Compte-rendu d’une manifestation à Francfort

Le 8 avril avait lieu en Allemagne une manifestation contre la fourrure, à Francfort, et il y avait eu un appel à un cortège « libération totale » (l’appel avait été traduit et publié ici).

Voici un compte-rendu de personnes organisatrices.

Le 8 avril 2012 ont manifesté, lors de la manifestation « Francfort sans fourrure », comme les journaux l’écrivent, entre 600 et 1000 personnes, contre le commerce de la fourrure en particulier et l’industrie de l’exploitation animale en général.

Le groupe vegan antifa sud avait appelé, ensemble avec ATIKO (collectif antifasciste de libération animale d’Aix-la-Chapelle), à la formation d’un black block Total Liberation, qui sous le mot d’ordre « Contre le commerce de la fourrure, la domination et l’exploitation » se dirigeait contre les structures de domination du capitalisme et plaçait la lutte pour la libération des animaux non humains dans le contexte général de la lutte pour la libération en tant que tel (« Libération Totale »).

La critique de l’industrie de l’exploitation animale qui n’est pas reliée au contexte de l’oppression par les rapports capitalistes dans le capitalisme est condamnée à l’échec, car elle ne présente qu’un symptôme de l’ordre social, ordre social qui se fonde sur l’exploitation et la maximisation du profit. Ce n’est que le combat contre ce système comme tout que l’on peut arriver, en dernier ressort, à la libération.

Malheureusement, la mobilisation de cette année n’a pas été aussi réussie que l’année dernière, et ce n’est que la pointe de la manifestation que l’on peut en fait compter comme faisant partie du bloc.

La police avait néanmoins, tablant sur beaucoup plus de personnes participantes, mis en place un immense dispositif et des points névralgiques étaient bloqués avec des grilles ou bien par des policierEs munis de boucliers.

Les conditions selon lesquelles les bannières latérales devaient se tenir à une distance de 1,50 mètres les unes des autres ont rendu plus difficile la formation du bloc. [Le non-respect de ce type d’exigence amène l’intervention immédiate de la police, en nombre massif – NDLR]

Néanmoins, en particulier grâce à l’intervention de la direction de la manifestation, il a été possible de se protéger avec succès contre les répressions, comme l’arrestation d’une personne membre du service d’ordre, ou bien face aux policiers en civil.

En raison du dispositif de police relativement sur-dimensionné et d’autre part, du petit nombre de personnes participant au black block Total Liberation, il n’a pas été possible de mettre en œuvre de manière adéquate l’exigence militante de l’appel.

En gros, la démonstration a été relativement calme et il n’y a eu pratiquement pas de confrontation. Cependant, on peut considérer comme un succès positif l’influence du contenu de la manifestation par la formation du black block Total Liberation.

 Les slogans de la manifestation comme « Alerta, Alerta, Alerta Antifascista » et « A, Anti, Anticapitalista » ont été soutenus par une grande partie de la manifestation et les drapeaux antifascistes montrent cela aussi. Des slogans comme « No Border, No Nation, Total Liberation » ont souligné les positions du black block Total Liberation.

Les discours ont été tenus en général dans la tonalité d’une critique à la base des rapports sociaux dans le capitalisme et ont été bien accueillis par les personnes participant. En comparaison aux autres manifestations pour les droits des animaux, cette manifestation à Francfort avait un contenu émancipateur et critique de manière convaincante, rempli de l’esprit de l’antifascisme.

La propagande sexiste et méprisante pour les êtres humains, telle qu’utilisée par des organisations comme PETA, n’avaient pas droit de cité dans la manifestation. En ce sens, la préparation de la manifestation a été un succès, dans la mesure où dès le départ il avait été décidé d’une ligne émancipatrice bien définie, le fait d’assumer ce concept est resté par contre en retrait du côté des activistes.

Les raisons pour cela, ainsi que celles pour lesquelles il y a eu moins de monde au black block Total Liberation cette année, sont les suivantes selon nous:

1) En raison de la manifestation une semaine auparavant (M31), qui avait également lieu à Francfort et pour qui il avait été appelé à grande échelle, avec 6000 personnes participant environ et qui a été marqué par de nombreuses arrestation tout comme de violents affrontements qui ont attiré l’attention, beaucoup d’activistes ne voulaient pas refaire ce qui est pour beaucoup une longue route jusqu’à Francfort, une semaine après.

