La déesse-mère, féminine et universelle

Voici une représentation de la déesse Kali, qui dans la culture hindouiste représente la destruction. Mais elle était auparavant une déesse-mère et il y a beaucoup de choses à comprendre du rapport entre les femmes et le véganisme, entre le féminisme et la défense des animaux.

Le mouvement pour la défense des animaux est féminin dans sa très grande majorité. Il est composé surtout de femmes, il est porté par des femmes, il a été porté par des femmes à l’origine. Bien entendu, il y a des hommes. Mais en ce qui concerne la question des animaux, ce sont toujours les femmes qui donnent le ton.

C’est l’image inversée des chasseurs. Il y a des femmes qui participent au mouvement de la chasse dans son ensemble, mais ce sont les hommes qui donnent le ton. Ce sont eux qui façonnent la tradition, la culture, les valeurs.

Partant de là, il faut choisir entre les deux… et on voit bien que c’est le féminisme qui ressort de cette confrontation. Car même si les femmes sont pacifiques (ce qui ne veut pas dire qu’elles ne sont pas capables de violence), face aux hommes et leur brutalité, leur style guerrier, chasseur…. Il n’y a pas le choix, il y a conflit.

Du point de vue concret, au-delà de ce conflit, il y a dans la défense des animaux une dimension féminine du refus de l’affirmation viriliste au profit du travail concret, pacifique.

Les hommes qui participent au mouvement doivent s’y plier, ou partir… ou plus exactement, ils ne sont même pas attirés, parce que le travail concret ne laisse pas d’espace pour faire le malin, pour se mettre en avant, etc.

Il y a toute une soumission qui est demandée à la cause quand on travaille pour les animaux… Cette soumission est insupportable pour les machos croyant tout savoir ou même les femmes égocentriques privilégiant leur petite affirmation individuelle.

Cela n’est vrai bien entendu que pour le mouvement pour la défense des animaux plaçant ces derniers au cœur de leur vision du monde. La scène « antispéciste » ne fonctionne pas du tout pareillement, même si les femmes y sont un moteur. Le côté « anti » permet tout et n’importe quoi, empêche la formation d’une réelle culture et donc toutes les dérives… Toutes les dérives.

D’ailleurs, les « antispécistes » ne sont pas intéressés par l’écologie, alors que pour les femmes du mouvement pour la défense des animaux, c’est un thème considéré comme évidemment parallèle.

Le meilleur symbole du rapport entre la défense des animaux et le féminin, ou le féminisme d’ailleurs, c’est sans aucun doute la déesse-mère. Les petites statuettes datant du Paléolithique représentent la femme comme la déesse du monde : la femme est associée à la Terre, à la vie, au sens de la vie elle-même. La statuette la plus connue est celle de Willendorf, en Autriche, datant de plus de 22 000 ans.

La statuette de Galgenberg, encore en Autriche, a plus de 32 000 ans.

Il y en a beaucoup d’autres exemples et on trouve également les traces de ces déesses-mères dans les premières religions, où elles sont intégrées de manière subalterne. Ce sont les Astarté, Ishtar, Aphrodite, Déméter Parvati, Kali… et bien sûr, Gaïa.

Voici encore un exemple avec la statuette qu’on appelé La Dame aux léopards, qui a été trouvée en Anatolie et date de huit mille ans avant notre ère.

Ces déesses-mères ont été renversé par le Dieu patriarcal, mécontent et massacreur. Ce renversement se déroule parallèlement au triomphe de l’agriculture et de l’élevage, autrement dit de l’activité humaine contre la Nature.

Or, le seul projet valable pour l’humanité, c’est de cesser cette guerre contre la Nature, de trouver sa place dans la Terre-mère… Ou bien de retourner en arrière, ce que veulent les primitivistes.

Ce n’est qu’en considérant la Terre comme une mère que l’humanité acceptera de se soumettre, de comprendre réellement le sens de la vie. Les femmes, mises de côté pendant des milliers d’années par des hommes prenant le dessus dans le prolongement de leurs activités de chasseurs et de cueilleurs, doivent contribuer à la transformation totale de l’humanité. Elles le comprennent par définition, même si c’est de manière totalement aliénée par des siècles de déformation patriarcale ou, désormais, de consommation capitaliste effrénée.

La seule orientation possible pour l’humanité, c’est un abandon de l’élevage, une adaptation de l’agriculture à la planète (et son recul maximum par rapport à la vie sauvage), une soumission aux intérêts de la planète afin qu’elle redevienne bleue et verte.

Les femmes doivent être première ligne dans cette bataille pour les animaux et la Nature, afin de contribuer au premier plan à aller dans la bonne direction.

Le coronavirus parti de Chine, une problématique vegan par excellence

Pourquoi y a-t-il une attention mondiale extrême au coronavirus parti de Chine, alors que sa dangerosité est relativement faible ? Pour une simple raison : il provient d’une déchirure complète du « mur » censé exister entre l’espèce humaine et la Nature.

Il y a donc des risques énormes de développement incontrôlable. L’humanité qui joue les apprentis sorciers se retrouve avec ce qui peut être une bombe à retardement. Voilà la raison fondamentale de la mobilisation générale en cours.

C’est là la véritable problématique de fond, à laquelle il est tout le temps fait référence à l’arrière-plan, mais ce n’est jamais dit ouvertement, et pour cause ! Car il faudrait pour cela reconnaître que l’humanité dynamite les frontières naturelles, qu’elle provoque avec ses interférences des dérèglements profonds, incontrôlables.

Que donc l’humanité doit reculer, trouver une place dans Gaïa qui soit la sienne, et la sienne seulement.

Le Figaro résume de la manière suivante l’origine du coronavirus :

« Les tout premiers cas de Covid-19 – nom attribué à la maladie provoquée par ce nouveau coronavirus – concernent majoritairement des personnes qui se sont rendues ou qui travaillaient sur un marché de Wuhan, où étaient vendus des fruits de mer et des animaux vivants. L’hypothèse d’une zoonose, c’est-à-dire une maladie transmise par les animaux, est donc hautement privilégiée, comme ce fut le cas pour le SRAS (transmis à l’homme par la civette) et le MERS (transmis par le dromadaire). »

Cela, tout le monde l’a compris. On prend beaucoup d’humains… On les rassemble… On rassemble ensuite beaucoup d’animaux morts, surtout issus de l’industrie… Puis on rassemble beaucoup d’animaux vivants, surtout issus de la vie sauvage… On a alors un gigantesque shaker, à ceci près que les choses ne se déroulent pas de manière quantitative, mais qualitative. Des choses inattendues se produisent, car la vie est quelque chose qui bouge.

Ce qui se résume scientifiquement, encore par Le Figaro :

« Des analyses génétiques ont effectivement montré que le nouveau coronavirus est très proche d’un virus présent chez une espèce de chauve-souris. Des investigations sont toujours en cours pour tenter d’identifier l’animal qui aurait joué le rôle d’hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’homme.

Il pourrait s’agir du pangolin, un animal largement braconné et très convoité pour ses écailles, auxquelles la médecine traditionnelle chinoise prête des vertus thérapeutiques. Pour l’heure, on ne sait pas comment le virus est parvenu à passer de l’animal à l’homme.

Ce saut d’espèce est sans aucun doute la résultante de mutations génétiques et d’une augmentation de la fréquence des contacts entre l’animal infecté et l’homme. »

Les choses sont claires et la Chine l’assume d’ailleurs en interdisant le commerce et la consommation d’animaux vivants issus de la vie sauvage. D’où l’information diffusée par l’AFP à travers plusieurs médias :

« Coronavirus. La faune sauvage, bénéficiaire indirecte de l’épidémie »

Cela signifie concrètement que la Chine a, du jour au lendemain, mis un terme à une consommation ayant une tradition de plusieurs centaines d’années, voire de mille, deux mille ans, trois mille ans. Du jour au lendemain et contre son gré.

N’est-ce pas la preuve que l’humanité peut tout à fait, du jour au lendemain, passer au véganisme ? Il suffit d’ailleurs de mettre cela en parallèle avec l’entreprise finlandaise Solar Foods, qui a produit une protéine issue de bactéries, de minéraux et de l’air.

Une humanité sans conflit avec Gaïa laissera, évidemment, même les végétaux en paix. Le chemin est inévitable. Et la crise mondiale du coronavirus Covid-19 montre que c’est inévitable. Une humanité en guerre contre Gaïa n’a aucune chance de tenir. La planète est un gigantesque système vivant et un élément de ce système ne peut pas se comporter comme il l’entend.

Quoique d’ailleurs l’humanité n’entend rien du tout, se contentant de vivre sans se poser de questions, sans réflexion sur ses comportements, sur ses mœurs, ses mentalités, ses pratiques, ses conceptions.

Les problématiques mondiales sont un rappel à l’ordre. Le dérèglement climatique en est un. Le coronavirus Covid-19 en est un également.

Gaz à effets de serre: une augmentation continue

37 scientifiques avaient lancé une campagne intitulée EAT-Lancet Commission on Food, Planet, Health, liée à la revue scientifique médicale britannique The Lancet, pour que soit mangé moins de viande dans une optique de développement durable. Le critère était le suivant : au maximum 14 grammes de « viande rouge » par jour, au maximum 29 grammes de poulet par jour, au maximum 13 grammes d’oeufs par jour.

Le financement était réalisé par la fondation Wellcome Trust qui dispose de milliards et investit ses bénéfices dans différents projets ; la campagne passait par Twitter.

Une contre-campagne a immédiatement lancé, sous le nom de #yes2meat et touchant 26 millions de personnes contre 25 millions pour la campagne d’Eat-Lancet Commission. Voici le tableau comparant l’impact de chaque campagne sur Twitter.

Saisir cette opposition est très importante pour aborder le rapport sur les gaz à effets de serre de l’Organisation météorologique mondiale. Car il est beaucoup parlé dans les médias de Greta Thunberg, d’Extinction Rébellion, etc., c’est-à-dire de gens découvrant en 2019 le réchauffement climatique et en appelant à la « science ».

Mais ce n’est pas la « science » qui décide – pas dans cette société. C’est le profit qui décide et l’écologie n’est rien d’autre qu’un thème prétexte à la concurrence. Il y a d’un côté l’industrie de la viande qui veut faire comme avant. Il y a de l’autre des gros industriels se disant qu’il y a une opportunité pour prendre la place en surfant sur l’écologie, ou même le véganisme.

Tout l’irrationalisme de la mise en valeur de Greta Thunberg, présentée comme une autiste géniale seule capable de rompre avec les adultes passéistes, etc., tient à cela. L’humanité ne fait pas encore de choix rationnels, malgré l’urgence. Elle est ballottée entre deux tendances du business.

Le caractère erroné de tout cela apparaît avec les chiffres donnés par l’Organisation météorologique mondiale. Lors des différentes COP, nous avions dit : tout cela ne changera rien. Voici un tableau du dernier rapport, du 25 novembre 2019, indiquant les modifications entre l’année 2017 et l’année 2018.

On a la présence de dioxyde de carbone (C02), de méthane (CH4), de protoxyde d’azote (N2O), le pourcentage de comparaison avec l’année 1750, la croissance absolue entre 2017 et 2018 puis la croissance relative en pourcentage, puis l’augmentation annuelle moyenne de ces dix dernières années.

