Écuras: le procès

Nous avions parlé tout récemment de l’appel aux dons d’un refuge suite à une découverte affreuse à Ecuras (voir ici). Le quotidien Sud Ouest a mené un travail journalistique assez conséquent en présentant le procès, mais également le point de vue des partisans de la « protection animale. »

Voici le compte-rendu du procès par une journaliste:

10 h 25
« Les animaux étaient devenus des objets de consommation presque jetables. La maison était vidée de ses principaux meubles: seuls étaient restés les animaux », dit le procureur Martin Vivère-Darviot. Il requiert 6 mois d’emprisonnement avec sursis et 120 heures de travaux d’intérêt général contre Julie, huit mois d’emprisonnement avec sursis contre Geneviève. Et demande la confiscation de l’ensemble des animaux. Le délibéré sera rendu le 21 juin.

10h15
« Elles ont fait le choix malsain de cacher les animaux, portes fermées à clé, volets fermés: les animaux étaient à l’abri des regards », fait remarquer Me Patrice Grillon, avocat de l’Association nationale pour la défense des animaux et la fondation Stéphane Lamart.

10h10
Avocate du refuge SPA, Me Marie-Géraldine Coupey rappelle le calvaire de Shakira, une femelle labrador enfermée à l’étage avec ses chiots : « On a laissé une chienne manger ses chiots un par un. Dans les selles de l’animal, on a retrouvé des poils et une petite griffe. Cette chienne a mangé ses chiots pour survivre. » Rebaptisée Maya, la chienne a été sauvée in extremis. Elle marche à nouveau depuis le début de la semaine.

10 heures
Julie, à qui le juge reconnaît « le courage d’assumer » à l’audience, touche le RSA. Elle suit une formation « dans l’agriculture ». Le procureur veut en savoir plus: « Dans quel secteur? » Réponse de Julie: « L’élevage de chèvres laitières » Le procureur: « Vous vous en sentez capable? » Julie: « Je vais bien voir »

9h50
Les ex-compagnes se renvoient la responsabilité du sort des animaux: « on en avait trop, on avait beau en parler, à chaque fois, elle se braquait », dit Julie. Le procureur se lève: « Vous attendiez quoi, qu’ils décèdent petit à petit? » Réponse de Julie: « On est deux à prendre des décisions. »

9h45
« J’allais les voir à peu près tous les jours », souffle Julie, à la barre, depuis son départ de la maison d’Ecuras, « le 5 ou 6 du mois dernier ». Nourrissait-elle la vingtaine de chiens, chats et brebis: « J’y suis allée plusieurs fois. Quand il me restait des croquettes, j’en amenais. »

9h15
Pantalon taille basse, main dans les poches, Julie, 27 ans, comparaît ce matin devant le tribunal correctionnel d’Angoulême pour abandon volontaire d’animaux.

Le 20 mai, une quinzaine de chiens et chats avaient été retrouvés morts ou faméliques à leur ex-domicile d’Ecuras, déserté depuis plusieurs semaines. Geneviève, son ex-compagne, elle aussi poursuivie, ne s’est pas présentée devant le tribunal.

La salle d’audience est bondée : nombre de bénévoles de la SPA de Mornac portent sur eux l’image d’une des bêtes recueillies au refuge

Voici le second article, où l’on voit par contre l’incapacité terrible, et absurde, des personnes pour la protection animale à avoir une vue d’ensemble. C’est le paradoxe: un courage plein d’abnégation et de sacrifice d’un côté, et de l’autre une incompréhension du véganisme et de la libération animale. Le prix à payer est bien entendu une terrible souffrance psychologique, de par la contradiction que cela induit !

Animaux maltraités en Charente: « Nous voulons que la peine soit exemplaire »

Trente bénévoles de la SPA assistent au procès, ce vendredi à Angoulême. Ils ne toléreront « aucun comportement ou propos violents »

Maya ne quitte plus Nadine Boissout. « Elle marche depuis deux jours », dit la directrice de la SPA de Mornac. Un petit événement pour la maigrichonne femelle labrador, à bout de forces dans la maison d’Écuras le jour où gendarmes et bénévoles du refuge l’ont trouvée.

C’était samedi 20 mai, avec 11 autres chiens, trois chats et une chèvre livrés à eux-mêmes. Ce vendredi matin, leurs maîtresses, Geneviève, 40 ans, et Julie, 27 ans, seront jugées par le tribunal correctionnel d’Angoulême pour abandon volontaire d’animaux domestiques.

À Mornac, impossible de manquer le chenil estampillé « chiens d’Écuras » où se trouvent la plupart des animaux remis à la SPA. Et nul besoin de dresser le triste inventaire des côtes saillantes : certaines ont encore le regard apeuré mais, en quinze jours, toutes les bêtes se sont remplumées.

Seule mauvaise nouvelle, un des trois chats recueillis n’a pas survécu. L’élan de solidarité relayé par la presse et les réseaux sociaux s’est traduit par un afflux de dons s’élevant à 8 000 euros. Une somme inespérée à l’heure de régler les nombreux soins vétérinaires des bêtes, l’achat de nourriture, etc.

Et si le petit monde du refuge tourne beaucoup autour des bêtes d’Écuras depuis deux semaines, l’épilogue en sera sans doute l’audience matinale du tribunal correctionnel. Une trentaine de bénévoles du refuge y sont annoncés au tribunal. Et trois autres associations nationales de protection des animaux, dont la fondation Brigitte-Bardot et 30 Millions d’amis, devraient être aussi représentées.

Nadine Boissout n’avait pas retenu ses larmes en trouvant Maya derrière une porte à l’étage de la maison. Sans espoir, le labrador avait dévoré ses propres chiots, probablement déjà morts.

« On voudrait une punition exemplaire. C’est de la cruauté que de les avoir laissés enfermés derrière des portes. On sera la voix des animaux : on nous dit parfois “ce ne sont que des chiens !” Mais ce sont des êtres sensibles, doués d’émotion. »

Reste à canaliser la colère des particuliers qui se rendront au tribunal. Katia Amirault-Faury, présidente du refuge, y veille : « Il y a parfois des commentaires extrêmement véhéments sur les sites Internet. Il ne faut pas assimiler ces comportements agressifs au refuge », prévient-elle.

D’où le message explicite qui tourne en boucle sur la page d’accueil du site Internet de la SPA de Mornac : « Nous voulons que la peine soit exemplaire et nous devons tous nous comporter de manière exemplaire. Le refuge ne tolérera aucun comportement ou propos déplacés et violents à l’égard des auteures des faits. Toute personne désirant assister au procès devra garder le silence par respect pour le tribunal. » Et de préciser à toutes fins utiles que « banderoles et panneaux sont interdits ».

Un procès auquel sont suspendus Maya et toute la petite troupe d’Écuras. Les demandes d’adoption ne manquent pas au refuge, maisles animaux devront attendre l’issue du procès avant de trouver un nouveau maître : ce sera au juge de confisquer – ou pas – les animaux à leurs propriétaires.

Les deux femmes encourent jusqu’à deux ans d’emprisonnement.