Ces dernières semaines, des actes particulièrement cruels envers les chats en Italie ont eu un petit écho. Au nord de la Sicile, dans le parc régional de la région montagneuse des Nébrodes, de nombreux feux de forêt ont été déclenchés par des tissus enflammés accrochés à des chats, au niveau de leur queue.
Les chats, eux-mêmes arrosés d’essence également, deviennent alors des torches vivantes. Apeurés ils courent à travers la forêt, provoquant des incendies avant d’agoniser.
Cette méthode est la norme de la part de la mafia, car elle permet de rendre très difficile le fait de retrouver les départs de feu et donc la trace des criminels.
Difficile par conséquent de savoir dans quelle mesure elle a été généralisée pour les 800 feux qui se sont déclenchés pratiquement simultanément, en 48 heures, au sein du parc régional, détruisant 6 000 hectares sur 86 000…
Néanmoins, on a compris l’arrière-plan barbare, dans tous les cas. L’impunité criminelle s’exprime ici en toute limpidité.
Le but de la mafia est bien sûr de profiter de ces incendies, soit de manière traditionnelle dans des opérations immobilières sur les terrains « libérés », soit plus récemment en s’appuyant sur des entreprises de reforestation phagocytées et profitant de subventions.
C’est aussi un moyen de faire pression sur l’Etat pour maintenir les emplois des 23 000 personnes qui en Sicile travaillent dans le secteur forestier, largement infiltré par la mafia. Rien que le mois dernier 180 personnes ont été licenciées en raison de leurs liens avec des entreprises criminelles…
Bien entendu, ce sont de grandes sommes qui sont en jeu, car il y a des subventions de centaines de millions d’euros de l’Union Européenne…
Quant au directeur du parc régional de la région montagneuse des Nébrode, Giuseppe Antoci, il doit à ses gardes du corps d’avoir échappé aux coups de feu qui le visaient en mai dernier.
C’était une attaque de la Cosa Nostra, en plein milieu du parc, les cocktails molotov étant prêts pour l’incendie alors qu’un 4×4 attendait les assaillants pour les faire disparaître rapidement…
Voici une présentation du parc, venant du site officiel, pour bien montrer la valeur naturelle de celui-ci. L’explication est ici très « universitaire », mais elle donne un bon aperçu de ce qui est menacé.
Les Arabes décrivirent les Nebrodi comme « une île dans l’île », et la raison de telle définition apparaîtra très claire au visiteur qui s’apprête pour la première fois à découvrir ce territoire surprenant : les riches forêts suggestives, les vastes pâturages de haute montagne, les lacs silencieux et les torrents contrastent avec l’image commune d’une Sicile aride et brûlée par le soleil.
Dès que l’on laisse la côte et que l’on commence à monter, il est possible de reconnaître immédiatement des étages de végétation précis, qui dépendent non seulement de l’altitude mais aussi de facteurs physiques particuliers qui, avec la température et les précipitations pluvieuses et neigeuses abondantes, créent des situations écologiques favorables.
L’étage méditerranéen (du niveau de la mer jusqu’à 600-800 mètres) est caractérisé par le typique maquis méditerranéen sempervirent, dominé par l’Euphorbe, le Myrte, le Lentisque et le Genêt, et où l’on reconnaît des éléments arborescents aux feuilles étroites tels que l’Arbousier, le Chêne-liège et le Chêne vert.
La suberaie (des formations intéressantes se situent surtout dans la zone de Caronia) est présente à l’état pur lorsque le climat et le sol sont favorables ; dans la plupart des cas, cependant, elle est associée à d’autres espèces tels que le Chêne vert et le Chêne pubescent, avec un riche sous-bois.
Au dessus des 800 mètres, et jusqu’aux 1 200-1 400 mètres, se trouve l’étage supraméditerranéen, caractérisé par la présence des chênes de caducifoliés. Les différentes espèces présentes, telles que le Chêne pubescent, le Chêne rouvre et le Quercus gussonei, forment des peuplements plus ou moins importants en fonction des substrats géologiques et de l’exposition des versants. Le Chêne chevelu est aussi très commun, et il devient dominant dans les zones les plus fraîches, surtout dans celles exposées au nord.
Au dessus des 1 200-1 400 mètres d’altitude, l’étage montagnard méditerranéen se caractérise par la présence des hêtraies, des formations boisées splendides qui couvrent l’entière crête des Nebrodi, pour un total de 10 000 hectares, et qui forment des milieux de grande valeur naturelle et paysagère.
Dans les parties les plus élevées le Hêtre vit presque à l’état pur : on y trouve seulement de rares exemplaires de Érable blanc, Érable champêtre et Frêne. Parmi les espèces du sous-bois, outre qu’au Houx, au Petit houx, à l’Aubépine et à la Daphne, l’on trouve le If, une espèce relicte très vivace qui survit dans des conditions microclimatiques très localisées. (…)
Grâce à sa haute variété environnementale, le Parco dei Nebrodi accueille des communautés faunistiques riches et complexes : nombreux petits mammifères, reptiles, amphibiens, nombreuses espèces d’oiseaux nicheux et migrateurs, un nombre élevé d’invertébrés.
Parmi les premiers il faut mentionner le Porc-épic (Hystrix cristata), le Chat sauvage (Felis sylvestris) et la Martre (Martes martes), qui sont des espèces très rares ; parmi les reptiles, la Tortue d’Hermann (Testudo hermanni), et surtout la Cistude d’Europe (Emys orbicularis) ; parmi les amphibiens, enfin, le Discoglosse peint (Discoglossus pictus) et la Grenouille verte (Rana esculenta). 150 espèces d’oiseaux ont été classées sur les Nebrodi, dont quelques endémismes de grand intérêt tels que la Mésange Nonnette de Sicile (Parus palustris siculus) et la Mésange à longue queue de Sicile (Aegithalos caudatus siculus).
Les zones aux limites des bois accueillent nombreux rapaces, tels que la Buse variable (Buteo buteo), le Faucon crécerelle (Falco tinnunculus), le Lanier (Falco biarmicus), le Milan royal (Milvus milvus) et le Faucon pèlerin (Falco peregrinus), tandis que les zones rocheuses escarpées et fissurées des Rocche del Crasto sont dominées par l’Aigle royal (Aquila chrysaetos). Le Grèbe castagneux (Podiceps ruficollis), la Foulque macroule (Fulica atra), la Bergeronnette des ruissaux (Motacilla cinerea), le Cincle plongeur (Cinclus cinclus) et le Martin-pêcheur (Alcedo atthis) préfèrent les zones humides, tandis que sur les pâturages l’on peut observer la désormais rare Bartavelle de Sicile (Alectoris graeca whitakeri), l’incomparable huppe de la Huppe fasciée (Upupa epops) et le vol puissant du Grand corbeau (Corvus corax).
Parmi les oiseaux de passage il vaut la peine de mentionner l’Echasse blanche (Himantopus himantopus) et le Héron cendré (Ardea cinerea). Les invertébrés, enfin, sont très nombreux.
Des études scientifiques récentes ont donné des résultats surprenants : sur un total de 600 espèces recensées, concernant une petite partie de la faune existante, 100 espèces sont nouvelles pour Sicile, 25 pour l’Italie et 22 pour la science. Parmi les formes les plus importantes du point de vue paysager, il faut mentionner les papillons (plus de 70 espèces) et les Carabidés (plus de 120 espèces).