« Point de vue d’un vétérinaire sur l’élevage industriel »

Voici un très intéressant article de l’Association des Médecins Vétérinaires Praticiens du Québec, un article qui montre, si on ne le savait pas déjà, à quel point l’exploitation animale est une idéologie développée, d’un très haut niveau. Il s’agit là d’arguments visant à convaincre et à troubler, à empêcher l’émergence d’une conscience végane, qui ne serait ni « logique » ni « écologiste ».

Et on voit aisément que la question de la Nature est centrale. Quand il est dit par exemple:

Nous avons domestiqués 10% des animaux sur la planète. Les autres c’est impossible. Ceux qui ont accepté de se laisser domestiquer, c’est parce qu’ils étaient enclin à le faire.

Cela a l’air idiot, et ça l’est. Pour autant le contre-argument vegan se doit d’être intelligent, et comment ne peut-il pas passer par la défense de la Nature qui est échange, collaboration, symbiose?

La complexité du texte suivant montre que sans compréhension de Gaïa, on en reste à une vision anthropocentrée, et là l’exploitation animale gagne toujours, par nature.

Point de vue d’un vétérinaire sur l’élevage industriel

Québec, jeudi 17 janvier 2013 –

Jean-Pierre Vaillancourt, pro­fes­seur à la Faculté de mé­de­ci­ne vé­té­ri­nai­re de l’Université de Montréal et di­rec­teur du Groupe de re­cherc­he en épi­dé­mio­lo­gie des zoo­no­ses et san­té pu­bli­que, a ac­cor­dé une ent­re­vue des plus in­té­res­san­tes au Journal Forum de l’Université de Montréal sur l’éle­va­ge in­dust­riel. Il dé­fend ce mode d’éle­va­ge et re­met en ques­tion al­lè­gre­ment cer­tains cli­chés et ar­gu­ments des vé­gé­ta­riens et des ani­ma­lis­tes tout en res­pec­tant leur point de vue.

Pour Jean-Pierre Vaillancourt, une humanité végétarienne n’est pas envisageable. Si le végétarisme est possible dans les sociétés riches où une grande variété de protéines nécessaires à notre santé est disponible, ce n’est pas le cas partout. Ce qui amène les hommes à envisager une société végétarienne découle de considérations écologistes et animalistes. On ne veut surtout pas voir de cages d’élevage, d’abattoirs et nous mangeons de la viande. Pour certains le végétarisme permet d’être en accord avec leurs valeurs animalistes. Plusieurs d’entre nous envisagent le monde animal bien différemment qu’il y a un siècle, par exemple.

De là à accorder des droits fondamentaux aux animaux et imposer le végétarisme à l’humanité, il y a un pas à ne surtout pas franchir. Le discours animaliste n’est pas logique et n’est pas écologiste, il est émotif. Tout en le respectant, il ne doit pas être imposé à l’humanité selon Jean-Pierre Vaillancourt.

Certains documentaires récents sur l’industrie de l’élevage ont fait réagir le vétérinaire qui trouve que le bien-être animal, c’est bien, mais cela aura un coût et que cela sera nuisible sur le plan écologique. Sommes-nous prêts à entendre ce discours ? Certainement si le Québec se veut une société écologiste.

La protéine animale est nécessaire. Les défenseurs des animaux jouent un rôle important pour dénoncer les pratiques cruelles et inacceptable d’un point de vue éthique. Là où le vétérinaire ne suit plus, c’est sur le terrain des défenseurs des animaux qui souhaitent accorder aux animaux les mêmes droits qu’aux êtres humains. «Dans la nature, ce sont l’équilibre et la santé du troupeau qui comptent et non la santé de l’individu, déclare Jean-Pierre Vaillancourt au Journal Forum. La nature ne se préoccupe pas du droit de l’individu et personne ne critique, par exemple, le comportement du lion qui dévore la gazelle.»

Au Québec, nous vivons dans une société riche où nous pouvons, si nous le voulons, nous priver de viande et bénéficier d’une alimentation équilibrée quand même. On ne peut exiger ça de tout le monde sur notre planète. «Il n’existe pas de modèle nous permettant de répondre aux besoins de la population en protéines si nous cessons la production de viande parce que la protéine animale est de meilleure qualité que la protéine végétale. En 2050, la production de protéines devra être le double de ce qu’elle était en 2000 en raison de la croissance démographique.

Des pays comme la Chine et l’Inde sont incapables de satisfaire leurs besoins grandissants en protéines avec leurs seules productions. De plus, comment remplacer la viande dans des environnements comme le Grand Nord, où la population vit en symbiose avec les produits de la chasse et de la pêche?» Nous parvenons donc, de nos jours, à répondre aux besoins en protéines animales à l’aide de l’élevage industriel et l’amélioration de la santé animale. Quelques faits intéressants apportés par le vétérinaire dans l’article :

1-     Une vache d’aujourd’hui produit cinq fois plus de lait qu’une vache de 1920 en consommant la moitié moins de nourriture.

2-     Les bovins d’élevage industriel produisent moins de méthane grâce à une alimentation moins riche en fibres.

3-     De 75% à 80% de ce que mange un bovin est composé de résidus végétaux que l’homme ne peut pas manger. En mangeant la viande du bovin, l’humain bénéficie de 1,5 à 3 fois plus de protéines qu’en consommant les céréales avalées par ces bovins.

4-     Si les Américains devenaient végétariens demain, il faudrait sept millions de plus de kilomètres carrés consacrés aux cultures.

5-     Consommer trop de viande est nocif pour la santé. Consommer trop de salade peut être tout aussi néfaste. Une alimentation équilibrée est à la base d’une bonne santé.

6-     Nous avons domestiqués 10% des animaux sur la planète. Les autres c’est impossible. Ceux qui ont accepté de se laisser domestiquer, c’est parce qu’ils étaient enclin à le faire. Un cheval de trait, un bœuf aux labours, ce n’est pas de l’esclavage. L’animal peut être bien dans cette condition s’il est traité avec respect. La nature n’est pas brimée par cette domestication.

7-     Le Québec produit 165 millions de poulets par année et chacun dispose d’une cage de 27 cm de côté. Augmenter cette cage de 20% nécessiterait 402 000 mètres carrés de plus en besoin de surface sur 140 kilomètres carrés de terrains.

8-     Permettre à ces poulets de vivre huit jours de plus nécessiterait 14,7 millions de kilos de grains poussant sur 31 kilomètres carrés de terre. Il faudrait 38 000 litres d’essence pour les transporter et les poulets produiraient 377 600 kilos d’azote de plus en déjections animales.

Cesser l’élevage industriel ne représenterait pas d’intérêt écologique, seulement un intérêt de bien-être animal discutable. Discutable parce que certains animalistes oublient que l’espèce humaine fait partie de l’écologie de la planète et que nous n’avons pas à nous culpabiliser d’avoir de la viande dans notre régime alimentaire. «Il faut éviter les abus, mais il faut aussi s’assumer. Nous avons, dans nos sociétés d’abondance, la liberté de choisir d’être végétarien, mais la nature ne fonctionne pas selon le principe de la liberté» conclut-t-il son entrevue dans le Journal Forum sous la plume de Daniel Baril.

Cela fait du bien d’entendre  un autre son de cloche, surtout venant de la part d’un vétérinaire pour animaux d’élevage, un professionnel qu’on ne sollicite pas assez souvent à prendre la parole dans les médias sur les grands enjeux de société concernant le bien-être animal et l’écologie. Bravo au Journal Forum pour l’initiative.