La question des simili-carnés et de leur dénomination

La Coordination rurale est un syndicat d’agriculteurs et d’éleveurs, c’est même le second derrière la FNSEA, qui est critiquée pour représenter les intérêts des plus gros industriels.

Elle représente les petites entreprises qui veulent encore être grandes, et elles viennent de se lancer dans une opération qui est déjà très forte en Allemagne : empêcher que les produits simili-carnés utilisent les mêmes termes pour se définir que les produits carnés.

Voici leur tout nouveau communiqué de presse à ce sujet :

La mention « steak » doit être réservée à la viande. Un steak ne peut pas être vegan !

A l’instar de son homologue allemand, Christian Schmidt, la section Viande de la Coordination Rurale demande au ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll d’interdire l’utilisation des dénominations associées aux produits carnés (steak, saucisse, jambon…) pour la commercialisation des produits ne contenant pas de viande, ou pour les lieux de leurs ventes (boucherie…).

Les plats tentant d’imiter la viande n’en sont pas pour autant. Il faut mettre fin à ces pratiques trompeuses pour les consommateurs.

Les éleveurs de la CR rappellent que les récentes enquêtes de 60 millions de consommateurs à ce sujet ont encore montré que les apports nutritionnels des produits élaborés uniquement à base de protéines végétales ne sont pas équivalents à ceux des produits carnés.

Il serait donc également souhaitable que, dans la restauration collective, en particulier scolaire, des menus végétariens uniques ne soient pas imposés certains jours comme cela arrive de plus en plus fréquemment.

En effet, il revient à chaque adulte responsable de faire ses propres choix alimentaires pour ce qui le concerne, et l’Éducation nationale ne peut contribuer à les formater de manière abusive, au risque de nuire au développement physique et psychique de l’enfant et de l’adolescent ; c’est une question de santé publique.

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Tout cela est totalement logique. A partir du moment où le véganisme ne se pose pas comme moral, comme culture, que c’est l’industrie qui prédomine, alors la question de fond devient celle de la concurrence économique.

A partir du moment où l’on ne met pas en avant la Nature, mais le fait de ne pas tuer, c’est-à-dire non pas la vie mais la mort, on aboutit à l’existentialisme, à une passivité consommatrice.

Tout cela est bien philosophique et pour faire plus simple : réduire le véganisme au remplacement de la viande par du simili-carné, c’est réduire l’alimentation végétalienne à des substituts de viande.

La conséquence en est déjà une base morale insuffisante : nous ne croyons pas qu’à terme il restera grand-chose de la vague L214 – Aymeric Caron, plein de superficialité et d’esprit bobo individualiste.

Une autre conséquence est que le véganisme devient une question capitaliste, avec capitalisme contre capitalisme. Le summum du militantisme semble d’ailleurs être chez certains d’ouvrir son épicerie ou son restaurant dans le centre-ville, ce qui peut être utile, mais si le but est le profit et si les produits vendus sont du simili-carné, le véganisme n’est qu’un prétexte à du business…

Et qui dit business dit concurrence. Il n’est nullement étonnant que les producteurs de « viande » tentent de préserver leurs parts de marché, leur monopole. Et partant de là, qu’ils comptent empêcher l’utilisation de définitions relevant de leur production.

Cela ne nous étonne pas et nous trouvons absurde les gens qui ont envie de retrouver le goût du cadavre dans leur bouche, même si cela n’en est pas un.

Nous considérons le véganisme comme une véritable culture, pas comme une variante de cette société où tout est à changer.

L’autre interprétation du véganisme se donne comme objectif de véganiser la société, en affirmant que c’est possible, qu’on peut faire confiance aux institutions.

Rien que cette question des noms employés pour le simili-carné reflète déjà l’impossibilité de cela : le système veut bien des niches, il n’a rien contre 1 ou 2 % de gens se « perdant dans le décor ». Mais il ne faut pas que cela déborde, cela ne doit pas dépasser du cadre, chaque chose doit rester à sa place…

« Le bon, la brute et le truand »

Le site web-agri a publié un éditorial intitulé « Végans : le bon, la brute et le truand ».

Voici les définitions proposées, qui visent bien entendu à diviser les végans, ce qui devrait arriver sans trop de difficultés, puisque sous l’effet d’associations comme L214, il y a un énorme courant réformiste, légaliste, institutionnel, très violemment anti-ALF, etc.

Le bon a ses idées mais reste tolérant. Il a choisi ce mode de vie et ose en parler quand il n’est pas trop critiqué (oui, eux aussi sont montrés du doigt).

Mais il laisse chacun libre de ses choix. Et respecte ceux qui agissent différemment. La moindre des choses est d’ailleurs de lui rendre la pareille. Sinon comment exiger que les végans respectent le monde agricole et surtout l’élevage ?

La brute est sectaire. Militant de « la cause animale », il veut imposer son opinion coûte que coûte et réclame l’éradication de l’élevage au nom de l’intérêt commun.

Et oui, tout le monde devrait être comme lui puisque sa vision du monde (végane en l’occurrence) est la bonne, l’unique. Quiconque ne pensant pas comme lui est un assassin, un moins que rien, un retardé et j’en passe.

Discuter est inutile, il n’entend rien d’autre que sa vérité. La liberté d’autrui ? Lorsqu’il s’agit des animaux, il y reste sourd. J’appelle ça de l’extrémisme.

Le truand est un végan qui va encore plus loin. En bon troll, il poste des messages anti élevage sur les forums, les pages Facebook et les articles agricoles, et n’hésite pas à « truander » en utilisant plusieurs comptes ou pseudos par exemple, pour donner l’impression d’être plus nombreux.

Certains attendent des nouveaux produits qui représentent pour eux un progrès : la viande sans viande, le lait sans lait… Bref des aliments artificiels. Je suis prêt à parier que ceux-là même se plaindront plus tard de la « bouffe chimique ».

Évidemment, le « truand » n’existe pas : c’est juste pour agresser le véganisme comme utopie technico-scientifique opposé au bon « terroir ».

Ce qui est intéressant, par contre, c’est l’opposition entre le « bon », qui discute et est relativiste, et la « brute ».

Elle annonce que, profitant de la vague réformiste, l’exploitation animale va tout faire pour oeuvrer en 2017 à l’isolement de ceux et celles exigeant la libération animale sans compromis.

Voici d’ailleurs la fin de l’éditorial :

En tant qu’omnivore, on peut apprécier un bon steak (bien saignant ou bleu dans mon cas) sans dénigrer ceux qui ne veulent pas en manger. Et vice-versa.

Avec humanisme, voire utopie, je rêve que les hommes puissent se respecter les uns les autres dans leur diversité de pensées et de façons de vivre. Un monde plus tolérant. Tel est mon souhait pour 2017. En espérant que ce ne soit pas, une fois encore, un vœu pieux…

Le piège de l’illusion démocratique va se referme en 2017 sur les partisans des réformes institutionnelles en faveur de la « protection animale ».

Une tribune « Prendre le parti des animaux » contre le véganisme

Voici une tribune publiée dans Libération, qui est très importante. Son auteur, Dominique Lestel qui est enseignant en philosophie contemporaine à l’Ecole normale supérieure, est en effet également l’auteur en 2011 d’une « Apologie du carnivore ».

Si sa tribune est intitulée « Prendre le parti des animaux », c’est que son objectif est très clair : soutenir le réformisme de la protection animale « ni droite ni gauche » contre l’idée d’un changement complet, d’une révolution de gauche ayant le véganisme en son coeur.

Il s’agit ici de nier que l’exploitation animale est liée au capitalisme, que seule une révolution à l’échelle du monde peut changer réellement les choses, en unifiant l’humanité dans la paix et le véganisme universel, la reconnaissance et la protection de la Nature, le combat contre le réchauffement climatique…

Dans quelques décennies, l’émergence des partis animalistes sera considérée comme un moment clé du XXIe siècle. Alternative à l’opposition droite – gauche, ils sont l’occasion de transformer radicalement la société.

Prendre le parti des animaux
Créé en mars 2016, officiellement lancé le 14 novembre, le «Parti animaliste» va en faire ricaner plus d’un de façon ridicule. Ce parti veut améliorer la condition de tous les animaux dans toutes les situations dans lesquelles ils se trouvent – les animaux de compagnie comme les animaux marins, les animaux de boucherie comme les animaux de laboratoire.

Il veut abolir les animaux de divertissement et réguler sévèrement la chasse. Le droit animal n’est pas oublié, ni la place de l’animal dans l’éducation. Ce Parti animaliste français n’est ni un cas isolé ni une aberration. Il s’inscrit dans un mouvement international plus large.

Le premier parti pour les animaux apparaît au Pays-Bas en 2002. On en compte aujourd’hui dans neuf pays européens, ainsi qu’aux Etats-Unis, en Australie et en Turquie. Il ne s’agit pas d’organisations folkloriques. Le parti animal néerlandais réunit plusieurs élus au niveau local, national et européen. Le parti animaliste portugais, un député national, et le parti australien, un sénateur.

De tels regroupements ne sont pas seulement parfaitement légitimes ; leur création porte la marque d’un changement majeur de paradigme dans le paysage politique contemporain. Leur but n’est plus seulement de défendre l’animal de façon individuelle ou à travers des associations civiles, mais de faire de la condition animale une préoccupation politique majeure à traiter comme telle.

Il ne s’agit plus seulement de faire venir les animaux en politique (c’est-à-dire de les penser en fonction de catégories politiques) mais bien de transformer la politique elle-même pour donner une voix, non aux animaux eux-mêmes mais à ceux qui s’en soucient et qui deviennent de plus en plus nombreux à vouloir s’exprimer. En d’autres termes, ce n’est pas le Parti animaliste qui est bizarre, c’est plutôt le fait que les autres attachent encore si peu d’importance au statut de l’animal dans nos sociétés qui pose un problème d’appréciation.

Ce parti n’est pas explicitement vegan, même si une grande partie de ses membres doit sans doute l’être. Il propose seulement de réduire la consommation de viande et de promouvoir une alimentation plus végétale, une tendance nécessaire même pour un carnivore éthique.

On ne saurait sous-estimer les effets positifs de la posture vegan, malgré ses problèmes intrinsèques, mais un parti purement vegan n’a aucun avenir.

Une organisation dévolue aux intérêts de l’animal peut néanmoins laisser sceptique : n’y a-t-il pas des problèmes plus urgents à résoudre que de se soucier des animaux ? On peut déjà répondre, de façon pragmatique, que le seul moyen d’avoir un secrétariat à l’Animal est d’avoir un parti qui draine des voix qu’il est possible de monnayer.

Mais on peut aussi être plus ambitieux et passer du souci pour l’animal à la volonté de transformer radicalement la société en fonction d’un autre rapport à l’animalité en reconnaissant pleinement la consubstantialité de l’humain avec les autres espèces et en faisant de ce constat un socle pour réorganiser l’espace public en conséquence. Dans cette perspective, les partis animalistes constituent une vraie alternative à l’opposition droite-gauche qui régit encore (et bien mal) notre vie politique actuelle.

Dans un roman fameux (qui a d’ailleurs obtenu le prix Goncourt en 1956), les Racines du ciel, Romain Gary explique que notre liberté dépend de celle des éléphants d’Afrique, et que c’est la raison pour laquelle il faut les protéger à tout prix.
Pouvons-nous vraiment rester humains sans les animaux ? Jusqu’où les partis animalistes sont-ils prêts à aller ? Sont-ils prêts à aborder la question taboue par excellence, celle de la surpopulation humaine qui en est arrivée au point de menacer toutes les autres espèces par son nombre même comme le suggérait Paul Shepard dès 1978 ? Ce qui est en question, on le voit, est en fin de compte loin d’être dérisoire.

Ces partis animalistes concrétisent pour la première fois de façon claire le fait qu’un nouveau pôle attracteur émerge dans le champ politique : celui de l’espèce et de la cohabitation des espèces les unes avec les autres.

La philosophe éco-féministe australienne Val Plumwood remarque en 1993 que la théorie féministe s’est occupée de la race, de la classe et du genre mais qu’elle a un peu oublié une quatrième catégorie d’analyse, que Plumwood elle-même jugeait centrale : celle de la nature. Je dirais moi-même que c’est celle de l’espèce qui est plutôt en jeu et qui devient en elle-même un problème politique majeur. La question de l’espèce renvoie aux espèces animales, mais aussi à toutes celles avec lesquelles elles doivent cohabiter.

On le voit déjà avec les tendances transhumanistes qui veulent modifier ce qu’est l’humain en évacuant totalement l’animalité de leur programme ; la pollution généralisée qui ne se contente pas de salir les environnements mais qui pollue l’espèce humaine comme on peut s’en rendre compte avec l’explosion des maladies auto-immunes et la multiplication inquiétante des allergies et des intolérances alimentaires ; la préservation des espèces ; les débats autour des OGM – et la multiplication des robots qui sont des agents qui ne sont pas d’espèces et auxquels certains songent déjà à attribuer des droits.

