature/culture, humain/non humain, bien/mal, gentil/méchant. L’idéologie végane semble ainsi concourir au renforcement d’un «système monde» uniforme, aussi bien mono-culturel que mono-cultural.

Sans se laisser aller à la caricature qui consisterait à rapprocher outrancièrement le véganisme du transhumanisme, on peut toutefois établir un lien entre la promotion de l’utopie végane et une implication (volontaire ou non?) dans un processus d’acculturation par la prescription morale. En effet, de la même manière qu’il est difficilement concevable qu’une personne qui se pense «bonne» ne désire pas un tant soit peu participer à réformer une société déviante pour la rendre plus juste, les végans, convaincus d’être les avant-gardistes d’une cause juste et noble que l’Histoire retiendra, ne peuvent que conférer à leur idéologie une dimension hégémonique. Par conséquent, la vérité et le bien que les végans pensent incarner doivent être colportés pour que la culture végane, la «culture du bien» devienne la norme.

La morale végane a toute sa place dans un monde dualiste, héritier de la culture judéo-chrétienne qui envisage les relationnalités selon des considérations de «bien» et de «mal». Mais cette même morale n’est pas introductible dans le cadre des interrelations et des interdépendances qui engendre l’adaptabilité des êtres sur leurs territoires dont dépend leurs (sur)vies. Pour penser la question végane il faudrait donc arriver à substituer l’analyse morale – et son récit rationnel et dualiste auquel nous sommes biberonnés depuis toujours — à une nouvelle grille de lecture qui prenne en compte pleinement l’ontologie des territoires.

Pierre-Etienne Rault est l’auteur de Végano-sceptique, éditions du Dauphin, 2017.

« Les Produits Laitiers » : apprendre des partisans de l’exploitation animale

Ce que les associations comme L214 ne comprennent pas ou plutôt ne veulent pas comprendre, c’est qu’avec l’exploitation animale la contradiction est tellement grande qu’inévitablement cela ne peut qu’aboutir à un conflit total. C’est même là l’identité même de la question de la libération animale.

L’ennemi l’a très bien compris. Il monte la sauce dès qu’il le peut, car lui a compris les enjeux. Son existence même étant en jeu, il voit ce qu’il en ressortirait s’il perd. Voilà pourquoi il forme sa base de sympathisants, pourquoi il veut élargir cette base.

En voici un exemple tout à fait représentatif, qui ne doit rien au hasard. Il a été publié par le compte Twitter de  « Les Produits Laitiers », un site d’information du CNIEL (Centre National Interprofessionnel de l’Économie Laitière, « association loi 1901 représentative de l’ensemble des acteurs de la filière laitière française »).

L’occasion a été la bagarre générale à l’aéroport d’Orly des rappeurs Booba et Kaaris, dont le mode de vie ne correspond on s’en doute strictement en rien à la morale vegan straight edge, mais bien entendu totalement dans l’idéologie dominante du superficiel, du spectaculaire sans contenu, du beauf ne pensant qu’aux richesses matérielles inutiles, etc.

Les Produits Laitiers, TwitterL’image est subtile, parce que tout le monde sait très bien que L214 et PETA sont des associations purement pacifistes ne prônant nullement l’affrontement militant.

En fait, pour PETA c’est historiquement faux, car PETA ne s’est jamais historiquement dissociée de l’ALF et est en fait née aux États-Unis pratiquement comme « aire légale » de la « scène » de la libération animale. Mais c’est le passé bien sûr.

Le but de l’image n’est de toutes façons pas de criminaliser L214 ni PETA, mais de préparer au second tour, celui où ces associations débarrasseront heureusement le plancher, pour laisser la place à la nécessaire confrontation.

C’est d’ailleurs le sens du troisième protagoniste en plus de L214 et PETA, le végan, qui est là pour montrer que ces associations se feront dépasser par le véganisme en raison de la nature même des exigences morales qui vont avec.

Il s’agit donc de contribuer tout de suite à préparer l’isolement de la libération animale demain. On voit d’ailleurs que la société française est placée sur le côté, comme témoin passif de ce qui se passe.

Il s’agit de faire passer le message comme quoi la libération animale arrivera inéluctablement à un degré de confrontation tel qu’il en ira d’absolument tout. Il s’agit donc de préparer à séparer la libération animale de la société, afin de l’écraser aisément une fois que cela est réussi.

Il va de soi que pour l’instant c’est bien parti. Il est d’ailleurs intéressant de voir qu’une association comme 269 prétend viser la massification du mouvement, alors qu’elle ne fait que contribuer à son isolement par sa pseudo-radicalité s’appuyant sur un très important turn-over d’activistes.

Alors qu’un mouvement comme celui contre la chasse à courre, dont l’identité en soi n’est pas végane puisqu’il ne s’agit que d’une lutte sectorielle, amène à l’inverse beaucoup plus de passerelles entre le véganisme et les gens.

En ce sens cette image de propagande éduque les gens partisans de l’exploitation animale… À ceux et celles voulant la détruire d’en apprendre autant !

