« Les éleveurs doivent pouvoir choisir d’abattre leurs animaux à la ferme »

L’hebdomadaire Marianne a publié sur son site une tribune d’un Collectif « Quand l’abattoir vient à la ferme », intitulé « Les éleveurs doivent pouvoir choisir d’abattre leurs animaux à la ferme ! ».

C’est un point de vue rétrograde au possible, bien entendu, avec cet éternel éloge de la petite production, présentée comme « éthique ».

Ce serait le « système industriel » qui serait le vrai problème, lit-on dans cette prose pétainiste, dont on se souviendra encore du passage suivant dans dix ans, comme exemple de remarque barbare :

La qualité des produits animaux repose avant tout sur une qualité morale, celle du respect des animaux.

On notera que parmi les signataires de ce collectif, on trouve notamment :

– Elisabeth De Fontenay, très souvent présentée comme une très grande philosophe pro-animaux par le milieu du bien-être animal (L214 etc.),

– le réseau France Nature Environnement, qui montre par là qu’il passe totalement à côté de la problématique animale,

– Laurent Pinatel, porte-parole de la Confédération Paysanne, qui rappelle que la ligne à la José Bové n’est qu’une nostalgie d’un passé idéalisé.

Voici la tribune.

Les éleveurs doivent pouvoir choisir d’abattre leurs animaux à la ferme !

Après des décennies d’ignorance voire d’indifférence collective quant au sort des animaux de ferme arrivant par milliers chaque jour dans les abattoirs français, un focus médiatique a récemment rappelé l’existence des abattoirs et a mis en évidence les conséquences graves de leurs dysfonctionnements structurels sur les animaux.

Les travaux de la commission parlementaire sur « les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français », en conclusion d’un grand nombre d’auditions et de la rédaction d’un rapport avançant 65 propositions, ont finalement donné lieu à une proposition de loi relative au respect des animaux en abattoirs.

Un article, notamment, de cette proposition de loi a été voté par l’assemblée le 12 janvier dernier : la mise en place de la vidéosurveillancedans les abattoirs à partir du 1er janvier 2018.

Surveiller ou changer de système ?

Même si cette mesure recueille l’assentiment d’un grand nombre de nos concitoyens, nous savons qu’elle ne constitue pas une réponse suffisante, ni même efficace, aux graves problèmes que pose la majorité des abattoirs français aujourd’hui.

Car, il faut le rappeler, les animaux sont majoritairement abattus comme ils sont produits, industriellement. Les « productions animales », ce sont les usines de production des animaux (les porcs, les volailles…) et des produits animaux (le lait, les œufs…) et les usines de transformation de cette matière animale.

Entre les deux, l’abattage, simple procédure technique de passage du vif au mort. Car, si les animaux sont produits comme des choses, ils sont également traités comme des choses à l’abattoir.

Ce n’est donc pas la surveillance de travailleurs eux-mêmes en souffrance qui changera quoi que ce soit aux conditions de vie et de mort des animaux.

C’est le système industriel qui s’impose dans nos relations aux animaux de ferme, de leur naissance à leur mort, à quoi il faut d’urgence renoncer.

L’innovation est notre culture. La qualité, notre priorité
En dehors de ces systèmes industriels, des milliers d’éleveurs travaillent de manière digne et respectueuse des animaux, de l’environnement et des consommateurs.

Mais, pour ces éleveurs, il n’existe pas d’alternatives à l’abattoir. Il reste encore sur le territoire des abattoirs « de proximité » mais ils sont le plus souvent pensés sur le modèle industriel et ils doivent répondre aux mêmes normes et aux mêmes procédures.

Autrement dit, même si des éleveurs élèvent leurs animaux dignement, ils ne peuvent se soustraire à un abattage indigne. Ils doivent déléguer l’abattage de leurs animaux à des structures opaques en lesquelles ils n’ont pas confiance.