Les partis animalistes laissent encore de nombreux points en suspens. Par exemple celui de savoir en quoi ils diffèrent des partis écologistes traditionnels avec lesquels ils entrent directement en concurrence.

On peut se gausser de ces nouveaux partis animalistes mais dans quelques décennies, leur création sera sans doute considérée comme un moment politique important du XXIe siècle. Ce ne sont sans doute pas des partis qui seront au pouvoir dans un avenir proche, quoique les récents succès du Parti pirate en Islande rendent plutôt optimiste. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que ces partis sont appelés très rapidement à modifier substantiellement ce que signifie être au pouvoir.

Le Monde : foie gras et style sado-maso

Le Monde a publié deux articles qui montrent tout à fait en quoi le style de vie « grand bourgeois » est très exactement aux antipodes de ce que nous voulons.

Les articles en question, qui font l’éloge du sado-masochisme et du foie gras, ont été publiés dans « M, le magazine du Monde » qui, comme nous le précise wikipedia, « est tourné vers l’industrie du luxe et du haut de gamme ».

Le premier, par ailleurs sélectionné pour la « matinale » du Monde, s’intitule pas moins que « Bondage et sado-masochisme, comment débuter tout doux« .

On l’aura compris, il ne s’agit pas d’un article sur le sado-masochisme, mais pour le sado-masochisme. L’introduction de l’article le précise si on ne l’aurait pas compris…

Comment aborder le fantasme du BDSM (bondage, domination, sado-masochisme) quand on débute complètement ? Quand on voudrait du hard, mais soft ? En laissant tomber tout le folklore, nous dit la chroniqueuse de La Matinale, Maïa Mazaurette.

Car, l’article l’affirme sans nuances, le sado-masochisme est une demande « normale » et largement partagée…

En 2011, un tiers des Françaises fantasmaient sur le fait d’être dominées, et un cinquième des hommes. Un quart des femmes voulaient être menottées ou ligotées, et 15 % des hommes (Harris Interactive/Marianne).

En 2014, les deux tiers des Québécoises et plus de la moitié de leurs chums fantasmaient sur le fait d’être sexuellement dominés, le bondage intéressait presque la moitié des répondants, un quart des femmes et 43 % des hommes auraient volontiers fouetté leur partenaire. (Sur un sujet aussi sensible, les chiffres sont toujours à prendre avec des pincettes – à tétons.)

C’est là l’acceptation la plus directe des rapports hiérarchiques dans cette société, ainsi que la tentative permanente de trouver un moyen de dépasser de manière mystique la « monotonie » d’une vie en réalité entièrement vide.

C’est bien la peine de critiquer Daech si c’est pour diffuser le même type de philosophie de l’extrême de la domination comme porte de sortie vers un monde qui aurait du « sens »…

Comment ne pas voir la dimension pathétique de la phrase suivante?

Une cuillère en bois qui a servi pour punir ne touillera plus jamais une soupe de poireaux sans vous rappeler vos ébats érotiques.

Voilà où mène de refuser la Nature : on se précipite dans des valeurs mystiques censées amener quelque chose de « plus fort ».

C’est également ce qu’on retrouve dans un autre article du magazine du Monde, « Foie gras, l’exception culturelle française« .

On est ici dans la mystique d’une « gastronomie » du « terroir » et l’auteur est très frustré que son foie gras mystique soit produit en masse et vendu au bas peuple…

« A l’exception des périodes de crise (2008-2009), toujours nuisibles aux produits festifs, et une baisse passagère en 2012-2013, la production et la consommation de foie gras restent stables avec une tendance à la hausse.

En quinze ans, cette dernière a progressé en France de près de 25 % en volume (selon Kantar WorldPanel), traduisant ainsi l’engouement croissant pour ce mets incontournable des fêtes de fin d’année, selon 76 % d’entre nous (657 grammes achetés par an et par ménage). (…)

L’industrie agroalimentaire a pollué ce marché lucratif avec ses méthodes habituelles : production intensive, élevage en cages, mécanisation à outrance et distribution de masse. (…)

Le foie gras est une affaire franco-française et rien n’y fera. N’en déplaise aux héritiers d’un vieux puritanisme anglo-saxon qui ont considéré la nourriture d’abord sous l’angle de la quantité et du productivisme, puis de l’hygiénisme et du marketing et à présent celui du moralisme et de l’animalisme, en rangeant toujours le plaisir gastronomique dans l’armoire à péchés.

Comment leur expliquer l’émotion suscitée par la tranche de foie gras baptisé à l’armagnac, allongée sur le pain grillé, et habillée seulement de quelques cristaux de sel de Guérande ? Comment leur raconter les délices de l’escalope de foie gras cru, vivement poêlée, déglacée au vinaigre balsamique et accompagnée de figues rôties ?

Comment leur faire partager le bonheur du tournedos Rossini, rendez-vous d’amour entre la tendreté du filet de bœuf et le moelleux de l’abat de canard sous l’œil de la truffe noire ? Tâche difficile, voire mission impossible. C’est ce qu’on appelle une différence culturelle. »

L’élite veut son style et son style consiste à se démarquer, à trouver une « transcendance ». Un tableau d’art contemporain derrière un ordinateur Mac, avec du foie gras et du Christian Dior, et le sado-masochisme pour aider à trouver un sens à sa vie…

Le « Prix Littéraire 30 Millions d’Amis » et le restaurant Drouant

Voici un exemple démontrant tout à fait la contradiction insoluble que pose la défense des animaux en restant dans le cadre de l’idéologie dominante.

La fondation 30 millions d’amis remet depuis 2004 un prix à un roman, cela s’appelle le « Prix Littéraire 30 Millions d’Amis ». Le gagnant se voit remettre 3 000 euros, qu’il doit reverser à une association de protection animale de son choix.

Le jury qui choisit le lauréat correspond à l’ambiance actuelle, où la cause animale relève d’un certain charity business, mêlant sincérité et conquête d’une certaine image.

On retrouve donc Reha Hutin, productrice et présidente de la Fondation 30 millions d’amis, mais également le misanthrope Michel Houellebecq.

A cela s’ajoutent Frédéric Vitoux, Marc Lambron et Jean-Loup Dabadie, qui sont membres de l’Académie française, les écrivains Irène Frain et Didier van Cauwelaert (qui a gagné le Goncourt en 1994), l’auteur mystico-religieux Frédéric Lenoir, l’ex-PDG de Flammarion Teresa Cremisi.

Comme il s’agit, dans cette perspective, de faire littéraire et chic, le prix est remis au restaurant Drouant, au centre de Paris.

C’est un restaurant chic, connu pour son « pâté en croûte de Drouant » ou encore son « foie gras de canard au Porto ».

Le soir, son « foie de veau poêlé, jus reduit » coûte 33 euros,tout comme son « épaule d’agneau confite ». Son « foie gras de canard aux douze épices, chutney à l’ananas » comme hors d’oeuvre 26 euros, sa « tourte de canard sauvage & au foie gras de canard » 39 euros, sa « ballotine de lièvre au foie gras de canard » 41 euros, ses « langoustines rôties » 52 euros.

Chic et traditionnel, on comprend tout de suite de quoi il en retourne. La présence significative du « foie gras » ne doit pas surprendre : le cuisinier Antoine Westermann est présenté comme le « plus méditerranéen des cuisiniers d’Alsace ».

Pourquoi choisir alors Drouant pour le prix littéraire de la fondation 30 millions d’amis ?

La raison est très simple : il s’agit du lieu historique de deux autres prix littéraires, le prix Goncourt et le prix Renaudot.

L’idée est, naturellement, de donner une sorte de légitimité, de s’insérer dans un patrimoine préexistant, de se positionner parallèlement à quelque chose de reconnu pour gagner en légitimité.

Sauf que c’est absurde, parce que la « tradition » n’est nullement démocratique et est parfaitement insérée dans un mode de vie grand bourgeois, décadent, n’en ayant rien à faire des animaux.

Les gens qui ont gagné le Goncourt gagnent d’ailleurs aussi le couvert à vie au restaurant Drouant ! Michel Houellebecq l’a par exemple gagné.

Il peut donc manger gratuitement du « foie gras », par exemple avec la fameuse Virginie Despentes (le roman Baise-moi, le documentaire Mutantes  – Féminisme Porno Punk, etc.), qui est devenue membre du jury du Goncourt !

Autant dire qu’un tel panorama ne donne pas envie et reflète bien que les moeurs, la vie quotidienne, la culture, que tout cela doit être passé au crible de la morale, des valeurs correctes, afin de faire le tri et de savoir se comporter de manière juste.

Célébrer un livre en faveur des animaux – encore faudrait-il d’ailleurs que le critère de l’ouvrage choisi ait un sens bien défini – dans un endroit comme le restaurant Drouant, c’est n’avoir rien compris à la réalité, c’est être hypocrite.

Un manifeste « AnimalPolitique » pour aménager l’exploitation animale, la vivisection, la chasse…

Voici un « manifeste » de plus à l’innombrable liste de ceux-ci ces derniers mois. Cette fois, il ne s’agit pas d’un « parti animaliste », mais de la version équivalente en mode « marche dans les institutions ».

C’est la « fédération animaliste » dont rêvait il y a plusieurs années l’association « Droit des animaux » (qui a disparu en tant que structure militante pourtant très solide à un moment).

Naturellement, le prix à payer pour cela est la liquidation complète du véganisme comme valeur en tant que telle : on est ici dans la « protection animale » et le « bien-être animal » entièrement assumé.

Voici déjà la liste des 26 structures ayant signé ce manifeste, sous le nom de « AnimalPolitique ».

Alliance Anticorrida, Antidote Europe, ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages), Association Stéphane Lamart, C’est Assez !, CIWF France (Compassion In World Farming), CNSPA (Confédération Nationale des SPA de France – Défense de l’Animal), Code animal, CRAC Europe (Comité Radicalement Anti Corrida), FLAC (Fédération des Luttes pour l’Abolition des Corridas), Fondation Assistance aux Animaux, LFDA (La Fondation Droit Animal, éthique et sciences), Fondation Brigitte Bardot, Fondation 30 millions d’amis, FUDA, IFAW France (Fonds international pour la protection des animaux), L214, OABA (Œuvre d’Assistance aux Bêtes d’Abattoirs), One Voice, PETA France (People for the Ethical Treatment of Animals), Pro Anima, Sea Shepherd, SNDA (Société Nationale pour la Défense des Animaux), la SPA (la Société Protectrice des Animaux), 269 Life France, WELFARM.

Ici, on mélange tout et n’importe quoi. Prenons par exemple la Fondation Assistance aux Animaux. Elle rémunère le « lobbyiste » Thierry Coste, qui est même temps le grand lobbyiste… de la  Fédération nationale des Chasseurs.

N’est-ce pas contradictoire avec les principes d’autres associations de la liste ?

Autre exemple, on trouve 269 Life France, dont la présentation explique que cette association « reconnaît la nécessité morale de ne pas soutenir l’élevage ». 269 se définit ainsi :

« Nous sommes abolitionnistes, c’est-à-dire que nous ne considérons aucune exploitation des animaux comme tolérable, aussi minime qu’elle puisse être considérée. »

Or, le « manifeste » part entièrement du principe d’accepter l’exploitation animale, mais de l’aménager… N’est-ce pas en contradiction complète avec l’abolitionnisme, justement ?

Regardons justement de quoi il en retourne. Il y a « 30 propositions pour mettre la condition animale au cœur des enjeux politiques ». Nous mettons le document en pdf à disposition (à télécharger ici), car dans 25 ans, cela considéré comme, non pas risible, mais pathétique par rapport aux exigences morales comme par rapport aux exigences de notre époque.

Prenons le thème « Animaux d’élevage ». Voici ce qu’on lit et c’est tout à fait clair, cela n’a aucun rapport avec le véganisme.

1. Favoriser le plein-air et interdire les cages ainsi que les conditions d’élevage incompatibles avec les besoins des animaux.

2. Mettre fin aux pratiques d’élevage douloureuses (castration à vif, écornage, gavage…).

3. Limiter la durée des transports d’animaux vivants et mettre un terme à leur exportation hors de l’Union européenne.

4. Renforcer la protection des animaux à l’abattoir et rendre systématique l’étourdissement avant toute mise à mort.

5. Faire évoluer les politiques alimentaires et agricoles par une meilleure prise en compte des animaux et de leur bien-être (étiquetage des modes d’élevage et d’abattage, alternatives végétales, …), conditionner la signature de traités de libre- échange (TAFTA, CETA…) à l’adoption de clauses en faveur de la protection animale.

