Aïd-el-Kébir, Eid al-Adha et sacrifice

Il est impossible d’aimer les animaux et d’adhérer à une religion comme le judaïsme, le catholicisme, l’Islam.

Ce n’est pas impossible parce que nous, nous le dirions, ou parce que nous ne le voudrions pas, mais c’est tout simplement impossible pour des raisons juridiques.

Quand on pense à une religion, on pense parfois à la spiritualité ou la culture. Ce n’est pas vrai : toute religion a des fondements et un clergé. Toute religion a un code juridique très strict, et quand nous disons juridique nous ne disons pas « éthique » mais juridique : toute infraction amène l’exclusion automatique et sans discussion de la communauté religieuse.

Si nous rappelons cela, c’est parce que Droit des Animaux – que nous avions critiqué pour avoir soutenu Charlie Hebdo au nom de la « liberté d’expression » – a tenté un retournement à 180°.

Désormais, il serait « islamophobe » de considérer que « l’Islam serait définitivement incompatible avec les droits des animaux », alors que c’est pourtant une évidence, tout comme pour le judaïsme et le christianisme…

Sacrifice du mouton lors de l’Aïd-el-Kébir : un massacre inutile et anachronique

News du 06/11/2011

Suite à la fête de l’Aïd-el-Kébir, il n’est pas inutile de visionner l’intervention du Professeur Abdelwahab Meddeb sur France Culture en 2009. L’auteur de Sortir de la malédiction : L’islam entre civilisation et barbarie (Seuil, 2008) fait preuve d’un certain courage et d’une intelligence qu’il convient de saluer. Loin des préjugés islamophobes selon lesquels l’Islam serait définitivement incompatible avec les droits des animaux (ou les droits humains), il prouve que cette religion, comme les autres, peut s’adapter aux réalités contemporaines. Nous espérons que les musulmans qui ne souhaitent plus participer au massacre pourront à l’avenir s’en inspirer.

Rappelons que le sacrifice du mouton n’est nullement nécessaire à célébration de la fête de l’Aïd-el-Kébir : voir le dépliant Islam et droits des animaux.

Il y a là une tentative de « mise en boîte » pas du tout sérieuse. Le sacrifice d’un mouton n’est pas obligatoire uniquement quand il n’est pas possible de le mettre en œuvre…

Cela ne veut pas dire qu’il ne soit pas obligatoire en général. Il y a là une escroquerie. Que les responsables religieux musulmans tentent de « moderniser » ou bien de faire passer la pilule d’un tel abattage, on peut le comprendre. Il s’agit de faire avancer leurs pions dans la société, comme toutes les religions le font.

Mais que la protection animale fantasme sur les possibilités d’une religion à se nier elle-même, là on est dans l’incohérence.

Regardons donc les faits, sans racisme ni préjugés aucun sur les apports des cultures où l’Islam s’est développé. Regardons seulement la religion dans ce qu’elle est – une pratique, dont les commandements sont écrits, codifiés, et là avec le Coran en l’occurrence les paroles sont elles-mêmes divines, donc sacrées et non discutables dans l’Islam.

Déjà, il est erroné de parler de l’Aïd-el-Kébir, qui signifie « la grande fête » au Maghreb ; la véritable expression est « Eid al-Adha », qui signifie la fête du sacrifice.

Rappelons l’histoire, déjà pas vegan pour un sou : Dieu demande à Abraham de sacrifier son enfant Ismaïl, Abraham se soumet bien sûr, mais au dernier moment l’archange Gabriel envoie un mouton pour se faire sacrifier à la place de l’enfant. Il s’agissait seulement pour Dieu de vérifier la soumission d’Abraham.

Est-ce là une morale vegane ? Évidemment pas !

Maintenant, est-il possible de remplacer l’animal par un don symbolique ?

Vue l’importance de l’histoire à l’origine de la fête du sacrifice, on voit bien que c’est impossible… Dans l’histoire originelle, c’était un animal…  Dans le Coran, comme dans la Bible, c’est bien un animal qui est sacrifié.

Voici justement la Sourate 37 du Coran, qui raconte cette histoire qu’on trouve également dans la Bible (« ancien testament ») donc :

102. Puis quand celui-ci fut en âge de l’accompagner, [Abraham] dit: «Ô mon fils, je me vois en songe en train de t’immoler. Vois donc ce que tu en penses». (Ismaël) dit: «Ô mon cher père, fais ce qui t’es commandé: tu me trouveras, s’il plaît à Allah, du nombre des endurants».

