« Cela a été la tragédie de ma vie »

La figure de Gandhi est parfois utilisée pour mettre en avant un rapport différent aux animaux. Voici sa position à ce sujet, qu’il a exprimé dans un discours au Meeting de la société végétarienne de Londres, le 20 novembre1931.

Gandhi était une sorte de décroissant, défendant à la fois une sorte d’hindouisme « léger » mais sans animosité aucune envers les autres religions, et lui-même a été profondément influencé par le jaïnisme. Mais dans l’extrait ici présenté, il pose également la question du lait, dont il aurait aimé se passer (on peut bien entendu toujours se passer de lait, mais accordons lui ici le bénéfice du doute en raison de la situation particulière et pauvre de l’Inde alors).

Si un végétarien tombe malade, et qu’un médecin lui a prescrit du viandox, alors je ne dirais pas de lui qu’il est végétarien. Un végétarien est d’une autre trempe.Pourquoi? Parce que c’est pour la construction de l’esprit et non du corps. L’homme est plus que de la viande. C’est l’esprit dans l’homme qui nous intéresse.

Les végétariens devraient donc avoir ce fondement moral – qu’un homme n’est pas né comme un animal carnivore, mais né pour vivre des fruits et des plantes que la terre fait pousser. Je sais que nous devons tous faire faute. Je cesserais le lait si je pouvais, mais je ne le peux pas.

J’ai fait cette expérience un nombre de fois incalculable. Je ne pouvais pas, après une maladie grave, retrouver mes forces sans revenir au lait. Cela a été la tragédie de ma vie.

Mais le fondement de mon végétarisme n’est pas physique mais moral. Si on me disait que je mourrai si je ne prenais pas de bœuf ou de thé de mouton, même après avis médical, je préférerais la mort.

C’est le fondement de mon végétarisme. J’aimerais penser que tous ceux d’entre nous qui se disent végétariens aient ce fondement.

Il y avait des milliers de mangeurs de viande qui ne sont pas restés les mangeurs de viande.

Il doit y avoir une raison précise pour que nous fassions ce changement dans nos vies, pour que nous adoptions des habitudes et des coutumes différentes de celles de la société, même si parfois ce changement peut offenser ceux qui nous sont les plus proches et les plus chers.

Pour rien au monde vous ne devriez sacrifier un principe moral.

Par conséquent, le seul fondement pour avoir une société végétarienne et proclamer un principe végétarien est, et doit être, un fondement moral. Je ne vais pas vous dire, en tant que je vois et j’erre dans le monde, que les végétariens, dans l’ensemble, jouissent d’une bien meilleure santé que les mangeurs de viande.

J’appartiens à un pays qui est principalement végétarien par habitude ou par nécessité. Je ne peux donc pas témoigner que cela montre une bien plus grande endurance, un bien plus grand courage ou bien moins de maladie. Parce que c’est une chose personnelle particulière. Cela exige une obéissance, et une obéissance scrupuleuse, à toutes les lois de l’hygiène.

Je pense donc que ce que les végétariens devraient faire c’est, non pas insister sur les conséquences physiques du végétarisme, mais explorer les conséquences morales.

Tandis que nous n’avons pas encore oublié ce que nous partageons en commun avec la bête, nous avons pas suffisamment conscience qu’il est certaines choses qui nous différencient de la bête. Bien sûr, il y a des végétariens dans la vache et le taureau – qui sont de meilleurs végétariens que nous – mais il y a quelque chose de bien plus haut qui nous appelle dans le végétarisme.

Je pense donc que, durant les quelques minutes où je m’accorde le privilège de m’adresser à vous, je soulignerais juste le fondement moral du végétarisme. Et je dirais que j’ai trouvé dans ma propre expérience, et l’expérience de milliers d’ami et de compagnons, qu’il trouve satisfaction, pour autant que le végétarisme est concerné, du fondement moral qu’ils ont choisi pour soutenir le végétarisme.