Voici la troisième partie du communiqué d’Exarcheia. Elle aborde une thématique très particulière : celle des quartiers alternatifs travaillés au corps par les petits commerces et la consommation de drogues.
Il va de soi que dans le prolongement de cette situation, la dimension « alternative » s’effondre.
Il ne faut pas du tout confondre avec une influence hipster préludant à une présence accrue de bobos. Il s’agit ici de la décadence d’attitudes rebelles en autodestruction.
Ce phénomène est très connu en France où les squats – tant punks alternatifs qu’autonomes – ont toujours basculé dans la criminalité et la consommation de drogues. Plus récemment, on a pu assister à une réémergence de la culture punk – skinhead – rock’n roll aboutissant au même éloge des drogues parallèlement à une perte toujours plus grande de contenu (que bien entendu les fachos savent utiliser pour dénoncer en leur sens).
Il est tout à fait vrai que le quartier d’Exárcheia est tourmenté par toute une série de problèmes. Le début de tout cela est la transformation d’Exárcheia en une zone consumériste de masse, qui attire la mafia et amène en fin de compte la détérioration politique et culturelle de la zone.
La concentration de douzaines d’entreprises de restauration rapide, qui anéantit la charge historique et politique de la zone et qui profite de la vente d’un mode de vie alternatif et d’un pseudo-insurrectionnalisme, a comme conséquence le rassemblement de milliers de jeunes dans un contexte de consumérisme et de dépolitisation.
C’est précisément là que la mafia trouve un terreau fertile pour grandir. Parce que la zone rapporte des profits inimaginables de la « protection » de douzaines de magasins et encore plus du trafic de drogues.
C’est un triste fait que les centaines de jeunes qui fréquentent un quartier caractérisée par l’agitation politique constante semblent avoir une fausse interprétation de la liberté, qui se conclut par la confusion amenée par l’utilisation de drogues.
Les idéologies urbaines qui nourrissent toutes ces formes de « mode de vie alternatif », visant la désorientation et une aphasie [un mutisme] idéologique, font l’éloge des drogues comme prétendue expérience libératrice, transformant des milliers de jeunes en des utilisateurs de drogues, dépendants ou non, et en « clients » soutenant économiquement les organisations criminelles de la mafia.
Nous appelons tous ces jeunes, qui pourraient et devraient être de notre côté, à considérer que les drogues sont un moyen de sédation et non pas de libération.
Nous les appelons à ne pas contribuer économiquement la mafia, nous les appelons prendre position dans cette bataille, soit en cessant de consommer des drogues, soit en quittant Exárcheia.
Autrement, alors que la lutte s’intensifie, les consommateurs et la vaste demande qu’ils offrent aux trafiquants de drogue devront être considérés comme un problème à résoudre, même au moyen de la violence.
Puisque nous parlons de cette question des drogues et de la culture des drogues en général comme d’un phénomène inondant principalement la jeunesse, notte position est absolument que l’empoisonnement de notre cerveau et de notre corps avec des substances est une expérience de fuite, un égarement de nos sensations opprimées et une fausse échappatoire de la réalité et des problèmes généraux qui nous touchent.
En particulier dans les sociétés occidentales où le capital a dévalisé chaque aspect de notre monde émotionnel, le concept de personnalité a été déconstruit au moyen de son placement dans un environnement social aliéné et asphyxiant : celui de la solitude, de l’insécurité, de l’amputation émotionnelle et d’une vie insupportable.
La quête justifiable pour trouver des portes de sortie, quand menée un état de manque de conscience de classe, amènera en fait à des voies fâcheuses. Les drogues sont l’une d’entre elles.
Et elles sont probablement l’expression la plus rude de punissement de soi et d’introversion, dans la mesure où la « porte de sortie » désirée nous ramène à nous-mêmes et à nos problèmes, de la pire des manières.
En d’autres mots, il n’est pas répondu par la violence libératrice à la violence imposée sur nous par la société de classe, mais par la violence contre nous-mêmes.
C’est pourquoi, en tant que révolutionnaires, nous combattons les drogues, qui sont un soutien à l’imposition de la paralysie sociale, mais également une attaque directe sur la partie la plus vivante de la société, la jeunesse.
Nous avons déjà dit qu’il n’y a pas d’espace pour tous dans notre quartier. Et par cela nous ne voulons pas seulement parler de la mafia, mais également du hooliganisme, où que ce soit qu’il s’exprime. Que ce soit sous le manteau de la politique, ou apolitique et cru.
La lutte pour Exárcheia, même si nous devons pour cela aller au conflit armé, ne concerne pas les moyens de la lutte, mais le contenu que celle-ci représente. La bataille d’Exárcheia est une bataille de civilisations, pour la simple raison qu’il ne s’agit pas de deux gangs qui s’affrontent, mais de deux mondes.
D’un côté, le monde du para-Etat et de la pourriture et de l’autre, notre monde d’espoir, de solidarité et de lutte.
Toutefois, la formation de notre camp n’est pas accompli seulement par des appels déclaratoires pour la bataille, mais avec l’éducation et la conformité avec les standards culturels du nouveau monde que nous représentons.
C’est pourquoi la bataille d’Exárcheia est une bataille contre le capital et la mafia, tout comme une lutte contre la corrosion interne du mouvement.
Contre la culture des drogues, l’indiscipline, l’anti-socialisme et la violence dénuée de sens.
Autrement, nous sommes condamnés à perdre cette bataille ou même pire : à devenir une partie du problème.