Dans ce dernier cas, on s’aperçoit qu’on est au-dessus de la moyenne de 2017 à 2018.

Voici les tableaux présentant l’évolution de chacun des gaz à effet de serre.

Le Finlandais Petteri Taalas, secrétaire général de l’Organisation météorologique mondiale, a résumé la situation par les termes suivants :

« Il n’y a aucun signe de ralentissement, et encore moins de diminution, de la concentration des gaz à effet de serre dans l’atmosphère malgré tous les engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris sur le changement climatique. »

La croissance est en effet très clairement visible. Et aucune réduction n’est possible à moins de renverser la tendance, de la renverser donc dans ses fondements mêmes. Selon l’ONU, il faudrait pourtant la chose suivante :

« une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 2,7% par an entre 2020 et 2030 pour l’objectif de 2 °C et de 7,6% par an pour l’objectif de 1,5 °C »

Ce n’est bien sûr pas du tout possible quand on voit les tableaux. La croissance que l’on voit reflète une tendance de fond, une tendance mondiale. Toute l’économie mondiale est imbriquée, fonctionne selon le principe de la société de consommation pour maximiser les profits.

Quand quelqu’un comme Greta Thunberg dit qu’elle change le monde en n’utilisant pas l’avion elle ment (d’ailleurs également car ses transports comme aux Etats-Unis sont surconsommateurs). Il ne s’agit pas d’un souci de consommation. C’est la production qui est un souci, non pas qu’il faille faire comme les zadistes et retourner à l’âge de pierre, mais il faut tout révolutionner. Sans cela, c’est la catastrophe.

Le pré-rapport de 2019 parle déjà d’une « décennie de perdue – aucun changement substantiel dans la tendance mondiale aux émissions [de gaz à effets de serre] ». En fait, l’humanité n’a même jamais autant produit de gaz à effets de serre qu’en ce moment.

Nous invitons ici à relire en ce sens ce que nous disions sur la COP21, en 2016, nous l’avons même analysé jour par jour. Nous y annoncions qu’à l’avenir il y aurait « la condamnation des générations qui n’ont rien fait, qui ont trahi la vie sur la planète ! ». C’est inévitable. Et cela doit commencer – maintenant !

Beaucoup de gens ont voté EELV et on a parlé de prise de conscience écologique. Mais que disait EELV à la suite de la COP 21 ? La chose suivante :

« Cet accord de Paris permet donc de trouver un socle commun de discussion et de dynamique vers une économie décarbonée pour l’avenir. »

Où est la discussion ? Où est la dynamique ? Les gens comme EELV, Greta Thunberg, L214… sont des marchands d’illusions. Leurs variantes réformistes radicales comme Extinction Rébellion, 269… n’ont pas une nature différente.

Ils sont des obstacles à la prise de conscience complète de la situation. Ce qu’il faut, comme dit en 2016, c’est affirmer les points suivants :

– la division de l’humanité en nations est un obstacle ;

– un gouvernement mondial est inévitable ;

– il faut centraliser les initiatives et les imposer ;

– il faut des chiffres, des bilans, le tout de manière publiée, disponible, avec des discussions à ce sujet dans toute la population mondiale ;

– tout cela passe par une remise en cause de l’anthropocentrisme et la reconnaissance de la Nature.

Tout le reste est une illusion.

L’arbre, ses blessures, ses cicatrices, ses compartimentations

L’arbre est un être vivant et par conséquent, il peut lui arriver d’être blessé. Ces blessures sont plus ou moins graves et ce qui est d’autant plus intéressant, c’est de voir qu’il existe un grand débat pour savoir dans quelle mesure l’arbre est capable de faire face, tout seul, à ses blessures.

La Nature existe-t-elle ou bien l’arbre n’est-il qu’une accumulation de matières premières, du bois vivant mais concrètement quasi mort dans sa définition même?

Regardons déjà à quoi ressemblent les blessures peuvent avoir de multiples origines, mais dans tous les cas, c’est comme pour les êtres humains, il y a comme une sorte de trou. Voici un exemple où l’on voit bien une ancienne blessure, avec comme une plaie rebouchée.

Il est bien connu qu’en France, jusqu’à il y a une trentaine – quarantaine d’années, on appliquait une méthode totalement absurde consistant à… boucher le trou de l’arbre avec du béton. Comme si le trou existait dans une construction, dans un bâtiment, etc. Il va de soi qu’un être vivant à qui on met du béton en lui le vit plutôt mal…

Avant le béton, il y avait l’utilisation de l’onguent de Saint-Fiacre, c’est-à-dire de la bouse de vache mélangée à de l’argile. La technique existe encore, tout comme de nombreux magasins proposent du mastic spécial arbres blessés.

C’est qu’on a compris très tôt que si la plaie ne se refermait pas correctement, l’arbre risquait sa vie… A moins que cela ne soit plus compliqué que cela.

Si les soins échouent, les conséquences physiologiques sont théoriquement significatives. Pour l’arbre, cela veut dire que l’eau va avoir du mal à circuler, tout comme les éléments chimiques vitaux. Ce qu’on appelle la sève voit sa circulation perturbée. Il peut y avoir une infection, avec des champignons s’incrustant, avec un phénomène de pourrissement.

En fait, l’écorce sert de protection à la vie interne de l’arbre. C’est pourquoi ce dernier va donc chercher à cicatriser, tout comme nous. Il se forme alors un bourrelet cicatriciel, qui va progressivement, dans un mouvement partant des bords, recouvrir la plaie, pour rétablir l’écorce.

Ce bourrelet progresse très lentement, tant qu’on le remarque facilement, il est encore en action…

Pour cette raison, les élagueurs doivent faire attention à ce que le futur bourrelet puisse bien se développer. Si une partie du cercle du bourrelet n’a pas les moyens d’exister parce qu’on a mal coupé, alors c’est un échec aux conséquences terribles pour l’arbre. De la même manière, la plaie doit éviter de dépasser 5-10 centimètres.

Sans cela, le trou ne se referme pas et c’est justement alors un abri pour beaucoup d’êtres vivants. ce qui est une bonne chose.

Or, les arbres creux peuvent tout à fait être vivants. Cela est pourtant incompatible avec l’interprétation d’une bataille pour la survie où l’arbre est censé faire face au reste de la vie pour survivre, etc. C’est qu’évidemment la Nature est en réalité un ensemble et non pas un assemblage d’éléments en compétition.

C’est là où se complique donc la conception comme quoi la blessure est forcément mortelle. On trouve ici une approche très intéressante du biologiste et phytopathologiste du Service des forêts des États-Unis Alex Shigo (1930-2006), l’un des plus grands spécialistes des arbres.

Selon lui, un ajout de quelque chose pour soigner la plaie d’un arbre est inutile et même nuisible, car interférant avec le processus naturel. Alex Shigo considérait que l’arbre n’était pas du « bois mort » et qu’il était capable de compartimenter ses éléments pour bloquer une infection.

Voici comment il résume la question:

La plupart des soins inappropriés appliqués aux arbres résultent de la confusion entre les arbres et les animaux : dans de nombreux cas, on traite les arbres comme des animaux, voire comme des humains… On panse les plaies des arbres afin d’éviter l’infection et l’altération, et de favoriser la cicatrisation.

On nettoie les parties altérées jusqu’au bois sain, comme un dentiste nettoie une carie.

On taille les branches au ras du tronc, et dans certain pays, on taille des facettes dans l’écorce du tronc à la base de la branche : on imagine que la cicatrice qui apparaît est un signe de guérison de l’arbre. Aucun de ces traitements n’est curatif ; paradoxalement, tous sont nuisibles.

Aucune étude scientifique ne permet d’affirmer que l’application d’une quelconque substance sur une blessure empêche l’altération. Les mastics utilisés ont surtout un effet esthétique (outre le fait que cette pratique rassure les gestionnaires des arbres).

Nettoyer une cavité de bois altéré pour mettre le bois sain à nu est le plus sûr moyen de propager l’infection au bois sain ; cette pratique est certainement ce que l’on peut imaginer de pire et de plus nuisible pour l’arbre, car l’existence même d’une telle cavité indique que l’arbre avait réussi à circonscrire la zone d’altération.

Enfin, une taille inappropriée favorise la contamination des cellules blessées du tronc. A la base de chaque branche se trouve un renflement que l’on appelle un bourrelet axillaire : ce bourrelet renferme des tissus de protection de la branche, c’est-à-dire les tissus qui produisent les défenses chimiques de la branche. Il faut éviter de blesser ce bourrelet lors des opérations de taille.

Sa conception est dénommée CODIT, pour Compartmentalization of decay in trees, ce qu’on peut traduire par Compartimentation du pourrissement dans les arbres.

Elle va de paire avec la compréhension que le développement de champignons, la présence d’eau ou d’animaux, ne signifie pas du tout forcément quelque chose de négatif pour l’arbre. Il y a des interactions qui se forment, une adaptation de l’arbre qui se développe et profitant à tout le monde.

Alex Shigo dépasse ainsi la vision de Robert Hartig (1839-1901), qui fut le premier à étudier le rapport entre les champignons et le pourrissement des arbres.

Selon Alex Shigo, les arbres compartimentent. Ils ne peuvent pas se déplacer, donc pas fuir. Ils ne font pas non plus des « auto-réparations » comme le font les animaux. Ce qu’ils font, c’est qu’ils isolent des secteurs.

Voici un exemple. La partie en noir témoigne de l’isolement d’une infection par des champignons profitant du trou causé par un tir de chevrotine. Au bout de cinq ans, le trou est refermé et la croissance reprend par-delà le secteur isolé. L’arbre a été coupé neuf ans après l’apparition du trou.

Voici une image tirée d’un article d’Alex Shigo, où l’on voit bien le processus d’isolement de la partie de l’arbre ayant pourri.

Voici une autre image présentant, de la même manière, la compartimentation du pourrissement.

Voici une autre image, symbolisant cette fois la compartimentation interne du tronc. Il va de soi que c’est schématique, juste pour donner l’idée. Au sens strict, cela veut dire qu’un arbre… est une sorte de multi-arbres, ceux-ci poussant au milieu des autres, chaque anneau amenant un nouvel élément.

Voici comment L’éclaircie du service canadien des forêts présente les murs de la compartimentation.

• Mur 1 : il vise à bloquer les éléments conducteurs du bois (par exemple, les vaisseaux).
• Mur 2 : les épaisses parois des cellules formant le bois final de chaque cerne annuel lui confèrent son efficacité.
• Mur 3 : mur discontinu formé par les cellules de rayon.
• Mur 4 : formé à la suite d’un dommage, il correspond à une bande plus ou moins épaisse de cellules contenant souvent des composés antibiotiques et très résistants aux micro-organismes. Son rôle est d’isoler le bois atteint du bois sain.

Comme on le voit, tout cela est incroyablement complexe et on n’en est qu’au début. Alex Shigo attribue, pour l’anecdote, la possibilité des découvertes à… la tronçonneuse, permettant des coupes en longueur et une étude plus approfondie. Lui-même a étudié des arbres coupés par milliers à travers le monde…

C’est que pour comprendre la vie d’un arbre, le développement d’une maladie, il faudrait voir comment cela se développe en son intérieur. Au lieu de fabriquer des bombes, c’est vers une capacité à voir un arbre dans son développement qu’il faut aller!

