Voici un article sur la libération animale, publié dans un fanzine distribué sur la ZAD.
C’est un point de vue synthétique qui est le fruit de la réflexion et de la pratique de gens qui ont tenté et qui tentent encore courageusement de diffuser là-bas les valeurs de la libération animale, refusant le compromis de la « petite exploitation » censée être « humaine », « acceptable », etc.
C’est donc quelque chose de très intéressant, à quoi il faut porter toute son attention.
La ZAD et l’Exploitation Animale
Depuis quelques mois, on est un bon nombre de végétarien-ne-s, végétalien-ne-s ou végan-e-s sur la ZAD à assister à une explosion assez folle du nombre de repas collectifs composés principalement voire exclusivement de viande, c’est-à-dire d’animaux morts, ainsi que de produits issus de leur exploitation (laits, œufs, miel…).
Ca s’accompagne d’une indifférence totale à l’égard à la fois des conditions de vie des animaux en général et des opinions de celles/ceux qui tentent de se battre pour aider à leur libération, parfois même d’une fierté sanguinolente vis-à-vis de ce mode d’alimentation.
A l’heure où j’écris ce texte deux moutons viennent de se faire assassiner sur la ZAD pour être cuisinés et mangés à la Châtaigne ; il y a deux jours un sanglier a subi le même sort.
Ces deux événements ont été annoncés de longue date comme des fêtes où chacun-e était convié-e à se détendre et s’amuser en se délectant littéralement du meurtre de ces animaux. Et il se trouve qu’on est beaucoup à trouver ça ultra-gerbant et à se demander comment on a pu en arriver là.
Tout d’abord parce que faire des repas où souvent rien n’est même prévu pour ceux/celles qui refusent de manger des produits animaux, ça revient de fait à les exclure de ces espaces.
Parce que nous, végan-e-s et végétarien-ne-s, ça nous le fait de toute façon juste pas de manger « notre » repas végan dans notre coin en regardant un animal mort rôtir au-dessus d’un feu, centre de toute l’attention et source de réjouissances.
En fait on fait peut-être chier les gens qui mangent de la viande avec notre mode d’alimentation et nos idées – oui parce que c’est des idées en plus, pas une maladie mentale, c’est dingue hein ? Sauf qu’en fait on vit ici ensemble, qu’on lutte ensemble, même si c’est pas toujours pour les mêmes choses.
Y’a un truc hyper hypocrite chez pas mal de personnes qui clament sur tous les toits qu’« il faut être unis dans la lutte », mais qui à côté de ça râlent dès qu’il faut faire à manger « pour les végan-e-s » et du coup ne prévoient rien pour elles/eux, ce qui de fait équivaut à les empêcher de venir dans ces endroits et de s’y sentir bien.
Je comprends tout à fait que certain-e-s veuillent exclure les végan-e-s de leurs luttes et de leurs vies, même si je trouve ça hyper trash et que je laisserai jamais faire ça ; mais alors qu’ils/elles assument ça ouvertement au lieu de faire en sorte que ça arrive par leur négligence et leur mauvaise volonté, comme si ça n’était pas de leur responsabilité.
Manger des animaux n’est pas plus naturel que se nourrir uniquement de végétaux, ça fait juste partie de la myriade de choses qu’on trouve « normales » parce qu’on nous les a mises dans le crâne sans nous demander notre avis depuis notre naissance.
Et merde, vous les gens qui bouffez de la viande, les « omnivores » comme beaucoup d’entre vous aiment se définir, vous pouvez tout à fait manger des repas végans alors que vous savez très bien que nous on touchera pas à des plats préparés avec des produits animaux.
La bouffe végan c’est pas dur à faire et ça donne pas de carences, sinon on serait un bon paquet à être mort-e-s ou à l’hosto et je pourrais pas écrire ces lignes, à part ça moi ça va la santé merci ; y’a bien moyen de faire un effort et de prévoir les repas en fonction, non ?
De notre côté, nous les « non-mangeurs/euses » de viande, si on a choisi de s’alimenter comme ça c’est pas par fascisme existentiel ni par religion (du moins sur la ZAD j’espère), c’est juste que la consommation de viande et de produits animaux sont la cause et la conséquence directes de l’exploitation animale à grande et petite échelle, qui représente exactement tout ce qu’on combat.
