La « Convention sur la protection animale » de Marine Le Pen

Marine Le Pen, dans le cadre de sa campagne électorale, a tenu une « Convention sur la protection animale ».

En arrière-plan, il y a l’appui d’un collectif  dédié à ce sujet et valorisant Marine Le Pen (voir Le collectif Belaud Argos, rouleau compresseur du Front National).

C’est la seconde du genre, la première ayant eu trait à l’éducation. Elle a un agenda très complet, puisqu’il y a quelques jours, elle rendait visite au « sommet de l’élevage », à Cournon-d’Auvergne…

Lors de cette convention, dont la vidéo est postée ici un peu plus bas, Marine Le Pen est des plus subtiles. Elle fait mine d’accorder à la question animale une grande importance… tout en disant qu’il ne sera pas possible d’y parler pendant la campagne !

Une contradiction qui provient de sa position, intenable, puisque son noyau est celui des gens les plus réactionnaires, férus de chasse, sans parler de ses liens avec les milieux d’affaires, et donc l’exploitation animale.

Il lui faut donc se contenter d’ouvrir un espace, en espérant agglomérer autour d’elle une partie des gens de la protection animale. EELV ne tente pas autre chose ces derniers jours. On est dans les deux cas dans la tentative de récupération.

Marine Le Pen est toutefois plus subtile. Elle est plus lyrique, il y a davantage de travail en amont, elle a le sens de la formule. On a droit, par exemple, à une chose comme :

« L’absence de la question animale dans le débat public est pour moi le signe d’un angle mort de la réflexion écologique. »

C’est joliment tourné, tout à fait vrai, mais ne se situe dans aucune perspective réelle en ce qui la concerne. Elle explique elle-même qu’elle rencontre régulièrement les « professionnels de la viande » et son mot d’ordre reste, comme pour tout, le renforcement de l’État.

Il faudrait appliquer les lois, donner les moyens à l’Etat. C’est son discours systématique sur tous les thèmes et ici la protection animale devrait se mettre au service de cela.

Bien entendu, elle parle du halal et des abattoirs, surfant sur l’esprit réformiste à la L214 dans l’air du temps. Cependant, elle n’en reste pas là, elle tente d’appuyer la tendance « terroir ».

Les « paysans » sont donc présentés comme la base de la « conscience idéologique » française et la petite production est portée aux nues (de manière donc strictement parallèle ou équivalente des zadistes).

L’ennemi, ce serait la production « à l’américaine », la grande distribution. Rien de bien original ici, c’est exactement la même démarche idéologique que dans les années 1930.

De la même manière, d’ailleurs la vivisection est critiquée, mais sans être entièrement dénoncée : il s’agit, comme dans les années 1930 où ce thème existait déjà en Allemagne, de trouver un moyen pour se donner une image pro-animaux, tout en voyant les luttes concrètes possibles être le plus éloignées possibles…

De manière rassurante, Marine Le Pen a d’ailleurs conclu en parlant de la « zoothérapie ».

C’est très bien structuré, c’est totalement vide et les gens de la protection animale peuvent le voir aisément, d’ailleurs.

Le but est certainement de cibler les gens autour de la protection animale, éloignée des pratiques concrètes et de la connaissance du débat d’idées, en profitant de la dépolitisation du type Fondation Bardot et L214.

Le collectif Belaud Argos, rouleau compresseur du Front National

Le Front National tente de se développer en donnant naissance à différents collectifs « rassembleurs » et vient justement d’en fonder un nouveau, consacré aux animaux. Regardons ce qu’il en est.

Ce qui frappe tout de suite, c’est le choix du nom du collectif : Belaud – Argos. Un tel nom ne dira rien à personne, mais c’est que là n’est pas l’objectif. En réalité, c’est un garde-fou posé dès le départ, pour bien délimiter le cadre et éviter les débordements.

Si Argos est peut-être connu des lecteurs de l’Odyssée, car c’est le vieux chien qui meurt de joie au bout de longues années alors qu’Ulysse revient enfin de son périple, Belaud ne dira rien à personne. Il s’agit en l’occurrence, du chat qui a vécu avec le poète Du Bellay, ce dernier écrivant des vers à son sujet.

Il y a ainsi une double opération : tout d’abord faire « culture occidentale » avec de l’antiquité grecque et de la Renaissance, ensuite focaliser sur les « animaux de compagnie ». On est dans l’identitaire et le familial : hors de question d’aller vers l’universel et le social.

