La question de savoir si la détention des animaux sauvages dans les cirques, l’itinérance, le dressage, les spectacles sont compatibles avec leur épanouissement est une question qui doit être soumise à la délibération publique et tranchée dans les mois qui viennent, afin que nous disposions d’un cadre législatif clair, comme c’est le cas dans d’autres pays.

L’objet de cette tribune n’est pas de répondre à cette question. Nous voulons simplement porter l’attention des citoyens et des pouvoirs publics sur un cas qui est emblématique de l’impasse dans laquelle nous sommes collectivement.

Maya, une éléphante d’Asie âgée de plus de 50 ans et que suit l’association One Voice, continue d’être transportée et exploitée par le cirque La Piste aux étoiles alors que plusieurs vétérinaires, y compris celui qui a été mandaté en février 2018 par Mme Patricia Willaert, la préfète du Lot-et-Garonne, attestent qu’en raison de son état de santé, elle ne peut plus être sur les routes.

L’arrêté du 18 mars 2011 fixant les conditions de détention et d’utilisation des animaux non domestiques dans les établissements de spectacles itinérants n’est pas non plus respecté.

Comme on le voit en lisant les articles 22 et 26 de l’arrêté, les conditions d’hébergement des animaux de cirque doivent satisfaire à des exigences minimales (évacuation des urines, litière adéquate, enclos assurant la sécurité du public hors des spectacles et pendant les spectacles). Les animaux malades ou trop âgés ne doivent plus participer aux spectacles (article 9).

Toute personne qui voit Maya, que ce soit dans son enclos minuscule ou dans le camion, comprend que la loi n’est pas respectée. En outre, l’autorité de la préfète est bafouée. Car elle avait demandé que le cirque laisse Maya dans ses quartiers d’hiver ou la transfère dans un sanctuaire, par exemple dans le sanctuaire Elephant Haven, en Haute-Vienne, où sa place a été réservée depuis octobre 2017.

Cette éléphante, qui souffre des pieds et a des stéréotypies attestant l’état de folie auquel ses conditions de vie et sa solitude l’ont conduite, est le symbole d’une double injustice : elle est, depuis plusieurs années, dans un état de détresse qui ne peut laisser personne indifférent et le droit est impuissant.

La souffrance de Maya est la preuve tragique que, lorsqu’il est question des animaux, les lois ne sont pas souvent appliquées.

De plus, quand des infractions sont dénoncées par une association, comme par One Voice qui, depuis septembre 2016, mène sur ce cas des enquêtes dont le sérieux est indiscutable, on assiste à une bataille juridique, et à des procès qui grèvent le budget des cirques et rendra leur situation encore plus difficile.

Pourtant, les faits sont têtus : le vétérinaire mandaté par la préfète parvient aux mêmes conclusions que les spécialistes internationaux auxquels One Voice, en septembre 2017, avaient confié une expertise : l’état de santé de Maya est alarmant, son alimentation et ses conditions de détention ne sont pas adaptées à ses besoins et elle souffre des pattes, sans parler d’un abcès non soigné.

Le tribunal de grande instance de Strasbourg a lui aussi reconnu le 13 février 2018 que le travail de One Voice, que le cirque La Piste aux Étoiles avait assignée en justice, était légitime : il a autorisé l’association à poursuivre son combat qui avait déjà rencontré en décembre 2017 le soutien de plus de 100 000 personnes ayant signé la pétition pour libérer Maya (#JusticePourMaya).

Les établissements de spectacles itinérants valent mieux que ce jeu de cache-cache qui conduit certains d’entre eux à se soustraire à la loi. Il y a déjà longtemps que tout le monde sait que, dans certains cirques, les animaux sont maltraités. Les associations de défense des animaux militent contre la captivité des animaux sauvages dans les cirques, mais elles ne sauraient se substituer au législateur.

Leur mission première est de dénoncer les situations de maltraitance et de les porter sur la place publique afin que le sort des animaux, qui intéresse de plus en plus de personnes, soit connu, que les éléphants, dont tout le monde reconnaît l’intelligence et la majesté et dont l’espèce est menacée, ne dépérissent pas dans l’indifférence et qu’en l’absence de décision politique claire et courageuse, les lois existantes soient au moins respectées.

La spécificité d’une association comme One Voice est de savoir dialoguer avec les acteurs pour chercher des solutions pouvant convenir à tout le monde. Il n’est pas dans l’intérêt du cirque La Piste aux étoiles de se ruiner en procès ni de perdre tout prestige aux yeux d’un public qui, même quand il continue à aller voir des spectacles avec animaux, ne tolère pas qu’ils soient maltraités.

Muriel Arnal, la présidente de One Voice, a apporté une aide financière conséquente à Elephant Haven, installé à Bussière-Galant, afin qu’il puisse accueillir Maya. Tout est prêt pour elle et, de toute façon, elle ne peut plus travailler. Faut-il attendre qu’elle décède ? Faut-il attendre un accident ? Doit-on donner raison à ceux qui disent que la voie de la réforme, du dialogue et du droit est vaine et que seul un scandale permettra de changer les choses ?

Il ne s’agit pas d’un rapport de force entre défenseurs de la cause animale et circassiens, mais d’une exigence de justice : nous voulons que la loi soit appliquée. Maya doit pouvoir jouir d’une retraite bien méritée. Ou alors c’est que nous ne sommes plus dans un Etat de droit.

Signataires :

Laurent Baheux, photographe animalier, Thierry Bedossa, vétérinaire praticien, ancien élève de l’école vétérinaire de Maison-Alfort, Allain Bougrain-Dubourg, journaliste, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Sophie Dol, vétérinaire praticien, ancien élève de l’école vétérinaire de Maison-Alfort, Loïc Dombreval, vétérinaire, député LREM, président du groupe d’étude «condition animale» à l’Assemblée nationale, Pascal Durand, eurodéputé écologiste Ile-de-France et hors de France, Yolaine de La Bigne, journaliste, fondatrice de l’Université d’été l’animal et l’homme, Frédéric Lenoir, philosophe, fondateur de Ensemble pour les animaux, Laurence Parisot, chef d’entreprise et présidente d’honneur du Medef, Corine Pelluchon, philosophe, professeur à l’Université-Marne-La-Vallée, Jacques Perrin, cinéaste, Franck Sorbier, grand couturier et Maître d’art.

Tout cela est totalement déconnecté du travail pour conquérir l’opinion publique, de la bataille démocratique, du principe comme quoi :

– le véganisme est incontournable ;

– le véganisme ne peut qu’être porté naturellement par le peuple , les gens normaux ;

– la situation historique et planétaire est catastrophique et il faut mobiliser, renverser la table, faire la révolution et non pas tergiverser ou laisser la parole aux « experts ».