Regardons le thème « Expérimentation animale ». Là, c’est pareil : l’abolition de la vivisection n’est pas demandée. Il est demandé un aménagement, avec une tendance qui irait, on le devine (mais on le devine seulement), à la fin de la vivisection.

« 6. Remplacer la terminologie de « méthode alternative » par celle de « méthode de remplacement » qui n’implique aucun animal, vivant ou tué à cette fin.

7. Créer une autorité administrative indépendante dédiée au développement et à la promotion des méthodes de remplacement.

8. Lancer un plan national des méthodes de remplacement.

9. Mettre en place des comités d’éthique d’établissement véritablement indépendants.

10. Instituer des sanctions pénales effectives et dissuasives. »

Sommes-nous sectaires, en disant cela ? Pas du tout, le manifeste est même pour l’aménagement de la chasse ! C’est la mesure numéro 23.

« 23. Réformer la chasse pour mieux protéger la faune sauvage et favoriser le retour naturel des grands prédateurs. »

C’est là une capitulation complète alors que le combat contre la chasse doit être au coeur de notre identité. Le combat contre la chasse est une clef culturelle capitale pour faire progresser notre cause !

Il est intéressant de voir d’ailleurs une autre mesure prônant inversement une « abolition » :

« 14. Abolir les corridas et les combats de coqs. »

Cela en dit long sur ce que signifie la lutte contre les corridas. C’est important, bien sûr, il faut l’abolir. Mais c’est secondaire dans le cadre général de l’exploitation animale en France. La focalisation sur cette triste réalité est devenue une fin en soi.

L’objectif de ces associations n’est pas le véganisme, la libération animale, mais leur intégration dans les institutions. La proposition numéro 30, la dernière, est explicite.

« Légitimer les politiques de protection animale en instituant un organe autonome dédié aux animaux et indépendant du ministère de l’Agriculture et donner une place significative aux associations compétentes dans les organes décisionnaires. »

L’État doit « donner une place significative aux associations  » : tel est l’objectif. Pas la confrontation avec l’exploitation animale, pour la libération animale, en assumant la morale, la révolution.

Les 86 heures de Rémi Gaillard dans une cage de la SPA de Montpellier

Que veut dire l’expression « Charity business », bien connue aux Etats-Unis ? Que des gens pratiquent la charité, en obtenant quelque chose en retour : une bonne image dans le public, une notoriété plus grande, etc.

C’est exactement le fond de la démarche de Rémi Gaillard qui, comme le constate Midi Libre, a été « surmédiatisé pendant quatre jours ».

Du grand spectacle, du jeu sur les émotions, dans le mépris de la rationalité, dans le refus de l’universalisme au sens où la compassion doit aller à tous les animaux…

Cela a été un véritable exemple de ce qu’on peut appeler l’américanisation de la société française (non pas qu’il faille, bien sûr, réduire l’Amérique à ce type de travers).

Car Rémi Gaillard n’est pas un amateur du genre : ses vidéos fonctionnent sur le principe de la provocation.

Voici un exemple, avec une vidéo entièrement anti-animaux, en l’occurrence anti-pigeons. 17 millions de personnes ont pu voir Rémi Gaillard déguisé en pigeon géant salissant une voiture venant d’être lavée…

Rien que cette vidéo est moralement intolérable et inacceptable. Notre morale n’est pas divisible et malléable selon l’opportunisme du moment.

Chez Rémi Gaillard, le style consiste d’ailleurs justement en des vidéos agressives et gratuites dans la provocation, avec des dérapages ignobles, comme en 2014 lorsqu’il a mimé des actes sexuels sur des femmes.

Rémi Gaillard n’est donc nullement un progressiste : c’est un de ces « humoristes » qui sont le produit du relativisme général, du divertissement gratuit.

C’est le sens de son opération de charity business : prétendre donner du sens. Il s’est enfermé pendant 86 heures dans une cage de la SPA de Montpellier, appelant à soutenir financièrement la SPA locale (liée à la SPA dite de Lyon, et non pas de Paris) et à adopter les 300 chiens présents.

150 chiens ont été adoptés, 200 000 euros récoltés. C’est le point positif.

Mais à quel prix ? Car là où c’est pervers, c’est que la bataille est bien plus grande.

Au niveau des refuges, déjà : au lieu de valoriser les anonymes, qui travaillent tout le temps, au lieu de mobiliser de manière rationnelle et prolongée, Rémi Gaillard joue sur les sentiments pour le coup d’éclat.

Or, la cause animale paie un prix énorme à ce type d’actions, qui empêche un mouvement rationnel, dans la durée, sur des valeurs claires.

Les fait sont là : les refuges tiennent à bout de bras et ce ne sont pas des aides médiatisées ponctuelles qui changent la réalité.

Le système français des refuges est au bord de l’effondrement et il y a un besoin de soutien pratique, organisé et surtout… fiable, dans la durée !

Ce n’est pas la démarche de Rémi Gaillard, qui ne fait que prolonger sa démarche « vidéo ».

Voici quelques uns de ses propos, larmoyants et émotionnels, à mille lieux des exigences de lutte pour la planète et les animaux :

« Des gens sont venus m’accompagner la nuit, un boulanger m’a apporté des croissants tous les matins, un gars de la sécurité a pleuré en voyant une gamine m’offrir sa tirelire, d’autres m’ont offert leur doudou…

La cagnotte a avancé à coup de centimes même si nous avons eu plusieurs gros donateurs comme Louis Nicollin ou le groupe Shaka Ponk. Des gens sont venus de Nantes, Strasbourg, Melun en train.

Cette chaleur humaine m’a aidé à supporter les nuits. Cette expérience m’a réconcilié avec le genre humain. »

C’est bien beau, mais le genre humain n’est pas la question ici. Il faudrait justement qu’il sache s’effacer !

Et cet anthropocentrisme révèle, c’est le second aspect, qu’il n’y a ici rien pour les animaux en général. Rémi Gaillard n’est pas végan et l’assume clairement, comme ici dans Paris Match :

En juin 2016, vous étiez la voix de la vidéo choc de L214 à propos de l’abattoir de Pézenas et de celui du Mercantour, épinglés pour maltraitance. Depuis, êtes-vous devenu végétarien ?

J’ai arrêté le poulet, le cochon, mais je mange encore du bœuf de temps en temps. J’ai une copine végane qui m’initie. Je n’ai pas encore trop fouillé le sujet pour remplacer totalement la viande.

On retrouve la démarche « animaliste », « antispéciste », etc. qui nie la question du socle moral nécessaire à la cause, au nom d’un « progrès » aux contours flous.

Cependant, nous sommes en 2016 et l’humanité pratique un terrorisme général contre les animaux. C’est quelque chose qu’il faut comprendre rationnellement.

Il n’y a pas de place pour la manipulation des émotions, qui sort de la raison, de la morale.

Rémi Gaillard a payé le prix de cela, d’ailleurs. Le fait de rester quatre jours dans une cage est très dur, il a été sous le choc. Il a souffert notamment des aboiements des chiens : c’est un être sensible, il a compris la cause de l’adoption.

Il s’est mis en jeu émotionnellement, clairement. Lui-même a salué de manière ininterrompue la mémoire de son ami canin qui l’a quitté en 2012. La dignité est réelle.

Toutefois, cette mise en jeu est aussi une mise en scène.

Car ce qu’il a fait est un témoignage typiquement chrétien, s’enserrant parfaitement dans sa stratégie médiatique.

Lui-même ne veut rien changer : il n’est pas devenu vegan, il ne prône pas la libération animale, il n’appelle pas à la bataille. Il témoigne.

C’est là du catholicisme, pas de la révolution.

Alors, évidemment, Rémi Gaillard ce n’est pas l’ALF. Mais posons la question : quelle crédibilité y a-t-il pour quelqu’un mangeant de la viande, portant du cuir, à jouer sur la corde sensible au sujet des animaux ?

Est-ce moral, ou de l’usurpation ?

Ce qui ramène à la question du charity-business.

La société Bravoloto a été un sponsor (il s’agit d’un loto en ligne gratuit pour gagner des bons d’achat, qui a d’ailleurs choqué il y a deux mois pour une publicité graveleuse).

Il y a des stars des NRJ music awards qui ont fait une vidéo de soutien à la va-vite et sans trop savoir vraiment de quoi il en retournait, il devait sortir de la cage en direct au 20h sur le  Grand Journal de canal+, en profitant de cette occasion, pour pratiquer le populisme en demandant que Bolloré double la cagnotte pour qu’il sorte. Il n’est pas sorti, expliquant ensuite que les chiens adoptés ne sortent pas devant les caméras et expliquant : « la télé je les encule, ils peuvent pas m’acheter, je sortirai pas devant les caméras ».

Il a d’ailleurs traité avec la même vulgarité Elie Semoun qu’il a accusé de ne pas pouvoir le soutenir, recevant alors naturellement au passage le soutien de Dieudonné.

Parmi ses soutiens, notons Louis Nicollin, président du club de football de Montpellier connu pour ses dérapages verbaux agressifs et accessoirement 311e fortune de France…

On est ici en plein charity-business quasiment féodal… Sur un fond de jeu émotionnel, de pseudo rébellion populiste, avec aucun contenu rationnel…

Et à ce panorama il faut ajouter les comédiens Jérôme Commandeur et Jarry, Brigitte Bardot, les joueurs de football Geoffrey Jourdren, Laurent Pionnier et Hatem Ben Arfa, les chanteurs Soprano, Christophe Maé, LEJ, Shaka Ponk et Black M, Sylvie Tellier (ex miss france 2002)…

Faut-il être naïf ou faussement naïf pour croire ou faire croire que les beaufs et les riches vont aider à changer les choses…

Voici enfin, pour conclure, le communiqué final de la SPA de Montpellier, plein d’anthropocentrisme, au point qu’on a l’impression que c’est le communiqué de la fin d’une production de cinéma sur un ton un peu « simplet ».

Clap de fin pour Rémi en cage !
Après 4 jours passés en conditions réelles de vie de chien abandonné dans notre refuge, le box 612 est vide, fini la tristesse et l’ennui pour Rémi qui à été adopté ! Certainement un coup de pouce de « Titou » (son poilu disparu) qui veille de là haut sur lui! Car en ce soir de Super lune du 14 novembre 2016, certains vœux se réalisent…

Comme tous nos loulous qui ont eu cette chance, il va pouvoir retrouver enfin une vie de chien normale: la chaleur d’un foyer, la liberté, une nouvelle vision sur le monde sans barreaux à l’horizon, de l’amour et de l’affection…

Merci à Rémi pour cette expérience humaine inédite et très touchante ! Des moments forts en émotions ! Merci pour eux qui ne parlent pas mais ressentent tout ! Merci à tous de l’avoir soutenu !

Les adoptions qui ont eu lieu durant cet évènement ont toutes été méticuleusement encadrées par les bénévoles puis validées par les responsables d’adoption par souhait de qualité des placements, tant pour les animaux que pour leurs futurs propriétaires. Les suivis des adoptions seront bien évidemment effectués comme habituellement. Merci aux adoptants ! Et merci pour les premières nouvelles parvenus.

Merci à chacun d’avoir apporté « sa petite pierre à l’édifice »; très touchante mobilisation et formidable chaîne de solidarité qui permettra d’améliorer les conditions de vie des animaux en détresse ou en transit dans le refuge.

Merci aussi aux sponsors, à l’équipe technique, aux vigiles, aux bénévoles, aux animaliers et personnels du refuge…

Téléchargez et jouez gratuitement sur l’appli bravoloto qui reverse 1 centime par grille pour vous.
http://bit.ly/SauvezRemi

Pour résumer, on a eu ici un refus de la raison, une célébration des attitudes régressives, une logique de témoignage chrétien, une pseudo hargne rebelle, une recherche du spectaculaire…

La société française est, tout simplement, infantile.

Fondation du « parti animaliste »

Nous avons déjà parlé du PACMA, le parti « animaliste » espagnol (Relatif succès du PACMA aux élections espagnoles de 2016).

Une initiative similaire s’est fondée hier en France, sous le nom très simple et direct de « parti animaliste » (le site, le facebook).

En fait, et à vrai dire, c’est une initiative de plus parmi les innombrables structures qui se sont fondées ces dernières années, se présentant pour beaucoup immédiatement comme de dimension nationale, seule représentative, etc.

En août s’était également fondé, de manière plus confidentielle, un Parti antispéciste citoyen pour la transparence et l’éthique (PACTE).

N’importe quelle personne observant cela y verra un produit de la crise traversant la France, avec une fuite dans des valeurs refuges pas très claires, même si liées aux animaux.