Toute cette vision scientifique n’en est encore qu’à ses débuts. A l’humanité d’être à la hauteur pour se tourner vers la Nature et comprendre son incroyable richesse, en se mettant à son service.

Le 8 août 2016, « overshoot day »

Chaque année, le WWF présente une date censée être charnière dans la mesure où à partir de là, nous vivrions en quelque sorte à crédit par rapport au futur. Voici l’explication de la méthode faite par le WWF au Figaro :

INTERVIEW – Le lundi 8 août sera déjà, pour la Terre, le «jour du dépassement» de ses capacités à renouveler les ressources consommées par l’homme en 2016. Arnaud Gauffier, de WWF France, explique le mode de calcul utilisé pour définir cette date de plus en plus précoce et les mesures utiles à la faire reculer.

LE FIGARO. – A partir de lundi, l’humanité aura consommé toutes les ressources que la planète est capable de renouveler en une année. Comment calcule-t-on cet «Overshoot Day»?

Arnaud Gauffier – Nous utilisons des données issues de 70 organisations mondiales, telles que l’ONU, des institutions scientifiques, ou encore des universités. Ensuite, le calcul est fait par le Global Footprint Network, une institution scientifique avec laquelle WWF collabore.

Pour se faire, il faut croiser la biocapacité de la planète et notre empreinte écologique. La biocapacité est la surface biologiquement productive qui fournit la capacité biologique renouvelable, à savoir, la faculté d’un écosystème à régénérer les ressources biologiques et à absorber les déchets générés par les hommes. Elle est mesurée en hectares globaux.

Quant à notre empreinte, elle permet de mesurer la superficie totale de terre et de mer biologiquement productives nécessaire pour produire toutes les ressources qu’une population consomme et pour absorber tous ses déchets. Elle prend en compte les avancées technologiques de chaque année.

Au moment où les deux courbes se croisent, on rentre dans une zone de dette écologique. Autrement dit, on dépasse la biocapacité de la planète. C’est de cette manière que l’on peut dire «en ce moment, nous aurions besoin de la surface de 1,6 planètes pour pouvoir soutenir nos modes de consommation.»

Comme on peut le voir, l’approche est entièrement anthropocentrique. C’est une vision comptable, avec des entrées et des sorties. Or, c’est là une approche entièrement fausse.

D’abord, parce que la Nature est un tout, un système, qui ne se laisse pas réduire à des schémas quantitatifs. Toutes les tentatives scientifiques pour former une sorte de mini système environnemental, notamment pour les voyages spatiaux, ont lamentablement échouées.

Ensuite, parce que moralement la vie d’un être vivant ne se laisse pas réduire à la satisfaction ou l’utilité. Un tel point de vue, qui est le point de vue dominant, amène des catastrophes et des écocides. Le WWF montre ici qu’il n’est pas capable de rompre avec cette manière de voir les choses, de les compter…

Eruption au mont Shindake au Japon

Le mont Shindake au Japon, dont le pic est à 640 mètres, possède un volcan qui est rentré hier matin brutalement en éruption, avec une plume atteignant la hauteur de 10,9 kilomètres !

Il était en sommeil depuis 34 ans ; le mont se trouve sur une île, Kuchinoerabu, bien loin du Japon continental, l’île de Kyushu étant à 80 kilomètres, Tokyo à 1000 kilomètres.

Voici une impressionnante vidéo de l’éruption.

Le Japon connaît ces dernières semaines une résurgence des activités volcaniques ; les scientifiques se demandent dans quelle mesure cela a un rapport avec le tremblement de terre de 2011, connu pour le tsunami qui s’en était suivi, amenant 20 000 morts humains ainsi que les problèmes à la centrale nucléaire de Fukushima.

Il est bien connu que le Japon est un archipel dont voici justement les plaques tectoniques.

Tout cela rappelle l’énorme complexité de notre planète en tant que système hébergeant la vie. L’humanité pourrait plonger dans la recherche, l’étude, la compréhension de tout cela – au lieu de cela elle privilégie la division ethnique, les guerres, la quête individuelle au profit, la célébration des egos.

Il est évident que tout cela ne saurait durer et que le 21ème siècle attend de l’humanité une attitude autrement plus constructive…

François Moutou et la question des épidémies sur la Terre

L’humanité joue à l’apprenti sorcier, s’imaginant être en dehors de la Nature et donc pouvoir l’analyser « objectivement ». Une vaine prétention niant les inter-relations existant, la Nature étant un tout et l’être humain qu’une partie, partie devant se discipliner, se soumettre au tout: c’est cela que signifie « la Terre d’abord! ».

François Moutou vient de sortir un livre participant à la tentative actuelle de prétendre pouvoir « gérer » le futur proche – une chose impossible tant que l’humanité pensera être le tout et analysera le monde tel des fragments séparés, alors qu’il faut partir du tout puis en comprendre les composantes.

Le livre s’intitule « Des épidémies, des animaux et des hommes » et son auteur est vétérinaire, épidémiologiste et ancien directeur adjoint du laboratoire de santé animale de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

Citons ici ce qu’a pu dire François Moutou de par le passé, pour comprendre son point de vue:

« La question n’est pas de discourir sur une stratégie nationale pour la biodiversité mais de décider ensemble si on garde ou non, le grand hamster (Cricetus cricetus) en Alsace, le vison européen (Mustela lutreola) en Aquitaine, l’ours brun (Ursus arctos) dans les Pyrénées – et tous les autres – et ensuite de s’y tenir.

On sait techniquement comment faire et pour les conserver et pour les éliminer. On le dit, on le fait et on l’assume. »

Faut-il voir quelque chose de positif ou non? S’agit-il d’une simple mentalité de « gestionnaire », bien française? C’est bien le cas. Dans une interview au Journal de l’environnement (produit par le grand groupe Infopro digital), François Moutou pointe une menace: celle de la commercialisation des animaux sauvages capturés.

Mais c’est le risque qui l’intéresse, ainsi que la biodiversité. Pas les animaux sauvages en soi. Pas les animaux tout court non plus puisqu’il pense que les élevages sont une bonne solution…

JDLE – Vous consacrez un chapitre aux nouveaux animaux de compagnie, dont le commerce est en partie régulé, mais fait aussi l’objet de ventes illégales sur internet. Est-ce selon vous un risque important de maladies émergentes?

François Moutou – Début mars, trois cas d’encéphalite mortelle ont été observés en Allemagne chez des éleveurs d’écureuils originaires d’Amérique centrale, du fait d’un bornavirus.

Et en 2003, des cas de variole du singe, la «monkeypox», sont survenus aux Etats-Unis chez des propriétaires de chiens de prairie, animal originaire d’Amérique du Nord. Or ces animaux avaient été en contact, dans les animaleries, avec environ 800 rongeurs d’origine africaine, eux-mêmes porteurs du virus. Pourtant, il n’y avait dans ce commerce rien d’illégal, rien de frauduleux.

En créant de tels contacts entre des animaux ne se côtoyant pas dans la nature, en l’occurrence des rongeurs nord-américains et africains, on crée toutes les circonstances d’échange de pathogènes.

Personne ne peut anticiper le résultat de telles rencontres.

Je ne comprends pas que l’on continue à accepter la commercialisation d’animaux exotiques capturés dans la nature, alors que l’on pourrait recourir à des élevages en ferme, avec une plus grande surveillance sanitaire, une possibilité de remonter la filière en cas d’accident. Ce n’est bon ni pour la biodiversité, ni pour la santé publique.

Pour le monkeypox, les conséquences pour les personnes ont heureusement été assez limitées. Mais il est certain qu’en entretenant un tel commerce, on joue avec le feu. Et à force de jouer au loto, un jour on finit par gagner.

La question-réponse suivante reflète également bien cette approche, qui se veut rationnelle, mais ne dépasse par la mentalité du chef d’entreprise s’occupant des comptes de la société en étant surtout tourné vers la question des profits.

JDLE – Quelle est la part, dans la survenue de maladies émergentes, des caractéristiques propres aux pathogènes, tels que bactéries et virus, et des facteurs humains?

François Moutou – Il est très difficile de séparer les deux phénomènes. Le temps de génération d’une bactérie est de l’ordre de quelques heures, ce qui lui laisse le temps de muter un nombre incommensurable de fois au cours de la vie d’un être humain. D’autre part, nous sommes actuellement 7 milliards de personnes sur Terre, la population ne cesse de croître. Or en épidémiologie, il y a des effets de seuil au-delà d’un certain effectif. Nous serons probablement 9 milliards d’individus en 2050, il est fort probable que de nouveaux phénomènes se produisent d’ici là.

Du fait de cette croissance démographique, l’homme a besoin de toujours plus de place, il continue à envahir des espaces jusqu’alors très peu habités. Par exemple, la forêt disparaît, ce qui crée de nouveaux contacts avec la faune sauvage, soit de manière directe avec l’homme, soit avec les élevages.

Les virus ne tombent pas du ciel, ils étaient déjà là où on les croise. Par exemple, il suffit de raser des forêts, d’y établir des élevages de porcs et d’y planter des arbres à lychees, comme cela se fait souvent.

Délogées de la forêt, les chauves-souris vont s’installer au-dessus des cochons, se nourrissant des fruits: l’homme crée ainsi des proximités entre diverses espèces qui ne se côtoyaient pas jusqu’alors, ce qui favorise les transmissions de microbes. L’homme n’est donc pas seulement une victime des maladies émergentes, il en est aussi acteur.

Tout ce que dit François Moutou est d’un niveau terriblement faible. Cela peut aider quelqu’un ne reconnaissant pas la vie sur la planète Terre comme une globalité, comme un système, mais c’est tout sauf scientifique. On comprend très bien que seule la reconnaissance théorique (et pratique) de la Terre comme système global – ce que nous appelons symboliquement Gaïa – permet d’avoir un aperçu global cohérent.

Si on en est encore à constater que les interventions humaines ont un impact sur le reste de la Nature, on est mal parti, très mal parti!

Et c’est bien le cas, car comme le montre François Moutou, les humains pensent qu’ils ont un impact sur la Nature (et « malheureusement » réciproquement), c’est-à-dire qu’ils partent du principe qu’ils sont sortis de la Nature, qu’ils n’ont plus rien à voir avec elle.

Le citadin méprisant le pigeon a le même fond culturel que le scientifique « étonné » de voir que l’humanité a une interaction avec tout le reste du domaine de la vie…

C’était un étonnement peut-être compréhensible et acceptable il y a 300 ans. Mais en 2015, c’est un étonnement criminel, qu’il faut écraser, extirper des mentalités humaines. Sans quoi le déséquilibre sera tel que l’humanité sera alors, pour le coup, vraiment mis en-dehors de Gaïa, ce qui l’amènera à disparaître, alors que si elle est apparue au sein de la Terre comme système, c’est bien qu’elle a un rôle à jouer: protéger la Terre et sa vie.