Et quand je dis nous, je parle de tous les gens qui sont ici pour lutter contre les oppressions en général, anarchistes, autonomes et autres pirates des bois.
Y’a une grosse incohérence à vouloir lutter contre la domination et à refuser de prendre en compte les milliards d’animaux qui tous les jours souffrent et meurent pour le plaisir humain. Y’en a une encore plus grosse à collaborer à ça directement en les assassinant soi-même pour se servir de leur corps (viande, cuir…) ou de ce qu’ils produisent (œufs, lait…).
L’élevage pour la consommation ça implique l’enfermement, le meurtre, la torture physique ou psychologique, dans certains cas le viol (insémination artificielle), bref tout ce qu’on proclame combattre ici, et ce quel que soit le mode d’élevage (à part quelques très rares exceptions que perso
j’ai jamais eu l’occasion de rencontrer).
Dans les élevages laitiers, les petits mêles, non-productifs économiquement, sont systématiquement tués et mangés afin de prendre le lait de leur mère ; les vaches, poules, brebis…trop vieilles ou infirmes, incapables de continuer à enrichir leuréleveur/euse, subissent le même sort.
Y compris sur la ZAD.
Seulement ouais, ces êtres n’ont pas eu la chance de naître humain-e-s, ce qui fait que tout le monde trouve normal de les faire souffrir et de les assassiner. Et pourtant, qui peut sérieusement prétendre avoir vu une truie, un chien, une chèvre blessé-e, enfermé-e ou en train de mourir, et dire qu’il/elle ne souffre pas ou n’a pas conscience de son existence ?
Sur la ZAD cependant, comme on est quand même vachement alternatifs/ves, on se trouve des bonnes raisons de continuer à participer à cette merde qu’est l’exploitation animale : on « fait attention » aux « bêtes » (tu parles !), on tue éthique en donnant beaucoup d’amour aux animaux avant de les mener sur l’échafaud pour les égorger, comme si ça changeait que ce soit à l’horreur de leur sort.
Ça donne un truc assez fou où des personnes qui s’extasient devant les tritons crêtés et les merveilles de la nature se retrouvent, trop contentes, devant le cadavre étripé et cuisiné d’un
mouton que certaines d’entre elles ont contribué à assassiner, et qui n’a pas eu le bonheur d’appartenir à une espèce qui fait rêver et par conséquent mériterait un peu d’empathie.
Moi mon projet de vie, le monde nouveau que j’essaie de faire surgir dans les endroits où je vis, je n’en ai qu’une vague idée ; mais je sais qu’il consiste avant tout à faire en sorte que chacun-e puisse vivre comme elle/il l’entend sur cette planète, humain-e ou animal-e.
Ça implique de se débarrasser de tous les systèmes d’oppression auxquels on a appris à contribuer depuis toujours, et qui pourrissent la vie de trop d’êtres : capitalisme, racisme, mais aussi sexisme, homophobie, validisme, exploitation animale, parmi tant d’autres.
Changer le monde c’est aussi changer nos rapports entre nous, entre tous les êtres vivants, même celles/ceux qui n’ont pas la même couleur de peau, le même sexe ou le même système digestif. Sur la ZAD, je me bats pas juste pour le bien-être des habitant-e-s humain-e-s d’ici et d’ailleurs, mais aussi pour sauver les innombrables animaux et végétaux qui menacent d’être génocidés par leur aéroport morbide.
Ouais ouais ouais (me direz-vous), mais bon quand même, vous les végans, pourquoi aller emmerder les zadistes qui contribuent juste un tout petit peu à la domination sur les animaux, au lieu de s’attaquer à l’industrie de la viande qui est bien plus trash ?
Ben parce qu’on vit ici. Parce que les comportements d’oppression qui se produisent ici sur des animaux, ils sont exercés en grande partie par des camarades, des ami-e-s avec qui on partage par ailleurs plein de trucs hyper chouettes dans cette lutte, et que ça, ça fait mal.