Voici par exemple ce qu’on trouve justement dans le FAQ du « parti animaliste » :

Où vous situez-vous sur l’échiquier politique ?
La question animale est transversale, elle concerne toutes les familles politiques, toutes les catégories sociales, les ruraux comme les urbains, les jeunes comme les personnes âgées, …

Il y a là de quoi faire sauter au plafond toute personne ayant une conscience sociale dans notre pays et comprenant qu’il existe des classes dominantes réactionnaires.

Dans un contexte de progrès immense de Marine Le Pen, il y a ici une dépolitisation et une acculturation politique qui lui est très utile…

On peut remarquer que, d’ailleurs, le responsable du « PACTE » mentionné plus haut tient le même discours :

Les membres du PACTE ce sont plutôt des ouvriers ? Des artisans ? Des hommes de loi ? De riches industriels ? Des employés ?
Nous sommes des véganes extra-bien-terrestres ! (rires) Venant de la société civile, beaucoup d’entre-nous sont engagés dans des causes caritatives, on compte des étudiants, des profs, des employés, des juristes, des artistes etc. Le milieu et l’origine sociale n’importent pas. On peut tous avoir un bon cœur qui rend le cerveau généreux.

Tout cela n’est rien d’autre qu’une continuation de la grande OPA bobo-hipster sur le véganisme, concept d’ailleurs désormais « dépassé » au nom de l’antispécisme, de l’animalisme, etc.

Ce n’est pas pour rien, évidemment, que la présentation des fondateurs du « parti animaliste » ne précise jamais s’ils sont végans ou pas.

Il y a des chances qu’ils le soient d’ailleurs (ce serait dans l’ordre des choses), mais ce genre de définition ne les intéresse pas. Aux yeux de ces « modernistes » liés aux couches intellectuelles urbaines, il ne faut pas avoir de valeurs « strictes », afin d’enclencher une sorte de mouvement qui changerait les institutions (et leur garantirait des places sociales de valeur).

Tout cela conduit à la réduction des exigences du « bien-être animal ». Voici par exemple ce que propose entre autres  le « parti animaliste » et l’on ne sera guère étonné que L214 ait salué leur fondation.

Les animaux élevés

Renforcer la protection des animaux d’élevages
Créer une Direction de la Protection des animaux d’élevage au Ministère de la Protection animale.
Accorder un droit de visite inopinée des élevages et des abattoirs aux associations de protection animale visées à l’article 2-13 du code de procédure pénale.
En finir avec les pratiques particulièrement génératrices de souffrance
Interdire les mutilations (épointage du bec, castration, amputation de la queue, écornage…) pratiquées en élevage.
Abolir la pratique du gavage et abroger l’article L 654-27-1 du code rural et de la pêche maritime. Interdire l’importation de produits issus de l’alimentation forcée d’animaux.
Interdire la production, l’importation et le commerce de la fourrure et la dépilation à vif.
Interdire le broyage des poussins et des canetons.
Interdire les sélections génétiques causant des souffrances (poulets souche à croissance rapide, etc).
Protéger davantage les animaux durant leur transport
Limiter la durée totale du transport des animaux vivants (8H pour les mammifères, 4H pour les oiseaux).
Interdire les exportations d’animaux vivants de l’UE vers les pays tiers.
Protéger davantage les animaux dans les abattoirs
Interdire toute possibilité d’abattre un animal sans insensibilisation préalable.
Interdire le gazage au CO2, utilisé notamment pour l’abattage des cochons.
Installer des caméras de contrôle dans les abattoirs sur les postes de déchargement, d’attente, d’amenée et d’abattage des animaux, avec contrôle par une autorité indépendante et transparente, constituée à parité d’inspecteurs vétérinaires et de membres désignés par des associations de protection animale visées à l’article 2-13 du code de procédure pénale.
Accompagner l’évolution des filières d’élevage
Instaurer un moratoire sur les élevages en cage (interdire l’installation de nouveaux élevages en cage ainsi que l’extension des existants), et interdiction totale sous 10 ans.
Instaurer un moratoire sur les élevages en bâtiment sans accès à un libre parcours (interdire l’installation de nouveaux élevages sans accès à l’extérieur ainsi que l’extension des existants), et interdiction totale sous 10 ans.
Conditionner toute installation d’exploitation à l’aménagement d’un accès à un libre parcours pour les animaux, avec bassin pour les espèces semi-aquatiques comme les canards.
Former davantage les professionnels de l’élevage, les vétérinaires et les personnels des services de contrôle sur les besoins physiologiques des animaux.
Accompagner et aider la reconversion d’éleveurs vers l’agriculture végétale.
Accompagner l’évolution des pratiques alimentaires
Inciter les collectivités locales à intégrer le « bien-être animal » parmi leurs critères d’attribution des marchés publics en matière de cantines scolaires et de restauration collective.
Abroger le décret « restauration collective » et l’arrêté du 29 septembre 2011 qui impose des produits d’origine animale à chaque repas.
Former les professionnels de la santé sur l’équilibre nutritionnel d’une alimentation végétale adaptée aux différents âges et activités de la vie (grossesse, croissance, seniors, sportifs…).
Former davantage les professionnels de la restauration et du tourisme à la gastronomie végétale et à notre patrimoine culinaire végétal.
Mettre en place un menu végétal alternatif dans la restauration collective publique et privée (Proposition de loi n°3142 enregistrée le 14 octobre 2015).
Mettre en place un repas végétarien hebdomadaire pour tous dans la restauration scolaire.
Fixer un objectif national de réduction de la consommation de produits animaux (viande, poisson, œufs, lait) de 25% en 2025 par rapport à 2015 par des politiques publique de santé incitant à modérer la consommation de produits d’origine animale, au regard notamment de ses effets sur les animaux, le climat, l’environnement et la santé (la Chine vise une diminution de moitié de sa consommation de viande par rapport aux prédictions de croissance de cette demande) Développer les connaissances nutritionnelles, favoriser la découverte et la connaissance de la gastronomie végétale.

C’est ici un réformisme typique du bien-être animal, à ceci près que, comme L214, il ne se veut pas anti-végan ;  il y a également plein d’autres mesures exigées que toute personne végane soutiendra, comme par exemple « Renforcer les aides d’Etat aux refuges, créer des refuges publics en remplacement des fourrières ».

Cependant, la libération animale ne saurait consister à appeler à « Encadrer l’élevage, le transport et l’acquisition des poissons d’ornement ».

La libération animale, c’est la libération des animaux, par tous les moyens, en connaissance que c’est une bataille qui est menée contre une exploitation animale très bien organisée et amenant l’humanité à nier la Nature.

C’est le seul point de vue qui ait un sens, sinon on bascule forcément dans l’antispécisme qui envisage les choses du point de vue réformiste, avec un programme sur mille ans, alors que la destruction de la planète progresse manière accélérée, que toujours plus d’animaux sont tués à l’échelle mondiale.

L’humanité est à un tournant historique ; ce n’est pas avec des faux-semblants et des excuses réformistes qu’elle sera à la hauteur.

L214 et la question des foetus

L214 a de nouveau hier diffusé une vidéo, largement relayée par tous les médias. C’est un employé d’un abattoir à Limoges, qui est même le grand abattoir municipal de France.

Il est écoeuré et tient des propos d’une grande radicalité, preuve qu’il faut bien se tourner par ailleurs vers les gens qui travaillent plutôt que vers les puissants, comme nous l’avons souligné maintes fois…

Mais cette fois, un problème essentiel se pose et L214 a commis une erreur capitale. Ce qui a traumatisé l’ouvrier, c’est la question des foetus : ce sont des vaches portant des bébés qui sont tuées.

L’ouvrier raconte ainsi :

« On jette le veau dans une poubelle pleine de merde. Parfois, il bouge, comme s’il était vivant. On fait ça tous les jours, au moins cinquante fois par semaine. Comment on peut les tuer, nom de Dieu ? Des vaches pleines et des veaux qui sont en train de sortir. »

L214 se focalise entièrement là-dessus. Voici le texte accompagnant des photos :

L214 dévoile une autre facette de la violence que subissent les animaux dans les abattoirs : la mort par asphyxie de veaux, parfois sur le point de naître, dans l’utérus de leurs mères, pendant que celles-ci sont saignées et découpées.

L’abattage de vaches gestantes est fréquent. Les images montrent l’ouverture de poches contenant des foetus de tous âges, avant d’être jetés dans une benne à viscères.

Il y a également une pétition sur ce thème, dont voici le texte :

Interdisons l’abattage des vaches gestantes !

À M. Stéphane Le Foll
Ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Chaque année, près de 2 millions de vaches sont tuées en France. Les récentes enquêtes révélées ces derniers mois par L214 ont permis d’entrevoir ce qu’elles endurent derrière les murs des abattoirs. Aujourd’hui, les images de l’abattoir de Limoges mettent en lumière une autre facette de la violence des abattoirs : celle de l’abattage des vaches gestantes.

Les études disponibles estiment qu’environ 10% des vaches abattues sont gestantes et parfois prêtes à mettre bas.

Chaque jour, des veaux sur le point de naître meurent lentement dans le ventre de leur mère, s’asphyxiant pendant que leur mère est tuée et découpée. Ils sont ensuite jetés à la poubelle, comme des déchets.

Conscients de l’enjeu éthique présenté par cette situation, des ministres allemand, danois, néerlandais et suédois ont saisi l’EFSA afin d’obtenir un avis scientifique sur les risques pour des fœtus suffisamment développés d’être exposés à la souffrance et à la douleur.

Par ailleurs, le gouvernement allemand vient de soumettre à la Commission européenne une proposition visant à interdire l’abattage des vaches gestantes au moins lors du dernier tiers de leur gestation, soulignant qu’il est établi scientifiquement que les veaux ont la capacité de souffrir à ce stade de leur développement.

Nous, signataires, demandons au Ministre de l’agriculture de soumettre au vote du Parlement français un projet de loi visant à interdire la mise à mort de vaches gestantes, au moins lors du dernier tiers de leur gestation.

Or, la question des foetus est l’une des questions les plus brûlantes dans la question du véganisme, car elle pose le problème de la définition de la vie.

Et la société dans laquelle nous vivons ne va pas s’offusquer de voir des foetus des vaches jetés dans une poubelles alors qu’exactement la même chose se passe avec les foetus humains.

C’est d’ailleurs ici que le piège se referme. Car soit on se retrouve du côté des existentialistes qui, au nom du droit des femmes, justifie tout et n’importe quoi, niant que le foetus relève de la vie.

Soit on se retrouve à reconnaître que le foetus relève de la vie, sauf que ce sont les religieux qui ont conquis l’hégémonie sur le thème, diffusant une « sacralisation » abstraite de la vie, au nom de Dieu.

L214 a ici ouvert une boîte de Pandore et le mouvement vegan a toujours, lors de son développement, connu une crise profonde sur ce thème.

Soit on est d’accord avec L214 et on est choqué que des foetus terminent dans une poubelle… mais alors, pourquoi ne dit-on rien pour les foetus humains?

Ou alors on dit que ce n’est pas grave, mais dans ce cas la définition de la vie, de la défense de la vie, devient toujours plus abstraite…

La position du mouvement vegan straight edge américain des années 1990 – il y a plus de 20 ans – est ici la plus intéressante.

Earth Crisis, le groupe de musique phare de cette philosophie, raconte les choses suivantes dans une chanson, « Stand by » :

Ton égoïsme détruit la planète, alors tu ne nous laisses pas d’autres choix.
Pour le fœtus, pour le chat, pour la vache, pour le rat.
Pour les victimes innocentes, nous attaquerons, nous attaquerons, nous attaquerons.

Le chanteur fait des précisions qu’on peut considérer comme essentielles dans une interview de l’époque, en 1992 :

La prévention des grossesses non voulues est ce que nous avons besoin de promouvoir. Si vous n’êtes pas financièrement stable ou émotionnellement capable de vous occuper d’un enfant, n’ayez pas de rapports sexuels. C’est assez simple.

A côté de cela les gens n’ont pas besoin d’avoir de rapports sexuels pour avoir du sexe. Le contrôle des naissances est facile. Les gens sont juste trop fainéants et trop irresponsables pour les utiliser correctement. Tragiquement, cela doit rester légalisé pour ces raisons précises.

Absurde ? Pas tant que cela : il y a 220 000 avortements par an en France, malgré les préservatifs et les moyens de contraception en général (qui ne sont pas forcément bons pour la santé, bien entendu).

Hier,  concernant le film de L214 dans l’abattoir de Limoges de nombreux médias ont titré l’information en écrivant  des choses comme :

Abattoir de Limoges : L214 diffuse les images insoutenables de foetus jetés à la poubelle

De nouvelles images chocs de fœtus de vache jetés à la poubelle

De nouvelles images insoutenables dans un abattoir : des foetus de veaux jetés à la poubelle

Il en va pourtant de même pour les foetus humains ; en fait, la vie n’est pas respectée, elle est « aménagée » de manière pragmatique, utilitariste, technique.