Un point bleu pâle, visible depuis l’ISS 24 heures sur 24

La Station spatiale internationale est une structure de 110 m de longueur, 74 m de largeur et 30 m de hauteur qui se balade au-dessus de nous à des fins scientifiques.

Or, ce qui est formidable, c’est qu’il y a désormais des caméras haute définition qui sont placées dessus, et la NASA diffuse la vue de la Terre 24 heures sur 24, même s’il y a parfois de légers décrochages techniques…

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Idéalement il faut cliquer à droite pour mettre la résolution à 720p.

C’est absolument formidable, et citons ici des paroles très connues de l’astronome Carl Sagan, au sujet d’un point bleu pâle. Il s’agit en l’occurrence d’une photographie de la planète bleue prise par Voyager, en 1990, à 6,4 milliards de kilomètres…

Regardez encore ce petit point. C’est ici. C’est notre foyer. C’est nous.

Sur lui se trouvent tous ceux que vous aimez, tous ceux que vous connaissez, tous ceux dont vous avez entendu parler, tous les êtres humains qui aient jamais vécu.

Toute la somme de nos joies et de nos souffrances, des milliers de religions aux convictions assurées, d’idéologies et de doctrines économiques, tous les chasseurs et cueilleurs, tous les héros et tous les lâches, tous les créateurs et destructeurs de civilisations, tous les rois et tous les paysans, tous les jeunes couples d’amoureux, tous les pères et mères, tous les enfants plein d’espoir, les inventeurs et les explorateurs, tous les professeurs de morale, tous les politiciens corrompus, toutes les “superstars”, tous les “guides suprêmes”, tous les saints et pécheurs de l’histoire de notre espèce ont vécu ici, sur ce grain de poussière suspendu dans un rayon de soleil.

La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique.

Songez aux fleuves de sang déversés par tous ces généraux et ces empereurs afin que nimbés de triomphe et de gloire, ils puissent devenir les maîtres temporaires d’une fraction d’un point. Songez aux cruautés sans fin imposées par les habitants d’un recoin de ce pixel sur d’indistincts habitants d’un autre recoin. Comme ils peinent à s’entendre, comme ils sont prompts à s’entretuer, comme leurs haines sont ferventes.

Nos postures, notre propre importance imaginée, l’illusion que nous avons quelque position privilégiée dans l’univers, sont mis en question par ce point de lumière pâle.

Notre planète est une infime tache solitaire enveloppée par la grande nuit cosmique. Dans notre obscurité – dans toute cette immensité – il n’y a aucun signe qu’une aide viendra d’ailleurs nous sauver de nous-mêmes.

La Terre est jusqu’à présent le seul monde connu à abriter la vie.

Il n’y a nulle part ailleurs, au moins dans un futur proche, vers où notre espèce pourrait migrer. Visiter, oui. S’installer, pas encore. Que vous le vouliez ou non, pour le moment c’est sur Terre que nous prenons position.

On a dit que l’astronomie incite à l’humilité et fortifie le caractère.

Il n’y a peut être pas de meilleure démonstration de la folie des idées humaines que cette lointaine image de notre monde minuscule. Pour moi, cela souligne notre responsabilité de cohabiter plus fraternellement les uns avec les autres, et de préserver et chérir le point bleu pâle, la seule maison que nous ayons jamais connue.

« Ces paysages que l’on assassine »

Le Figaro a publié sur son site deux tribunes ayant une certaine
importance. En effet, elles abordent directement ce qui est pour nous
la libération animale et la libération de la Terre. Sauf qu’évidemment
ce qui est proposé est un mélange de Pétain, de Notre-Dame-des-Landes et de décroissance.

Le problème n’est pas seulement le point de vue différent: ce qui
compte ici c’est que ces thèmes soient ouvertement abordés, et que le
niveau est là: on voit bien qu’il y a une intense réflexion…

Pour aujourd’hui, le premier article est de Natacha Polony et s’intitule « Ces paysages que l’on assassine ». Le terme de paysage est ici absolument essentiel. Car il s’oppose par définition à celui de Nature. Le paysage, c’est un endroit naturel à l’origine mais façonné par les
humains, conformément à une certaine tradition. C’est un terme
pétainiste dans l’esprit…

Polony a été chroniqueuse à la télévision (« On n’est pas couché »),
c’est une essayiste conservatrice présentant sa démarche comme
relevant de la contestation (elle a fait partie de la gauche
nationaliste de Jean-Pierre Chevènement et a été journaliste chez «
Marianne ». Elle écrit désormais pour Le Figaro, tout en polémiquant sur l’éducation nationale).

Le soleil écrase les sons et déploie les senteurs de verveine et
d’herbe coupée. Une abeille bourdonne paresseusement. L’eau de la rivière prend des teintes turquoise. Et dans la tranquillité du jour qui passe, immanquablement, un des amis présents évoque le temps où la pêche était bonne.

Le temps où les brochets et les perches mordaient aux hameçons des moins expérimentés, où les anguilles se jetaient dans les nasses, où les écrevisses se laissaient ramasser par les enfants audacieux. Un autre se souvient de ces éclosions d’éphémères qui, certains soirs d’août, empêchaient les voitures de rouler en tapissant les pare-brise. Et des dizaines de papillons qui s’égayaient quand on courait dans les herbes.

On trouvera bien sûr des progressistes pour s’agacer de ces relents nostalgiques. Ceux notamment que n’a jamais émus la fascinante pérennité d’un paysage où se marient l’époustouflante beauté de la nature et le patient travail des hommes. Mais tous les autres, s’ils ont un semblant d’honnêteté, avoueront s’être fait la remarque.

Ceux qui allaient aux écrevisses dans le Jura, ceux qui pêchaient le brochet dans l’Indre et ceux qui allaient à la chasse aux papillons dans les frais bocages de Brassens. À quel moment tout cela a-t-il basculé? Il y a trente ans? Quarante ans?

L’un raconte que depuis la construction de la centrale nucléaire de Blaye, les esturgeons, les lamproies et les pibales ont disparu. Les poissons venaient se prendre dans les filtres et mouraient par dizaines. Et puis on n’en a plus vu. L’autre cite cette revendication des ouvriers qui exigeaient de ne pas manger de saumon plus de deux fois par semaine. La Loire en regorgeait et c’était le menu quotidien.
La pêche en est aujourd’hui interdite, mais est-ce bien nécessaire puisqu’il n’en reste aucun? 80 % des rivières françaises sont polluées.

Une étude vient de démontrer que les fruits bio contiennent sept fois moins de résidus de pesticides que les fruits de l’agriculture conventionnelle. Ô étonnement! Jusqu’à présent, les études publiées s’échinaient à prouver que les produits bio n’avaient pas de propriétés nutritionnelles supérieures. Pas de vitamines en plus. Normal, puisque ce n’est pas ce qu’on leur demande. Mais en effet, ils préservent la terre et omettent de nous empoisonner. C’est bien suffisant.

Aux États-Unis, la culture massive de plantes OGM résistantes au Roundup a permis d’inonder les terres de cet herbicide. Résultat, une mauvaise herbe est devenue à son tour résistante. Pour la combattre, les autorités viennent d’autoriser la culture d’OGM résistants à l’un des composants du fameux «agent orange», cet herbicide qui, déversé sur le Vietnam, a été responsable de handicaps monstrueux. Pas moins de 5 600 écoles se situent à proximité des zones concernées par cette autorisation.

Et les insectes ont à ce point disparu qu’en Chine, dans certaines régions, ce sont des femmes qui pollinisent à la main les arbres fruitiers. Bien sûr, on regarde d’un œil distrait les reportages qui racontent cela. On en frémit parfois. Et puis plus rien. Et si les enfants ne peuvent plus aller chasser les papillons, ça n’est pas très grave. De toute façon, ça ne les intéresse pas: ils pratiquent la chasse au monstre numérisé sur console de jeu.

Pourtant, la question se pose de savoir qui a choisi, en conscience, qu’il devait en être ainsi. Le peuple, diront certains. Le peuple qui veut des aliments bon marché, variés, donc une agriculture industrialisée génératrice de pollution. Et puis la mondialisation, qui est un fait et dans laquelle il faut bien surnager par tous les moyens.

Mais les choses sont un peu plus complexes. Souvenir d’un reportage en Berry pour l’élection présidentielle de 2007. Sur le marché de Valencay, un homme exprime son désarroi: «Moi, je m’en fiche, de la politique. Tout ce que je demande, c’est de pouvoir emmener mon fils à la pêche et lui apprendre ce que je sais. Mais même ce plaisir-là, on n’y a plus droit.»

En fait, la politique, c’est aussi savoir si l’on va faire en sorte
que ce père puisse emmener son fils à la pêche. La politique, c’est se demander ce qui fera le bonheur de ce père, de son fils, et de tous ces gens dont la seule richesse est de profiter d’une douceur de vivre qui ne coûte rien.

Mais les sociétés occidentales ont conçu un système dans lequel chaque petit bonheur doit coûter et rapporter. On baptise donc loisir ce petit bonheur, on le transforme en industrie susceptible de générer des profits parla mise au point d’une technique qui soit la plus performante et on l’intègre à un ensemble de mesures de rationalisation de chaque domaine de l’activité humaine.

Dès 1974, le penseur protestant Jacques Ellul avait expliqué tout ce processus par ce qu’il appelait l’idéologie technicienne, le fantasme qui consistait à faire de la technique non plus un outil mais une idéologie censée nous permettre d’améliorer en tout domaine les performances.

On peut alors occuper ce père et son fils, leur offrir un loisir, tout
en vidant leur rivière de ses derniers poissons. On peut laisser les gens sérieux s’occuper de cette nature que les incorrigibles
nostalgiques refusent de voir changer. D’ailleurs, la loi d’avenir
pour l’agriculture les définit, ces gens sérieux, puisque, à la
demande de la FNSEA, ne pourront plus obtenir le statut d’agriculteur actif que ceux qui possèdent un minimum de bêtes et d’hectares.

Comme le dit le président de la FNSEA, lui-même industriel des
agrocarburants et de l’importation de poulet brésilien à bas coût, «celui qui a deux hectares, trois chèvres et deux moutons n’est pas agriculteur.» Il est vrai que celui-là ne doit pas avoir de quoi acheter du Roundup…

On peut continuer à déplorer la disparition des brochets et des
papillons autour d’un repas estival et puis se faire croire que tout cela est le fruit de la fatalité. On peut voter une loi de transition énergétique sans rien changer au système économique qui impose de consommer toujours plus d’énergie, et voter une loi agricole qui achève de tuer les paysans en perpétuant une logique d’industrialisation qui non seulement les fait disparaître, mais somme les survivants de produire à bas coût, en remplaçant les bras par la chimie, pour supporter la concurrence de pays sans normes écologiques et sociales.

On peut continuer à nourrir les enfants des écoles ou les malades des hôpitaux avec des produits pollués importés de très loin au nom du mieux-disant financier au lieu de leur offrir des produits cueillis du matin, encore vivants, et récoltés par leur voisin, leurs parents, dans un bassin d’emploi revivifié. On peut croire à la fatalité. Mais on peut aussi penser que les brochets et les saumons, les papillons et les éphémères, sont éminemment politiques.

