Le secteur agroalimentaire se détourne-t-il vraiment massivement de l’élevage des poules en cage?

Le quotidien Le Monde publie régulièrement des éloges de l’association L214, comme il y a quelques jours l’article sobrement intitulé « L214, les croisés de la cause animale« .

Le problème est évidemment qu’il faut plus que de la mise en valeur virtuelle, il faut prétendre qu’il y a des résultats. Hier, Le Monde a donc publié un article avec un titre tout aussi sobre : « L’industrie alimentaire se détourne en masse des œufs de poules en cage« .

A lire ce titre, on se dit : grande victoire, l’ennemi recule, c’est un pas énorme. La première phrase de l’article est d’ailleurs grandiloquente en ce sens :

Le temps des poules en cage pourrait bientôt être révolu en France.

L214 ne se prive pas de célébrer sa victoire, légitimée par Le Monde.

Maintenant soyons sérieux et regardons ce qu’il en est. Car l’industrie alimentaire ne se détourne nullement des oeufs de poule en cage, même si, comme l’article du Monde l’explique, le groupe de grande distribution Les Mousquetaires (Intermarché, Netto, etc) va arrêter de les distribuer, tout comme Carrefour, Lidl, Aldi, Norma, Super U (sur sa seule marque), Monoprix.

Relativisons tout de suite : Les Mousquetaires va procéder de manière lente, d’ici à 2020 sous sa marque propre et d’ici à 2025 pour l’ensemble des fournisseurs de ses rayons.

Mais la question de fond n’est pas là, même si le temps est important : il faut faire vite.

Car ce n’est pas une victoire, mais une tendance de fond, comme l’article du Monde est obligé lui-même d’en convenir :

Un changement majeur car la France est le premier producteur européen d’œufs, avec 14,7 milliards d’unités en 2015, selon les données de la filière avicole.

Or 68 % des 47 millions de poules pondeuses sont aujourd’hui élevées en cage, contre 25 % en bâtiments avec accès au plein air et 7 % au sol sans accès au plein air.

L’Hexagone reste à la traîne de ses voisins européens, qui enregistrent une moyenne de 56 % d’élevages en batterie. En Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne, tous les supermarchés ont déjà banni de leurs rayons cette production.

Il apparaît que la France est à la traîne : elle ne fait que rattraper une tendance existant déjà. Celle, bien entendu, à proposer des produits plus chers, plus élaborés, avec plus de profit à la clef…

Notons également que l’article du Monde reconnaît lui-même qu’il faut relativiser ce qui se passe :

« Les marques ne se rabattront pas exclusivement sur les poules élevées en agriculture biologique ou en plein air. Elles vendront également des œufs issus d’élevages au sol, dans lesquels les poules sont neuf par mètre carré (soit un cercle de 38 cm de diamètre chacune), sans accès à l’extérieur ni à la lumière naturelle. »

Mais ce n’est pas tout et là est un aspect peut-être central. Les statistiques officielles donnent les chiffres suivants pour la manière dont l’exploitation animale organise l’exploitation des poules :

En 2010, 70 % des élevages disposaient de 1 000 à 20 000 poules (21 % des effectifs nationaux), 15 % des élevages disposaient de 20 000 à 100 000 poules (37 % des effectifs) et 5 % disposaient de plus de 100 000 poules (41 % des effectifs)

La tendance est, comme toujours dans le capitalisme, à du plus gros, du plus lourd.

En effet, 40 % de la production française d’œufs est destinée aux industries alimentaires (pâtisserie, biscuiterie, pâtes alimentaires, industries laitières, etc.) et à la restauration hors domicile.

Ici, ce sont les oeufs de poule élevées en cage qui vont être utilisés.

C’est cela la vraie raison pour laquelle l’industrie alimentaire se « détourne » des oeufs en cage.

Car ici on est dans la production de masse sans « qualité », alors qu’inversement lorsque le consommateur va au supermarché, on peut élever les prix sous des prétextes divers afin de davantage faire de profit.

La raison de l’agrandissement des cages des poules, c’est de pouvoir tuer la petite concurrence à coups de règlements, c’est de trouver des prétextes pour arracher plus de profits au consommateur.

Il faut être bien naïf pour y voir une ouverture des entreprises au bien-être animal !

D’autant plus que les poules de l’industrie alimentaire connaissent des cadences toujours plus grandes, des modifications génétiques terribles….

On a bien une accentuation de l’exploitation animale et ceux qui prétendent le contraire confondent une tendance particulière avec la tendance générale…