103. Puis quand tous deux se furent soumis (à l’ordre d’Allah) et qu’il l’eut jeté sur le front,

104. voilà que Nous l’appelâmes «Abraham!

105. Tu as confirmé la vision. C’est ainsi que Nous récompensons les bienfaisants».

106. C’était là certes, l’épreuve manifeste.

107. Et Nous le rançonnâmes d’une immolation généreuse.

Par « immolation généreuse » on entend ici un animal. D’ailleurs, lors du pèlerinage à la Mecque, on a le même principe.

Voici ce que dit la Sourate 22, Al-Hajj, Le pèlerinage, versets 27 et 28 :

 « Lance parmi les hommes l’appel au pèlerinage : ils viendront à toi à pied ou sur quelque bête amaigrie, affluant de tout profond défilé § pour participer aux avantages qui leur ont été accordés et pour invoquer le nom de Dieu, en des jours bien déterminés, sur Notre attribution, sous la forme d’une bête de troupeau : Mangez-en et nourrissez-en le malheureux indigent »

Et voici ce que dit la Sourate 22, Al-Hajj, Le pèlerinage, verset 34 :

« A chaque communauté, Nous avons assigné un rite sacrificiel, afin qu’ils prononcent le nom d’Allah sur la bête de cheptel qu’Il leur a attribuée. Votre Dieu est certes un Dieu unique. Soumettez-vous donc à Lui. Et fais bonne annonce à ceux qui s’humilient, »

Nous avons ici quelque chose d’évident : même si on peut tordre le bâton abstraitement, la question de l’abattage rituel lors de la fête du sacrifice – en pratiquant un sacrifice « symbolique » – on ne le peut nullement lors du pèlerinage.

Vue l’importance du pèlerinage, vue l’importance de l’épisode d’Abraham, on voit bien qu’on est loin de la philosophie végane.

D’ailleurs, la question du sacrifice revient souvent dans l’Islam, tel que défini par la Sourate 108, Al-Kawthar, L’abondance, versets 1 à 3 :

« Nous t’avons certes, accordé l’Abondance. § Accomplis donc la prière pour ton Seigneur et sacrifie. § C’est certes celui qui te hait qui est sans postérité »

Il faut sacrifier. Et la présence de l’animal est inévitable. D’ailleurs, l’Islam accorde une grande importance aux hadiths, les témoignages censés raconter que le prophète a dit ou fait dans telle ou telle stuation.

En voici un, par Ahmad et Al-Bazzâr:

« Lors de la fête d’Al-Adhâ, le Messager d’Allâh — paix et bénédictions sur lui — achetait deux gros boucs cornus et majoritairement blancs. Après qu’il eut prié et prêché, il amenait l’un des deux boucs sur son lieu de prière et l’immolait lui-même avec un couteau, disant : “Ô Allâh, ceci est de la part de ma communauté toute entière, de la part de toute personne (de ma communauté) ayant témoigné de Ton Unicité et témoigné que j’ai transmis (le Message).”

Puis, on lui apportait le second bouc qu’il immolait lui-même disant : “Ceci est de la part de Muhammad et de la famille de Muhammad.” Ensuite, il distribuait leur viande aux pauvres et en mangeait lui et sa famille.

De nombreuses années passèrent sans que nous ayions vu un homme des Banû Hâshim offrir de sacrifice, car Allâh, par le geste de Son Messager, les avait exemptés — paix et bénédictions sur lui — et dispensés de cette dépense. »

Il existe de nombreux autres hadiths, bien entendu, notamment concernant l’animal (il ne doit pas être borgne, ni émacié, ni malade, etc.), dont la désignation est « Al-Udhiyah. »

Tout cela pour dire finalement que prétendre qu’une religion pourrait s’adapter à ce qu’on appelle la modernité, c’est ne rien comprendre au caractère obscurantiste et dépassé de la religion aujourd’hui. La religion a été un vecteur de culture face à la barbarie passée, elle transporte des espoirs souvent. Mais imaginer qu’une religion pourrait se conformer au véganisme, c’est de l’escroquerie intellectuelle.