Un nouveau satellite pour observer les puits de carbone

La NASA vient de procéder à la mise en orbite, à 705 kilomètres de la Terre, du satellite OCO-2 (Orbiting Carbon Observatory-2). Sa mission est de faire chaque jour 100 000 mesures afin de voir la situation de la production de dioxyde de carbone – Co2 – sur la planète.

Il est relié notamment au satellite japonais Greenhouse gases Observing SATellite (GOSAT), qui effectue la même tâche, mais également à la série de satellites dite « A-train ».

En font partie « Aqua », qui surveille le cycle de l’eau, Cloudsat, qui s’occupe des nuages, CALIPSO, qui fournit des profils verticaux de l’atmosphère, Aura, qui étudie l’ozone, le climat et la qualité de l’air. PARASOL, un satellite français, n’a plus de carburant et n’en fait plus partie, il s’occupait des nuages et des effets des aérosols.

La présentation wikipedia de comment fonctionne OCO-2 – le précèdent OCO a vu son lancement échoué en 2009 – est ici utile. Il s’agit en fait d’observer le rayonnement infrarouge du Soleil sur la Terre.

« Le satellite comporte un seul instrument qui doit permettre d’effectuer la mesure la plus précise jamais faite du dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère terrestre. Cet instrument est composé de trois spectromètres à haute résolution placés en parallèle alimentés par un télescope commun.

Les spectromètres effectuent des mesures simultanées de l’absorption de la lumière solaire par le dioxyde de carbone et l’oxygène moléculaire dans le proche infrarouge : lorsque la lumière du soleil après avoir traversé l’atmosphère terrestre est réfléchie par la Terre, les molécules des gaz présents dans l’atmosphère absorbent certaines des longueurs d’onde.

Le spectre lumineux qui en résulte est incomplet et la position de ces trous reflète la nature des gaz traversés. Chacun des spectromètres effectue sa mesure sur une gamme de longueurs d’ondes donnée.

En mesurant de manière fine la quantité de lumière absorbée pour les longueurs d’ondes caractérisant le dioxyde de carbone, OCO permet de calculer avec une très grande précision le nombre de molécules présentes le long du chemin parcouru par le rayon lumineux depuis la limite supérieure de l’atmosphère jusqu’au sol. Pour prendre en compte la grande vitesse de déplacement du satellite, combiné au fait que les concentrations de CO2 varient d’un lieu à l’autre, les mesures sont effectuées 3 fois par seconde. »

Il ne s’agit évidemment pas seulement d’une « simple » mission d’observation, même si le directeur de la NASA, Charles Bolden, souligne que « Le changement climatique est le défi de notre génération. »

S’il y a des financements, c’est surtout pour percer le principe de comment environ la moitié du Co2 produit par les humains est absorbé par l’océan et la végétation, ainsi que le sol. Et quand on dit comment, on veut surtout ici dire « où ». Car l’idée est de trouver un « modèle » et de le reproduire.

C’est la question cruciale de ce qui a été appelé les « puits de carbone » et qui est au centre de la quête pratiquement magique du capitalisme pour ne pas avoir à se remettre en cause.

On sait en effet que l’océan connaît un processus d’acidification en raison du Co2 capté ; à terme si le processus se généralise, l’océan mourra et produira lui-même du Co2 en masse.

Pour donner un exemple très parlant ici pour parler de Gaïa : les cachalots rejettent du fer dans leurs excréments, et le fer accélère la photosynthèse du plancton qui capte le Co2. Le fait d’avoir exterminé les cachalots joue ici un rôle à l’échelle globale…

Restent donc les forêts, la végétation, les sols. En clair, la mission du satellite lancé est de fournir une piste à suivre pour arriver, non pas à arrêter la production de Co2, mais à le stocker vite et pas forcément bien : on sait bien qu’on ne se préoccupe ici jamais du long terme !

Voici ici le très intéressant point de vue de l’ONG Fern, qui suit la politique européenne concernant les forêts.

L’article commence par une présentation de ce que sont les puits de carbone, puis critique les solutions de facilité qui sont imaginées par rapport à cela.

Que sont les puits de carbone?

Un puits de carbone est un élément qui absorbe plus de carbone qu’il n’en rejette, tandis qu’une source d’émission de carbone est un élément qui rejette plus de carbone qu’il n’en absorbe.

Les forêts, les sols, les océans et l’atmosphère emmagasinent tous du carbone, qui circule continuellement entre ces divers éléments. Ce mouvement permanent du carbone signifie que les forêts peuvent tour à tour agir comme des sources ou comme des puits.

Ces fluctuations n’affectent cependant pas tous les stocks de carbone. Dans le contexte du changement climatique, les stocks de carbone les plus importants sont les gisements de combustibles fossiles, car eux seuls ont l’avantage d’être enterrés profondément sous terre et naturellement isolés du cycle du carbone dans l’atmosphère.

Mais l’homme met fin à cette séparation lorsqu’il brûle le charbon, le pétrole et le gaz naturel, transformant ainsi les stocks de carbone fossile en carbone atmosphérique.

Cette libération de carbone émanant des combustibles fossiles a entraîné une hausse considérable des concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère, dont le niveau a progressé de plus de 30 pour cent par rapport à ce qu’il était au début de la révolution industrielle.

Nous continuons à ajouter environ 6 milliards de tonnes de carbone par an au cycle du carbone atmosphérique, modifiant ainsi significativement les flux de carbone, et par conséquent, le climat mondial.

Face à cette augmentation de carbone atmosphérique, de nombreux espoirs ont été placés sur la capacité des arbres, d’autres plantes et du sol à absorber temporairement le carbone libéré dans l’atmosphère par la combustion du carbone fossile.

Le Protocole de Kyoto, principal instrument de la communauté internationale visant à stopper le réchauffement climatique, suggère en effet que l’absorption du dioxyde de carbone par les arbres et le sol constitue un moyen d’atteindre les objectifs de réduction des émissions tout aussi valable que de diminuer les émissions de dioxyde de carbone émanant des combustibles fossiles.

La faille fatale des puits de carbone

FERN est en total désaccord avec l’idée que planter des arbres ou réduire le déboisement est tout aussi efficace que de diminuer les émissions émanant de la combustion du carbone fossile.

Cette idée ne tient pas compte de certains faits pourtant importants :

– Il est généralement admis qu’il est nécessaire de mettre fin aux émissions de combustibles fossiles, en particulier dans les pays industrialisés.

Or, au lieu de faire en sorte de réduire considérablement l’utilisation des énergies et d’entamer une transition vers des économies peu consommatrices de carbone, on utilise la capacité des forêts à (temporairement) absorber le carbone pour justifier l’utilisation des combustibles fossiles.

Les sociétés dont les émissions ont été plafonnées dépassent les limites imposées sous prétexte que leurs excès sont compensés par les puits de carbone.

Ces derniers servent donc à justifier une émission qui autrement n’aurait pas eu lieu, contribuant ainsi à accroître encore davantage les concentrations de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale.

– Il existe différents types de carbone. Le carbone fossile est généralement statique, tandis que celui qui se trouve dans le réservoir de carbone actif (l’atmosphère et la biosphère) peut facilement être libéré par des activités échappant au contrôle des gouvernements comme les incendies de forêts, les invasions d’insectes, la décomposition, l’abattage des arbres, les modifications concernant l’utilisation des sols ou même le déclin des écosystèmes forestiers dû au changement climatique.

Stocker son carbone dans un arbre au lieu de le laisser dans un gisement de combustible fossile est un peu comme miser son argent sur un cheval [sic] plutôt que de le conserver à la banque.

– Le boisement, en particulier dans les régions de la toundra arctique, pourrait accélérer le réchauffement climatique.

Le changement climatique devrait faire reculer les limites de la forêt boréale du Canada plus au nord et les forêts boréales devraient s’étendre sur les parties sud de la toundra.

Bien que cela signifie que les arbres, au fur et à mesure de leur croissance, absorberont le carbone présent dans l’atmosphère, cela n’est pas forcément bon pour le climat : l’un des principaux facteurs influençant le climat mondial est l’« albédo », une méthode utilisée pour déterminer la quantité de rayonnement solaire réfléchie dans l’espace par la planète et la quantité de ce rayonnement qui réchauffe la surface de la Terre.

Les forêts vertes et sombres absorbent davantage de rayons que la toundra ou les terres cultivées ; la tendance au réchauffement serait donc accentuée dans les régions boréales si des arbres étaient plantés sur les vastes surfaces non forestières actuellement recouvertes de neige au fort pouvoir réfléchissant.

– Il est impossible de mesurer précisément l’effet « puits » d’une forêt (les arbres absorbent différentes quantités de carbone en fonction du temps et l’on en sait très peu sur le mouvement du carbone dans les sols forestiers).

Il y a là des arguments qui donnent à réfléchir, et qui montrent la dimension très importante qu’a la question des puits de carbone!

Microbes producteurs de méthane

Cette information, diffusée par le journal Le Figaro, est typiquement la perspective scientifique qui va s’imposer au 21e siècle. Les bactéries, les microbes, sont au centre de la vie et de son évolution. Leur rôle est central dans la vie de la planète.
Ainsi, on aura toujours plus de découvertes dans ce domaine. Peut-être même que la lutte contre le réchauffement climatique dépend des avancées sur ce plan – ce qui ne va pas sans la remise en cause fondamentale de l’anthropocentrisme.

Des microbes responsables de la plus grande extinction terrestre?

Des microbes producteurs de méthane, puissant gaz à effet de serre, pourraient avoir provoqué la plus grande extinction de l’histoire terrestre il y a 252 millions d’années avec la disparition brutale de 90% des espèces, selon des chercheurs américains.

Ce nouveau scénario, qui s’appuie sur l’analyse d’une abondance de fossiles, indique que des micro-organismes appelés méthanosarcina se sont soudainement multipliés de façon explosive dans les océans, produisant de gigantesques quantités de méthane. Ce gaz, qui s’est retrouvé dans l’atmosphère, a modifié le climat et la chimie des océans, soulignent ces experts dont la théorie va venir alimenter la controverse sur le sujet.

Si des éruptions volcaniques ne sont pas totalement exclues pour expliquer cette extinction, l’une des cinq connues dans le passé de la Terre, elles jouent dans ce scénario un rôle accessoire, précisent ces chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology), dont les travaux sont publiés lundi dans la dernière livraison des Comptes rendus de l’Académie américaine des sciences (PNAS). 

Les nouveaux indices suggèrent, selon ces scientifiques, que l’explosion de la population de ces microbes s’expliquerait par une nouvelle aptitude à utiliser une source riche en carbone organique grâce à l’influx d’un nutriment, le nickel, provenant de ces éruptions volcaniques.

Ces scientifiques étayent leur scénario sur trois séries d’indices séparées. Tout d’abord, des preuves géochimiques témoignent d’un accroissement exponentiel du dioxyde de carbone (CO2) dans les océans à cette même période de l’extinction de la fin de l’ère Permienne. 

Ensuite, ils se réfèrent à des indices génétiques montrant un changement biologique de ces microbes, les méthanosarcina, à cette même époque, leur permettant de devenir des producteurs majeurs de méthane à partir de l’accumulation de CO2 dans les océans. 