« L’animal n’est pas l’alter ego de l’homme »

C’est devenu une mode chez Le Monde et Libération : publier des articles contradictoires au sujet des animaux permet de relativiser la question, d’intégrer la réflexion au sein d’une sorte d’esprit polémique qui aurait un cadre bien délimité : celui des institutions.

On sait à quel point d’ailleurs on ne s’en sort pas. L214 veut participer à ces institutions, 269 forcer celles-ci à accepter le point de vue vegan, et seule une petite minorité, dont nous faisons évidemment partie, comprend qu’il faut une révolution et pulvériser ces institutions si on veut arriver à quelque chose.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faille rien faire de concret en attendant, bien au contraire : le sens réel des actions n’existe que dans la liaison avec l’objectif général qui est la libération animale. C’est ce qui fait qu’il ne peut pas y avoir de « débat » : soit on est une partie du problème, soit une partie de la solution.

C’est cette prise de conscience que cherche à tout prix à empêcher Libération. En publiant en même temps « Jean-Pierre Digard : « L’animal n’est pas l’alter ego de l’homme » » et « Assujettir les animaux est devenu un caprice », le but est de neutraliser la réflexion en opposant deux sortes de rationalités qui seraient aussi vraies l’une que l’autre, demandant donc un status quo.

C’est très Emmanuel Macron, mais aussi très français ! On est dans un pays fondamentalement libéral où l’exception confirme la règle, où l’entorse fait partie des devoirs pratiquement nationaux pour être un bon français ! Tout le reste serait, selon le refrain, « puritanisme anglo-saxon ».

Pour bien souligner la neutralité nécessaire, Libération a d’ailleurs choisi deux « personnalités » : Renan Larue, professeur de littérature à l’université de Californie, Santa Barbara, et Jean-Pierre Digard, anthropologue et directeur de recherches émérite au CNRS.

Ce dernier est assez intéressant au demeurant, car si d’un côté il souligne à juste titre que la domestication ne s’est pas réalisée dans une violence unilatérale, de l’autre il raconte n’importe quoi, et pas seulement parce qu’il parle des « véganiens ».

En voici un seul exemple :

« Il y a une forme d’anthropomorphisme à parler de « vie bonne ». De même, des scientifiques, trompés par ce prisme déformant, n’hésitent pas à parler de « bonheur » ou de « joie de vivre » des animauxLes choses sont plus complexes.

Prenez l’exemple de vaches en stabulation libre : vous ouvrez les portes, elles sortent, puis rentrent au bout d’une trentaine de minutes car leur litière est confortable et leur nourriture tombe régulièrement dans le râtelier, et quand elles ont mal au pis, le robot de traite est là pour les soulager… »

Selon donc ce grand chercheur, la vache aurait besoin du robot de traite généreusement fourni par l’humanité ! N’est-il pas admirable de voir une personne hautement diplômée, entièrement reconnue par les institutions, ne pas savoir que les vaches ne donnent du lait que pour leur veau, et qu’elles ne donnent donc pas du lait en permanence ? »

Quant à la question de la « joie de vivre » d’un animal, cette personne n’a dû jamais mettre les pieds dans un refuge de sa vie : qu’elle le fasse, sa vie en sera révolutionnée ! Car là, atteindre un tel niveau de faiblesse sur le plan émotionnel, sur le plan du sensible, ce n’est même pas lamentable : c’est avoir des siècles de retard sur Montaigne ou Lucrèce !

L’autre article, favorable au véganisme, commence quant à lui par un grand n’importe quoi comme prétexte. On apprend que :

« Une petite révolution est en train de se produire au sein de la fameuse école vétérinaire de Saint-Hyacinthe, au Québec. Pendant très longtemps, ceux qui en sortaient n’avaient pas la réputation – loin s’en faut – d’être du côté des animalistes. Il faut dire que ladite institution faisait de son mieux pour étouffer chez les étudiants tout scrupule d’humanité envers les bêtes, celles de boucherie particulièrement.

Mais tout part à vau-l’eau : près d’un tiers des élèves de l’école se déclarent désormais végétariens ou végans (1) ! Un bon nombre de ces jeunes rechignent à effectuer des stages de formation dans les abattoirs et ne prendront vraisemblablement pas la relève des inspecteurs qui y travaillent. »

Le (1) qui justifie cette information consiste en la note suivante :

« (1) Selon le président de l’association d’étudiants contacté par l’auteur. »

Ce n’est donc pas une information fiable, et de toutes façons elle est extravagante, pour toute une série de motifs qu’on peut largement deviner même si c’est au Canada :

  • les produits sont testés sur les animaux ;
  • il y a la vivisection au programme ;
  • les études vétérinaires sont choisies pour l’argent.

C’est tellement évident qu’on devine d’ailleurs naturellement que l’article a été mal traduit et que par « vegan » il faut comprendre « végétalien ». Ce qui rend encore plus absurde la thèse générale d’un changement chez les étudiants vétérinaires, qui s’ils voulaient vraiment changer les choses deviendraient vegans.

Il est d’ailleurs totalement fou de voir l’indifférence cruelle des vétérinaires français par rapport à la situation des animaux. Leur silence est vraiment criminel.

Et aussi grave que ce silence, il y a les tentatives de parler à tort et à travers du véganisme, pour le neutraliser.