2) En plus de cela, les fêtes de Pâques et le mauvais temps annoncé n’ont pas contribué au succès de la manifestation.

3) Enfin, il faut également mentionner la contre-mobilisation contre le black block Total Liberation, qui malgré son unilatéralité prévisible et sa non-considération des vrais arguments a eu un certain succès. L’intention principale du black block Total Liberation était, comme nous l’avons présenté dans plusieurs textes, de réaliser une liaison entre les scènes antifasciste et antispéciste, dans la mesure où la forme d’action classique des manifestations antifascistes, le black block, était assumée, et ansi la manifestation devait être attractive pour d’autres activistes de l’extrême-gauche.

Le black block devait permettre un anonymat, où pouvait se développer une critique de la société radicale, antifasciste, sans que les organes de répression ou les nazis ne puissent profiter pour voir les visages.

L’anti-répression et la force de frappe de la manifestation n’avaient par contre qu’un ordre secondaire par rapport à cela. Malgré tout, la critique du concept de black block Total Liberation ne se concentrait que sur ce dernier point.

Ce qui est caractéristique d’une critique de personnes pour les droits des animaux à l’encontre du black block Total Liberation est qu’elle consiste en un schéma prétendant ne pas critiquer le concept de black block en général, pour finalement le critiquer quand même en général. Ce fut également le cas d’un « petit groupe émancipateur » anti-deutsch [groupe anti-national anti-allemand], comme il se définit, et qui a également mobilisé avant la manifestation contre le black block Total Liberation.

Ce groupe écrit dans un tract : « Nous ne considérons pas fondamentalement la formations de black block dans une manifestation comme erronée », critiquant par la suite tout de même que le black block « reproduit des images virilistes de type patriarcale », que la construction d’un contre-pouvoir par rapport au pouvoir d’État en général serait « un moyen d’expression dominé par les hommes » et serait ainsi « une manière inappropriée si on y pense. »

 D’autres points de critiques étaient que le fait de devoir s’habiller de manière uniforme dans le bloc serait normatif et finalement « établissant des frontières [par rapport à d’autres] », comme par exemple que les personnes avec un handicap ne seraient pas en mesure de participer au black block Total Liberation.

 Parle cependant pour soi le fait que beaucoup de personnes socialisées comme femmes ont participé au bloc, malgré la diffusion du tract. La critique citée plus haut absolutise des moments particuliers en discute de manière coupée du contexte : on ne peut prendre au sérieux cette critique, car elle passe à côté de la réalité et ses intentions ne sont pas difficiles à deviner.

Elle part du principe, en un certain sens, que nous chercherions à empêcher que d’autres formes de protestation se forment, ce qui n’est pas pas du tout vrai, bien sûr. Le black block Total Liberation était à Francfort une partie d’une grande manifestation, qui a connu et autorisé beaucoup de formes d’expression différentes, et pourtant a refusé toute attitude anti-émancipatrice.

Même s’il y a clairement certains points positifs dans le black block Total Liberation de cette année, évidemment la participation plus faible que l’année dernière fait que le concept doit être mis en question.

Même si les critiques du concept sont faibles, elles semblent pourtant parvenir à empêcher une plus grosse mobilisation. Notre point d’accroche principal, relier les structures antifasciste et antispéciste, n’a pas été au premier plan de manière visible. Apparemment, il n’y a dans la scène pour les droits des animaux qu’un faible intérêt pour une telle liaison.

Nous considérons cependant encore comme important que de renforcer la perspective de prendre en compte l’ensemble de la société dans la critique de l’industrie de l’exploitation animale et la lutte pour la libération.

En ce sens, nous remercions l’organisation de la manifestation pour leur travail modèle dans la préparation, comme toutes les personnes activistes qui nous ont soutenu nous et le concept.

La lutte continue: contre le commerce de la fourrure, la domination et l’exploitation!