Clément Méric, pas végétalien pour wikipédia

Cela fait deux mois que Clément Méric a été assassiné par un activiste d’extrême-droite, le 5 juin 2013. Nous avons parlé naturellement de cela, dans plusieurs articles, notamment à partir du fait que nous avions parlé de la présence de son futur assassin lors d’une manifestation parisienne contre la fourrure.

Cette fois, nous voulons parler d’une chose que l’on peut constater, deux mois après : s’il a été dit par certains journalistes que Clément Méric était « végétalien » et « antispéciste », on n’en sait, publiquement, strictement pas plus aujourd’hui.

Cela est tellement vrai que sur la page wikipédia, toute référence au végétalisme a été expulsée. On peut trouver dans la page de discussion consacrée à « Affaire Clément Méric » un petit faux débat sur cette question, car les auteurs de wikipédia y exprimant leur avis sont unanimes, leur position étant, pour résumer, « on s’en fout. »

Voici quelques petits exemples de ce que cela donne, car si les avis sont unanimes, les points de vue sont nombreux :

La mention « végétalisme » et antispécisme, dont Clément Méric aurait été partisan et pratiquant, a été légitimement retirée du RI [résumé introductif – LTD]. Cette ponction est d’ailleurs intervenue à bon escient puisque l’évolution du titre axe désormais le contenu de l’article davantage sur l’affaire et ses conséquences plutôt que de se focaliser sur le seul protagoniste.

Pas très favorable à parler ici de « végétalisme » et antispécisme, pour deux raisons :

Tout d’abord, est-ce réellement pertinent dès lors que le sujet est l’affaire, et ce qui y touche ?

D’autre part, ça me semble assez POV [fait de donner un avis « personnel » – LTD], dans la mesure où il me semble assez probable que la vraie raison de mentionner ces deux points est de montrer Clément Méric sous le jour d’une créature innocente, proche de la nature, ne faisant pas de mal à une mouche, etc..

Si Esteban Murillo est militant antispéciste – ce qu’il est effectivement, selon la source – on peut penser, en toute logique, qu’il est végétarien/végétalien comme sa compagne : mais sait-on jamais, pour ce qui est de la logique dans ces milieux militants ? De toute manière, cette histoire de végétalisme et d’antispécisme n’a pas grand intérêt. En outre, certains pourraient effectivement trouver que cela donne à l’un comme à l’autre un côté « sympathique » ; mais à l’inverse, certains pourraient penser que, du fait de leur militantisme antispéciste commun, Clément Méric et Esteban Murillo étaient aussi affligeants l’un que l’autre. Bref, ça n’apporte strictement rien d’en parler, et surtout je doute que la bagarre ait été causée par un désaccord interne au milieu antispéciste.

Tout ce mélange est bien entendu assez triste, et il est frappant de voir comment la question animale n’est pas du tout comprise comme une actualité, mais bien comme une sorte de vague folklore délirant qu’il n’est pas la peine de mentionner. Alors que tout cela est au cœur de la question qui se pose au 21e siècle…

Rappelons nos articles au sujet de l’assassinat de Clément Méric: Des ultra-nationalistes à la manifestation parisienne contre la fourrure / Une réponse du Collectif de la Marche contre la fourrure / Clément Méric était végétalien / Le meurtrier de Clément Méric était à la « manifestation contre la fourrure » / « Vigilance Végane Antifasciste »

Le meurtrier de Clément Méric était à la « manifestation contre la fourrure »

Nous avions parlé du fait que Clément Méric était végétalien ; or, il s’avère que son meurtrier était présent à la fameuse manifestation parisienne contre la fourrure où il y avait des activistes ultra-nationalistes.

Il était avec eux et l’information a même été rendue public par un autre militant ultra-nationaliste (d’une autre organisation cependant), Alexandre Gabriac, sur son compte twitter.

Gabriac Alexandre GABRIAC 8 Juin

#Esteban un assassin ? Pendant que #ClementMéric chassait du nationaliste, Esteban luttait pour la cause animale. pic.twitter.com/SXNh5RahN0

Voici l’image qui a été publiée en même temps sur Twitter.

