Rimbaud, La Rivière de Cassis

Ce qui manque bien sûr en France, c’est de célébrer la Nature, non pas pour ce qu’on imagine voir à travers elle, mais pour elle-même, comme réalité sensible. Rimbaud fait bien sûr partie de ceux et celles qui ont essayé d’aller en ce sens.

La Rivière de Cassis

La Rivière de Cassis roule ignorée
En des vaux étranges :
La voix de cent corbeaux l’accompagne, vraie
Et bonne voix d’anges :
Avec les grands mouvements des sapinaies
Quand plusieurs vents plongent.

Tout roule avec des mystères révoltants
De campagnes d’anciens temps ;
De donjons visités, de parcs importants :
C’est en ces bords qu’on entend
Les passions mortes des chevaliers errants :
Mais que salubre est le vent !

Que le piéton regarde à ces claires-voies :
Il ira plus courageux.
Soldats des forêts que le Seigneur envoie,
Chers corbeaux délicieux !
Faites fuir d’ici le paysan matois
Qui trinqué d’un moignon vieux.

Arthur Rimbaud, Derniers vers