On est ici dans la décadence la plus complète, le refus de la Nature au nom d’une logique individualiste totalement anthropocentriste. C’est le capitalisme au maximum.

Voici une illustration tout à fait délirante de cette tendance à l’appropriation subjective de la réalité, au refus total de la Nature. C’est tiré du Figaro :

Début 2013, selon une note interne datant d’avril, révélée par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, «un homme a donné naissance à un enfant».

Il s’agissait en réalité d’un transexuel: né femme, doté d’un appareil génital féminin, il se définit cependant comme homme et, après avoir suivi un traitement hormonal durant des années, s’était fait enregistrer comme tel à l’état civil de sa mairie.(…)

Là où l’affaire se corse, c’est que malgré sa grossesse -obtenue après une insémination-, l’homme ne veut absolument pas être considéré comme la mère du bébé, mais comme son père.

Pour éviter d’avoir à mentionner le nom de la mère sur des documents, il n’a pas accouché à l’hôpital mais chez lui, avec l’aide d’une sage-femme.

Le sexe du bébé est d’ailleurs tout aussi incertain… Le père aurait souhaité qu’il ne soit pas mentionné sur les registres de l’état civil. L’administration s’y est opposée. L’enfant aurait donc, semble-t-il, été inscrit comme étant de sexe masculin. Mais leSpiegel se permet d’en douter: personne n’a pu vérifier.

Selon la presse allemande, la bataille judiciaire de ce père, entamée en avril, risque d’être longue: il veut que sur aucun document, la case «mère» ne soit remplie.

Ici, c’est explicite : il y a le refus de la définition de mère. La tendance à l’individualisme ultra, s’opposant à la Nature, s’oppose par définition immédiatement à la définition de « mère ».

Au début de l’humanité, la femme avait le plus haut statut, car elle donnait  la vie… Aujourd’hui, le capitalisme le plus abouti compte tout supprimer, au nom de l’individu.

« Vegan straight edge »

Les gens qui participent à La Terre d’abord! sont vegan straight edge. Ces termes ont un sens bien précis, ils sont nés dans une culture de contestation et d’exigence d’une morale positive.

L’expression « straight edge » provient des Etats-Unis, dans une frange de la scène punk. Le mouvement punk né en Angleterre rejetait le conservatisme et la pesanteur réactionnaire de la société, mais a rapidement sombré dans l’auto-destruction par manque de perspective.

Une scène « straight edge » est alors apparue comme sorte de mouvement punk acceptant le désengagement par rapport aux valeurs dominantes, sans toutefois basculer dans le refus nihiliste de la société.

Le premier groupe de musique emblématique fut, à partir de 1980, le groupe Minor Threat, groupe de musique dite « hardcore » dont l’une des chansons utilise l’expression « straight edge ».

Le « straight edge », c’est la voie droite, avec alors trois « X » symbolisant les refus de trois aspects destructeurs de la société : l’alcool, les drogues, les relations sexuelles en-dehors d’une relation durable.

A ce principe s’en ajouta un second dans la seconde partie des années 1980 : le végétarisme. Cette vague dite « de 1988 » fut portée par le groupe de musique Youth of Today, mettant en avant le principe du crew, c’est-à-dire de l’équipe, du collectif.

« Moi ! Toi ! L’équipe de la jeunesse !
Si la terre était plate j’aiguiserai les bords.
Je dédie mon coeur à la jeunesse positive.
Le X sur la main maintenant fais le serment
à la jeunesse positive, à la croissance positive,
aux esprits positifs, aux esprits purs et cleans.
Ce sont tous mes objectifs,
marche avec moi et mon crew »

Au début des années 1990 se produisit alors la troisième vague du mouvement straight edge, où cette fois le végétarisme fut remplacé par le véganisme.

Être straight edge était considéré comme allant de pair avec celui d’être vegan, dans une optique de remise en cause révolutionnaire de la société et d’engagement pour la libération animale par tous les moyens nécessaires.

Les groupes de musique jouant un rôle important dans la naissance de cette culture furent Vegan Reich, Refused, ou encore Earth Crisis, dont les paroles suivantes résument la philosophie :

Cette lutte acharnée, un apôtre de l’ordre qui doit être.
La nature sera laissée en paix, les animaux libérés.

La chanson « Firestorm » (« tempête de feu ») d’Earth Crisis devint également la chanson phare de la culture vegan straight edge.

Après cette vague des années 1990, qui fut surtout significative nationalement aux États-Unis et en Suède, la culture vegan straight edge a connu une phase de recul, tout en diffusant ses principes un peu partout dans le monde.

Il est temps de faire avancer cette culture à une nouvelle étape.

Michel Fize définit sa candidature à l’élection présidentielle

Tout récemment, nous parlions de Michel Fize voulant se présenter aux présidentielles.

Voici la présentation qu’il fait de sa démarche, dans une tribune dans le Huffington post. Michel Fize entend défendre le vivant, ce qui est bien, mais place de manière étrange les « animaux de compagnie » au coeur de la problématique.

En fait, il veut passer par là pour gagner les coeurs… Sauf que c’est là contourner la question de la rationalité, donc du véganisme.

Pour défendre les animaux, ma candidature à l’élection présidentielle

Nous, les hommes, de France et d’ailleurs, portons la responsabilité de la survie des espèces, et d’abord des espèces animales.

Comment, me dit-on ici ou là, pouvez-vous, vous, le sociologue sérieux, vous lancer dans pareille aventure ? Comment pouvez-vous être candidat aux plus hautes fonctions de l’Etat pour y défendre cette cause animale (jugée évidemment pas sérieuse du tout dans le microcosme politico-médiatique) ?

Manière polie pour ne pas me dire : n’avez-vous rien d’autre à faire que d’aller défendre les « bêtes »?

Mais il me plaît à moi, par cette candidature, de briser le silence face à la grande misère animale qui règne dans ce pays, de dénoncer les euthanasies que subissent les animaux de compagnie (100.000 par an), les abandons (100.000 encore), les maltraitances au quotidien dans les foyers jusqu’à la mort parfois, de briser le silence face à la souffrance des animaux d’élevage dans les abattoirs, le génocide des insectes (pollinisateurs ou non), la mise aux normes (industrielles) de tous les végétaux, pour ne citer que ces quelques exemples.

La cause animale, n’en déplaise au microcosme, est une juste cause, surtout, bien sûr, quand on sait la replacer dans la bonne perspective.

La cause animale n’est en réalité qu’une facette de la grande cause du vivant, de ce vivant, partout dans les sociétés, la nôtre en tête, malmené, tourmenté, raillé, oublié, de ce vivant qui comprend l’animalité proprement dite mais aussi cette humanité, qui est mise au ban, pauvre, précaire.

Embrasser le vivant, qui est un impératif, c’est rejeter ces coupures catégorielles : nature d’un côté, homme de l’autre, monde animal, au milieu peut-être de l’une et de l’autre ?

Nous affirmons aujourd’hui que l’Homme et le reste du monde vivant ont un destin commun, que les sociétés ne pourront réellement évoluer vers le progrès social, le « juste progrès » que si elles acceptent de porter la valeur fondamentale du « respect du vivant ».

Nous, les hommes, de France et d’ailleurs, portons la responsabilité de la survie des espèces, et d’abord des espèces animales, dont beaucoup sont aujourd’hui menacées d’extinction.

Nous pouvons agir, elles ne le peuvent pas. Notre devoir est de protection à leur égard. Le temps est fini où la menace d’un « dérèglement » du fonctionnement de la planète, par l’activité économique des hommes, était lointaine, virtuelle, impalpable. Cette menace est désormais concrète, visible et de plus en plus menaçante.

Nous, membres du « Parti pour les Animaux » (PPA), ne voulons pas d’une campagne présidentielle qui ignore la protection du vivant sous toutes ses formes. Nous ne voulons pas d’une campagne présidentielle qui ignore les défis écologiques, ces défis que nous ne pourrions que subir.

Nous ne voulons pas d’une société qui ignore la souffrance des animaux qu’elle élève. Une société qui nie le droit de l’animal au respect et au bonheur, mais aussi tout simplement à la vie, est une société qui s’apprête à renoncer au progrès réel : ce progrès social qui permet à l’humanité d’aller toujours vers une vie meilleure.

Nous ne voulons pas d’une écologie politicienne et réductrice qui ne s’intéresse qu’aux méfaits des machines sur la vie des hommes.

L’écologie naturelle, celle du vivant, ne peut faire l’économie de la protection aussi des animaux qui partagent nos vies, peuplent nos campagnes, errent dans nos montagnes, l’économie des droits des « bêtes ».

Notre société, inégalitaire, injuste, brutale, est devenue une grande société dépressive. La fonction des animaux de compagnie, surtout auprès des personnes en difficultés, est ici essentielle.

Une société pleinement vivante ne peut faire l’impasse sur l’importance de cette relation homme-animal. Les « sans domicile fixe », les personnes âgées ont souvent recours, on le sait, à l’animal pour ne pas souffrir de leur solitude.

De la même façon, les personnes en situation de handicap, les jeunes en détresse, peuvent utilement profiter d’une présence animale de tous les instants.

Les animaux portent les plus belles des valeurs : l’amour, la fidélité, le courage jusqu’à l’abnégation. Il nous faut aujourd’hui mieux organiser le partenariat avec eux, dans notre intérêt mutuel.

Autour de 25 propositions qui forment l’armature du programme du Parti pour les Animaux, que nous divulguerons le moment venu, nous entendons bâtir ce destin commun entre les hommes et les « bêtes », nous entendons avancer vers une société plus équitable, moins dure, ouverte vraiment à la différence.

Nous pensons possible et urgent de porter, politiquement, cette cause animale, cette « écologie du vivant ». Comme disait Auguste Comte, le monde est « un grand Tout » où chacun doit trouver sa juste place.

La politique est imparfaite, l’écologie, ou plutôt l' »EGO-logie », devrais-je dire, est imparfaite. Changeons l’une et l’autre. Quelle plus belle cause fédératrice que la cause animale !

Pierre Rabhi dit aux végans : « Bouffez un bifteck et soyez heureux! »

Pierre Rabhi est une figure de plus en plus médiatique ces derniers temps ; avec son air affable et ses origines algériennes, il permet de faire passer plus aisément une écologie tout à fait dans l’esprit des années 1930.

Extrêmement médiatisé, voici ses propos dans une interview accordée au Figaro, où il attaque de manière frontale le véganisme, de manière particulièrement agressive :

N’y a-t-il pas une nette évolution dans notre manière de nous nourrir?

Le bio est une manifestation du besoin des consommateurs de revenir aux produits sains. Le bio, c’est mieux que des plantes qui ont poussé sur des sols dénaturés, certes, mais est-ce un changement suffisant?

De l’alimentation, nous avons pris la substance mais pas la sémantique. Nous faisons le plein de nos estomacs comme celui de nos voitures, en oubliant le caractère sacré qui, historiquement, a toujours été associé à la nourriture.

L’écologie politique a aussi fait cette erreur.

Elle a oublié de nous dire que nous avons besoin d’une nature belle, mystérieuse et porteuse d’esprit. La nourriture doit aussi nous parler par le cœur, nous faire vibrer, car c’est grâce à elle et à la terre nourricière qui la produit que nous sommes vivants.

Il y a de plus en plus de produits sans gluten, sans protéines, sans lactose… Quel est votre regard sur cette tendance?

Parce que l’alimentation est devenue suspecte, elle entraîne des raidissements mentaux excessifs.

J’ai pu entrer dans des restaurants où la radicalité alimentaire était de mise et j’ai vu des gens tristes.

Je ne porte pas de jugement, mais j’ai parfois envie de dire: «Bouffez un bifteck et soyez heureux!»

La joie de dîner entre amis ou en famille est essentielle.Beaucoup de gens pensent que je suis végétarien, mais ça n’est pas le cas.

Ceux qui font ce choix ne doivent pas le vivre comme une contrainte, mais comme un élément nécessaire à leur bonheur. J’insiste sur un point: garder un état relaxé par rapport à la vie. Et c’est évidemment vrai pour la nourriture.

L’exploitation animale ? L’écocide planétaire ? Ce n’est pas grave, restons « relax », ce qui compte, c’est la convivialité par le retour à la terre.

Tout le reste est « radicalité », c’est-à-dire « révolution » et par conséquent, pour Pierre Rabhi et les bobos et grands bourgeois qu’il fréquente, le mal absolu !

L’argument de Pierre Rabhi – les végans sont tristes – n’a aucune originalité, c’est une vieille accusation, qui s’appuie sur la pression sociale terrible contre les individus aimant les animaux.