Cette délégation obligée est cause de souffrance pour les éleveurs car ils ont le sentiment d’abandonner leurs animaux à un moment ou au contraire ils devraient plus que jamais assumer leurs responsabilités envers eux.

Une réalité : des éleveurs refusent l’abattoir

C’est pourquoi un certain nombre d’entre eux refusent l’abattoir et, de manière illégale, abattent leurs animaux à la ferme. Ils risquent en cela six mois de prison et une amende de 15 000 €.

Or, ces éleveurs cherchent simplement à être à la hauteur de leurs animaux et à être cohérents dans leur métier.

Est-il normal que ce soient ces éleveurs, qui engagent leur sens moral dans le travail, qui soient passibles de prison ?

Depuis près de deux ans, notre Collectif dénonce cette injustice et travaille au développement d’alternatives et notamment au développement des abattoirs mobiles en France.

Car nous affirmons que non. Non, ce n’est pas normal de risquer la prison parce que l’on respecte ses animaux. Les éleveurs doivent pouvoir faire un travail digne de la naissance à la mort des animaux. Pour cela, il faut qu’ils puissent avoir la possibilité de choisir et de maîtriser l’abattage.

Cela veut dire pouvoir abattre les animaux là où ils sont nés, à la ferme. Cela implique également qu’ils puissent prendre le temps nécessaire à cette étape pour les animaux et pour eux-mêmes.

Lors des auditions de la commission « Abattoirs » et lors des débats à l’Assemblée, le collectif « Quand l’abattoir vient à la ferme » a demandé à pouvoir mettre en place des expérimentations d’abattage à la ferme notamment via des abattoirs mobiles.

Ces demandes ont été rejetées laissant de nombreux éleveurs dans le désarroi. De nombreux éleveurs mais également de nombreux consommateurs.

Car l’abattage à la ferme est également une demande d’une part croissante de nos concitoyens refusant le système industriel.

Eux aussi veulent pouvoir assumer leurs responsabilités envers les animaux et pouvoir faire confiance aux éleveurs.

Il en est de même pour un grand nombre de professionnels, bouchers, chefs, artisans, vétérinaires…

La qualité des produits animaux repose avant tout sur une qualité morale, celle du respect des animaux.

Ayons enfin le courage de nos voisins Européens !

Des solutions d’abattage à la ferme existent. Elles sont mises en œuvre en Suède, en Allemagne, en Suisse… via des équipements adaptés à différentes tailles de troupeaux et différents systèmes d’élevage.

Ce qui est possible dans ces pays est possible en France. C’est pourquoi nous demandons aux pouvoirs publics français de soutenir les expérimentations d’abattage à la ferme proposées par notre Collectif. Pour les animaux, pour leurs éleveurs et pour la pérennité d’un élevage en France digne de ce nom.

Le Collectif « Quand l’abattoir vient à la ferme »

Co-signataires de cette tribune: Association en faveur de l’abattage des animaux dans la dignité (AFAAD) ; Collectif Plein Air ; Nature et Progrès ; Bio Where; Yves-Marie Le Bourdonnec (Maître Artisan-boucher et spécialiste de la maturation, Titré Meilleur boucher de Paris) ; Thierry Bedossa (vétérinaire et comportementaliste, Clinique du Pont de Neuilly ) ; Elisabeth De Fontenay(philosophe et essayiste) ; Christian Laborde (écrivain, poète, chroniqueur et pamphlétaire) ; France Nature Environnement (FNE) ; Frédéric Lenoir(philosophe, sociologue, conférencier et écrivain) ; Thierry Marx (chef cuisinier étoilé) ; Laurent Pinatel (porte-parole de la Confédération Paysanne) ; Philippe Radault (réalisateur-documentariste, auteur notamment du documentaire A l’abattoir) ; Isabelle Saporta (journaliste et écrivaine) ;Perico Légasse (critique gastronomique et rédacteur en chef de Marianne) ; Denis Fric, Pierre Froment, Paul Polis, Hubert Hiron, Nathalie Laroche (vétérinaires, GIE Zone verte).