Enfin, une analyse des couches sédimentaires montre un accroissement soudain du nickel exactement à la même période. Les dépôts de carbone montrent que quelque chose a produit une augmentation importante et soudaine de gaz contenant du carbone –du dioxyde de carbone et du méthane– produits au moment de la grande extinction.

Certains chercheurs ont suggéré que ces gaz carboniques provenaient de volcans ayant formé les trapps de Sibérie, une vaste formation de lave basaltique produite par les plus grandes éruptions volcaniques dans les annales géologiques de la Terre. Mais les chercheurs du MIT ont démontré que ces éruptions n’étaient pas suffisantes pour produire tout le carbone mesuré dans les sédiments.

De plus, « une injection rapide de CO2 provenant de volcans aurait été suivie d’une diminution graduelle », explique l’un des chercheurs, Gregory Fournier. « Or ce fut l’inverse, avec un accroissement rapide et continu qui laisse penser à une explosion de microbes producteurs de méthane ».

« La vie des mares »

Voici deux intéressants extraits de l’ouvrage de Marc Giraud, « Le Kama-sutra des demoiselles, la vie extraordinaire des animaux qui nous entourent ».

Mais d’où viennent les animaux des points d’eau ?

Même dans des mares ou des lacs de montagne, isolés de tout, on trouve des poissons bien incapables de sortir de l’eau et de se promener. Mais (en dehors des manipulations humaines, bien sûr) comment sont-ils arrivés là ? Ce sont leurs œufs, très collants, qui voyagent, accrochés aux pattes et aux becs tachés de boue des oiseaux.

Des graines de plantes aquatiques, des œufs de poissons, d’insectes, de daphnies (des crustacés surnommés « puces d’eau »), des mollusques, et des tas d’autres animaux microscopiques voyagent ainsi à « patte de canard » ou à « dos de ragondin ».

On trouve dans nos cours d’eau une méduse d’eau douce, la minuscule Crapedacusta, inoffensive pour l’homme. Connue dans le Yang-tseukiang, elle a été découverte dans la Seine par Théodore Monod en 1970. Le chercheur l’a dénommée la méduse volante, car elle voyage elle aussi collée aux pattes des oiseaux aquatiques.

Les plantes sans attache, comme les lentilles d’eau, prennent également le taxi. Une seule suffit pour bourgeonner et se multiplier jusqu’à coloniser tout un plan d’eau, le remplissant de clones.

Bien qu’on ne les rencontre quasiment que dans les mares, la plupart des insectes adultes qui s’y trouvent sont très capables de voler. Le soir venu, les dytiques, les gyrins et les notonectes peuvent s’envoler de leur point d’eau pour en trouver de nouveaux. Leurs yeux, très sensibles aux surfaces brillantes, leur permettent de les repérer de loin. Des libellules comme l’aeschne bleue migrent sur des kilomètres.

Quelques poissons particuliers, comme les anguilles, peuvent se déplacer hors de l’eau en cas de besoin pour trouver un lieu de vie. La carpe elle-même survit assez longtemps dans les herbes humides (jadis, la possibilité de la transporter dans des paniers a permis son introduction dans presque tous les plans d’eau disponibles).

Les tritons, les grenouilles ou les ragondins rejoignent les mares à pied…

Y a-t-il une vie sous la glace ?

En hiver, que deviennent les plantes et les animaux aquatiques ? Les microscopiques amibes et les paramécies s’enkystent d’une enveloppe protectrice. Beaucoup d’invertébrés, comme les daphnies, meurent après avoir pondu des œufs de durée qui résisteront à l’hiver. Selon les espèces, les dytiques hivernent à l’état d’oeuf, de larve ou d’adulte. D’autres animaux restent au stade larvaire pendant la saison froide, comme de nombreuses libellules.

Pendant les hivers très rigoureux, 90 % des martins-pêcheurs peuvent disparaître, faute de pouvoir se nourrir. Sous la glace, l’eau avoisine les quatre degrés, mais elle est plus chaude vers le fond qu’en surface. La plupart des poissons, comme les tanches, hibernent dans la vase des mares, leur rythme cardiaque étant alors extrêmement ralenti. Ce changement de rythme marque leurs écailles de stries annuelles qui indiquent leur âge.

Beaucoup de grenouilles hibernent également dans la vase. La respiration par la peau leur suffit, alors qu’elles se noieraient en une heure ou deux pendant la période chaude.

Certains amphibiens peuvent congeler et décongeler sans dommage ! Des « antigels » empêchent les cristaux de glace de faire éclater leurs cellules. Comme mort, l’animal gelé ne bouge plus, ne respire plus, son cœur a cessé de battre et son sang ne circule plus. Avec la chaleur, il renaîtra doucement, comme si de rien n’était…

En automne, les plantes aussi se préparent à affronter le froid. Beaucoup produisent des bourgeons d’hiver contenant des réserves d’amidon.

Les nénuphars s’enracinent profondément, les lentilles d’eau stockent de l’amidon, s’alourdissent et descendent au fond des eaux. Elles remonteront tout au long de la consommation de leurs réserves pour émerger au printemps. Elles feront le régal des canards, qui les engloutiront comme des aspirateurs…

Les végétaux et la lumière

« Trait d’union entre le soleil et la biosphère, la lumière est le cordon ombilical de la Terre, elle véhicule et transmet l’énergie solaire aux organismes qui pourront la capter et l’utiliser.

Par son intensité, la lumière conditionne l’activité photosynthétique des plantes et, partant, toute la productivité des communautés qui leur sont inféodées. C’est un facteur essentiel de la vie sur Terre.

Des 42 % d’énergie solaire que contient la partie visible du spectre, la moitié seulement est utilisable pour la photosynthèse.

Le spectre d’utilisation de cette énergie lumineuse par les plantes vertes présente un maximum dans le bleu et un autre dans le rouge ; il marque un minimum pour le vert. C’est pour cela que les chlorophylliens nous apparaissent verts : ils réfléchissent la lumière qu’ils n’utilisent pas. La sensibilité maximale des animaux à la lumière se situe, par contre, dans le jaune.

Les végétaux recherchent la lumière avec plus ou moins d’avidité, mais non sans se préserver de l’ardeur excessive de ses rayons.

Cistes, romarins, mélèzes, tomates et plantes à fleurs de l’étage alpin ne peuvent proliférer qu’en pleine lumière. En revanche, des plantes de sous-bois, oxalis petite oseille ou aspérule odorante, se contentent d’une fraction de 20 à 30 % de la pleine lumière.

Les plantules de nombreuses espèces d’arbres, tel le hêtre, ne peuvent croître que sous un éclairement très faible, de l’ordre du centième de celui reçu au niveau des cimes. Quant à l’éclairement au sol dans une forêt tropicale, il est de l’ordre du millième du flux solaire, parfois moins. » (Fischesse et Dupuis-Tate, Le guide illustré de l’écologie, La Martinière)

« La lumière joue un rôle capital dans le déroulement de nombreux processus biologiques fondamentaux. Chez les plantes supérieures (Phanérogames), l’intensité de l’éclairement conditionne l’activité photosynthétique, donc la croissance ; sa durée, liée à l’importance respective du jour et de la nuit (photopériodisme), intervient dans le phénomène de la floraison.

Ainsi, la répartition géographique et stationnelle des végétaux est-elle fonction, dans une large mesure, de leurs exigences respectives vis-à-vis de ce facteur.

D’après l’intensité lumineuse qui convient à leur développement, on distingue des espèces de lumière, ou héliophiles (romarins, cistes, epilobium augustifolium [appelé épilobe en épi, épilobe à feuilles étroites ou encore Laurier de Saint-Antoine], et des espèces d’ombre ou sciaphiles (Oxalis acetosella, Asperula odorata et de nombreuses mousses et fougères).

Les premières se trouvent à leur optimum dans des communautés uni- ou paucistrates telles que pelouses ou fruticées (garrigues, landes), ainsi que dans les clairières (epilobietea) ou les forêts claires ; les secondes, dans des communautés d’ubacs [versants d’une vallée de montagne qui bénéficient de la plus courte exposition au soleil], de fentes de rochers (asplenietea) et dans les strates inférieures des couverts forestiers denses.

Mais évidemment tous les intermédiaires existent entre ces deux types extrêmes de comportement. » (Lacoste et Salanon, Éléments de biogéographie et d’écologie, Nathan)

Le télescope spatial Gaïa

LTD est dédié à la planète dont nous sommes une partie, planète que nous appelons « Gaïa ». C’est un choix qui repose sur le fait que la planète est un système, un ensemble, pas simplement un gros caillou où l’humanité existerait par « miracle » ou par « hasard ».

Gaïa est également le nom choisi pour un télescope spatial de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), lancé hier depuis la Guyane. Voici une photographie de la partie de la fusée contenant ce télescope, où l’on voit une sorte de représentation de femme tournée vers les étoiles.

C’est, selon le gens du programme « Gaïa », la moins mauvaise manière trouvée pour représenter en même temps les étoiles, la Terre, le satellite (l’espèce de soucoupe volante à droite), la déesse et le nom Gaïa. Ce nom a été initialement choisi pour sa dimension poétique, formant qui plus est un acronyme qui n’est plus valable (Global Astrometric Interferometer for Astrophysics), mais le nom a été tout de même gardé.

Il est facile de voir pourquoi: la problématique de fond, c’est le rapport entre notre planète et l’univers. Au 21e siècle, impossible d’y couper!

Le télescope a une mission de cinq ans, durant lesquels il va procéder à la cartographie en trois dimensions d’une partie de la galaxie où nous sommes, la fameuse voie lactée, pour un total d’un milliard d’étoiles. Pour cela, il va se retrouver à 1,5 million de kilomètres de la Terre.

En gros, donc, le télescope va cartographier l’environnement de la planète Terre, et même tenter de calculer les trajectoires des astéroïdes risquant de venir la percuter.

Voici une représentation et des précisions à son sujet.

Quand on dit un milliard d’étoiles, cela peut sembler beaucoup, mais en fait cela ne fait que 1 % de la voie lactée… Et la voie lactée n’est qu’une galaxie parmi tant d’autres, parmi, pour ce qu’on en sait, plusieurs centaines de milliards…

Avec bien entendu, autant de possibilités que la vie se soit développée. Cela laisse à rêver, mais cela doit aussi laisser pensif. L’humanité qui la tête dans les étoiles, et c’est certainement très bien, mais cela ne saurait aller en opposition avec le fait de reconnaître la réalité de notre propre planète.

L’une des blagues tordues qui est régulièrement sortie d’ailleurs en ce domaine est qu’il est temps de chercher une nouvelle planète, car on a démoli celle où on est. Il y a là, outre une absurdité car en pratique ce n’est pas demain la veille, un anthropocentrisme complet.

Seule la vie humaine compterait ; d’ailleurs, on voit bien que la vie humaine est considérée comme « à part », « indépendante », etc. Il y a ici une prétention humaine extrêmement forte comme quoi l’humain ne dépend de rien, qu’il est sorti de la Nature, et c’est aussi la grande contradiction des films de science-fiction, qui montrent des humains vivant toutes leurs vies dans des bases spatiales : en réalité, ce serait à devenir fou, et personne ne tiendrait bien longtemps.