Et il est vrai que certaines personnes se complaisent dans une posture misanthrope, glauque. Cependant on peut avoir une option totalement différente positive…

Ce n’est pas le point de vue de Pierre Rabhi, qui préfère lui appuyer les pires valeurs conservatrices françaises, celles des années 1930 et du début des années 1940.

Et, fort logiquement, ça marche. Cet esprit réactionnaire de « retour à la terre », dans la logique bien française du pétainisme, a un grand succès.

Du côté de Pierre Rabhi, cela donne toute une mouvance et un phénomène d’édition. Son ouvrage de 2010 « Vers la sobriété heureuse » a par exemple été vendu à 315 000 exemplaires.

Le documentaire « Demain » sorti en 2015 et reflétant sa perspective a également fait un million d’entrées, remportant même un « césar » cette année.

Le co-réalisateur du documentaire est d’ailleurs Cyril Dion, porte-parole du mouvement de Pierre Rabhi, les « colibris ».

Participent à ce mouvement une collection de livres chez Actes sud (« domaine du possible »), un éco-village, une école, un centre de recherche et de formation, un magazine (« Kaizen »), etc.

Tout cela forme un immense groupe de pression travaillant l’opinion publique contre le véganisme et son universalité.

Cela, la ZAD, le discours sur le « bien-être animal », sans parler de l’extrême-droite… est en train de geler toute progression du véganisme en France, le terme étant déjà comme on le sait galvaudé de-ci de-là par les hipsters et les bobos.

C’est dire l’importance qu’il y a de rester à des valeurs morales strictes…

Un « secrétariat à la condition animale »

Et un manifeste de plus publié dans Le Monde, un de plus ! Et encore une fois il n’est pas accessible en ligne, étant réservé au lectorat du Monde !

Pour, encore une fois, prétendre défendre les animaux sans assumer le véganisme, juste pour contribuer à l’aménagement de l’exploitation animale…

Sauf qu’à force de publier de tels appels, ce mélange universitaire/hippie/religieux/intellectuel/journaliste se démasque chaque fois plus, puisqu’on voit bien qu’il est un simple accompagnement de la généralisation de l’exploitation animale à l’échelle mondiale…

L’appel a été signé « un collectif de personnalités », dont voici les « éminents » membres qui considèrent que le peuple est trop vil pour eux, le véganisme inabordable, et qui donc préfèrent publier dans Le Monde, ce qui est bien plus « chic ».

La « Convention sur la protection animale » de Marine Le Pen

Marine Le Pen, dans le cadre de sa campagne électorale, a tenu une « Convention sur la protection animale ».

En arrière-plan, il y a l’appui d’un collectif  dédié à ce sujet et valorisant Marine Le Pen (voir Le collectif Belaud Argos, rouleau compresseur du Front National).

C’est la seconde du genre, la première ayant eu trait à l’éducation. Elle a un agenda très complet, puisqu’il y a quelques jours, elle rendait visite au « sommet de l’élevage », à Cournon-d’Auvergne…

Lors de cette convention, dont la vidéo est postée ici un peu plus bas, Marine Le Pen est des plus subtiles. Elle fait mine d’accorder à la question animale une grande importance… tout en disant qu’il ne sera pas possible d’y parler pendant la campagne !

Une contradiction qui provient de sa position, intenable, puisque son noyau est celui des gens les plus réactionnaires, férus de chasse, sans parler de ses liens avec les milieux d’affaires, et donc l’exploitation animale.

Il lui faut donc se contenter d’ouvrir un espace, en espérant agglomérer autour d’elle une partie des gens de la protection animale. EELV ne tente pas autre chose ces derniers jours. On est dans les deux cas dans la tentative de récupération.

Marine Le Pen est toutefois plus subtile. Elle est plus lyrique, il y a davantage de travail en amont, elle a le sens de la formule. On a droit, par exemple, à une chose comme :

« L’absence de la question animale dans le débat public est pour moi le signe d’un angle mort de la réflexion écologique. »

C’est joliment tourné, tout à fait vrai, mais ne se situe dans aucune perspective réelle en ce qui la concerne. Elle explique elle-même qu’elle rencontre régulièrement les « professionnels de la viande » et son mot d’ordre reste, comme pour tout, le renforcement de l’État.

Il faudrait appliquer les lois, donner les moyens à l’Etat. C’est son discours systématique sur tous les thèmes et ici la protection animale devrait se mettre au service de cela.

Bien entendu, elle parle du halal et des abattoirs, surfant sur l’esprit réformiste à la L214 dans l’air du temps. Cependant, elle n’en reste pas là, elle tente d’appuyer la tendance « terroir ».

Les « paysans » sont donc présentés comme la base de la « conscience idéologique » française et la petite production est portée aux nues (de manière donc strictement parallèle ou équivalente des zadistes).

L’ennemi, ce serait la production « à l’américaine », la grande distribution. Rien de bien original ici, c’est exactement la même démarche idéologique que dans les années 1930.

De la même manière, d’ailleurs la vivisection est critiquée, mais sans être entièrement dénoncée : il s’agit, comme dans les années 1930 où ce thème existait déjà en Allemagne, de trouver un moyen pour se donner une image pro-animaux, tout en voyant les luttes concrètes possibles être le plus éloignées possibles…

De manière rassurante, Marine Le Pen a d’ailleurs conclu en parlant de la « zoothérapie ».

C’est très bien structuré, c’est totalement vide et les gens de la protection animale peuvent le voir aisément, d’ailleurs.

Le but est certainement de cibler les gens autour de la protection animale, éloignée des pratiques concrètes et de la connaissance du débat d’idées, en profitant de la dépolitisation du type Fondation Bardot et L214.

Doit-être vegan pour parler des animaux?

Avec ce qui semble être une émergence de la question des animaux dans l’opinion publique, beaucoup de monde prend la parole. Forcément, on peut penser que plus il y a de gens qui la prennent, mieux c’est.

Le problème est de savoir quelle légitimité il y a, justement, à ce que ces gens prennent la parole. Ou, si l’on préfère, la question est la suivante : doit-être vegan pour parler des animaux ?

Historiquement, il y a dix ans, il y avait grosso modo deux camps : la protection animale disait que ce n’est pas le problème, les vegans pensaient par contre que c’était nécessaire, tout en étant la plupart du temps pas d’accord sur l’approche nécessaire.

Il y a eu depuis tout une bataille pour faire passer les vegans pour des sectaires, en faveur du « végata*isme », etc., et elle a gagné dans les mentalités. Avant, on était fier d’être vegan et cela en faisait une ligne de démarcation absolument nette.

Aujourd’hui, l’idée que le véganisme est un saut qualitatif a disparu. La question des animaux est censée en quelque sorte flotter au-dessus de la réalité.

Voici deux exemples représentatifs et d’une certaine manière sympathiques, ce qui souligne d’autant plus la complexité de la question.

Voici tout d’abord Clément s’emmêle, un youtubeur qui se lance et qui essaie de donner un contenu de réflexion, un peu comme Norman aurait dû le faire s’il ne préférait pas l’option apolitique et commerciale.

La vidéo « Le lait c’est pas bon » révèle un vrai travail de recherche, un vrai effort de présentation de la réalité… Mais à la fin, au lieu de réfuter entièrement le lait, il y a un appel à la « modération » et au libre-choix individuel…

Comment faut-il alors évaluer la vidéo ? Faut-il reprocher la fin ou bien penser que la personne deviendra inévitablement végane ?

Voici un autre exemple. Michel Fize a été sociologue au CNRS et un compagnon de route de Robert Hue, jusqu’à il y a peu de temps, au sein du Mouvement des progressistes.

Traumatisé par la mort du chien qui partageait sa vie, il a décidé d’exprimer ce qu’il a ressenti et compris, dans un ouvrage publié en juin de cette année : Merci Will, et à bientôt.

Fort de cette compréhension de la dignité, Michel Fize se rue dans les aspects de la question, devient végétarien, se dit antispéciste, prend la parole pour défendre les refuges, dénoncer l’exploitation animale.

De manière plus pertinente encore, il parle de la Nature, allant jusqu’à la conception comme quoi il faut vivre en harmonie avec tous les êtres vivants.

Dans sa lancée, il va jusqu’à vouloir se présenter aux présidentielles !

Faut-il le considérer comme un doux-dingue même pas vegan, comme un égocentrique mégalomane faisant fi de l’histoire de la libération animale, comme quelqu’un portant un vrai effort de dignité ?

D’un côté, il est évident que tant Michel Fize et « Clément s’emmêle » ne sont pas végans ils portent une hypocrisie, un décalage entre ce qu’ils disent et ce qu’ils font. On ne peut pas défendre les animaux et assumer de faire du mal au nom de son propre confort.

De l’autre, ils portent quelque chose. Mais de quelle manière leur reprocher de ne pas aller assez loin, dans quelle mesure faut-il considérer que le camp du « bien-être » animal les a freinés, comment chercher à tisser des liens (ou pas) avec eux ?

Théorie du genre et « véganisme » individualiste

«Je n’imaginais pas que le Pape se laisserait embarquer par des intégristes et leur folie mensongère. Ça me met en colère. »

Voici l’expression feinte de colère de la ministre de l’Education, Najat Vallaud-Belkacem, invitée hier sur France Inter, à la suite des propos du pape François.

Voici ce que ce dernier avait dit :

«Ce que j’ai critiqué [samedi, ndlr] a dit François, est le mal qu’il y a dans le fait d’ériger la théorie du genre en doctrine. Un papa français m’a raconté qu’un soir, en famille (…).

Il demande à son fils de 10 ans: « que veux-tu faire quand tu seras grand?». «Etre une fille!» lui répond l’enfant.

Le papa s’était alors rendu compte que dans les livres du collège, on enseignait la théorie du genre. Ceci est contre les choses naturelles!

Pour une personne, une chose est d’avoir cette tendance, cette option, et même de changer de sexe, autre chose est de faire l’enseignement dans les écoles sur cette ligne, pour changer la mentalité. C’est cela que j’appelle la colonisation idéologique.»

Alors, existe-t-il vraiment une « théorie du genre » ? Bien sûr qu’elle existe. Développée dans les facultés américaines, avec comme base la théorie « queer », le mouvement de la « théorie du genre » nie la Nature et considère que toute définition est « normée ».

Il faudrait donc tout déconstruire. Ce courant de pensée est totalement dominant dans les milieux « antispécistes » liés à l’anarchisme, au point que certains d’entre eux avaient même fait une vidéo pornographique signée « Terre déviante », pour dénoncer La Terre d’abord ! qui pour ces gens est totalement réactionnaire, anti-trans, etc.

En effet, à partir du moment où nous reconnaissons la Nature, nous reconnaissons forcément la division hommes-femmes. Cela ne veut pas dire du tout que nous voulons, comme le pape, que les hommes et les femmes en restent à des rôles sociaux réactionnaires, n’ayant d’ailleurs rien du tout de naturel.

Mais, pour nous, le rapport au corps est celui de l’être, non de l’avoir. On « est » son corps, alors que les gens aliénés ou religieux (ce qui revient au même) pensent avoir un corps.

Le pape fait une critique hypocrite : lorsqu’il parle de choses naturelles, il veut dire naturelles selon Dieu, sauf que son Dieu n’existe tout simplement pas, n’ayant été qu’un prétexte masquant des intérêts humains.

Et dans cette domination de l’esprit chrétien où chacun à son « âme » et d’individualisme consumériste forcené, il y a des gens pour fantasmer que leur esprit se serait trompé de corps, qu’ils ne sont pas leur corps, que tous leurs problèmes viennent de là. Finies les questions sociales : tout passe par l’individu.

Tout partirait de l’individu, tout arriverait à lui. Tous les problèmes ne sont plus que personnels. Toute la société doit devenir une proposition d’offre et de demande.

Crowdfunding, prêts entre particuliers, burkini, Uber, livreurs à vélo, discours sur la légalisation du cannabis et de la GPA, définition des prostituées comme « travailleurs du sexe » : la tendance est à l’ultra-individualisme, à la négation de tout ce qui est universel.

Pour cette raison, le véganisme universel est combattu de manière frénétique, alors que le « véganisme » individualiste est hyper médiatisé, célébré depuis Madame Figaro jusqu’à Grazia, en passant par Le Monde ou Libération.

Il ne faut pas se voiler la face : si des projets comme L214 sont acceptés socialement, c’est qu’ils participent à la fragmentation de la société. Le capitalisme rêve de se développer au moyen de nouvelles consommations et que celles-ci relèvent du bouddhisme, de l’Islam ou de véganisme lui est totalement secondaire.

Le véganisme comme universalisme, voilà ce qui lui poserait un réel problème. Mais l’universalisme n’existe pas dans le véganisme actuellement, car ce sont les bobos, les hipsters, les bourgeois universitaires, la petite-bourgeoisie adeptes de modes faussement rebelles qui ont le dessus.