La présentation du collectif commence sur le thème des « animaux de compagnie », constatant leur nombre en France ; on lit de plus ces importantes lignes, où le choix du mot « bête » ne doit rien au hasard:

« Amoureux des chats, amoureux des chiens, des Belaud ou des Argos, ainsi que de toutes les autres bêtes, nous nous retrouverons tous au sein de ce collectif pour préparer et porter un programme ambitieux afin de faire avancer la cause animale. »

Dans cette même logique qu’on se doute savamment élaboré, le logo du collectif montre également un chien et un chat, dans la même veine que beaucoup de logos de vétérinaires. La mini biographie des trois personnes dirigeant le collectif précise également :

« propriétaire de cinq chats, d’un lévrier whippet, d’un lapin nain et d’un lapin géant des Flandres »

« propriétaire d’une chatte âgée de 8 ans »

« propriétaire de deux chats »

On est là dans le conformisme le plus grand et on comprend le rôle et la nature du collectif. Il s’agit de coller ici à la tendance la plus à « droite » de la protection animale (L214 étant alors au « centre », tandis qu’à « gauche » on trouvera LTD, les abolitionnistes), de viser « papy » et « mamie » qui aiment les animaux et les soutiennent, mais ne généralisent jamais leur démarche (et il y a des jeunes qui sont déjà « papy » et « mamie », par conservatisme).

Il est d’ailleurs parlé de « bien-être animal » et parmi les mesures on a celle-ci résumant tout :

« L’opposition au modèle d’agriculture intensif et concentrationnaire (fermes usines avec un espace clos et une mauvaise aération) et valorisation d’un élevage responsable et plus respectueux des animaux. »

L’exploitation animale n’est pas remise en cause ; on a simplement ce culte du terroir et du « meurtre » qui serait à la fois « propre » et « traditionnel ».

A cela s’ajoute aussi toutes les revendications classiques des « réformistes » : suppression du halal et du casher, contrôle indépendant dans les abattoirs, fin (progressive…) du gavage, augmentation des recherches pour « remplacer l’expérimentation animale », interdiction des animaux sauvages dans les cirques, interdiction des fermes à fourrure.

Il s’agit ici de gages donnés au réformisme de la protection animale, de revendications de base. On remarquera par contre que manque, évidemment, l’interdiction de la corrida, cette dernière étant trop liée au « terroir ».

Autre souci : « promotion d’une chasse responsable ». Cela place le collectif comme à droite des réformistes, avec cependant un avantage : celui de prétendre au réalisme, puisque le FN entend aller au pouvoir.

On a ainsi un argument qui tente directement de profiter de la crise des refuges :

« Le soutien financier aux associations de défense des animaux dans les collectivités territoriales »

Vue la situation, c’est là un argument qui risque de faire très mal. L’aspect rouleau compresseur du collectif se trouve ici. Dans les années 1970, la protection animale anglaise a donné naissance en Angleterre au Front de Libération Animale ; dans les années 2010, le FN compte récupérer l’énergie de la protection animale française…

L’objectif est très clairement l’appel d’air, sur un mode : participez à notre « révolution » le plus tôt possible, vous avez les moyens d’y gagner quelque chose… On est ici comme dans les années 20 en Italie, où chaque corporation peut participer à la « révolution nationale »…

Le collectif ne le cache même pas, confondant document stratégique interne et propagande :

« Le bilan du travail parlementaire qui a été mené jusque-là et qui va continuer d’être mené est très bon, les élus du Rassemblement Bleu Marine commencent à être connus dans les milieux associatifs de défense animale comme étant à leur écoute et à leur service, mais ce Collectif a pour vocation de faire passer la prise en compte de ces enjeux à la vitesse supérieure.

Les travaux du collectif alimenteront les prises de positions des élus du Front National dans toutes les institutions où nous sommes présents. Nous avons pour objectif de présenter un programme détaillé et clair de la stratégie à mettre en œuvre pour le bien-être animal en cas de victoire de Marine Le Pen en 2017.

Ce travail, par ailleurs, irriguera la partie agriculture du programme de 2017, puisque de nombreux sujets s’y rattachent. Nous serons également une vigie, des lanceurs d’alerte sur toutes les situations inacceptables qui encore ont cours aujourd’hui en France, en 2016. »

Cela en tentera forcément certains et Brigitte Bardot a déjà salué la fondation de ce collectif. Sur le plan culturel, le désarroi dans les refuges est très grand et la tentation ne peut que se poser, au moins en théorie. C’est vrai aussi pour les amis et amies des animaux en général, surtout s’il y a un grand désenchantement suivant les fausses promesses de L214, à côté d’une sorte de culte du morbide qu’on retrouve dans les rassemblements « témoignages »…

De plus en plus, ce qui apparaît, c’est un choix nécessaire : ou bien le terroir avec quelques prétendues réformes de « bien-être animal » (ne servant au final qu’aux grosses entreprises pour couler les petites ne pouvant pas suivre), ou bien l’universalisme avec le rejet complet, sans compromis, de l’exploitation animale!