Le choix du terme de Gaïa est donc, si ce n’est étrange, au moins problématique, et en tout cas révélateur de comment la question de Gaïa se pose de plus en plus comme incontournable, à travers un processus chaotique. Cela se reflète dans la manière dont le journal gratuit Metronews tente d’expliquer le choix du nom du télescope. Voici ce qui est dit.

Gaia, et pourquoi pas Eros ? Tout simplement parce que les lettres qui forment le nom du télescope spatial européen lancé jeudi ont une signification précise. C’est l’acronyme de « Global Astrometric Interferometer for Astrophysics », soit Interféromètre Astrométrique Global pour l’Astrophysique, qui s’écrivait à l’origine en majuscules.

Des termes barbares qui désignaient les technologies de mesures spatiales choisies pour équiper les satellites. Bien que l’interférométrie, une technique optique, ne soit plus utilisée dans le cas du vaisseau spatial Gaia, l’acronyme a été gardé pour préserver la continuité du projet, débuté il y a des années. Il s’écrit désormais en minuscules.

L’Agence Spatiale Européenne (Esa) choisit des acronymes qui ont du sens. Dans la légende grecque, Gaia est la personnification de la Terre, en tout cas dans le système de formation de l’Univers d’Hésiode, un philosophe grec. Gaia est l’ancêtre maternel des races divines et des monstres. Toujours selon la légende grecque, au commencement était le Chaos, puis Gaia et ensuite Eros (l’amour).

Gaia demeure une exception car, en général, les télescopes spatiaux tirent leur nom d’hommes illustres dans le domaine spatial. Par exemple, la première mission lancée en 1989 a été nommée « the High Precision Parallax Collecting Satellite », en référence à l’astronome grec Hipparchus. Cet homme est le premier à avoir catalogué la trajectoire d’environ un millier d’étoiles, en 129 avant JC, et ce, uniquement grâce à l’observation à oeil nu et un peu de géométrie.

Au-delà des acronymes, de nombreux satellites portent simplement le nom des hommes auxquels ils font référence. Le nom du satellite européen « Planck », qui a cartographié le rayonnement thermique issu du Big Bang, vient de Max Planck, un physicien allemand du début du XXème siècle. Plus récemment, Edwin Hubble, astronaute américain de la même période, a donné son nom au télescope spatial en fonction depuis 1990. Si vous souhaitez que le prochain télescope spatial porte votre nom, il ne vous reste plus qu’à bien réviser vos sciences.

L’article explique que le nom n’a été gardé que pour la continuité, puis comme il s’agit tout de même de dire de quoi il en retourne, il a vite fait de passer à autre chose, afin de ne pas avoir à trop en dire sur la question de Gaïa. Ce n’est guère étonnant : c’est un sujet trop sensible, c’est un concept qui porte avec lui une telle exigence, une telle réflexion sur ce qu’est la vie et sa valeur, que forcément ceux qui défendent l’anthropocentrisme sont immédiatement mal à l’aise…

La vie n’est pas entourée par un environnement de type passif…

Voici une très intéressante présentation du concept de Gaïa, par un chercheur universitaire canadien.

C’est un point de vue d’autant plus sérieux qu’il exprime une grande panique. Nous avons déjà parlé à ce sujet de la critique absurde selon laquelle le fait de parler de « Gaïa » relèverait du religieux ; en réalité, c’est le contraire, et justement les religieux le savent très bien.

Ils ont comme hantise le concept de « Gaïa », ou de « Système Terre », de « Biosphère », etc., parce qu’ils savent très bien que cela a comme conséquence le rejet de l’individualisme et du « libre-arbitre », mais également celui de Dieu.

Par conséquent, il existe une grande vague néo-écologiste du côté chrétien, dont nous avons parfois parlé pour la critiquer. Ces gens tentent d’utiliser le concept de « Gaïa » justement de manière irrationnelle, dans une version non pas « new age » mais « chrétienne », avec une position « particulière » de l’être humain (qui est d’ailleurs la même ligne que celle qui utilise le concept d’ « anthropocène »).

C’est ainsi le point de vue du « chrétien écologiste » de gauche qui a écrit cet article, et qui dans le passage cité, explique le concept de Gaïa, afin de présenter la « menace ».

Lovelock soulève aussi d’autres questions: pourquoi le taux de salinité de la mer est-il demeuré constant à 3,4% alors qu’un taux supérieur à 6% pourrait être fatal pour la vie?

Pourquoi le volume total d’eau sur Terre est-il demeuré apparemment constant durant ces 3,5 milliards d’années? Pourquoi est-ce que le taux d’oxygène dans l’atmosphère terrestre est-il de 21%, c’est-à-dire la limite supérieure au-delà de laquelle la vie ne peut se maintenir?

S’il était, par exemple, à 25%, le monde deviendrait une boule de feu. D’après Lovelock, la réponse ne réside pas dans une circonstance fortuite mais plutôt dans le fait que Gaïa s’auto-régule. Gaïa est un organisme vital, auto-régulateur et dont l’environnement est constitué par la vie elle-même.

Selon Lovelock, pour que les propriétés climatiques et chimiques de la Terre puissent travailler ensemble dans le but de conserver les conditions optimales nécessaires à la vie, il doit exister une activité coordonnée. (…)

D’après lui, la vie n’est pas entourée par un environnement de type passif auquel elle se serait habituée: la vie crée plutôt son propre environnement.

Alors que les spécialistes scientifiques de la Terre soutiennent traditionnellement que son modèle climatique est davantage de type géologique que biologique et que, par conséquent, elle se montre moins vigoureuse et plus vulnérable en face des blessures qui l’atteignent durablement, l’hypothèse Gaïa, quant à elle, suppose que la Terre est comme un animal qui s’adapte de lui-même.

(…)

Lovelock a affiné sa thèse avec l’aide de Lynn Margulis, une micro-biologiste de l’Université de Boston et ex-épouse de Carl Sagan.

Il a ainsi pu renforcer l’aspect scientifique de ses idées en faisant référence aux recherches de Margulis sur les micro-organismes.

Connue sous le sobriquet amusant de « Magicienne de la vase » [Jeu de mots intraduisible entre «the Wizard of Ooze» (le Magicien de la vase) et «the Wizard of Oz» (le Magicien d’Oz)] à cause des recherches qu’elle a conduites sur les microbes de la bourbe, des marais et des marécages tout autour du monde, Margulis affirme que la symbiose et la coopération ont été pour l’évolution biologique aussi importantes que l’a été la compétition dans la lutte pour la survie dans le cadre de la théorie de Darwin.

Ses travaux menés à Laguna Figueroa (Baja California) l’ont persuadée que les microbes travaillent de manière concertée par le biais de certains processus biologiques automatiques dans le but de conserver leur environnement viable.

Elle a également contribué à créer la théorie de l’endosymbiose selon laquelle deux espèces ou davantage peuvent coopérer entre elles de façon si étroite qu’elles peuvent finir par n’en plus former qu’une seule.

Plutôt que la compétition, c’est l’interrelation qui constitue, selon Margulis et Sagan, le leitmotiv de la nature. Tout comme Lovelock, ils considèrent la biosphère comme un grandiose organisme vivant et intégré, «sans ligne de couture».

Ils affirment que la première bactérie a acquis presque toute la connaissance nécessaire pour vivre dans un schéma intégré. «La vie n’a pas conquis le globe par la lutte mais par la mise en place de réseaux» prétendent-ils.

Pour tenter de décrire l’importance des micro-organismes pour Gaïa, Margulis s’empresse de démontrer que si la vie existe sur la Terre depuis 3,5 milliards d’années, durant les deux premiers milliards n’ont existé que les seuls micro-organismes bactériens.

Il se peut fort bien, continue-t-elle à spéculer, que les mammifères, y compris l’homme, n’existent que pour leur fournir un habitat chaud.

Anthropocène, un concept lié à l’anthropocentrisme

Revenons sur le concept d’anthropocène qui, à notre sens est erroné. En effet, l’humanité ne peut pas exister « à côté » de l’ensemble de la vie. Il n’existe pas de muraille infranchissable entre les humains et les végétaux, les animaux, les fungi, les bactéries…

Aussi est-il erroné de s’imaginer que l’humanité devient le grand dominateur, le grand façonneur de la réalité terrestre. L’humanité est bien en train de provoquer des modifications massives, cependant :

– ces modifications sont causées par une humanité qui fait face à la Nature, et cela ne peut pas durer bien longtemps. De gré ou de force l’humanité devra reculer.

– il n’y aucune raison de penser que les humains, mêmes civilisés, seraient en dehors de la Nature. Cela pose bien entendu la question de savoir quelle place notre civilisation humaine doit avoir au sein de l’ensemble.

Pour souligner la dimension anthropocentrique du concept d’anthropocène, voici un extrait d’un document de l’historien Christophe Bonneuil, où l’on retrouve ce fantasme sur « l’âge de l’Homme ».

Penser l’Anthropocène: un enjeu interdisciplinaire

L’Anthropocène, ce n’est pas la fin du monde; c’est la fin d’une époque. Et c’est notre époque. Notre condition. C’est le signe de notre puissance, mais aussi de notre impuissance. Cette nouvelle époque géologique, ouverte par la révolution thermo-industrielle et succédant à l’Holocène, a été proposée par Paul Crutzen, chimiste de l’atmosphère et prix Nobel pour ses travaux sur la couche d’ozone. En février 2000, lors d’un colloque du programme international sur la géosphère et la biosphère à Cuernavaca au Mexique, une discussion s’anime à propos de l’ancienneté et l’intensité des impacts humains sur la planète au cours de l’holocène.

Paul Crutzen se lève alors et s’écrie : «Non! Nous ne sommes plus dans l’holocène mais dans l’anthropocène! » Ainsi naissait la proposition scientifique d’une nouvelle époque géologique.

Deux ans plus tard, dans un article de la revue scientifique Nature, Crutzen développe sa proposition d’ajouter un nouvel âge à nos échelles stratigraphiques pour signaler que l’homme, en tant qu’espèce, est devenu une force d’ampleur tellurique. Après le Pléistocène(qui ouvre le quaternaire il y a 2,5 millions d’années) et l’Holocène (qui débute il y a 11 500 ans), «il semble approprié de nommer ‘Anthropocène’ l’époque géologique présente, dominée à de nombreux titres par l’action humaine.

» Le prix Nobel propose de placer symboliquement à 1784, date du brevet de James Watt sur la machine à vapeur, le début de ce nouvel âge, pour signifier la rupture que constitue avec la révolution industrielle, la combustion de charbon prélevé dans la lithosphère et dégageant dans l’atmosphère des gaz à effet de serre modifiant le climat.

Le Grec ancien Anthropos signifiant « être humain » et Kainos signifiant « récent, nouveau »,
l’Anthropocène est donc la nouvelle période des humains, l’âge de l’Homme. L’Anthropocène se caractérise en effet par le fait que « l’empreinte humaine sur l’environnement planétaire est devenue si vaste et intense qu’elle rivalise avec certaines des grandes forces de la Nature en termes d’impact sur le système Terre. »

Ce n’est pas la première fois que des scientifiques prophétisent ce pouvoir humain sur la destinée de la planète, tantôt pour le célébrer, tantôt pour s’en inquiéter. En 1780, dans
ses Epoques de la nature, Buffon expliquait que «la face entière de la Terre porte aujourd’hui l’empreinte de la puissance de l’homme». Cette influence s’exerce notamment sur le climat: en modifiant judicieusement son environnement l’humanité pourra «modifier les influences du climat qu’elle habite et en fixer pour ainsi dire la température au point qui lui convient».

