L’esthétique de l’infidélité

Le principe d’une société fondée sur la consommation sans limites, c’est justement que tout est consommable. Par conséquent, les sentiments eux-mêmes ne sont plus seulement secondaires : ils deviennent eux-même des produits de consommation.

La vie ne serait qu’une « aventure » où il faut non pas construire (c’est le principe de la culture), mais rechercher une certaine « ivresse ».

Le problème aujourd’hui dans notre pays, c’est que les principaux opposants à ce qu’on doit appeler une décadence libérale-libertaire, ce sont les religieux.

On est donc coincé entre les partisans du moyen-âge et ceux d’un monde où tout s’achète… L’horreur !

On a un exemple de cela en ce moment avec le procès lancé par les « Associations familiales catholiques » contre l’entreprise Gleeden.

Évidemment, ce ne sont pas les sentiments que défendent ici les catholiques, mais le mariage. Ainsi, l’entreprise est visée pour ses publicités qui ne respecteraient pas l’article du code civil rappelant « l’obligation de fidélité entre époux ».

Voici quelques exemples de ces publicités affreuses, développant directement le discours anti-sentiment, anti-morale.

C’est un éloge de la tromperie pur et simple, qui est, c’est un aspect important, totalement esthétisé. Il y a une esthétique de la tromperie, qui rendrait pour ainsi dire « beau », car on serait plus « libre », plus « authentique », plus soi-même.

Le couple, ce serait pour la forme, pour se rassurer, mais la « vraie vie » serait ailleurs. Il faut quelque chose de plus « piquant », de plus « vivant »…

Voici ce qu’on peut lire par exemple sur le blog de Gleeden, comme présentation de l’article « L’infidélité, une rencontre avec soi » :

« Dans cette chronique, Marie-Carmen Garcia, sociologue de renom et experte Gleeden apporte un regard nouveau sur l’amour adultère. Plus qu’une rencontre avec l’autre, la relation extra-conjugale, par son caractère non-officiel, serait une rencontre avec soi, ses propres désirs et sentiments. Décryptage. »

Et voici un extrait de l’article, pratiquement poétique dans son éloge de la tromperie comme retour sur soi-même, comme découverte de soi, etc.

C’est surtout un éloge de la schizophrénie :

« L’amour passionnel ne peut feindre : il contraint les amants à se dévoiler l’un à l’autre, il bouscule les certitudes sur soi et sur la vie que l’on mène.

Aimer dans la clandestinité peut ainsi conduire à faire connaissance avec une partie de soi méconnue, d’imaginer d’autres avenirs que l’horizon que dessine le couple officiel ; de se découvrir des goûts, des centres d’intérêts, des manières de faire et de voir ignorées jusqu’alors. (…)

Lorsque les sentiments sont puissants, que les corps et les esprits se cherchent inlassablement, s’exaspèrent des absences contraintes et se retrouvent avec une fougue à chaque fois renouvelée, il est à parier que le partenaires vivront une expérience inédite tout à la fois heureuse et terrifiante.

Le bonheur d’être soi, d’aimer, d’être aimé d’une part ; la crainte qu’une attirance aussi singulière et violente ne vienne mettre en question la vie que l’on a longuement et patiemment construite, d’autre part.

En amour, on ne choisit pas seulement un partenaire, on choisit aussi (et peut-être surtout) la personne que l’on veut être. Dans certains cas, la tension interne que suscite l’expérience de la passion adultère conduit les personnes à mettre fin à leur relation occulte ; dans d’autres cas, elle les conduit à mettre fin à leur union officielle mais dans de nombreux cas, elle les porte à exister de manière différente dans deux relations.

D’un côté, on continue d’une certaine manière d’être la personne « que l’on a toujours été » et l’autre on est la personne que l’on « aurait pu être » et que l’on rencontre enfin.

L’amour adultère est donc avant tout une rencontre avec un « autre soi » méconnu ou inconnu révélé dans la relation avec l’amante ou l’amant. Il peut être à la source d’un cheminement personnel fascinant ou au contraire de terribles angoisses.

Quoi qu’il en soit, dans nos sociétés où l’infidélité n’est plus condamnée que par la morale « bien pensante », l’amour adultère peut pour certaines personnes constituer un chemin vers la connaissance de soi. »

Ainsi, LTD relèverait de la morale « bien pensante »… bien qu’en fait, pour ces gens, toute morale est bien pensante.

Ce qui est juste : la morale, c’est faire la différence entre le bien et le mal. La société de consommation n’a pas besoin de cela.