Voici ce que dit par exemple Antoine Comiti, président de l’association L214 Éthique et animaux, lors de son audition par la « Commission d’enquête parlementaire » dont nous parlions ces derniers jours.

« M. Antoine Comiti. S’agissant de la reconversion, nous le regrettons, mais nous ne serons pas tous végétariens demain : ce sont des évolutions qui se font sur un temps long – ce sont des évolutions culturelles. »

Le capitalisme adore ce principe de longueur, car comme il contrôle ce qui est produit, comme les institutions sont à son service, il peut profiter de toutes les tendances pour se renforcer, se réaménager.

L’antispécisme apparaît ici comme absolument rien d’autre qu’un individualisme de plus et au-delà du fait que cela n’arrivera à rien, il y a surtout le risque de plus en plus concret que les secteurs populaires rejettent le véganisme, n’apparaissant que comme un phénomène « mondialiste » de plus, que comme une contribution à la fragmentation de la société, à la dispersion par rapport aux vrais problèmes, etc.

Cela serait alors une double catastrophe : le véganisme serait un simple secteur de consommation et de distraction, et les gens à convaincre le mépriseraient en le réduisant à une aventure particulière, totalement éloigné de leur besoin d’universel, qu’ils trouveraient alors notamment dans la religion…

Les 65 « propositions » du rapport de la commission d’enquête parlementaire

Regardons quelles sont les « propositions » du rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les
« conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français ».

Il y en a 65, les voici et on peut voir que, naturellement, les animaux conservent entièrement leur statut de marchandises.

Proposition n°1 : Mettre en place un Comité national d’éthique des abattoirs.

Proposition n°2 : Organiser régulièrement des opérations de contrôle des conditions de transport des animaux par les services de gendarmerie.

Proposition n°3 : Soumettre à un agrément les fournisseurs de matériel d’immobilisation et d’étourdissement.

Proposition n°4 : Faire de l’adaptation aux espèces et aux gabarits des animaux la priorité dans la conception des couloirs, des boxes et des pièges.

Proposition n°5 : Rendre obligatoire la disponibilité sur Internet de modes d’emploi en français et dans la langue des salariés.

Proposition n°6 : Rendre obligatoire l’affichage du mode d’emploi des matériels à proximité du lieu de leur utilisation.

Proposition n°7 : Rendre obligatoire l’entretien journalier des matériels.

Proposition n°8 : Abaisser à 100 000 euros le seuil des dépenses éligibles à l’appel à projets « reconquête de la compétitivité des outils d’abattage et de découpe » pour le volet « projets structurants des filières agricoles et agroalimentaires » du programme d’investissements d’avenir.

Proposition n°9 : Limiter le nombre d’animaux en circulation dans l’abattoir en fonction de leur espèce.

Proposition n°10 : Renforcer les effectifs des opérateurs lors de la circulation des animaux.

Proposition n°11 : Rendre obligatoire l’utilisation de mentonnières pour l’application des pinces à électronarcose.

Proposition n°12 : Installer des témoins lumineux pour l’application des pinces à électronarcose.

Proposition n°13 : Étudier les enjeux financiers d’une généralisation de l’étourdissement par gaz pour les volailles et le recours au programme d’investissements d’avenir.

Proposition n°14 : Intensifier les recherches sur un étourdissement par gaz moins aversif et plus efficace pour les porcs.

Proposition n°15 : Mieux sensibiliser les opérateurs et les contrôleurs à l’étape du contrôle de l’étourdissement.

Proposition n°16 : Développer la recherche sur des systèmes automatisés de contrôle de l’étourdissement et, le cas échéant, les mettre en place en plus du contrôle de l’opérateur.

Proposition n°17 : Faire adopter d’urgence un guide des bonnes pratiques pour chacune des espèces abattues en France.

Proposition n°18 : Annexer aux guides des bonnes pratiques des modèles types de modes opératoires normalisés.

Proposition n°19 : Renforcer les contrôles de l’existence, du contenu et de la maîtrise des modes opératoires normalisés au sein de chaque abattoir.

Proposition n°20 : Développer les recherches sur l’étourdissement réversible chez les ovins et les bovins.

Proposition n°21 : Procéder à une évaluation du dispositif de traçabilité et en améliorer le fonctionnement, en particulier préciser le volume des abats abattus rituellement.

Proposition n°22 : Encourager la communauté juive dans sa réflexion sur l’utilisation des parties arrières de l’animal abattu rituellement.

Proposition n°23 : Poursuivre le débat avec les communautés religieuses et les scientifiques au sein du comité national d’éthique des abattoirs.

Proposition n°24 : Modifier l’article R. 214-74 du code rural pour préciser que l’étourdissement réversible et l’étourdissement post-jugulation sont possibles en cas d’abattage rituel.

Proposition n°25 : Suivre avec attention l’expérimentation d’un abattage à la ferme menée en Suisse et procéder à son évaluation.

Proposition n°26 : Soutenir à titre expérimental la mise en service de quelques abattoirs mobiles.

Proposition n°27 : Inciter les exploitants des petits abattoirs à s’inspirer de l’accord collectif de branche relatif à la pénibilité pour améliorer les conditions de travail des opérateurs.

Proposition n°28 : Développer l’ergonomie des postes et associer les travailleurs concernés à leur définition.

Proposition n°29 : Développer la recherche sur les exosquelettes.

Proposition n°30 : Sensibiliser les personnels encadrant et la direction des abattoirs aux problèmes psychiques des travailleurs.

Proposition n°31 : Créer des groupes de parole ou des cellules psychologiques au sein des abattoirs.

Proposition n°32 : Imposer l’abattage d’un tonnage maximum par opérateur.

Proposition n°33 : Rendre obligatoire, dans les abattoirs de plus de 50 salariés, la rotation des travailleurs sur les postes de travail.

Proposition n°34 : Compléter la formation exigée pour l’obtention du certificat de compétence par une réelle formation pratique.

Proposition n°35 : À l’occasion du prochain renouvellement quinquennal des certifications, soumettre les opérateurs à une nouvelle évaluation.

Proposition n°36 : Profiter du prochain renouvellement des certificats pour relever le niveau des questions.

Proposition n°37 : Afin de permettre l’assimilation des connaissances, déconnecter le temps de formation du moment de l’évaluation.

Proposition n°38 : Créer plusieurs échelons de distinction des opérateurs obtenant le certificat, en fonction de leur résultat à l’évaluation.

Proposition n°39 : Accélérer la reconnaissance des certificats de qualifications professionnelles dans le répertoire national des certifications professionnelles.

Proposition n°40 : Inciter les exploitants d’abattoirs à classifier les postes.

Proposition n°41 : Inciter les exploitants d’abattoirs à développer le tutorat entre opérateurs.

Proposition n°42 : Renforcer la formation des personnels encadrants à la gestion des personnels, à la maîtrise des risques psychiques et au bien-être animal.

Proposition n°43 : Prévoir, sous le contrôle de l’État, une formation pratique des sacrificateurs et subordonner l’agrément religieux à la détention établie de cette compétence technique.

Proposition n°44 : Porter la formation par catégorie majeure d’animaux supplémentaire à une durée de 4 heures, et la formation par catégorie mineure d’animaux supplémentaire à une durée de 2 heures, ces temps supplémentaires devant être consacrés à une formation pratique in situ.

Proposition n°45 : Instituer la règle que le deuxième essai pour les candidats qui ont échoué à la première évaluation n’intervienne pas immédiatement après le premier essai et qu’il soit décalé dans le temps.

Proposition n°46 : Créer plusieurs échelons de distinction des opérateurs obtenant le certificat, en fonction de leur résultat à l’évaluation.

Proposition n°47 : S’assurer que la présence d’un responsable protection animale soit généralisée à l’ensemble des abattoirs du territoire français.

Proposition n°48 : Généraliser la création de réseaux de RPA à l’ensemble des abattoirs français.

Proposition n°49 : S’assurer de la prise en compte spécifique des lanceurs d’alerte en abattoir dans la loi Sapin actuellement en discussion.

Proposition n°50 : Augmenter le recrutement de vétérinaires et de techniciens supérieurs du ministère de l’agriculture pour les affecter en abattoirs

Proposition n°51 : Renforcer la formation en protection animale en abattoirs des services vétérinaires, titulaires et vacataires.

Proposition n°52 : Pour les abattoirs de boucherie de plus de cinquante salariés, rendre obligatoire la présence permanente d’un agent des services vétérinaires aux postes d’étourdissement et de mise à mort. En dessous de ce seuil, renforcer leur présence à ces postes.

Proposition n°53 : Réorganiser les deux vadémécums d’inspection des abattoirs en créant un chapitre spécifique aux points de contrôle de la protection animale.

Proposition n°54 : Prévoir une fréquence plus importante d’audits pour les établissements en non-conformité moyenne ou majeure.

Proposition n°55 : Créer une brigade bien-être animal avec les référents nationaux abattoirs (RNA) et les agents de la Brigade Nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) et doubler le nombre de ces agents.

Proposition n°56 : Alourdir les sanctions prévues en cas d’infraction à l’article R. 215-8 du code rural et de la pêche maritime en prévoyant des amendes de 5e classe et la requalification en délit des cas de récidive

Proposition n°57 : Sensibiliser les parquets aux actes contrevenant au bien-être animal.

Proposition n°58 : Modifier l’article 2-13 du code de procédure pénale relatif à la constitution de partie civile des associations afin d’y inclure les infractions pénales relevant des dispositions du code rural.

Proposition n°59 : Encourager les exploitants d’abattoir à conclure des partenariats avec une ou plusieurs associations de protection animale de leur choix dont la légitimité est avérée.

Proposition n°60 : Autoriser les parlementaires à visiter les établissements d’abattage français de façon inopinée, éventuellement accompagnés de journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle.

Proposition n°61 : Créer un comité local de suivi de site auprès de chaque abattoir, réunissant des élus locaux, l’exploitant et les représentants des salariés de l’abattoir, des éleveurs, des services vétérinaires, des bouchers, des associations de protection animale, des associations de consommateurs et des représentants religieux dans la mesure où il est pratiqué un abattage rituel

Proposition n° 62 : Rendre obligatoire l’installation de caméras dans toutes les zones des abattoirs dans lesquelles des animaux vivants sont manipulés.

Proposition n°63 : Ouvrir à la négociation collective la possibilité d’utiliser la vidéo comme outil de formation.

Proposition n°64 : Interdire dans la loi l’utilisation de la vidéo pour toute autre finalité que le bien-être animal et la formation.

Proposition n°65 : Aider financièrement les petits abattoirs pour l’installation des caméras.

« L’implication croissante des citoyens en matière de bien-être des animaux »

Dans le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les
« conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français », on trouve un long article traitant de « l’implication croissante des citoyens en matière de bien-être des animaux ».

C’est un passage capital, pour de multiples raisons. Déjà, car il témoigne de l’opposition entre le particulier et l’universel : si le véganisme est universel et concerne tous les animaux, y compris ceux vivant de manière sauvage, on a ici affaire à une réduction à une question morale-existentialiste se réduisant aux abattoirs.

Ensuite, et c’est la conclusion du choix « particulariste », les associations impliqués à différents niveaux dans la commission s’assument entièrement comme relevant de la « protection animale ». On est ici dans un réformisme assumé, dans un cadre institutionnel. Il est important de le voir pour démasquer des prises de position « radicales » masquant une convergence avec l’exploitation animale se modernisant.

Enfin, et c’est peut-être le plus grave, on a ici une démarche « sociétale », par conséquent totalement anti-démocratique. Les associations mentionnées ici sont des structures aux contours flous, non militants, relevant d’un activisme visant des individus en tant que « consommateurs ».

Elles sont par conséquent auto-centrées et velléitaires, s’auto-intoxiquant dans un triomphalisme auto-justificatif.

La population française bascule de plus en plus dans l’individualisme, les valeurs ultra-conservatrices, l’indifférence se généralise massivement, les refuges sont au bord de l’effondrement, et là des associations prétendent qu’il y aurait un « engagement », une « implication croissante », alors que c’est une simple tendance existentialiste sans aucun fond progressiste ni concret, ni ancré dans le réel…

b. L’implication croissante des citoyens en matière de bien-être des animaux

Cette sensibilité croissante des Français se retrouve dans leur implication au sein des associations de protection animale.

Ce que confirme M. Antoine Comiti, président de l’association L214 éthique et animaux : « Notre association compte 14 000 adhérents, 230 000 personnes sont abonnées à notre lettre d’information et, dans quelques jours, 500 000 personnes suivront nos actualités sur Facebook.

Notre budget s’élevait l’an dernier à environ 1 million d’euros.

