La Folle journée de Nantes : la Nature

Aujourd’hui commence « La Folle journée de Nantes », un festival de musique classique qui existe depuis 1995. Cette année, plus de 300 concerts ont comme thème « la Nature » raison de plus de s’y intéresser.

Voici comment le thème est présenté :

« Pour sa 22ème édition, La Folle Journée explorera le thème universel de la Nature. Dès l’origine fascinés par l’alternance des saisons, la diversité des paysages ou le déchaînement des éléments, les hommes se sont de tous temps essayés à traduire en musique l’infinie palette de sensations que lui procurait le contact avec la Nature ; on peut ainsi dire que la musique est véritablement née de la nature, et que celle-ci n’a cessé d’inspirer les musiciens à travers les âges.

Dès l’époque de la Renaissance, et durant toute l’ère baroque, les compositeurs se plaisent à imiter les bruits de la nature, notamment le chant des oiseaux qui a toujours charmé les hommes – Clément Janequin, puis Jean-Philippe Rameau, François Couperin… – ; il s’agit alors d’une musique essentiellement descriptive.

Au début du XVIIIème siècle, le compositeur français Jean-Féry Rebel s’inscrit lui aussi dans cette veine avec une oeuvre originale : Les Éléments, qui offre une peinture musicale des quatre éléments. Mais au même moment, le regard sur la nature se fait déjà plus contemplatif, avec les Quatre Saisons de Vivaldi notamment.

C’est alors une longue tradition de musique pastorale qui se met en place, avec des compositeurs tels que Carl Stamitz (Le Jour variable) ou Justin Henri Knecht (Portrait musical de la nature), qui ouvrent la voie à la fameuse Symphonie Pastorale de Beethoven.

Propice au recueillement et à la méditation, la nature devient une confidente et joue un rôle essentiel chez les compositeurs romantiques, qui puisent l’inspiration dans leurs promenades solitaires : dans des forêts peuplées de chasseurs, d’oiseaux, d’auberges, les saisons, les éléments, la nuit et ses mystères inspirent à Schubert, Schumann, Liszt puis Brahms une multitude d’oeuvres.

Très présente également à l’orée du XXème siècle avec Gustav Mahler ou Richard Strauss, la nature inspire largement la création musicale des temps modernes : de Claude Debussy à Olivier Messiaen et Toru Takemitsu, en passant par Maurice Ravel ou Henri Dutilleux, elle continue de procurer aux compositeurs une infinité de thèmes et de générer à travers eux des émotions propres à toucher tous les auditeurs. »

Résumons ce qui est dit de manière plus parlante. La musique s’expliquerait de la meilleure manière avec le mythe d’Orphée, celui qui pleura Eurydice retenue aux enfers (car Orphée s’était retourné dans les escaliers au dernier moment en la cherchant là-bas), car il jouait de la lyre de manière magique, charmant même les animaux.

La Nature serait ainsi une base à reproduire, une source d’inspiration, une manière d’exprimer ses sens de la manière le plus poussée (le romantisme), un prétexte à l’expérimentation (la musique « moderne » ou « contemporaine »).

C’est une vision qui manque de dynamique, dans la mesure où l’on a l’impression que l’artiste est quelqu’un qui « traduit » la Nature. C’est la vision traditionnellement catholique, celle de la Renaissance, où la Nature apparaît comme une sorte de « miroir » de l’humanité indépendante.

C’est une vision très formelle, mais on ne peut guère s’attendre à mieux de la part de musiciens qui n’ont que très rarement une vision « idéologique » ou culturelle de leur approche, fonctionnant à la technique et à l’émotion.

Consciente de cette limite qui part du principe de faire un fourre-tout panorama de « musiques classiques » très diverses et n’ayant rien à voir, voire même franchement contradictoires, il y a heureusement des ouvertures à des musiques classiques du Japon ou de Perse.

Il y a également la tentative de procéder par thèmes : on a ainsi les saisons, les quatre éléments, la nuit, les pastorales, le bestiaire, les paysages, la Nature dans les textes sacrés, les Jardins.

Là aussi toutefois, il ne faut pas se leurrer, il s’agit de masquer que Vivaldi n’a rien à avoir avec Debussy, ni Sibelius avec Glass (même si ce dernier a réussi une œuvre pertinente avec le fameux Koyaanisqatsi, encore est-il que c’est une musique de film).

On notera également qu’il y a vendredi une conférence sur « La symphonie printanière des oiseaux chanteurs » et que la veille il y a des séances « Cinéma pour l’oreille » par un audio-naturaliste.

Bref, il n’y a aucune unité cohérente dans les musiques proposées, qui sont coupées de leur approche culturelle et historique, mais on peut trouver ça et là quelques œuvres très intéressantes.

Conseillons peut-être la journée de dimanche (Daquin : Le Coucou, Vivaldi : Les Quatre Saisons, Smetana : La moldau, Tchaïkovsky : Le Lac des Cygnes, ainsi que plus tôt Mozart : Sonate pour violon et piano en sol majeur K. 301, Schumann : L’oiseau prophète, extrait des Scènes de la forêt opus 82, Dvorák : Silence des bois Granados : La Jeune fille et le rossignol, extrait des Goyescas, Grieg : Petit oiseau, extrait des Pièces lyriques, Schumann/Auer : L’oiseau prophète, arrangement pour violon et piano, Casals : Le Chant des oiseaux, Rimski-Korsakov : Le Vol du bourdon, Perlman : a birdly sings, Rossini : ouverture de La Pie voleuse).