Parce qu’on veut plus de l’exploitation animale dans nos luttes et qu’on fera tout pour la jarter, comme le sexisme, comme plein de comportements de merde qu’on y voit trop souvent. Notre rêve à nous, celui qu’on a en partie en commun avec plein de personnes ici, il peut pas accepter qu’on fasse souffrir des animaux au nom de la révolution.
Beaucoup de gens ici justifient l’élevage au nom de la tradition et de la culture paysannes. C’est pratique. Moi, même si j’ai envie de me ressaisir de ce qu’il y a d’émancipateur dans la culture des campagnes d’ici et de partout, je trouve que s’en revendiquer dans leur intégralité et sans autre raison qu’elles-mêmes ça rappelle bien des discours réactionnaires et nationalistes puants, qui justifient bien des dominations en évitant qu’on aille trop creuser sur pourquoi les choses sont ce qu’elles sont.
Tuer et manger des animaux en prétendant perpétuer une coutume populaire, donc forcément trop géniale, c’est surtout conserver ses privilèges d’humain-e mangeuse/eur de viande sans avoir à prendre en compte l’être qu’on assassine.
Ceci dit j’ai pas l’intention d’exclure des lieux où je vis et lutte les gens qui mangent des animaux, en fait même si je le voulais je pourrais pas. Tout dans ce monde est fait par et pour les mangeur/euses de viande, et les anormales/aux qui refusent de se conformer à cette norme sont priés de pas trop la ramener en bousculant les privilèges établis.
Et sur la ZAD, en fait, c’est la même chose dans la plupart des endroits… Il y a celles/ceux qui rejettent systématiquement les végan-e-s et véget’ à cause de leur alimentation : « oh vas-y, on fait griller des merguez pour les végans, ha ha ! ».
Il y a ceux/celles qui, si tu l’ouvres trop sur la question animale, te sortent des discours du genre : « ouais mais moi j’respecte ta manière de vivre, alors respecte la mienne ». Oui, sauf que ma manière de vivre à moi n’implique pas d’infliger douleur et mort perpétuelles à des animaux.
Y’a un côté super consumériste et libéral à vouloir mettre la tienne et la mienne sur le même plan, comme deux options de vie qui n’auraient aucune différence de valeur ou de conséquence.
Alors qu’on parle d’un côté d’une norme imposée par un ordre social qu’on est nombreux/ses à combattre, qui tue et fait souffrir des êtres à une échelle massive ; et de l’autre, d’un mode de vie qui n’est certes pas parfait, mais qui cherche à respecter le plus possible les êtres vivants dans leur ensemble.
Alors non, je peux pas respecter tes habitudes alimentaires avec leur fleuve de sang et de cadavres, que tu l’assumes ou non, et je me refuserai à le faire tant qu’il me restera une once d’empathie et de considération pour les autres.
Et j’aimerais que les gens qui ont ce genre d’attitude réfléchissent au moins un peu dessus et se rendent compte des souffrances que leur mode de vie engendre.
C’est pas facile pour moi de vivre au milieu de gens qui participent à cette exploitation omniprésente sur les animaux et qui le captent même pas, alors j’essaie de trouver des moyens pour que ça se passe le mieux possible.
Faire en sorte que les bouffes collectives soient véganes, que nos fêtes ne soient pas des rituels centrés sur la mort d’un animal, ça me paraît un minimum qu’il serait vraiment chouette de rétablir. Parce que ouais, pendant longtemps sur la ZAD on a fait comme ça et ça fonctionnait plutôt bien.
Moi et les quelques personnes sur la Zone qui nous positionnons contre l’exploitation animale, nous ne sommes pas des nazis réfractaires à tou-te-s celles/ceux qui ne pensent pas comme nous.
Nous sommes simplement ici, comme beaucoup de monde, pour combattre les oppressions qui rendent ce monde invivable, par la propagande et l’action directe. L’exploitation animale en fait partie, sur la ZAD comme ailleurs.
Perso, j’ai pas envie de devoir me mettre à utiliser les mêmes moyens de lutte contre mes camarades que contre Vinci et l’État parce qu’ils exercent le même type de domination. Ça voudrait dire que cette lutte est vraiment devenue pourrie.