L’information a été rediffusée par la suite, notamment par Laurent de Boissieu, journaliste politique au quotidien catholique La Croix, qui en profite pour tacler au passage la libération animale :

l’extrême droite païenne est depuis longtemps impliquée dans les associations de défense des « droits des animaux », refusant par anti-judéochristianisme la valeur différente donnée dans la Bible entre la vie humaine et la vie animale (sacrifice par Abraham d’un bélier et non de son fils Isaac ou Ismaël pour les musulmans, Genèse 22, 1-19). Ce qui n’empêche bien entendu pas par ailleurs un juif, un chrétien ou un musulman de s’opposer à la souffrance animale!

Le journal gratuit Metronews a donné également cette information, qui va avec puisque la personne dont il est parlé était également présente à la manifestation contre la fourrure, parmi les ultra-nationalistes :

« Depuis qu’il est installé dans la capitale, le jeune homme, devenu agent de sécurité, ne vit pas seul. Il a rencontré Katia, de 12 ans son aînée, et habite chez elle. Végétarienne convaincue, elle milite pour la cause animale. »

Tout cela est pour le moins surprenant, et en même temps pas du tout. En fait, si jamais Clément Méric était passé à cette manifestation, il aurait donc été présent en même temps que son meurtrier ! C’est quelque chose de tout à fait possible…

Mais est-ce bien étonnant ? La question animale est une grande question du 21e siècle, parce que la Nature est la grande question du 21e siècle. Il s’agit de reconnaître Gaïa, et donc de reconnaître la sensibilité.

Au pays où la philosophie mécaniste de Descartes a totalement triomphé, c’est évidemment encore plus révolutionnaire qu’ailleurs. C’est une question qui brûle les doigts, c’est une question qui polarise immédiatement. Bref, c’est révolutionnaire, au grand dam des partisans de la protection animale qui aimeraient bien que cela ne soit pas et que cela se réduise à une question de morale chrétienne.

Est-ce que cela veut dire alors que le meurtrier de Clément Méric était un « révolutionnaire » ? Dans son imaginaire, c’était le cas, et c’est pourquoi il ne pouvait pas éviter la question animale. Il ne pouvait pas éviter cela. Aucune personne sincère et révolutionnaire ne peut éviter la question animale.

Bien sûr il ne pouvait pas pour autant être vegan, car pour cela il faut comprendre la question de la libération animale, la question de la Nature. C’est ce qu’a compris par exemple Sebastian Angermüller.

Sebastian Angermüller a été un cadre nazi en Allemagne pendant 10 années de sa vie ; militant « nationaliste autonome », il a été l’un des artisans de la mise en avant de la question animale à l’extrême-droite.

Mais il s’est aperçu que bien sûr c’était contradictoire. Le fascisme et la libération animale s’opposent ; il a donc rejoint l’antifascisme. Et à part une brève période (2007-2008), les nazis allemands ont abandonné la question animale.

Mais ils reviendront, inévitablement, ils doivent le faire, et plus haut nous citions Alexandre Gabriac, qui vantait l’engagement pour la cause animale du meurtrier de Clément Méric. Il ne faut pas se leurrer : Alexandre Gabriac n’en a rien à faire de la cause animale, et encore moins de la libération animale.

Ceci dit et toutes proportions gardées, le végétalisme de Clément Méric a pu également être mis en avant de-ci de-là comme une « valeur éthique », par des gens n’ayant rien à voir avec le véganisme…

C’est ça qui est le plus frappant. Le véganisme n’est pas partout loin de là, et pourtant il est partout. La question animale est incontournable, et elle est révolutionnaire. Elle est quelque chose qui parle, mais encore faut-il que ce soit de manière appropriée.

Le meurtrier de Clément Méric aurait-il suivi la voie de Sebastian Angermüller? Peut-être pas, mais en tout cas, le résumer à un « individu » n’a pas de sens et c’est nier sa quête de radicalité.

Et justement le végétarisme est acceptable par le fascisme, pas le véganisme. Les personnes organisant la marche contre la fourrure avaient réagi de manière claire suite à notre critique de la présence de fascistes dans leur manifestation.