Ces chiffres doublent chaque année depuis plusieurs années, ce qui nous semble révélateur d’un intérêt croissant de nos concitoyens pour la question animale en général, et la question des animaux d’élevage en particulier. »

M. Alain Pittion, membre du conseil d’administration de la Confédération nationale des sociétés protectrices des animaux de France (CNSPA) a confirmé cette tendance : « Si nos associations sont connues pour la défense des animaux de compagnie, elles n’oublient pas les animaux de rente. Nos adhérents sont de plus en plus sensibilisés à cette question. »

Non seulement les citoyens français sont plus sensibilisés à la condition des animaux d’élevage, mais les associations de protection animale consacrent de plus en plus de leur travail à la problématique des animaux d’élevage.

En effet, des associations et fondations de protection animale traditionnellement consacrées essentiellement aux animaux de compagnie se mobilisent de plus en plus pour le bien-être des animaux de rente.

C’est que ce qu’exprime M. Jean-Pierre Kieffer, président de l’OABA : « L’Œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoir que je préside existe depuis 1961 et a été reconnue d’utilité publique en 1965, voilà un peu plus de cinquante ans.

Cette association a été la première à être spécialisée dans la protection des animaux de boucherie.

Elle a pendant longtemps été la seule à s’en préoccuper et nous nous réjouissons que d’autres organisations se soucient désormais de la protection des animaux que l’Homme destine à sa consommation ».

Cette multiplication et diversification des associations de protection animale s’inscrit en réponse à une forte demande sociétale, qui, de fait, se retrouve dans l’ensemble de l’Union Européenne et qui manifestement est liée au mouvement global des consommateurs qui recherchent un lien avec les conditions de production des produits consommés.

Laurence Abeille et sa « contribution » au sujet des abattoirs

A la fin du rapport de la Commission d’enquête parlementaire dont nous parlons en ce moment, on trouve des contributions. Voici celle de Laurence Abeille, député d’EELV et signataire du petit manifeste dont nous parlions hier, consistant en une OPA d’EELV sur la question animale.

L’idée est aussi de soutenir la candidature de Yannick Jadot – lui-même proche de Laurence Abeille et signataire du « manifeste – pour être candidat EELV aux présidentielles.

La contribution de Laurence Abeille a ceci de typique qu’on y retrouve cette contradction morale, théorique et pratique : comment assumer le réformisme, alors que ce qui le justifie, la situation des animaux, l’interdit par définition ?

Et – ce qui rend sa « contribution » hypocrite, lâche, mensongère – elle exprime ses contradictions au sein d’une contribution qui s’oppose par définition à la défense des animaux, puisqu’il s’agit d’une commission d’enquête pour améliorer les abattoirs !

Tout d’abord, je voudrais saluer le travail de la commission, de son président et de son rapporteur qui ont présenté dans leur rapport un ensemble de préconisations que je pense utiles pour éviter les scandales qui ont été dénoncés par l’association L214.

Toutefois, je souhaite par cette contribution insister sur deux points que le rapport, de mon point de vue, n’a pas suffisamment pris en compte : l’absence de nécessité à consommer de la viande, et la psychologie de l’homme au moment de la mise à mort de l’animal dans l’abattoir.

Lors de son audition, Florence Burgat, philosophe et directrice de recherche à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) expose la démarche philosophique qui consiste à « mettre au jour des fondements que l’ordinaire des pratiques masque, faisant passer pour allant de soi ce qui n’est pas nécessairement légitime ».

Elle apporte ainsi des éléments essentiels quant au questionnement sur le bien-fondé de la consommation carnée. Elle relève que la mise à mort des animaux en vue du plaisir pris à la consommation de leur chair ne  peut être tenue comme allant de soi. « Les arguments en faveur de la boucherie, dans un contexte où la nécessité ne pe
ut pas être invoquée (…) sont moralement très faibles. La balance entre le plaisir gustatif de l’un, obtenu par la mort de l’autre est grandement déséquilibrée ».

Florence Burgat explique « soit on pense le problème à l’intérieur du cadre réglementaire en vigueur et l’on tient, sans examen, pour légitime ce qui est légal, on s’interdit alors de comprendre pourquoi certains remettent en cause la boucherie et l’on cantonne le problème à des dérives ou à des aspects techniques ; soit on s’interroge depuis les fondements sur la légitimité de la boucherie et l’on se demande alors s’il est juste de faire subir aux animaux ce que nous leur faisons
subir, c’est-à-dire le pire – de quel droit, en l’absence de nécessité, assimilons-nous les animaux à des ressources transformables ou à des biens dont l’usage implique la destruction ?

Ajoutons que jamais nous n’avons fait souffrir et tué autant d’animaux qu’aujourd’hui alors que jamais nous n’avons eu moins besoin des animaux pour notre survie ou pour notre développement. »

Florence Burgat poursuit : « C’est sur le caractère à la fois ancien et pérenne de l’interrogation sur la légitimité même de l’abattage des animaux que je voulais appeler votre attention. Non, cette préoccupation n’est pas le fait d’étranges groupuscules qui puisent dans des sources occultes ; il s’agit bien d’une question philosophique et morale que seule l’ignorance de l’histoire des idées peut ranger au magasin des bizarreries. »

En ce qui me concerne, l’audition de Florence Burgat a eu le grand mérite de s’interroger sur les fondements de la légitimité à tuer, en l’absence de nécessité pour se nourrir.

Catherine Rémy, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) a, pour sa part, apporté de nombreux éléments quant aux aspects sociologiques et ethnologiques des rapports entre les hommes et les animaux. Les enquêtes qu’elle a menées au sein des abattoirs ont permis de saisir, sur le terrain, les enjeux de la question animale avec celles des frontières de l’humanité.

Elle relève que, fondamentalement, il existe « un milieu très spécial à l’abattoir qui se caractérise notamment par un rapport violent à la mise à mort et à l’animal. De nombreux visiteurs décrivent un univers difficile, brutal ». C’est à travers la description de cet univers que l’étude de cette sociologue est intéressante. Elle a pu observer ce qu’elle appelle une culture du combat : « quand les animaux sont dociles, les travailleurs tuent avec détachement. Mais, très souvent, lorsqu’un animal résiste alors les travailleurs peuvent user de la violence, une violence non seulement verbale, mais physique ».

Cette dualité de situations s’inscrit dans un environnement professionnel qui ne permet pas aux travailleurs d’exprimer une compassion vis-à-vis de l’animal. En effet, comment serait-il humainement possible de demander à un ouvrier d’éprouver une quelconque compassion pour un animal qu’il doit tuer ? Elle souligne, alors, à quel point il serait difficile de transformer les ouvriers d’abattoir en « bons euthanasistes pleins de compassion ».

Catherine Rémy précise : « On a voulu penser l’abattoir comme une usine traditionnelle et, au fond, réduire l’animal à de la matière ; mais l’animal résiste, se rappelle à nous et se rappelle au tueur en résistant. J’ai constaté que ces moments sont très troublants pour les hommes et que c’est alors qu’on voit apparaître une violence. »

« On voit aussi des moments où l’animal résiste (…) si bien que même si l’ouvrier veut accomplir son geste le mieux possible, cela lui est difficile. Bref, il y a bien une résistance du vivant. »

Les apports de l’audition de Catherine Rémy méritent d’être relevés. Ils permettent de mettre en avant un aspect spécifique du métier d’abatteur, le plus souvent ignoré, la confrontation avec la résistance d’un être vivant qui ne veut pas mourir. En saisissant les caractéristiques de la relation du tueur avec l’animal, de véritables questionnements de fond se posent sur cette situation de violence
inévitable.

Le rapport montre que la France possède les connaissances scientifiques et techniques nécessaires afin d’éviter toute souffrance inutile, mais qu’elles ne sont pas suffisamment appliquées. Pour autant, je souhaite rappeler que la mise à mort d’un animal consiste obligatoirement en une souffrance, ce qui entre en contradiction avec la notion même de respect du bien-être animal.

Tel est le sens de ma contribution, souhaiter replacer ce rapport dans un contexte où l’animal tué est un être vivant qui refuse de mourir, et par ailleurs rappeler que nous pouvons nous orienter vers une alimentation de moins en moins carnée, voire nous en passer complètement.

EELV lance une OPA sur la question animale

Avant de continuer de parler des mesures proposées par la commission d’enquête parlementaire « sur les conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français » jetons un oeil sur un étrange manifeste qui vient d’être publié.

Son titre se voulant philosophique est « Le rapport à l’animal est notre rapport au monde », ses auteurs étant Yannick Jadot, Pascal Durand  et Laurence Abeille d’EELV, ainsi qu’Allain Bougrain Dubourg.

On notera que Laurence Abeille a fait partie de ladite commission, qui est d’ailleurs le prétexte à ce manifeste. Pour la première fois, EELV aborde la question animale : jamais cela n’a été le cas auparavant.

Voyant qu’il faut bien affronter le problème, EELV s’appuie sur la commission, tenant un discours plus ou moins à la zadiste, afin de se proposer comme aire d’accueil pour les personnes engagées dans la cause animale.

C’est une OPA pure et simple, un coup politique éhonté. C’est flagrant : jamais EELV n’avait abordé jusque-là la question, et là il est expliqué que « la question de notre rapport aux animaux n’est pas qu’un sujet politique parmi d’autres, elle est un projet de société en soi »…

C’est ignoble, tout simplement.

Le rapport à l’animal est notre rapport au monde

L’animal, sa sensibilité et ses souffrances ont fait une entrée fracassante dans le débat public avec la diffusion des vidéos de l’association de protection animale L214, mettant en lumière le sort réservé aux animaux dans les abattoirs en France.

Les réactions, nombreuses dans la société, ont conduit à une prise de conscience très forte et à un rejet grandissant des conséquences de certaines activités humaines sur le vivant dans son ensemble. Cette indignation, grâce la mobilisation de la société civile, nourrit la demande toujours plus pressante d’action politique en faveur du bien-être animal.

À ce titre, la création de la première commission d’enquête parlementaire sur les conditions d’abattage en France révèle un début de reconnaissance de la condition animale comme sujet politique à part entière.

Cette commission eut le mérite de mettre en lumière les dysfonctionnements graves qui existent dans des abattoirs, lieux totalement fermés et cachés; et d’interroger des aspects plus fondamentaux du lien que les sociétés humaines entretiennent avec le vivant.

Elle doit aussi être l’occasion de mettre en perspective et en débat l’étendue du sort que nos sociétés réservent aux animaux, des abattoirs aux conditions d’élevage, en passant par le transport, le trafic d’espèces sauvages, le commerce international, la pêche en eaux profondes, la chasse, la corrida ou les expérimentions animales.

L’affaire des abattoirs en France est en effet l’illustration d’un système global. Celui d’abord de quelques grands groupes industriels et agro-alimentaires, tenants d’une industrialisation sans limite, pour qui la nature et le vivant ne seront jamais que des ressources économiques, des produits à exploiter au service d’une rentabilité financière devenue insensée. Celui surtout de leur incapacité à penser l’animal comme un être vivant à part entière, sensible et souffrant.

Pourtant, lorsqu’on est doté d’une conscience, que vaut un chiffre d’affaire, un bénéfice, un profit en regard d’une douleur injustifiée, du mépris de la vie, du respect dû à tout le vivant?

Alors que nous vivons la 6ème extinction animale de masse, que les espèces présentes sur terre disparaissent 100 fois plus vite que par le passé, que l’exploitation animale détériore chaque jour notre planète et hypothèque la vie humaine, il est tout simplement vital, au sens premier du terme, de repenser notre rapport au vivant et de l’inscrire au cœur de notre action politique.

Depuis 2009, les Traités européens reconnaissent les animaux comme des êtres sensibles, mais c’est toujours à la faveur de mobilisations citoyennes que les victoires ont pu être arrachées.

C’est parce que les consommateurs, les associations et les ONG ont agi que nous réussirons à interdire le chalutage en eaux profondes et préserver une partie de la biodiversité marine, c’est grâce aux mobilisations citoyennes que nous pouvons à la fois remettre en cause les subventions accordées aux corridas, à faire passer l’animal avant notre divertissement et à ne plus considérer comme allant de soi les numéros de dressage dans les cirques ou l’exposition d’animaux dans les parcs zoologiques, que nous pouvons faire reculer l’univers concentrationnaire de l’élevage industriel, c’est parce que nous pouvons nous appuyer sur les milieux scientifiques qu’il est possible d’interdire des expérimentations animales à des fins mercantiles.

Dès lors, ce mouvement ne doit pas s’arrêter, il doit s’amplifier.

Pour nous, écologistes, la question de notre rapport aux animaux n’est pas qu’un sujet politique parmi d’autres, elle est un projet de société en soi, elle est le marqueur de notre rapport au monde et fondamentalement, de notre vision de l’humanité.