Élisabeth de Fontenay ne « supporte » pas l’antispécisme des années 1970

On aurait largement tort de ne pas voir la grande dimension catholique qui pollue en France la défense des animaux. Il existe une idéologie très forte faisant des animaux une sorte de Christ des temps modernes.

D’où les « témoignages » en faveur de ce « martyr », avec les panneaux symboliques devant les magasins, le fait de s’allonger en nombre, etc. Les animaux sont toujours présentés selon leur aspect passif, en souffrance, victime, martyr, etc.

Nous avions déjà parlé d’Élisabeth de Fontenay, encore récemment au sujet d’un livre sorti il y a peu (« Les animaux aussi ont des droits » : Élisabeth de Fontenay, voir aussi Élisabeth de Fontenay, « philosophe » pas militante!). Les réponses qu’elles donnent à une interview du quotidien La Croix, il y a deux jours, sont édifiantes.

Sans doute la pauvre « philosophe » pensait-elle qu’on était encore il y a 20 ans et que seules les personnes lisant La Croix auraient accès à sa prose ouvertement religieuse…

L’animal vaut-il l’homme ?

E. F. : Connaissez-vous l’antispécisme des années 1970, qui affirme qu’il n’y a aucune raison de privilégier l’animal humain sur les autres animaux ? Je ne peux pas supporter ça !

Ce n’est pas parce que je fais une critique d’un propre métaphysique de l’homme, d’un propre prométhéen, d’un propre arrogant, que j’accepte l’idée qu’il n’y a pas de genre humain.

Est-ce que, dans ma volonté forte de maintenir une différence humaine, il n’y a pas au fond ma formation chrétienne, catholique, que je ne peux pas détruire en moi ?

C’est très beau, cette idée du Christ qui est mort pour sauver tous les hommes.

En même temps, c’est terrible qu’il ne soit pas mort pour sauver tous les êtres qui souffrent, et pas seulement les hommes. Je suis d’une ambivalence pénible par rapport à tout ça.

Notre supériorité sur l’animal tient finalement dans notre devoir de soin ?

E. F.  : J’ai du mal à employer le mot « soin ». Je n’aime pas beaucoup ce concept. Je suis très juriste.

Mon refus de ne pas séparer le genre humain du restant du règne animal n’est pas métaphysique. Même si je parle de transcendance de l’animal.

Ce n’est pas la transcendance au sens de Levinas, parce que l’animal n’est pas l’Autre, n’a pas de Visage.

Est-ce le sacré ? J’emploie ce mot de « transcendance » pour ne pas employer celui de « sacré », mais c’est bien quelque chose de cet ordre : le mystère ontologique, l’énigme de l’Être.

L’énigme de l’Être, pour moi, est dans l’être vivant, aussi bien dans une couleuvre que dans un homme. Nous avons besoin d’une énigme pour vivre. Nous avons besoin d’une transcendance.

Toute démarche scientifique, matérialiste, réductionniste à propos de l’esprit et du vivant m’est insupportable.

Élisabeth de Fontenay, comme déjà dit, n’est pas végan (ni même végétarienne), et c’est logique, car elle est dans une démarche rationnelle.

Or, le problème du catholicisme comme idéologie, c’est qu’on peut séparer la théorie de la pratique, au moyen du purgatoire et de la confession. Nombre de gens soutenant la Fondation Bardot ou même les SPA sont précisément dans une telle dynamique : leur « témoignage » en faveur des animaux va de pair avec un refus de regarder les choses en face de manière rationnelle.

« Témoigner », c’est « libérer » sa conscience et soi-disant s’aligner sur l’idéal, toujours impossible, d’un monde « meilleur » qu’on aimerait voir se réaliser, mais qu’on « sait » impossible.

C’est pourquoi Élisabeth de Fontenay peut regretter que les animaux souffrent, témoigner à ce sujet, mais en même temps vivre comme tout le monde. Elle peut accepter la coupure entre théorie et pratique, en toute hypocrisie.

Et au passage, elle peut diffuser une idéologie mystique religieuse sur l’énigme de la vie, le mystère de la création, etc. etc., afin de masquer tout cela.

Il n’est pas difficile de voir à quel point certaines pratiques militantes sont marquées par cette idéologie du « témoignage », rejetant le rationalisme pour en appeler à une contemplation non pas de la réalité naturelle, mais d’une figure néo-christique : l’animal « martyr », victime du « mal. »