Après lui, le géologue italien Antonio Stoppani définissait en 1873 l’Homme comme une «nouvelle force tellurique», puis, dans les années 1920, Vladimir I. Vernadsky, inventeur du concept de biosphère pour désigner tout le tissu vivant de la planète, soulignait l’emprise humaine croissante sur les cycle bio-géochimiques du globe.

Le problème est facile à comprendre : soit on considère que l’humanité est sortie de la Nature et qu’elle forme une nouvelle structure, soit on considère que l’humanité est un prolongement un peu « particulier » de la Nature.

Le terme de « noosphère », pris dans un sens chrétien formulé par Teilhard de Chardin, est par exemple une sorte de nouvelle « sphère » dominant la Terre, mais si l’on prend des scientifiques défendant la conception de Gaïa, comme Lynn Margulis, la « noosphère » est un aspect de la planète elle-même…

Nous reviendrons sur cet aspect qui est, en fin de compte, le cœur de la grande bataille d’idées qui va déchirer l’humanité dans les 30 prochains années.

Le concept d’anthropocène

Paul Josef Crutzen, un Néerlandais prix Nobel de chimie, a rendu populaire ces dernières années un concept important, celui d’anthropocène. Voici comment il présente ce concept:

Il semble approprié d’utiliser le terme “Anthropocène” pour désigner l’ère géologique actuelle, dominée à plus d’un titre par l’humain, supplantant l’ère Holocène, période chaude qui a duré entre 10-12 millénaires.

On peut dire que la période Anthropocène  a commencé vers la fin du 18ème siècle, comme le montrent les analyses d’air provenant de la calotte glacière et qui indiquent une accentuation de la concentration de CO2 et de méthane. Il se trouve que cette période coïncide avec la conception du moteur à vapeur en 1784 par James Watt.

L’influence grandissante de l’humanité sur l’environnement fut déterminée pour la première fois en 1873, lorsque le géologue italien Antonio Stoppani fit référence à “l’ère anthropozoïque,” définie par une “nouvelle force tellurique comparable, en énergie et en universalité, aux plus grandes forces de la terre.”

En 1926, V. I. Vernadsky a lui aussi admis l’impact grandissant de l’humanité sur “la direction que devaient emprunter les processus d’évolution, principalement vers une prise de conscience et une réflexion accrues, les formes ayant de plus en plus d’influence sur leur milieu.” Vernadsky et Teilhard de Chardin utilisèrent le terme “noösphère” – le monde de la pensée – pour exprimer le rôle grandissant du pouvoir cérébral de l’homme à façonner son propre futur et son environnement.

L’expansion humaine en termes démographiques et de l’utilisation par habitant des ressources de la Terre fut rapide. La population humaine s’est multipliée par 10 durant les trois derniers siècles, dépassant aujourd’hui six milliards, et devrait atteindre 10 milliards avant la fin de ce siècle. Il en résulte que 30 à 50 % des terres émergées de la planète sont aujourd’hui exploitées par l’homme.

Le nombre de têtes de bétail émettant du méthane a atteint, dans le même temps, 1,4  milliards, contribuant ainsi grandement à la destruction des forêts tropicales humides, lesquelles rejettent du dioxyde de carbone et contribuent à l’accélération de l’extinction des espèces. La reconversion des terres en pâturages (ou pour la construction), associée au labours des récoltes, a provoqué une érosion du sol 15 fois supérieure à son rythme naturel. A ce rythme, l’érosion anthropogénique des sols remplirait le Grand Canyon en 50 ans.

De la même manière, la construction de barrages et la dérivation des cours d’eau sont aujourd’hui pratiquées couramment afin de répondre à la consommation humaine en eau qui s’est multipliée par 9 depuis un siècle, au point que l’humanité utilise aujourd’hui plus de la moitié de la totalité des réserves d’eau potable disponibles – dont globalement deux tiers pour l’agriculture. L’industrie piscicole prélève plus de 25% de sa production première dans les régions océanes ascendantes et 35% sur le plateau continental tempéré.

La consommation énergétique s’est aussi multipliée par 16 au cours du 20ème siècle, générant 160 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de souffre par an dans l’atmosphère –  plus du double du total des émissions naturelles. De même, l’agriculture utilise plus de fertilisants azotés que les écosystèmes terrestres n’en fixent naturellement et la production d’oxyde nitrique provenant de la combustion des énergies fossiles et de la biomasse dépassent les émissions naturelles.

Et voici comment l’historien des sciences Christophe Bonneuil présente cette question, dans une interview à Libération.

Quand est-on entré dans cette ère ?

Il existe trois thèses à ce sujet. La première remonte à la période où l’ensemble des cultures humaines auraient stabilisé le système climatique en empêchant le retour à un nouvel âge glaciaire. En gros, cela démarrerait au néolithique, avec les débuts de l’agriculture et de l’élevage. Une autre thèse met l’accent sur la «grande accélération» d’après 1945, lorsque l’ensemble des indicateurs de l’empreinte humaine sur la Terre – démographie, émissions de CO2, consommation d’énergie, extinction de la biodiversité, recul des forêts, cycles de l’azote et du phosphore, etc. – montent à l’exponentiel. Cela dit, l’empreinte humaine s’est intensifiée dès le XIXe siècle.

La thèse la plus acceptée par les scientifiques – celle de Crutzen – fait débuter l’anthropocène au début de la révolution thermo-industrielle, c’est-à-dire symboliquement en 1784, date du brevet de Watt perfectionnant la machine à vapeur.

C’est aussi la périodisation la plus pertinente pour les historiens car, comme l’a montré Kenneth Pomeranz, c’est justement au tournant des XVIIIe et XIXe siècles que se produit la «grande divergence», où la Grande-Bretagne, grâce aux «hectares fantômes» du charbon et du Nouveau Monde (coton, sucre, bois…), surmonte une crise des ressources (bois, alimentation…), qui est source de tensions sociales. Elle écrase alors les autres pays, et notamment la Chine, en déployant son hégémonie à travers le monde et inaugurant un modèle économique intensif en capital et en énergie.

Depuis, ce modèle s’est mondialisé et le tableau de bord des indicateurs de l’emprise humaine sur la planète – climat, biodiversité, cycle de l’azote, du phosphore et de l’eau, démographie urbaine, consommation de papier, barrages, déforestation – a viré au rouge.

Comme on s’en doute, ce concept ne signifie pas nécessairement une rupture avec l’anthropocentrisme: cela peut même être un prétexte à son affirmation. Aussi faut-il bien cerner les aspects de cette question, et nous en reparlerons bien sûr.

Le passage du typhon Haiyan – Yolanda

Les médias ont largement parlé, à juste titre, du typhon appelé Haiyan (« pétrel » en chinois) ou encore Yolanda, qui a touché les Philippines et va vers le Vietnam. En fait, cela a même été un super typhon.

Voici ce que dit à ce sujet Steven Testelin, prévisionniste à Météo France, dans une interview au Monde :

Est-ce le plus puissant cyclone mesuré à ce jour ?

C’est le plus puissant mesuré à ce jour parmi les cyclones ayant touché terre depuis qu’on effectue des relevés météorologiques. Jamais encore sur terre, on n’avait jamais enregistré des vents soufflant à plus de 360 km/h.

On peut également dire qu’il s’agit de l’un des typhons les plus violents depuis qu’on est en mesure d’estimer la puissance des cyclones en mer, c’est-à-dire depuis les années 1970. Avant cette date, on se contentait de mesurer ceux qui touchaient terre, car on avait du mal à estimer l’intensité des vents en mer.

Parmi les cyclones les plus violents connus à ce jour figurent l’ouragan Camille qui avait balayé le golfe du Mexique avec des vents de 305 km/h en 1969 ainsi que le typhon Tip, dans l’océan Pacifique, avec également des vents à 305 km/h.

Et voici une autre question-réponse, particulièrement révélatrice alors qu’il y a eu 10 000 personnes humaines tuées sans doute, aux Philippines, et que 500 000 personnes ont été évacuées au Vietnam.

Le phénomène s’est-il aggravé ces dernières années ?

Il n’y a pas plus de cyclones, mais ils semblent être plus forts, même si cela reste à confirmer. Une des explications possibles pourrait résider dans le réchauffement climatique, mais le groupe d’experts sur l’évolution du climat(GIEC) est resté très prudent sur cette question.

Les cyclones puisent, en effet, leur énergie dans la température de la surface de la mer et on a observé une hausse de la température des 75 premiers mètres de 0,3 °C au cours des trente dernières années.

L’évaporation des eaux de surface est le carburant de la formation du cyclone et, lorsqu’il n’y a plus d’alimentation, le phénomène cesse. C’est ce qui explique que le cyclone faiblit dès qu’il touche terre.

Le réchauffement des eaux de mer est pourtant loin d’être uniforme et certaines mers se réchauffent plus vite que d’autres, ce qui peut favoriser des cyclones plus intenses par endroits. Au-delà du changement climatique, il existe également une variabilité annuelle des cyclones : cette année par exemple il n’y a pratiquement pas eu d’ouragans dans l’Atlantique.

On reconnaît ici la ridicule prudence des scientifiques version institutions. La vérité est que tous ces gens sont débordés, qu’ils ne maîtrisent rien et qu’ils utilisent un discours à l’apparence rationnelle pour donner l’impression de saisir ce qu’il se passe.

Et en même temps, ce qui est un comble, ils nient l’évidence : le fait que les activités humaines ont forcément un impact, et que partant de là, il y a nécessairement un impact sur les phénomènes naturels comme les typhons, qui se fondent précisément sur les questions climatiques.

Le discours posé du spécialiste s’oppose ici aux faits : c’est une ville qui a été frappée, Tacloban, qui a un peu plus de 200 000 personnes y vivant. Les cadavres sont disséminés un peu partout, l’aéroport a subi des dommages extrêmement importants.

Cela signifie que malgré ses prétentions, l’humanité ne gère rien, ne peut rien prévoir, ne sait pas organiser. Et même qu’elle fait face à des choses qu’elle n’a pas directement connue à court ou moyen terme, sinon elle agirait en conséquence pour se protéger…

Pour cacher cela, les médias vont faire en sorte que le passage du typhon va relever du pittoresque et du glauque, du passager et de l’exotique ; on peut pour cela comparer comment les médias en parlent avec l’année dernière, lorsque Sandy, bien moins puissante, est arrivée sur New York…

Ce qui se passe est simple : l’humanité n’est pas tournée vers la Nature, elle considère qu’elle habite un gros rocher peuplé d’événements à gérer. Seulement, la Nature est un système et on ne peut pas « gérer », on doit coexister.

Et ce n’est pas en niant en 2013 les dérèglements provoqués par l’humanité qu’on va arriver à quelque chose : le caractère posé faussement scientifique n’est que le masque de la figure raisonnable du simple comptable dépassé par les événements !