Nous disions que c’était irréaliste, et là alors qu’un des fascistes s’est avéré être un assassin, ce que disaient notamment les personnes organisant la manifestation s’avère faux :

« Voilà pourquoi nous n’exclurons pas si nous pouvons nous retrouver sur un thème commun. Nous n’exclurons pas si le message partagé est le même. Nous ne demandons pas aux gens de venir avec

leur carte politique mais juste avec leur cœur. Si pendant cette Marche, nous pouvons aussi toucher les humains pour qu’ils abandonnent leur haine contre les autres humains, pourquoi ne pas le faire ? »

Si le thème est révolutionnaire, alors cela est vrai, mais la lutte contre la fourrure est une lutte d’arrière-garde, qui n’est pas à la hauteur des enjeux.

Si la manifestation contre la fourrure avait vraiment été progressiste, alors un jeune de 20 ans vivant à la campagne et étant à moitié espagnol n’aurait pas continué à être un nazi six mois plus tard, frappant à mort un végétalien.

C’est malheureusement aussi simple que cela, et c’est cela qui est dramatique, et non tragique.

Clément Méric était végétalien

Hier, à l’annonce du décès de Clément Méric suite à une agression par des skinheads (dans leur version d’extrême-droite) à Paris, il a été diffusé l’information selon laquelle il était végétalien et anti-spéciste.

Nous ne savons pas si cela est vrai, mais c’est bien entendu tout à fait possible. La question animale est incontournable quand on est progressiste, et de nombreuses personnes assument cela.

Cependant, il y a quelque chose qu’il faut noter ici. Ce n’est certainement pas comme si le véganisme était une démarche reconnue à l’extrême-gauche. Il y a bien entendu des végans, et inversement à l’extrême-droite le véganisme est décrié comme une valeur de « faibles. »

Mais à l’extrême-gauche le véganisme est toléré, plus qu’accepté ; être végan est une sorte de « plus », pas une valeur en soi et aucunement quelque chose de reconnu comme universel.

Il faut le préciser, parce qu’il faut bien constater que les gens végans sont pris en otage pour des démarches n’ayant parfois rien à voir.

Lorsque par exemple nous avons critiqué dans un article les fachos présents à la manifestation contre la fourrure (et rejetés a posteriori par ailleurs par les gens de la manifestation), cet article a pu être repris assez largement de-ci de-là.

Mais nous étions alors un simple « alibi » vegan. Or, nous ne voulons pas être un alibi, nous ne considérions pas que le véganisme soit un « à côté » d’une démarche progressiste, et la personne végane n’a pas à se résumer à un statut de la personne végane « de service. »

Notre article sur les fachos tentant de s’approprier sur une base fausse la question animale a pu être récupéré par des gens n’en ayant pas plus à faire des animaux que les dits fachos. Il y a là quelque chose qui n’est pas à accepter.

En Allemagne, le véganisme est largement reconnu comme une valeur en soi à l’extrême-gauche, ce n’est pas une sorte de « concept » aux contours flous comme ici.

Et on sait très bien que le flou nuit fondamentalement aux principes, et que le véganisme n’est rien sans les principes les plus stricts.

Bien entendu, cela n’a pas de rapport direct avec la mort de Clément Méric. Plutôt un lien indirect, parce que si les progressistes n’adoptent pas toutes les valeurs progressistes, alors forcément derrière l’extrême-droite peut se développer.

Il ne faut pas s’étonner que l’extrême-droite progresse si des thèmes sont oubliés, voire même niés. Vu le rejet de la libération animale et de l’écologie à l’extrême-gauche, il ne faut pas s’étonner que derrière les fachos tentent de surfer là-dessus.

C’est bien entendu le vieux débat de savoir s’il faut être « anti » ou proposer des valeurs, et de savoir ce qui est principal. Aussi, il nous apparaît important de souligner que le véganisme ne doit pas être négociable.

La libération animale n’est pas un « à côté » négociable et soluble à différents degrés dans le végétarisme, la protection animale, ou même n’importe quoi de « révolutionnaire. »

On ne peut pas être révolutionnaire et ne pas être pour la libération animale, tout simplement. Prétendre le contraire, c’est ne pas reconnaître les faits, c’est ne pas reconnaître les animaux !